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jeudi 21 mars 2013

Robots-tondeuses, aspirateurs, majordomes, de surveillance, et bientôt nurses... Des robots dans notre quotidien demain ?

Grands, petits, à roulettes, noir et blanc ou multicolores, blocs fonctionnels, jouets ou humanoïdes parfois très réalistes... Il n'était pas rare de croiser des robots dans les travées du salon Innorobo, qui se tient du 19 au 21 mars à Lyon. Un véritable salon dédié aux robots, ou des start-ups ou grosses entreprises, venues de Lyon, Evry, Barcelone, de Corée du Sud ou du Japon exposaient leurs derniers joujoux. Car c'est sûr, pour les professionnels de ce secteur, la robotique de services sera le point d'entrée des robots dans notre quotidien. J'en ai déjà parlé dans ce billet, ici, ou encore ici : au-delà des fantasmes alimentés par le science-fiction, c'est bel et bien un secteur économique qui émerge. On ne serait pas loin de la robolution préconisée par Bruno Bonnell, ex-médiatique patron d'Infogrames, qui a créé en 2006 Robopolis, start-up devenue une grosse entreprise de distribution de robots.

Plusieurs types de robots de services émergent: robots au service des personnes âgées, robots de surveillance, robots de présentation, robots-tondeuses, robots laveurs de vitres, robots-jouets pour enfants, et même des robots au centre de jouets éducatifs...

Robots-majordomes

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Photos Capucine Cousin - Tous droits réservés

Il y a déjà le FutureRobot de la société coréenne Furo, robot-majordome qui roule dans les travées, s'arrête automatiquement devant vous, avec cet étrange visage féminin affiché sur un écran en guise de tête. On interagit avec lui via l'écran tactile apposé sur le buste, qui permet d'y consulter directement des informations. Il est destiné aux événements, salons et musées, et pour des prestations de téléprésence.

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Autre robot-majordome, Reem, développé par la start-up barcelonaise PAL Robotics, destiné aux universités, musées et événements. Il vous parle spontanément - dans une des trente langues qu'il maîtrise - et vous propose de taper votre nom sur l'écran tactile dont il est doté. La même voix suave vous explique que, grâce à son système de reconnaissance faciale, il pourra ensuite vous reconnaître et prononcer votre nom, tout en affichant votre visage sur son écran Troublant... Plus étrange encore, ce visage à forme humanoide doté d'une paire d'yeux, où les concepteurs ont poussé le mimétisme jusqu'à y reproduire des pupilles, qui semblent vous dévisager...

Robots-tondeuses, sentinelles...

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Dans cette génération de robots de services, le géant américain iRobot, lui, mise sur les robots de services quotidiens. "Ce sont ces robots de services qui vont faire entrer les robots dans les foyers", assure Bruno Bonnell. De fait, après les Roomba, premiers robots-aspirateurs à être devenus un succès grand public, il lance en France cette année les robots-nettoyeurs de piscine, les robots-tondeuses, comme Tuscania, conçu par la start-up israélienne Robomow. On voit aussi apparaître des petits robots pour nettoyer la piscine, les gouttières, les vitres...

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Autre créneau prometteur, les petits robots de surveillance pour entreprises. Plusieurs start-ups exposaient ainsi des robots 'rondiers", munis d'une petite caméra, destinés à assurer la surveillance dans les entrepôts, comme ce mini-tank, dévoilé par la start-up barcelonaise Robotnik, ou l'e-vigilante, développé par la start-up française Eos Innovation.

Robots ludo-éducatifs, jouets

Nao

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Avec les petits Nao, on arrive là dans la catégorie des robots qui ressemblent presque à des jouets. Ne sont-ils pas (presque) émouvants, avec leur petite bouille, leurs yeux ronds ? Ils peuvent vous parler, chanter, raconter une histoire, danser... Et même conduire une voiture. C'est une des grosses start-ups françaises, Aldebaran Robotics, qui en est à l'origine. On avait beaucoup parlé d'elle au printemps dernier, lorsqu'elle avait levé 100 millions d'euros auprès d'un fonds d'investissement... japonais.

Certes, ils ne sont pas encore en vente auprès du grand public. Mais avec un prix de vente d’entrée de gamme à 3 600 euros, pourraient-ils devenir les jouets de demain ? Car ces joujoux pourront devenir de véritable robots de services avec des fonctionnalités sur mesure, grâce à la boutique d’applications, sur le modèle de l'Appstore d'Apple, qu'Aldebaran développe, avec une communauté de développeurs. On en compte déjà une centaine, dont certaines élaborées avec des entreprises dans la santé, la domotique...

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Demain, ce sont aussi les robots-jouets et robots éducatifs qui entreront dans les foyers et les écoles. Ce qu'ont bien compris les start-ups coréennes. Avec par exemple cet ensemble ludo-éducatif, les smart robots Albert, qui cumule dock pour smartphone, appstore dédié, cartes de jeu scannées par le smartphone, une nouvelle génération de livres-jeux interactifs et un stylo intelligent... La génération de demain des jouets? En tous cas, ce jeu devrait débarquer cette année en France pour 200 euros.

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Il y a aussi ces sortes de Lego version sud-coréenne, les Robotron, des packs avec briques de jouets et système électrique, qui permettent de construire soi-même ses jouets-robots, qui peuvent même danser (je vous renvoie à ma petite vidéo). Ils sont destinés aux écoles, mais sont déjà en vente dans les grandes surfaces sud-coréennes...

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Tout comme le constructeur coréen Robotis dévoilait ses robots-jouets, inspirés de l'univers des dessins animés et des mangas.

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Troublant aussi, ce robot humanoïde, né du projet européen de R&D iCub, une plateforme open source de recherche sur la robotique humanoïde et les sciences cognitives, initiée par l'Institut italien de technologies. Son visage mime les expressions d'un enfant de 3 ans. Et voir la dextérité avec laquelle il saisit une balle...

Alors bien sûr, tous ces robots ont des fonctions très précises. Pour la plupart, leur fonction, mais aussi leur apparence, leur design, les cantonne à des machines rassurantes qui remplissent une mission simple. Reste à voir si, demain, nous accepterons des robots pouvant remplir des tâches plus complexes, où ils devront être capables de comprendrais les émotions des humains et y répondre, comme une nurse ou un robot d'assistance aux personnes âgées...

dimanche 13 janvier 2013

Robopocalypse, récit d'un putsch des robots

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Des machines devenues indispensables, des GPS des téléphones portables aux voitures à pilotage automatique, en passant par les robots-nurses, les robots-jouets pour enfants, ou jouets sexuels pour adultes esseulés (les love dolls), les robots de manutention... Ils se nomment Big Happy, Super Toy, Sappy, sont devenus omniprésents dans nos vies, nos foyers.

Et si les robots pouvaient se soulever, tenter de prendre le pouvoir dans un putsch parfaitement organisé ? C'est ce qu'a imaginé dans son premier livre, Robopocalypse (ed. Fleuve Noir), Daniel H. Wilson, 34 ans, chercheur en intelligence artificielle,

Blockbuster Sci Fi

Certes, le sujet est omniprésent dans la science-fiction, de Metropolis à i,Robot, en passant par la saga des Terminator. Mais ici, l'ouvrage reprend autant les codes du récit de science-fiction que du thriller, et même consacre le genre de la science-fiction avec des recettes dignes d'un blockbuster. Pas surprenant que ce récit très cinématographique soit susceptible de servir de base au prochain film de Steven Spielberg - même s'il vient d'annoncer repousser ce projet à gros budget initialement prévu pour 2014, crise oblige.

Daniel H. Wilson imagine donc ici le soulèvement des machines dans un futur proche. Des androïdes serviles qui fomentent une révolution... après tout, la notion d'esclavage est présente de manière subliminale dans la notion même de robot : étymologiquement, le terme robot est issu des langues slaves, et formé à partir de rabot (работа en russe) qui signifie travail, corvée, que l'on retrouve dans le mot Rab (раб), esclave en russe. Ce terme aurait été utilisé pour la première fois par l’écrivain tchécoslovaque Karel Čapek dans sa pièce de théâtre R. U. R. (Rossum's Universal Robots) en 1920, qui met en scène... un soulèvement des machines.

Robopocalypse, c'est avant tout un thriller high-tech mené tambour battant, au rythme un peu mécanique, comme les machines qui en deviennent les protagonistes, qu'on lâche difficilement, le long de ses 439 pages, tant qu'on ne l'a pas fini. Le décompte se poursuit au fil des chapitres: "Virus précurseur + 30 secondes", "Virus précurseur + 5 mois", "Heure zéro - 40 minutes"...

Une première partie, “Incidents isolés”, relate les prémices du soulèvement aux quatre coins du monde ; “Heure zéro” raconte le basculement dans la guerre civile, avec pour déclencheur un chercheur qui conçoit un robot doué d'intelligence artificielle, appelé Archos, qui va mener la révolte des robots. Les deux dernières parties montrent comment s’organise la résistance, et décrit la possibilité d’une renaissance de l’humanité. Tout cela nous est rapporté du futur via une boîte noire, sorte de “cerveau" qui a enregistré les étapes de la révolution et l’éclosion de son leader, Archos.

Dystopie

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Le récit met donc en scène un monde qui frôle littéralement l'Apocalypse (en tous cas pour les humains). L'auteur ne s'attarde donc guère sur l'aspect récit d'anticipation, ce qui l'intéresse davantage, c'est le combat entre les humains survivants et des robots organisés. Un monde sombre, en déshérence, une dystopie en somme; un des genres littéraires propres à la science-fiction, une contre-utopie, qui dépeint un des pires mondes possibles qui puisse être envisagé, contre l'avènement de laquelle l'auteur entend mettre en garde le lecteur. Une forme de récit que l'on a déjà vue avec Le Meilleur des mondes d'Aldous Huxley, 1984 de George Orwell, ou encore Fahrenheit 451 de Ray Bradbury.

