Quoi qu'on en dise, Netflix est toujours omniprésent au festival de Cannes. Cette année encore, s'il n'a pas présenté de films en compétition officielle, il a raflé la mise sur le Marché du film - les coulisses du Festival, au moins aussi importantes que les marches, là où se vendent les droits des films.
La semaine dernière, le géant américain du streaming vidéo a acquis très discrètement les droits de diffusion exclusifs pour l'Amérique du Nord et le Royaume-Uni du dernier film de Jacques Audiard, Emilia Peréz. Et ce plusieurs jours avant l'annonce du palmarès, où ledit film figurait déjà parmi les favoris. Justement, le dernier film du cinéaste français avait eu droit à une standing ovation de 11 minutes lors de sa première mondiale au Palais des Festivals, la semaine dernière. Et le film en compétition, donné parmi les favoris dans la course à la Palme d'or, a finalement décroché le Prix du jury ainsi qu'un prix commun d'interprétation pour l'ensemble de ses actrices.
'Emilia Perez' uniquement sur Netflix au UK et aux Etats-Unis
La prise de Netflix est de taille: la comédie policière musicale en langue espagnole, avec Karla Sofía Gascón, Selena Gomez, Zoe Saldaña et Édgar Ramirez, a été un des films les plus remarqués cette année à Cannes, avec plusieurs distributeurs américains en lice pour décrocher les droits du film. Finalmeent, Netflix en a acquis les droits pour les US et le UK, pour 12 millions de dollars, selon des médias américains. Contactée par mes soins, la firme en 'N' rouge n'a pas voulu commenter, minimisant sa présence au Marché du Film, qu'elle estime «habituelle».
Son acquisition n'a rien d'anodin: dans ces deux pays, le prochain Jacques Audiard ne sortira pas en salles dans de scondtions normales (même si Netflix organisera probablement de rares projections événementielles dans les rares salles de cinéma qu'il possède, tel The Egyptian Theater à L.A., dont je parlais dans ce billet). Seuls les abonnés US et UK de Netflix pourront le voir - et donc seulement sur sa plateforme. La firme reste ainsi fidèle au mantra de son fondateur, Reed Hastings: réserver à ses seuls abonnés des contenus acquis ou produits par Netflix.
A côté de cela, CDC United Network a acquis les droits du film pour l'Amérique latine, et le distributeur tricolore Pathé a pré-acheté le titre pour les territoires francophones. Il sortira en France le 28 août.
Netflix a aussi créé la surprise en acquérant les droits mondiaux du film Monsanto de Glen Powell, qui compte Laura Dern et Anthony Mackie au casting, dans le cadre d'un accord évalué à 34 millions de dollars. Ce qui fait de cette acquisition l’une des plus importantes de Cannes cette année.
Un film juridique comme les affecte Hollywood (qui n'est pas sans rappeler Erin Brokovich), basé sur l'histoire vraie d'un avocat novice qui s'en est pris au géant américain de la chimie sur le désherbant Roundup "sans danger".
Le seul autre streamer à avoir bouclé un gros deal à Cannes cette année, à côté, a été Apple, qui a acquis les droits de Tenzing, l'histoire vraie du Sherpa Tenzing Norgay, qui fut le premier à gravir le Mont Everest avec Edmund Hillary.
Rappelons que Netflix 'boycotte' la compétition officielle du festival de Cannes depuis plusieurs années, comme je le détaillais dans mon livre. Les organisateurs du Festival ont édicté une règle simple: les films voulant figurer en compétition officielle doivent sortir en salles - dans des conditions normales (et non pour une poignée de projections). Des conditions que Netflix refuse, contrairement à ses concurrents Apple et Amazon comme je le racontais ici l'an dernier. Cannes est d'ailleurs le dernier festival au monde à résister avec de telles règles (ce que je trouve infiniment courageux).
Alors, bien sûr, on peut voir dans ces acquistions par Netflix de droits de films une sorte de pied-de-nez au festival "du vieux monde" par l'acteur de l'audiovisuel "du novueau monde" qu'est Netflix. Ou cela préfigure l'évolution inéluctable des modes de consommation du cinéma.