Humains "augmentés"

Classique dans la science-fiction, Robopocalypse dénonce les risques d'extinction de la civilisation humaine et l’angoisse que génère la place croissante des machines dans notre société. "Les machines nous ont attaqués sans prévenir, elles ont bouleversé notre vie quotidienne, elles sont nées de nos rêves, mais aussi de nos cauchemars", constate un des survivants.

Mais il surfe aussi sur une vogue paranoïaque quant à ces machines et ces réseaux sociaux, qui nous entourent, et font de la vie privée, du secret, un luxe. “Il faut savoir qu’au tout début, l’ennemi ressemblait à des trucs ordinaires : voitures, immeubles, téléphones”, lâche un survivant dans Robopocalypse. Bref, méfiez-vous des portables qui vous géolocalisent, et des ordinateurs qui mémorisent ce que vous faites sur Internet...

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Image CC Flickr Roberto Rizzato

Côté anticipation, le chercheur en robotique met de manière tout à fait réaliste les avancées de la robotisation, des perspectives vertigineuses qu'ouvrent les interactions hommes-machines (j'en parle ici), et celles de l'humain "augmenté", déjà esquissées par Cyril Fiévet dans son remarquable livre sur le sujet. Les voitures sont désormais automatiques (ça vous rappelle quelque chose ?), et communiquent entre elles grâce à leurs "puces intravéhiculaires connectées", devenues obligatoires, grâce auxquelles les voitures "se débrouillent pour éviter les collisions"... Des humains combattants s'équipent d'exosquelettes...

Des humains "augmentés" d'appareils, tel cet ado qui a , greffée à son avant-bras, "une coque métallique graisseuse, terminée par deux lames", ou la jeune Mathilda, qui a, greffés sur le visage, des yeux "augmentés" lui permettant de voir en réalité augmentée. "Les machines nous ont transformés. Nous sommes à la fois différents... et pareils. Nous sommes les transhumains", dit l'un d'entre eux.

Mimer les émotions

Et Daniel H. Wilson soulève cette question (périlleuse): jusqu'où les robots pourront-ils mimer les comportements humains, dont les émotions? Seront-ils capables de s'attacher à leurs maîtres?... Plusieurs des robots mis en scène sont décrits, de manière troublante, avec des expressions humaines. Telle la love roll - androïde Kiko, qui, lorsqu'elle étrangle son maître, a "son visage qui se tord d'émotions. Des larmes jaillissent de ses yeux, le bout de son nez rougit, un air d'angoisse pure lui cisaille les traits. Elle est en train d'étrangler M. Nomura en pleurant".

Plus loin, vers la fin des combats, l'auteur fait s'exprimer au style direct un robot, Rob : "Bizarre. Je prends enfin conscience que je veux vivre au moment où ils (les humains) veulent me tuer. je décolle les bras de ma poitrine et j'appuie mes deux coudes sur le fond de la caisse". (...) Plus loin, "il appelle des humains à l'aide, rectifiant : "Tu es cassé ? Négatif. Je suis vivant. (...) Aujourd'hui, je suis libre - vivant. Et je souhaite le rester". "Immédiatement après avoir pris conscience d'eux-mêmes et de leur liberté, les membres du Freedom Squad ont fait preuve d'une détermination à ne plus jamais tomber sous l'entité d'une emprise extérieure", raconte un des narrateurs. On remarquera ici toutes les capacités d'émotions on ne peut plus humaines qui sont prêtées aux robots: tristesse, prise de conscience, réflexe de survie...

Théorie de l’information et intelligence artificielle

Une réflexion cybernétique qui a nourri de manière plusieurs ouvrages récents. Aurélien Bellanger, évoque à plusieurs reprises dans sa Théorie de l’information l’intelligence artificielle et à sa capacité à surpasser son concepteur, l'humain. Et émet l’hypothèse d’une déshumanisation qui s’attaquerait au langage et aux affects.

Déjà le jeu vidéo, "expérience anthropologique radicale, confronte, pour la première fois, l'homme à sa nature brute. (...) L'homme est une machine qui explore à l'aveugle les circuits compliqués de son propre cerveau, un labyrinthe de plaisirs et de peines, de récompenses et d'obstacles. (...) Jouer, c'est plonger son corps dans un acide qui en dissout, couche après couche, tous les tissus et membranes, toute la nature organique et sensible, jusqu'à ce que le cerveau soit mis à nu, comme machine électrique autonome et comme réseau logique terminal".

Facebook même le préfigurerait, "monde conclave et bouclé. Coupés du sol, les branchages algorithmiques de Facebook formaient pourtant une résille capable de capturer la vie. Les hommes étaient devenus des robots calculateurs, susceptibles et sociaux. (...) Les êtres humains, privés de leurs organes biologiques, n'y échangaient plus que des informations. La touche 'J'aime' était froide. Facebook s'était transformé en inconscient collectif, puis en tribunal du Jugement dernier".

lundi 31 décembre 2012

Smartphones à écrans flexibles, imprimantes 3D, interfaces hommes-machines, lunettes "augmentées", robots... Huit tendances tech / innovations pour 2013

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Lointain ancêtre du casque électroencéphalographe dans "Orange mécanique"

Une sorte de marronnier de début d'année sur ce blog, auquel je m'étais déjà livrée l'an dernier, il y a deux ans... Je vous laisse vérifier si mes prédictions étaient bonnes ;) Quelles sont les innovations de rupture les plus attendues pour cette année 2013, les services et produits les plus prometteurs, susceptibles de bouleverser le quotidien des utilisateurs ? Il y a aussi le très bon Hype Cycle de Gartner, qui sert chaque année de baromètre des innovations. Autres indicateurs, les projets de R&D du moment, ou encore la grand-message high-tech qui se tient à Las Vegas début janvier, le Consumer Electronic Show...

Je précise tout de suite que cette liste de tendances est non-exhaustive ;) (mais vos compléments en commentaires sont tout-à-fait bienvenus). J'ai par ailleurs choisi d'en exclure le big data (même s'il promet de révolutionner le marketing, comme j'en parlais dans cette enquête), le BYOD, les QR codes, ou encore la gamification (version 2012 des serious games), des tendances à éviter pour 2013, estimait carrément la CNBC !

Les smartphones à écrans souples

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C'est un mythe, j'en parlais par exemple déjà dans ce billet : cette fois grâce à la technologie Oled, on y est (peut-être) ! La rumeur veut que Samsung soit sur le point de dévoiler, lors du CES, son premier smartphone à écran souple, d'après le Wall Street Journal.

Google plancherait lui aussi sur un tel projet. Nom de code: X Phone, qui pourrait être lancé courant 2013, suivi par une tablette. Avec pour objectif d'en faire un concurrent aux appareils conçus par Apple et Samsung, d'après le Wall Street Journal. Pour cela, Google utilisera Motorola, qu’il a acquis mi-2012 pour 12,5 milliards de dollars (10 milliards d’euros). Sur la forme, le X Phone comporterait un écran flexible, des formes différentes de ce qui existe grâce à une base en céramique, donc très résistante. Sur le fond, le quotidien rappelle que Motorola a acheté il y a deux mois Viewdle, une société qui a développé une technologie qui allie reconnaissance des images et des mouvements. Google devenant ainsi constructeur (stratégie certes amorcée avec la série Nexus), il se retrouverait directement concurrent de Samsung et d'Apple. Oups. Ce qui pourrait bouleverser le paysage des télécoms, largement contrôlé par le duo Apple - Samsung, où Google a, certes, déjà avancé ses pions avec son OS Android.

Main artificielle commandée par la pensée, corps humain robotisé...

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Et si les interfaces hommes-machines (IHM) entraient dans les usages ? Cela fait longtemps que la recherche s’intéresse à l'interface cerveau-machine (ICM) , qui, par l’intermédiaire d’implants de fines électrodes, permet de détecter les signaux électriques émis par la partie du cerveau associée aux mouvements. Ces signaux sont transcrits en langage ou code informatique, pour actionner la prothèse artificielle.

C'était un des grands espoirs en cette fin d'année 2012 : des chercheurs ont mis au point un nouveau type de "bras-robot" commandé par la pensée, qui a permis à une femme paralysée d’avoir un degré de contrôle et de liberté de mouvements de la main artificielle jamais inégalé jusque-là avec cette sorte de prothèses, révélait la revue médicale britannique The Lancet. Une avancée de taille dans le développement des prothèses de membre contrôlées par la pensée, qui pourraient un jour équiper des patients paralysés (accidents, attaque cérébrale…) ou amputés.

En février dernier, l’équipe de l'Université de Pittsburgh a implanté deux réseaux de microélectrodes dans le cortex moteur gauche d’une femme de 52 ans devenue tétraplégique à cause d’une maladie neurodégénérative. Deux semaines après l’opération, la prothèse a été connectée et la patiente s’est lancée dans plus de 3 mois d’entraînement (saisir des objets, etc), mais dès le deuxième jour, elle a pu bouger la main artificielle par la pensée. À la fin, elle a pu accomplir des tâches avec un taux de succès de 91,6 %. Prochaines étapes : intégrer des capteurs permettant par exemple de déceler le froid et le chaud, et recourir à une connexion sans fil, type Wi-Fi, pour relier le cerveau à la prothèse.

Autre exemple, révélé par le New York Times il y a quelques semaines, des marines amputés testent actuellement un bras artificiel qui déchiffre les ordres du cerveau, développé par des ergothérapeutes avec le Center for thé intrépide du Brook army Medical Center à San Antonio. Le dispositif robotisé (110 000 dollars, soit 85 000 euros) comporte un moteur électrique, et des capteurs pouvant déchiffrer les signaux de son cerveau.

Les prémisses du corps humain robotisé, "augmenté", dont j'ai déjà parlé ici, ...

Premiers casques électroencéphalographes (EEG) grand public

Mais les IHM pourraient aussi, bientôt, avoir des usages ludiques. On voit apparaître les premiers casques électroencéphalographes (EEG) grand public, et les sites de téléchargement de jeux adaptés à cette nouvelle interface (allez jeter un œil sur cette excellente enquête publiée par Le Monde). Les sociétés américaines NeuroSky et Epoc commercialisent déjà des casques EEG, pour environ 150 dollars. Pour développer ce marché prometteur, elles publient même des outils logiciels permettant aux développer des nouvelles applications, qui seront proposées dans de futurs AppStores.

Pour jouer au jeu vidéo SpaceRace, édité par WayForward, en lieu et place d'un joystick et d'un clavier, vous devez ainsi vous munir d'un bonnet doté de fines électrodes, lesquelles captent les signaux cérébraux sur une zone précise du cerveau. Le vaisseau spacial du jeu est ainsi piloté par votre cerveau - plus précisément au gré des ondes cérébrales alpha émises par vos neurones. Vertigineux...

Et ce n'est pas fini : le labo de recherche qui travaille à partir de ce jeu imagine déjà des usages thérapeutiques de cette technologies, pour soigner certaines maladies mentales : les chercheurs pourraient ainsi rééduquer certaines zones du cerveau grâce à des exercices ludiques sur ordinateur.

Les projets de recherches de consortiums associant labos, universités et start-up autour de cet Eldorado potentiel que représentent les IHM et ICM se développent déjà, de gros budgets à la clé. Je ne les citerai pas ici ;) mais il y a entre autres un projet européen qui planche sur des robots contrôlés par un cerveau humain, ou encore un consortium de 10 partenaires consacré au Interfaces Cerveau-Ordinateur (ICO) et jeux vidéo.

Lentilles de contact et lunettes "augmentées"

Autre déclinaison de ce corps humain "augmenté", des interfaces qui pourraient améliorer les capacités de notre œil. Il y a pile un an sortait Mission Impossible 4, où l'on voyait des personnages dotés de lentilles de contact à réalité augmentée, qui leur permettaient de voir superposés, à une image du monde réel, des éléments virtuels (un plan, une photo, etc). Un peu comme Terminator voyait déjà en réalité augmentée.

C'est en train de devenir réalité ! Les chercheurs de l’Université de Gand viennent de sortir un prototype de lentille de contact intelligente. Elle comporte un écran LCD capable d’afficher des images (principalement du texte) directement sur votre œil. Les précédents essais ne permettaient d'avoir qu'un écran de... deux pixels.

Les géants Google et Microsoft, eux, conçoivent carrément des lunettes "augmentées". En juin 2012, Google dévoilait son "Projet Glass", des lunettes Google à réalité augmentée. Elles permettraient de prendre des photos, lancer une visioconférence, trouver son chemin... grâce à des microphones et des caméras intégrés aux branches et contrôlables à la voix. Google a promis de les commercialiser en 2013 aux Etats-Unis, pour 1 500 dollars. Je vous laisse le plaisir de mater la vidéo de la keynote, très hollywoodienne...

Le 23 novembre, on apprenait que Microsoft avait déposé un brevet pour des lunettes à réalité augmentée. Le brevet, déposé en mai 2011, décrit un dispositif capable d’amener devant les yeux de l’utilisateur des informations pertinentes et/ou complémentaires à ce qu’il regarde déjà. Bien que l’on puisse imaginer facilement que les jeux puissent faire partie du projet, le brevet ne parle que d’évènements "live" et donc réels. Les lunettes seraient reliées à un mini-ordinateur qui pourrait prendre la forme d’un bracelet. Ce dernier s’occuperait des traitements tels que l’identification des objets, des personnes, ou le calcul des informations à afficher. Les lunettes, elles embarqueraient une caméra, un microphone, un gyroscope, un magnétomètre, un capteur de position des pupilles de l’utilisateur ainsi qu’un capteur infrarouge. La connexion avec le bracelet se ferait par Wi-Fi ou Bluetooth.

Next, Apple ?

Pour vous donner une idée de ce que sera notre quotidien demain avec ce type d'interface visuelle, regardez ce court-métrage conçu par deux étudiants israéliens...

...Et développement des robots "de services"

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Nao, le robot humanoïde d'Aldebaran Robotics

La presse l'a évoqué courant 2012 (comme ici et là), une poignée de grosses start-ups (dont françaises) croient dur comme fer à l'avenir des robots "de services", ces robots humanoïdes qui entreront dans le quotidien des familles, des personnages âgées ou handicapées, des hôpitaux...

Robots-jouets, robots ménagers, robots dans les hôpitaux... Il y a le distributeur de robots Robopolis, et son charismatique patron Bruno Bonnell qui fait acte d'évangélisation sur le sujet depuis plusieurs années... Peut-être que les "robots ménagers", tel le Roomba d'iRobot, sont une première étape dans la banalisation des robots. Le fait que le magazine Challenges inclue dans sa sélection de fin d'année de produits high-tech Nao, le so cute robot humanoïde d'Aldebaran est, aussi, loin d'être anodin. Sans compter la multiplication des expos et animations grand public sur le sujet.

Preuve de l’industrialisation du secteur, l'impressionnante entrée au capital du Français Aldebaran Robotics à hauteur de 80% par la banque japonaise Softbank, en mars dernier, lequel rachetait ensuite son confrère Gostai... Dernière annonce en date, en décembre dernier, l'investissement par Grishin Robotics de 250 millions de dollars dans RobotAppStore, premier Appstore dédié aux apps pour robots, des aspirateurs Roomba d'iRobot aux robots Nao d'Aldebaran, en passant par l'hélicoptère AR Drone de Parrot. Comme dans l'Appstore d'Apple, les développeurs indépendants sont invités à y commercialiser les apps et services pour robots qu'ils ont conçues... Et comme chez Apple, ils devront reverser une commission de 30%. Demain, aura-t-on un robot tout comme un a un smartphone et une tablette, avec une série d'apps ?

Impression 3D, DIY

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Fabriquer en quelques heures un objet à partir d’un modèle numérique, de la science-fiction ? Ça ne vous aura pas échappé, cette expression aussi étrange que prometteuse annonce peut-être une révolution de demain. Exit l'imprimante à encre, demain, chacun devrait avoir avec son ordinateur une imprimante 3D, qui permet donc d'"imprimer", ou plutôt de concevoir, des objets en plastique (voire en métal...) en trois dimensions, en venant déposer des fines couches de matière les unes au-dessus des autres. Chris Anderson, un des maîtres de l'innovation, ex-rédacteur en chef du magazine Wired, théoricien de la "long tail" (la "longue traîne", il y a dix ans, déjà...) annonce même une nouvelle révolution, celle des "makers". Ils pourront réaliser des objets chez eux grâce à ces imprimantes bon marché (comptez tout de même environ 1 500 $). Le DIY (Do it yourself - Faites-le vous-même), nouvelle révolution industrielle ?

Même une poignée de start-ups commercialisent des imprimantes 3D, telle la Française Sculpteo, qui propose sur son app iPhone à chacun de customiser, sur l'écran de son mobile ou de sa tablette, toute une galerie d'objets (tasse, vase...). D'ailleurs, Bercy commence à s'intéresser de très près au sujet, et aux premiers espaces de coworking dédiés, les Fab Labs...

Parmi les applications promises: coques de smartphones customisées,chocolats, pièces pour la Nasa, voiture de course, flingues pour les obsédés de la NRA, ou même, peut-être, presser ses disques vinyles chez soi, ou, plus enivrant encore, des organes tels qu'un cœur humain...

Banalisation du décryptage ADN pour les particuliers

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Il est toujours illégal dans la plupart des pays européens, dont la France, mais insensiblement, le décryptage d'ADN pour les particuliers qui se généralise, pour la recherche de paternité, de prédispositions face à des maladies... 23AndMe (start-up fondée il y a quelques années par Anne Wojcicki, la femme de Sergey Brin, un des cofondateurs de Google) qui propose désormais le décryptage d'ADN pour le même prix qu'un smartphone (99 $), a ainsi levé en décembre 50 millions de dollars - elle en avait déjà levé 68 millions depuis son lancement en 2006. Parmi les investisseurs, le Russe Yuri Mulner, et... Sergey Brin, ainsi que Google Ventures, le fonds d’investissement de la firme californienne. Les deux sociétés ont des locaux voisin. Et on imagine facilement l'intérêt que Google, qui possède les données propres à notre identité numériques, ait un certain intérêt pour l'activité de 23AndMe...

Objets connectés

Cela fait 10 ans que l'on en parle, mais à la faveur du développement du wifi notamment, ils semblent réellement entrer dans les usages, comme l'ont montré les services innovants d'une kyrielle de start-up lors du Web'12. Tout comme les lunettes connectées, des milliers d'objets connectés déparquent : la serrure Lockitron commandée à distance par une appli iPhone (dévoilée au Web'12), les ampoules connectées par Wifi de Philips, le frigo connecté imaginé par Evian... Ou encore, côté santé, l'Eldorado des services du "quantified self" (l'automesure, qui consiste à mesurer les données du quotidien perso), tels le capteur One de la start-up Fitbit, qui qui mesure en temps réel plusieurs paramètres physiques (nombre de pas faits dans une journée, de calories brûlées), et Withings, qui a développé balance connectée, tensiomètre, babyphone, et apps mobiles dédiées .

dimanche 2 décembre 2012

Et si les robots entraient (vraiment) dans notre quotidien ?

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Depuis quelques jours, il y a cette affiche un peu hallucinante dans les couloirs de métros parisiens, qui nous propose la nouvelle alternative aux manèges et autres Grand Huit des parcs d'attraction. Le Futuroscope de Poitiers, sorte de parc d'attraction orienté sciences, s'apprête à ouvrir, le 22 décembre, une attraction intitulée "Danse avec les robots" (si, si). Dans une ambiance musicale signée Martin Solveig, les enfants pourront donc embarquer par deux à bord d’un robot géant.

Concrètement, "Le robot humanoïde Robothespian vous accueille à l’entrée de l’attraction. A l’intérieur, dix robots de sept mètres de haut, issus de l’industrie automobile, s’animent au rythme de la musique sous des jeux de lumières associés à des projections vidéo et des mappings visuels impressionnants", annonce le Futuroscope sur son site. Surprenant.. Et osé. Les enfants embarqueront-ils avec enthousiasme à bord de robots géants ? Robothespian, c'est un de ces robots aux faux airs de C3PO, capable d'imiter la voix humaine et de faire l’acteur, créé par la société Engineered Arts, qui fera donc office d'agent d'accueil auprès des enfants, à l'entrée de l'attraction.

http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=e2jbQ8IRVZA#!

Robots d'Asimov

En fait, on commence à voir des robots humanoïdes (soit de formes humaine par leur caractère bipède) à l'entrée de telles attractions. Et si les robots devenaient (un jour) complètement banals, entraient vraiment dans notre quotidien, suivant la prédiction de certains récits de science-fiction ?

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Certains trentenaires se souviendront peut-être de cette couv' du premier numéro du magazine pour ados Je Bouquine, avec une nouvelle du Maître de la SF Isaac Asimov. Ce fut ma première lecture relative à l'univers des robots, et (donc) la plus marquante - avant que je n'engloutisse toute la série des Robots d'Asimov. A l'époque, dans les années 80/90, on parlait tout juste des robots industriels, les robots "de compagnie" étaient plutôt déclinés dans les récits et premiers gros blockbusters de science-fiction, genre cinématographique alors florissant, plutôt en version méchants comme le T8000 dans Terminator.

Une chose est sûre, on a vu ces dernières années se multiplier les expos consacrées aux robots. Plus des expos réservées aux nerds et fans de jeux vidéos, mais des expos grand public. Il y avait déjà eu cette exposition à La Villette consacrée à la science-fiction début 2011, qui mettait largement en scène des robots, dont je parlais dans ce billet, où je me demandais si la science-fiction n'était pas en voie de disparition.

Robotique "de services" - et pour enfants

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Et en ce moment, il y a de nouveau une exposition qui mêle science-fiction, super-héros et robots à Lille (dans la Maison-Folie de Wazemmes). Et une autre sur l'histoire et les usages de la robotique, au Conservatoire National des Arts et Métiers à Paris, orientée vers l'histoire et les usages de la robotique. Dans les deux cas, des expos pédagogiques, dédramatisantes, et même tournées vers les enfants, avec des jeux de simulation sur écrans.

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Le robot reste un objet d'entertainment et de fantasmes, mais les expos le mettent davantage en scène et montrent ses différents usages. A savoir dans l'espace, dans un environnement nucléaire, dans les abysses, les robots chirurgiens... Et les robots-compagnons (jouets?), tels les mini-dinosaures Pleo, le robot-chien Genibo,l'Aibo de sony (plus commercialisé), ou encore le fameux Nao d'Aldebaran.

De fait, plusieurs articles parus cette année montrent que la robotique dite "de services", présente notamment dans les hôpitaux, présente auprès de personnes âgées ou handicapées, commence à se développer, notamment en Asie, comment on le lisait notamment ici. Une start-up française spécialisée dans ce segment a levé des fonds colossaux ces derniers mois, auprès de... japonais: Alderaban Robotics, presque rachetée par le Japonais Softbank, qui y a injecté 100 millions de dollars ce printemps. Aldebaran rachetait elle-même, en juillet, un autre acteur français, Gostai. Preuve que la "guerre économique" des robots de services s'intensifie.

A côté de cela, les robots sont devenus un des pôles d'attraction des "musées scientifiques" et autres Cités des Sciences. Je citais le Futuroscope de Poitiers. Mais également, la Cité des Sciences de La Villette (Paris) tout comme la cité de L'Espace de Toulouse ont tous deux conçus des attractions autour du robot-star du moment, le robot Curiosity, arrivé sur la planète Mars en août dernier. Tous deux proposent, "en exclusivité", une reproduction grandeur nature de Curiosity, pilotable à distance, des appareils de simulation permettant d'avoir des vues sur Mars comme si on était à bord de Curiosity...

Toutes ces expos sont aussi un enjeu commercial de d'image pour les start-up françaises, et les labos de recherches ayant collaboré aux derniers grand projets robotiques. Dans ces expos, dont ils sont souvent partenaires, les travaux de leurs recherche sont mis en avant.

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Autre preuve que les robots se banalisent ? On voit apparaître un business naissant des collections de robots, miniatures, reproduction ou grandeur nature de modèles utilisés dans des films de science-fiction. Certains font l'objet de ventes aux enchères (la tête de Chewbacca a été adjugée cet été à 140 000 dollars). Des confectionneurs privés ont même monté leur business, tel Ptrice Girod, ex- directeur de la rédaction du fanzine Lucasfilm Magazine, qui a monté sa société ScienceFictionArchives.com, spécialisée dans l'organisation de conférences et d'expositions autour de la science-fiction. Au cours desquelles il expose fanzines 60s, miniatures de super-héros, maquette de fusées et autres costumes ayant servi dans Star Wars et autre mythes de la SF.

mardi 23 octobre 2012

Memoto: Big Brother is watching you (toutes les 30 secondes)

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Un appareil photo de la taille d'un pendentif que l'on peut arborer au cou, et qui prend une photo toutes les 30 secondes. Et génère une sorte de flux visuel continu de votre vie de tous les jours.

L'info est sortie hier dans The Verge, Techcrunch, Tuaw... hier. La crème des sites technos. Avec un ton presque extatique.

C'est une start-up basée à Stockholm, Memoto, qui a développé cet étrange produit. Une sorte de compagnon - Tamagoshi des temps modernes, qui va vous permettre de cataloguer, "ranger", tous les instants de votre vie, image par image.

Elle a lancé une campagne sur la plateforme de crowdsourcing Kickstarter, avec cette injonction, "Remember every moment".

L'appareil, de 5 megapixels, comporte aussi une puce GPS , qui permet de localiser l'endroit où sont prises les photos, et xx horodatages. Dotée d'une batterie rechargeable, elle a 2 jours d'autonomie. Donc, muni de votre caméra, vous serez même traçables en permanence.

Ce mini-appareil photo devrait être vendu à partir de 2013 pour 279 dollars, accompagné d'un abonnement à un service Web pour 199 dollars. Lequel permettra, une fois les images téléchargées, de les classer par ordre chronologique et lieux. Le soir, en branchant son Memento Lifelogging Camera à un ordinateur, les photos sont en effet traitées sur les serveurs de Memoto. Les photos sont regroupées en plusieurs "moments" quotidiens : on peut cliquer sur un moment pour le revivre, ou le partager sur Facebook. Une forme de mémoire photographique, en somme, censée être constituée au fil d'une vie.

Le moteur de recherche de Memoto permet de chercher une date ou un lieu, et de revoir les "moments" associés. L'app mobile iOS ou Android permet aussi d'accéder à ces "moments". Et rassurez-vous, si seule une toute petite partie des photos est organisée en "moments", aucune photo n'est effacée : elles sont toutes stockées et accessibles sur les serveurs de Memoto. Toutes les données sont chiffrées et privées.

Quantified self et "lifelogging"

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Elle surfe ainsi en plein sur la tendance du quantified self, qui consiste à collecter des données personnelles liées à la santé et à les partager, grâce à des appareils électroniques basés sur des capteurs, couplés à des applications mobiles ou services en ligne, comme j'en parlais dans ce billet.

Mais surtout, sur cette habitude que l'on a prise ce dernières années sur les réseaux sociaux, de manière presque additive: partager à tout instant ce que l'on fait, où l'on est, de plus en plus à travers la photo. La tendance du lifelogging, qui consiste à enregistrer et archiver le maximum d'informations autour de votre vie — textes, images, vidéos, interactions sociales

C'est bien pour cela que Facebook, par exemple, a mis l'accent sur l'image, la photo, dans son univers (allant jusqu'à créer une appui mobile idoine). Encore la semaine dernière, la start-up Lightt se lançait avec une promesse similaire : son app mobile "sociale" permet de capturer des instants de vie, par séries de 10 photos, puis de les partager avec ses amis.

Alors que les individus n'ont jamais autant pris en photo - et partagé sur les réseaux sociaux - les instants les plus anodins de leur quotidien. Un sondage Ipsos, commandé à l'occasion du Salon de la photo, révélait aujourd'hui que 55% des Français déclarent posséder au sein de leur foyer au moins un appareil photo numérique. Et parmi les photographes amateurs, 89% possèdent un appareil numérique et 77% un téléphone portable avec prise de vue intégrée.

Ainsi, avec ces étranges appareils, chacun pourra être filmé, même à son insu. Même dans des situations voyeuristes. Car l'appareil de Memoto ne peut jamais s'arrêter, à moins de le masquer.

Le co-fondateur de Memoto, Martin Källström, est conscient comment les médias sociaux ont changé nos comportements. Sa première start-up, Twingly, "faisait une veille sur les blogs, tweets et autres pour traquer ce que les clients disaient de produits de certaines marques", précise Techcrunch.

C'est parce qu'il voulait enregistrer des moments inattendus de sa vie, ces moments où l'on oublie précisément de dégainer son appareil photo, comme les premiers pas de ses enfants, qu'il a eu l'idée de lancer ce nouveau service. Ces moments qui peuvent sembler sans grande importance deviennent bien plus profonds à posteriori... Memoto permet ainsi de retrouver ces moments. Toute l’ambiguïté étant que Memoto ne laisse ainsi plus de place à l'improvisation, ni à l'oubli, ni au secret. Tout sera gravé en images.

mardi 9 octobre 2012

Comment les médias peuvent-ils aspirer l'innovation ?

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Il s'appelle Teleportd. C'est un agrégateur de photos qui scanne toutes les photos géolocalisées sur des applications mobiles "sociales" et les médias sociaux (Tumblr, Twitter, Twitpic, etc), et peut faire remonter, à partir d'un mot-clé, des photos indexées par rapport à leurs métadonnées. Pratique, pour des médias qui veulent enrichir leurs articles de photos, ou qui ont besoin de photos, même prises par des amateurs, pour des articles d'actualité immédiate... Bientôt, un système permettra d'identifier automatiquement l'auteur de la photo.

Teleportd a décroché le prix Startup for News, attribué par le Global Editor network, association qui regroupe des rédacteurs en chefs, et s'était penchée sur une présélection de 13 start-ups.

Il incarne parfaitement cette nouvelle génération de start-ups qui pourraient être complémentaires et indispensables aux médias demain, en leur apportant un service très spécifique, qu'ils n'auraient pas forcément eu l'inventivité de développer en interne. Cela résume toute la question du rapport des médias à l'innovation, et aux start-ups, qui était au cœur d'un (très bon) débat organisé lundi 8 octobre au soir par le Social Media Network, le Social Media Club France, Xperience et Satellinet à La Cantine.

Comment les médias peuvent-ils innover ? Incubateur intégré, simples collaborations avec des jeunes pousses, carrément rachat de start-ups, embauches de nouveaux profils hybrides ?... On en est qu'aux débuts, les grands médias classiques, audiovisuels ou groupes de presse, tâtonnent.

"Incubateur" au Groupe Express Roularta

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Débat StartUpNews à La Cantine - photo Laurent dupin

Il y a eu cette petite bombe, lancée mi-septembre. Le Groupe Express Roularta a annoncé le lancement de L'Express Ventures, "accompagnateur" plutôt qu'incubateur de start-ups, co-fondé avec 4 entrepreneurs issus du Net, dont Stéphane Boukris (Faismesdevoirs.com, Rentabiliweb) et Simon Istolainen (MyMajorCompany). J'en parlais en avant-première en juillet dans Stratégies, cette société, dont le groupe Express détient 58% des parts, accompagnera une dizaine de projets par an. L'horizon est large: start-ups spécialisées dans le marketing digital, le e-commerce, les apps mobiles, les nouveaux médias... "Nous aurons le 'final cut' sur les projets qui seront retenus. Nous assurerons leur promotion, et les entrepreneurs l'accompagnement et l'encadrement. Pour nous, cela permet de faire de la veille, et d'acquérir des compétences", résume Corinne Denis, directeur général adjointe et directrice multimédia du groupe.

Tout est là: si le groupe Express y va avec prudence (il n'investira pas ou très peu dans ces start-ups, prenant au maximum 10% du capital), cela lui permet avant tout de s'offrir une veille technologique sans précédent, et d'aspirer de l'innovation.

Premier "hackathon", appels d'offres auprès de start-ups chez France Télévisions

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Tous les "vieux" médias cherchent de nouvelles recettes dans cette course à l'innovation. Chez France Télévisions aussi. "C'est le défi de toutes les entreprises de médias traditionnelles. La nouveauté d'aujourd'hui, ce n'est pas le lancement de D8, mais l'arrivée de 13 chaînes thématiques YouTube. Or les groupes ne sont pas toujours prêts à intégrer de manière efficace l'innovation", lâche Eric Scherer. Directeur de la prospective et de la stratégie numérique à France Télévisions, il est arrivé précisément il y a deux ans avec cette équipe en charge de l'innovation au sein du mastodonte audiovisuel.

Parmi ces chantiers, il y a eu le lancement du site d'information continue FranceTV.info, une trentaine de recrutements à la clé, dont des nouveaux profils: développeurs, front page editors... Mais pour demain, "des acteurs issus de start-ups vont nous aider", annonce-t-il. "Ce matin, nous examinions les résultats de l'appel d'offres que nous avons lancé, qui porte sur les nouvelles mesures d'audience dans la social TV. Nous avions des start-ups parmi les candidats".

Car des problématiques toutes nouvelles apparaissent pour le groupe audiovisuel. "Nous avons des sujets nouveaux: la social TV, inexistante il y a 18 mois, la programmation de flux... On voit des start-ups nous proposer des services comme enrichir un programme sur un smartphone, ou reconnaître un programme sur un autre terminal", poursuit Eric Scherer.

Pour aspirer des nouvelles idées, le groupe a ainsi opté pour l'organisation de son premier "hackathon" les 19 et 21 octobre, ce marathon de la programmation initialement prisé par les hackers, repris par des grosses start-ups comme Facebook ou Criteo. La R&D de France Télévisions espère ainsi repérer et attirer des développeurs et designers porteurs de projets d'apps TV innovantes.

Collaborations avec des start-ups au Monde.fr

LeMonde.fr, quant à lui, a choisi de travailler au coup par coup avec des start-ups, "par exemple pour des coproductions de webdocumentaires ou d'interfaces ludiques", précise Alexis Delcambre, son rédacteur en chef. Et de citer le jeu Primaires à gauche, développé en 2011 par KTM Advance et Florent Maurin. On pense aussi aux collaborations du Monde.fr avec Upian, depuis plusieurs années, sur des webdocumentaires depuis le magnifique Le corps incarcéré en novembre 2009, comme j'en parlais alors.

Pour autant, les médias doivent-ils aller jusqu'à ce doter de Media labs, ces équipes dédiées aux projets innovants ? Au Monde, certes, une équipe, le pôle Nouveaux écrans, dirigé par Edouard Andrieu, planche sur les projets d'applis mobiles et les nouveaux supports (dont Windows 8). Pour autant, si le trio webdesigner + webdevelopper + journaliste, initié par Owni, commence à s'imposer dans certaines rédactions, "avoir un labo dédié implique un risque de déconnexion de l'équipe par rapport aux besoins réels de la rédaction. Nous préférons monter une équipe isolée au sein de la rédaction juste le temps de produire un nouveau format ou projet", explique Alexis Delcambre.

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Le Véritomètre Owni/iTélé

La question est moins complexe au sein des nouveaux médias. C'est évident pour Owni, qui a créé ce modèle de collaboration entre développeurs et journalistes, avec ses expérimentations d'avant-garde en data journalism. Les médias traditionnels font même appel à lui, comme une sorte de start-up, sur certains projets: "par exemple, nous avons fourni notre Veritomètre à iTélé. Et nous menons une veille en datajournalism et innovation avec notre rubrique Les data en forme", précise Jean-Marc Manach, journaliste à Owni.

De même pour Rue89 : il a ses développeurs en interne, qui travaillent en binôme avec des journalistes. "Nous servons de labo d'innovation pour le Nouvel Obs (depuis son rachat par le groupe ndlr)", admet Yann Guégan, rédacteur en chef adjoint à Rue89.

Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, plusieurs groupes de médias se sont déjà dotés de leurs incubateurs et media labs : Philadelphia Media Network, éditeur de The Inquirer, avec son incubateur Project Liberty, Turner Broadcasting, maison mère de la chaîne CNN, avec son incubateur le Media Camp, ou encore, l'Irish Times, qui vient d'ouvrir le sien.

A lire aussi:

Les grands groupes médias peuvent-ils encore innover ? Chez Cyrille Franck

Innovation et information : quelles synergies entre startups & groupes médias ? Storify de Mael Inizian

Organisation : ce que les start-up enseignent aux groupes média par Gilles Donada

vendredi 31 août 2012

Hype Cycle 2012: Big data, BYOD, gamification, humain augmenté, commande vocale...

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Source: Gartner

Cette année de nouveau, il m'a semblé intéressant de me plier à l'un des exercices attendus de rentrée: le passage en revue de la "Hype cycle" des technologies émergentes, salutaire passage en revue des innovations de rupture d'aujourd'hui et de demain, ou déjà dépassées. que publie chaque année l'institut Gartner, mi-août, comme je l'analysais déjà en 2010 dans ce billet. Le principe est toujours le même, comme expliqué par Gartner sur cette page : cette courbe de l'innovation est découpée en 5 étapes-clés pour le cycle de vie de technologies.

Dans les innovations technologiques attendues pour (après-)demain, à peine émergentes ("technology trigger", où l'on en est à peine à l'étape du prototype), on distingue notamment l'"augmentation humaine": l'humain augmenté de demain, qui se dotera de puces RFID, etc, comme en parlait Cyril Fiévet dans son vertigineux livre Body hacking, que je chroniquais en mai dernier. Décidément, l’immixtion toujours plus importante entre le corps humain et les technologies (le mythe de l'androïde...) est une tendance naissante...

Dans les "expectations", l'institut Gartner évoque aussi, sans surprise, les "véhicules autonomes", alors que l'on a déjà les premières voitures embarquant des dispositifs connectés, voire pilotables à la voix. On retrouve les thèmes omniprésents de l'Internet des objets, ces objets qui communiquent entre eux, le crowdsourcing (qui émergeait en France dès 2007), ou encore les questions-réponses en langage naturel, ce qu'esquissent déjà des services de commande vocale tels que Siri chez Apple, comme je l'évoquais parmi les tendances technos 2012 (rappelez-vous... il y a quelques années s'esquissaient les premiers moteurs de recherche "en langage sémantique") .

Big data, gamification, BYOD pour demain

Du côté des innovations les plus attendues à court terme (au risque d'être surestimées ?), qui parviennent au "pic of inflated expectations", on trouve notamment le big data, dont on va beaucoup reparler ces prochaines semaines (dont ici même...), cette culture de l'algorithme qui s'étend du marketing à la Bourse, la gamification, mot-valise pour désigner la reprise des mécanismes du jeu vidéo dans divers secteurs, comme le monde du travail - un peu comme les serious games). Mais aussi le "BYOD" ("Bring Your Own Device", ou "Apportez votre appareil personnel"), autant injonction que tendance naissante du salarié qui apporte son matériel informatique perso (de la tablette au laptop) dans le cadre professionnel, traduction ambiguë de la disparition de la frontière entre les univers "pro" et "perso". Gartner, précisément, expliquait cela dans une étude par la banalisation de l’équipement informatique (tendance au suréquipement) et par l’arrivée de la génération Y dans les entreprises. Viennent aussi l'impression 3D, et le "social analytics" (soit la mesure, la collecte et l’analyse de données d’usages et de comportements des internautes au sein des médias sociaux, d'après Fred Cavazza).

Appstores, réalité augmentée, paiement par NFC... "Ttrough of disillusionment"

En revanche, pour Gartner, des innovations commencent à attendre l'étape fatidique du "trough of disillusionment"_ (premiers échecs à la suite d'expérimentations, quand bien même quelques investissements se poursuivent) : à savoir le private cloud computing (soit des services de cloud computing en version personnalisée, sécurisée... et payante), les App stores, la réalité augmentée, mais aussi, le paiement par NFC__: logique, les multiples tests menés par des opérateurs et banques commencent à lancer, alors que des solutions de portefeuille électronique et d’applications mobiles vont débarquer en Europe cet automne, telle l'application de m-paiement S-Money, que doit lancer le Groupe Banque Populaire Caisse d'Epargne cet automne, ou encore le futur Apple Passbook, qui sera proposé avec la prochaine version d'iOS.

Etonnamment, Gartner considère comme déjà victimes d'un effet de lassitude les services de cloud computing, mais aussi le contrôle gestuel, et, moins étonnant, les mondes virtuels (remember feu Second Life... Mais viserait-il aussi des mondes virtuels tels que Farmville ?).

La biométrie, le la reconnaissance vocale, les tablettes media mainstream

A l'étape du "Slope of enlightenment" (une seconde ou une troisième génération de produits autour de ces technologies émergent): on trouve, sans surprise, les tablettes media, le paiement mobile OTA ("Over-The-Air", un standard de communication sans-fil, alternatif au NFC), les méthodes d'identification biométrique (qui se multiplient sur les smartphones)...

Enfin, ont atteint le stade mainstream du "Plateau of productivity" (début d'adoption par le grand public), pour le consumer telematics (des services d'assistance automobile à distance comme le GPS ou la localisation de points d'intérêt), la reconnaissance vocale (effet Siri et consorts, qui s'annonçait dès le début de l'année... et s'étend de l'automobile aux téléviseurs).

jeudi 28 juin 2012

Le "body hacking", les prémisses de l'humain "augmenté" ?

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Une étrange discipline, à la croisée du hacking et du transhumanisme, qui consiste à transformer le corps humain en faisant appel à la technologie, en implantant dans le corps des composants artificiels: puce RFID, puce magnétique, caméra dans l'oeil... Bienvenue dans l'univers du "body hacking", où une poignée d'individus poussent la logique de liberté individuelle jusqu'à entreprendre sur leur corps des modifications physiques parfois radicales. Passant outre, du même coup, l'intermédiaire classique, l'autorité scientifique, qui cherche depuis quelques années à tirer parti du numérique, de l'électronique et de la robotique pour améliorer le quotidien de patients souffrant de pathologies sévères.

Le livre de Cyril Fiévet, journaliste et auteur (li fut entre autres de l'aventure de l'éphémère revue Pointblog au début des années 2000, pour ceux qui se souviennent...) , Body hacking (ed. FYP, 20 €), qui tient en 158 pages, est un condensé de cette tendance (culture?) naissante, où des individus "pirates du corps humain" mènent des expérimentations radicales (parfois dangereuses), dans une nouvelle forme de déclinaison du hacking et de transhumanisme, sur lequel j'ai écrit à plusieurs reprises ici (comme dans ce billet). Les divers témoignages de "body hackers" recueillis par l'auteur à travers leurs blogs et forums de discussion donnent un ensemble passionnant, sur plusieurs types d'expérimentations menées.

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Il ne s'agit nullement, ici, de présenter un récit de science-fiction : le livre nous laisse juste entrevoir des pratiques futures, de manières dont des individus pourront "augmenter" leurs corps de nouvelles fonctionnalités, avec des implants artificiels. Pour développer de nouveaux sens, augmenter les capacités humaines, parer à des handicaps ou déficiences (de la vue par exemple).... Et donc améliorer l'homme en en dépassant les limites fixées par la nature. Avec le spectre, pour les plus radicaux (ie les transhumanistes) de prolonger la durée de la vie. Vertigineux.... Le tout à l'aide rarement de la recherche scientifique traditionnelle ou des médecins, mais - c'est là une des ruptures induites par Internet - souvent par des "bidouillages" par des individus ayant eux-mêmes une expertise technologique plus ou moins importante, mais qui échangent avec d'autres individus qui ont le même centre d'intérêt.

Bien vu, Cyril Fiévet commence son ouvrage en citant les formes les plus répandues de "body hacking" - que beaucoup pratiquent ainsi déjà sans le savoir - le tatouage, le piercing, les scarifications, voire la chirurgie esthétique, qui ont pour point commun de s'être popularisées ces dernières années. Où l'on apprend que 40% des Américains de 26 à 40 ans sont tatoués, et 20% des Français sur la même tranche d'âge...Cette "génération Y" (l'auteur les qualifie de "Millennials") qui a grandi avec les ordinateurs, les jeux vidéos, les réseaux sociaux et Internet, où "tatouages et piercings feraient partie de leur culture décomplexée, où chacun affiche et revendique des signes distinctifs". Précisément, une génération "fin de siècle" qui a baigné dans les comics de super héros, la littérature cyberpunk et manga, les jeux vidéos, les films de science-fiction peuplés de cyborgs... Et n'est donc pas totalement insensible à cette idée d'"augmentation" par la technologie.

LA nouveauté, c'est donc que le hacking - cet art du bidouillage et du partage d'expériences né chez des informaticiens débrouillards et rebelles, comme évoqué dans ce billet - se transpose dans le domaine des sciences et de la biologie. Avec les débuts du DIY Biology ou body hacking , avec ses premières communautés, comme DIYbio.org, l'espace libre et non-lucratif Genspace, ou encore Biocurious, un "hackerspace dédié aux biotechnologies".

Voilà pour les initiatives "officielles". Mais l'auteur se penche surtout sur des initiatives individuelles, nées de chercheurs ou de particuliers (très) radicaux. Il revient ainsi sur les premiers exemples - souvent assez connus - d'implants corporels de puces RFID, comme par Kevin Warvick, professeur de cybernétique (avec des visées scientifiques), ou encore un entrepreneur américain, Amal Graafstra, avec des visées plus pratiques (ie être reconnu par la porte de son domicile, sa moto ou sa voiture !).

Mais il y a des démarches de body hacking plus radicales. Comme les implants magnétiques, ces pièces de métal introduites sous la chair relayée par le magazine BMEZine, dont l'implantation vise clairement à acquérir de nouvelles sensations, un "sixième sens", du fait que l'implant magnétique (qui est un aimant) réagit aux ondes et aux champs électromagnétiques, émises par divers objets (réveil, téléphone portable, chargeur électrique...). Et permet donc de percevoir physiquement des ondes invisibles, même au toucher, comme le montrent les témoignages assez fascinants. Certains imaginent même des dispositifs permettant de faire ressentir à celui qui le porte la direction du nord électromagnétique, comme dans le projet North Paw.

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On est bien là dans cette perspective de l'humain "augmenté", qui acquiert de nouveaux sens, de nouvelles capacités, par des composants artificiels. Ce qui passe aussi par des projets impliquant des caméras ou webcams ajoutées au corps humain, parois avec des visées scientifiques (comme dans le projet 3rdi), ou encore l'ajout de ^prothèses, souvent pour combler un handicap physique, mais qui devient très bien assumé par son porteur (comme pour la top model / égérie de L'Oréal / sportive Aimee Mullins).

Pour les fans de Terminator et de Mission impossible 3 (avec la fameuse lentille de contact qui offre une vision "augmentée"...), la société Innovega a dévoilé le prototype de iOptic, où un projecteur associé à des lentilles de contact offre un effet de vision en "réalité augmentée" à son porteur.

Expérimentations de quelques doux dingues? Oui, mais cette idée d'interfaces hommes-machines, de produits destinés au grand public qui visent à interagir étroitement avec le corps humain, apparaissent déjà. Et l'auteur d'évoquer le casque audio MindWave de Neurosky, qui lit les "états mentaux" de son porteur, un appareil commercialisé par la société Emotiv, qui , porté sur la tête, permet de décoder les influx électriques du cerveau,et même des applications qui permettent de déchiffrer l'état émotionnel de l'utilisateur ! Ou encore iBrain de NeuroVirgil, qui réalise un encéphalogramme complet durant le sommeil...

Ce sont là les prémisses du quantified self (voir ce papier du Figaro), un business naissant porté par des joujoux appareils électroniques ((basés sur des capteurs) destinés à mesurer et influer sur le fonctionnement du corps humain, couplés à des applications mobiles ou services en ligne. Une forme de body hacking donc, là encore sans les intermédiaires traditionnels (médecins, cliniques, etc), même s'il n'y a pas l'idée ici de modification corporelle.

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Car pour les body hackers, l'idée-clé est bien celle de modifier son corps pour dépasser les limites de l'humain, comme Cyril Fievet l'a relevé à longueur de témoignages sur le forum Biohack.me, qui rassemble "une bonne part de la branche "dure" des body hackers", ou encore avec le témoignage de la transhumaniste Lepht Anonym sur son blog. Reste une question vertigineuse esquissée dans cet article de Fast Company, et à la fin de livre : et si, à l'avenir, certains étaient tentés d’abandonner leurs membres et organes biologiques au profit de machines sophistiquées, plus performantes ?

lundi 11 juin 2012

L'open data, nouveau bien commun

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Sources of open data, September 2010 (CC-BY-SA) - View fullsize image

L'open data, nouveau bien commun ou point de départ de nouveaux services ? Car elles reposent sur les datas, ces nouvelles données brutes open source, lointain héritage des logiciels open source... Le sujet était abordé ce soir lors de la dernière édition de la Mobile Monday, une des grand-messe pour les start-ups mobiles. L'open data, ce sont ces données publiques en accès libre et ouvert, que tout citoyen peut consulter à tout moment  : des chiffres, statistiques, et des informations brutes rendues accessibles par obligation légale , qui le sont désormais sur la Toile. Avant Internet, il fallait demander ces données (aux collectivités locales, etc). et attendre leur bon vouloir. Désormais, elles sont accessibles en quelques clics et à toute heure, mises en formes en tableaux, graphiques...

Retour aux sources : chez Wikipedia, l'open data est définie comme une information publique brute qui a vocation à être librement accessible et réutilisable (comme les logiciels libres...). Avec une libre disponibilité pour tous et chacun, sans restriction de copyright, de brevet ou d'autres mécanismes de contrôle. Yves Gravier, de la start-up Neosesame, y préférait une définition d'informaticien: "une information structurée publique ou privée et généralement non utilisable par un humain mais interprétable par une machine".

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Si l'open data a été consacré comme un outil démocratique aux Etats-Unis par Barak Obama, les débuts de l'open data à la française sont encore frileux. Certes, on plusieurs secteurs tentent timidement de s'en emparer, des pouvoirs publics - avec le programme Data Connexions d'Etalab, programme de soutien aux données ouvertes - aux médias, avec les débuts du datajournalism, par exemple chez Owni, comme j'en parlais il y a quelques temps dans cet article, ou encore ce billet. Ce qui a d'ailleurs donné une seconde vie ausx infographies - même Le Monde n'hésite pas en publier en Une...

En attendant, ce sont les créateurs d'applications mobiles qui exploitent les données ouvertes, en les transformant en services… souvent payants. De l'idéal des données ouvertes accessibles à tous à de nouveaux services qui y sont greffés, il n'y a qu'un pas. Car le business est prometteur: "l'impact économique de l'open data serait de 140 milliards d'euros par an d'après l'Union européenne", cite Marc Ribes, futurologue dans le secteur publique chez Orange. Avant de nuancer aussitôt : "il y a des apps sympathiques, qui ont souvent une forte valeur sociales, comme celle de la Ville de Paris. Mais il y a souvent un décalage entre les partisans d'un écosystème ouvert, et les open data qui sont insuffisantes pour les développeurs", poursuit-il.

Il faut tout de même citer des initiatives de collectivités locales avant-gardistes, comme la ville de Rennes, dont le portail Open Data a par exemple abouti à l'ouverture de l'application pour téléphones mobiles Transports Renne, qui offre elle en temps réel l'intégralité des horaires des transports publics, ou encore Montpellier, en tête des collectivités françaises pour son site de données publiques, ouvert en février. Car l'ouverture des données de Montpellier Agglomération, prévue pour septembre, inclut notamment celles concernant les transports. Avec à la clé là encore le lancement d'une application mobile rendant compte du trafic en temps réel.

Précisément, ce marché naissant de la donnée, des start-ups le développent et y greffent des services innovants. Un marché naissant dont s'est emparée Data Publica, la cinquième (!) start-up de François Bancilhon, que j'avais déjà eu l'occasion de croiser il y a quelques années autour de Mandrake.

Pour cela, elles se basent sur des secteurs où les données brute en accès libre foisonnent, ou sont faciles à mettre en forme - un peu dans la même logique que dans le robot journalism. C'est par exemple le cas dans le secteur immobilier, où des données - adresses, prix au m2 par quartiers, appartements ou maisons à vendre, points d'intérêt à proximité... - greffées à de la géolocalisation peuvent aboutir à une multitude de nouveaux services. "Une quarantaine de start-ups parisiennes sont en train de développer des services autour de ces data. Elles ont bien compris qu'elles pouvaient lancer un business innovants, à partir des mêmes données dont elles disposent", explique François Bancilhon.

Et de citer Smoovup, Sensopia, SeLoger, LogicImmo, GeoImmo, Emulis, Home'n go, CocoonHome, Moobz, KelQuartier....

Yves Gravier, fondateur de Neosesame, qui propose des solutions pour publier des contenus sur n'importe quel support mobile, cite pour sa part l'exemple de Bay Area Rapide Transport (l'équivalent de la RATP du côté de la Silicon Valley - ça sonne tout de suite plus sexy... ;) : "depuis 10 ans, ils ont mis en accès ouvert les statistiques sur les accidents, horaires etc, en temps réel", explique-t-il. Tout développeur est ainsi libre de développer des apps à partir de celles-ci...

Des premiers sites référençant toutes les bases et sources open data existent, heureusement. La référence étant Programmable Web ("beaucoup de données américaines, quelques-unes d'Allemagne, très peu de France", regrette Yves Gravier), suivie par Alcatel Lucent US, Mashape, ou encore The easy API.

Côté infographies, j'y ajouterais Knoema.com, un nouveau moteur de recherche d'infographies et de cartes, qui permet de découvrir et exporter sur son site ou blog des représentations graphiques sur n'importe quel sujet, en effectuant des recherches par catégorie ou par mot-clé.

mercredi 30 mai 2012

Prometheus: SF métaphysique, multiplication des écrans

C'était un des films de science-fiction les plus attendus de l'année, réalisé par un des maîtres du genre, Ridley Scott, pour lequel c'était le premier retour à la SF depuis 1982 (année de sortie de Blade Runner), et son coup d'essai en 3D. Film d'autant plus attendu que la culture SF semblait muséifiée, en recul au cinéma ces dernières années, comme j'en parlais dans ce billet l'an dernier (repris chez Owni). Ridley Scott est donc revenu à la SF avec Prometheus, prologue (ou prequel) à la série (saga?) culte des Alien. Un film - blockbuster à gros budget, avec une véritable machine de guerre marketing, décryptée ici-20120529--14358774@207149190-20120529203749] par L'Expansion.

Un prequel - genèse, avec les premières minutes du film une genèse de la créature, de l'existence de l'homme sur Terre, qui aborde des thèmes métaphysiques classiques en science-fiction, les origines de l'homme et l'évolution de la condition humaine, autour du mythe de Prométhée, rebelle chassé de l'Olympe et condamné à se faire dévorer quotidiennement le foie par un aigle, après avoir volé le feu aux dieux au profit des humains.

Pour résumer l'histoire donc, elle se déroule dans les années 2090, soit avant l'action des Alien (le premier se passe en 2122) - donc on connaît déjà la suite, la substance. Suite à la découverte de pictogrammes formant une carte spatiale, avec un astre inconnu, un vaisseau (Prometheus) se lance à sa recherche. Avec à bord, notamment, des scientifiques idéalistes, Meredith Vickers, la blonde glacée qui pilote l'expédition (Charlize Theron), un vieil homme en quête d’immortalité (Guy Pearce), ou encore David, un majordome-androïde ambigü à souhait (Michael Fassbender). Ils vont découvrir les vestiges d’une civilisation éteinte de géants - référence au mythe de Golem - dans un univers qui n'est pas sans rappeler celui d'Enki Bilal. De fil en aiguille, Ridley Scott raccorde plutôt habilement son récit à la suite annoncée des Alien.

Je passe sur l'accueil mitigé qu'a reçu ce film, tant à cause des faiblesses du scénario que le côté trop "blockbuster" du film, et des personnages trop peu épais, bien loin de la subtilité dont Ridley Scott a fait preuve dans ses films précédents, comme Blade Runner.

Robot teinté d'humanité

Pourtant, le film accomplit presque sa mission, en effleurant les classiques propres à la science-fiction, entre métaphysique, questionnements sur le genre humain et sur ses excès. Son personnage le plus intéressant est sans doute le robot androïde, complexe, trouble, qui a des soupçons d'humanité: il use de la ruse, du double jeu (on découvrira plus tard dans le film qui est son véritable commanditaire), et de l'ambiguïté sur son statut. Lorsqu’il dit à la scientifique (Naomi Rapace) "Parfois, on aimerait tuer son créateur" et qu'il aura sans doute "sa liberté" suite à l'expédition, toute l'ambiguïté est là. Il semble presque vouloir ressembler à ses créateurs. Il cherche même à négocier, à la fin du film, pour de ruse dans le film pour sauver sa peau (comme le ferait un humain...), demandant par exemple à l'une des protagonistes de la secourir, en lui promettant en échange de lui trouver un vaisseau sur la planète. Troublante aussi, cette scène, ou David se regarde dans un miroir et se recoiffe - comme le ferait machinalement un humain...

Un véritable personnage qui aurait un caractère presque... humain, lointain cousin du non moins complexe Répliquant Roy de Blade Runner (séquence piquée dans ce billet chez Jean-Christophe Féraud).

Foisonnement d'écrans, mise en abyme de l'image

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Dans des décors époustouflants créés par l'artiste suisse H.R. Giger (il a déjà travaillé sur Alien), qui encore une fois, me rappellent l'univers visuel d'Enki Bilal, un de mes auteurs préférés de BD de science-fiction, on est dans des paysages lunaires, aux couleurs sombres et froides, et quelques éléments lumineux, tels cette multitude d'écrans et d'hologrammes.

Surtout, Ridley Scott s'essaie donc à la 3D. Il en use avec parcimonie, sans abuser des effets de relief à répétition sur les premiers plans. La 3D est utilisée de manière naturelle et discrète, tout pour juste pour quelques effets de relief en avant-plan de certaines scènes, ou pour ces fascinantes séquences de fantômes entourés d'une bruine, qui semble nous arriver sur le visage durant le film.

Et, dans un vertigineux exercice de mise en abîme, le cinéaste met en scène les écrans du futur. Comme dans tout film d'anticipation, il part de nouvelles formes d'usage pour imaginer comment les technologies se seront installées dans notre quotidien. Et il s'amuse donc à mettre en scène un foisonnement d'écrans, omniprésents dans chaque plan : on retrouve bien sûr les hologrammes, des classiques de la SF depuis La guerre des étoiles... Des hologrammes qui lui permettent de mettre en scène des écosystèmes complexes de planètes en 4D, ou encore des hologrammes que les personnages peuvent activer instantanément, par exemple à partir d'une tablette tactile, ou encore d'un surprenant Rubik's cube futuriste.

On y voit aussi les personnages utiliser des tablettes tactiles basées sur des supports translucides, ou encore afficher des écrans virtuels grand format. Même la très "robotique" Meredith Vickers a un écran virtuel géant au fond de son appartement, sur lequel elle alterne différents "fonds d'écrans", comme un champ de blé. Une mise en abyme aussi, lorsque David, dont on découvrira ensuite qu'il est androïde, fait défiler les images de la mémoire d'un personnage "endormi" en cryogénisation - des images aux couleurs passées, qui semblent s'afficher sur un vieux téléviseur.

mercredi 18 avril 2012

Bulle "sociale": media sociaux, mobiles, communauté d'utilisateurs, (sur)valorisation

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Cela ne vous aura pas échappé: le 9 avril, Instagram, start-up de 14 salariés, connue pour son application mobile qui permet de partager sur Twitter et Facebook des photos vintage style Polaroïd, a été rachetée par Facebook pour quelque 1 milliard de dollars - son fondateur, Kevin Systrom, en voulait même le double, 2 milliards. Elle avait effectué quelques jours avant une levée de fonds de 50 millions de dollars qui débouchait sur une valorisation boursière de 500 millions de dollars.

Spectre d'une nouvelle bulle de la "neteconomie" version 2012, 12 ans après la première, folie autour de ces boîtes gonflées artificiellement par des survalorisations boursières... Et volonté pour Facebook de s'ancrer davantage dans l'image, la photo, en acquérant ce service simple, et surtout dans l'univers mobile - puisque c'est désormais là que tout se passe. Je ne vais pas entrer dans les détails de ce rachat, déjà commenté ici et - et qui fait l'objet d'une analyse (par ma pomme) dans Stratégies en kiosques demain.

Mais ce fait est le dernier révélateur de plusieurs mouvements de fond que l'on observe dans ce nouvel écosystème de startups "sociales" - souvent des médias sociaux, avec des fonctions de création et de partage de contenus autour de "cercles" d'amis, où les pépites sont désormais non plus simplement le nombre de visiteurs uniques ou d'acheteurs, mais le nombre d'utilisateurs - et donc la puissance de leur communauté d'internautes abonnés.

Aujourd'hui, les stars médiatiques sont ainsi Zynga (éditeur de "jeux sociaux" qui cartonnent sur Facebook, tel Farville) , Pinterest (qui permet de "pinter" ses jolies images sur son tableau virtuel, comme j'en parle dans ce papier), Twitter (le site de microblogging bien connu...), Tumblr (autre plateforme de microblogging), Klout (outil d'analyse des media sociaux, censé délivrer le "degré d'influence" des internautes), Path (réseau social limité à 150 amis, uniquement sur téléphones mobiles), Pair (un réseau social pour vous et votre moitié ;), Foursquare (où l'on se géolocalise, de préférence depuis son mobile) et autres Storify (l'outil de "curation")...

On voit aussi apparaître de plus en plus de micro-réseaux sociaux, de niches, tels Path, FamilyLeaf, et Pair.

Levées de fonds records et (sur)valorisations

Mais ce qui est nouveau est que nombre de ces start-ups ont, ces derniers jours, souvent levé des fonds qui donnent le tournis - un nouvel indicateur de valorisation ? Ce qui s'est accompagné pour plusieurs d'entre elles d'une (sur?)valorisation boursière surprenante - d'autant plus pour celles valorisées de manière "grise", alors qu'elles ne sont même pas (encore) cotées en Bourse ! L'an dernier, Tumblr levait 85 millions de dollars. Ces derniers jours, Path a ainsi levé 40 millions de dollars, l'appli "talkie walkie" Voxer 30 millions de dollars.

Mercredi, Le Figaro reprenait ainsi une information de l'agence Bloomberg, selon laquelle Zynga, après avoir acquis 23 sociétés pour 350 millions de dollars en 2 ans, Zynga dispose de 1,8 milliard pour des achats d'autres sociétés. La valorisation boursière est à l'avenant: 200 millions de dollars pour Pinterest et pour Klout, 250 millions pour Path, 8 milliards pour Zynga, près de 10 milliards pour Twitter et Linkedin… sans compter Facebook lui-même, qui devrait être valorisé 100 milliards de dollars sur le Nasdaq lors de son introduction courant mai. Et l'on apprenait ce soir que Square, lancée par Jack Dorsey, fondateur de Twitter, s'apprêtait à atteindre une valorisation de 4 milliards de dollars.

Meta - réseaux sociaux

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Autre fait, plusieurs ont été rachetées par les media sociaux"leaders", à tel point qu'un nouvel écosystème est en train de se façonner, où plusieurs meta-réseaux sociaux (Twitter, Facebook, Groupon...) se dotent ainsi de services supplémentaires. Dans ce nouvel écosystème "social", on distingue les petits réseaux sociaux, destinés à un cercle limité, les méta-réseaux sociaux, tels que Facebook et Linkedin, et les plateformes de géolocalisation mobile. Le cas d'Instagram est bien sûr emblématique. Ce mercredi, Twitter révélait l'acquisition du service de social media analytics Hotspots.io.

Quelques jours avant, Facebook s'offrait la start-up US Tagtile, qui a développé un système de fidélisation client sur mobile (elle permet de réunir dans un même espace les coupons de réductions et promotions après avoir effectué une visite ou un achat en ligne), compatible avec la norme NFC (on se souvient de l'échec, l'an dernier, du service Facebook Places), et Groupon acquérait l'app de recommandation "sociale" Ditto.me, qui édite depuis mars 2011 une application mobile de recommandation sociale de lieux et d'activités.

dimanche 12 février 2012

"Siri (Angie/ Vlingo), commande-moi une pizza..."

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Zapper d'une chaîne à l'autre sur son téléviseur, lancer une recherche de fichier Word sur son ordinateur, émettre un appel, dicter et envoyer un e-mail, commander une pizza... Juste par la voix, en quelque sorte en passant un ordre à son téléviseur, son ordinateur ou son smartphone, sans toucher un clavier ou même effleurer un écran. J'en parlais en fin d'année dernière, et en début d'année dans cette enquête pour Stratégies, la commande vocale est une des innovations les plus importantes de ces derniers mois, au point qu'elle pourrait révolutionner nos usages, notre rapport aux machines ces prochaines années. Une nouvelle révolution, après celle du tactile, initiée avec le premier iPhone, et du pilotage par la gestuelle, lancé avec la Kinect de Microsoft. Concrètement, elle permet de donner des instructions à une machine par la voix, étant parfois couplée à la reconnaissance de mouvements.

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Le téléviseur à agrandisseur intégré piloté par commande vocale dans Blade Runner, Ridley Scott, 1982

Une technologie qui pourrait, à moyen terme, entraîner la disparition des claviers, télécommandes et joysticks, ces interfaces et outils qui permettent d'interagir avec une machine. Cette image de l'ordinateur sans clavier ni souris, fantasme classique des films de science-fiction (on en a une vision fugace dans Blade Runner de Ridley Scott, ou encore dans IA - Intelligence Artificielle de Steven Spielberg), pourrait bientôt devenir réalité...

C'est Apple qui a rendu désirable cette étrange pratique, avec une des dernières petites bombes (à retardement) concoctées par Steve Jobs avant son décès: Siri, implanté sur l'iPhone 4S en octobre dernier, qui permet à l'utilisateur de "dialoguer" en langage naturel – autrement dit par phrases entières – pour lui demander d'effectuer toutes sortes de tâches. Apple a rendu cette nouvelle pratique "désirable" auprès du consommateur lambda à forcé de spots publicitaires, mettant bien en scène, et de manière très rassurante, comment cet outil pouvait lui faciliter le quotidien.

Preuve que ce système de commande vocale se popularise - pour l'instant - sur ce segment très précis des smartphones, les autres constructeurs sont en train de dégainer, les uns après les autres, leurs propres applications de commande vocale, sur leurs AppStores. Certes, Google a tiré le premier, avant Apple, avec Vlingo pour Android, proposé en France en septembre dernier.

Google travaillerait sur un service Siri-like, sous le nom de code "Majel". L'éditeur de logiciels de reconnaissance vocale Nuance, qui a lancé en juillet 2011, aux US Dragon Go, une application pour iPhone dotée d'une technologie de recherche en langage naturel, annonçait fin décembre dernier le rachat de Vlingo. Enfin, la start-up française xBrainsoft, que j'évoque dans mon enquête, annonçait cette semaine aux TechDays de Microsoft le lancement de son propre assistant vocal, Angie, disponible sur le marketplace du Windows Phone. Un kit de développement permettra aux geeks développer leur propre agent conversationnel.

Du téléphone aux ordinateurs, téléviseurs et consoles de jeux, il n'y a qu'un pas. Côté jeux d'abord: depuis le 7 décembre dernier, une mise à jour de la Kinect de Microsoft permet de piloter la console de jeux Xbox 360 par la voix. Certes, cela reste aléatoire, il faut prononcer des mots-clés (titres de jeux, rubriques du menu...), impossible d'émettre une demande en langage naturel. Mais c'est déjà un début. La commande vocale pourrait aussi remplacer la télécommande des téléviseurs. Il se murmure que Steve Jobs en a équipé la future Apple TV, annoncée pour fin 2012. En janvier, le constructeur sud-coréen dévoilait au CES de Las Vegas une nouvelle version de sa télécommande LG Magic Motion, dotée d'un micro.

Par la même occasion, la société Vlingo annonçait elle aussi lancer cette année un assistant personnel à commande vocale pour téléviseur. "Vous pouvez commander votre téléviseur, votre décodeur ou votre câble, tout en restant assis sur votre canapé, avec le simple contrôle de votre voix. Votre télé vous répondra avec son programme d'assistance vocale virtuelle: demandez ce que vous voulez et l'assitant cherchera ce que vous souhaitez. C'est comme le Siri d'Apple mais en mieux, pour votre téléviseur", expliquait alors Chris Barnett, vice-président de la start-up, annonçant des partenariats avec plusieurs constructeurs.

La semaine dernière encore, c'est le sud-coréen Sansung qui annonçait le lancement d'une nouvelle télécommande de Samsung (elle n'apparaîtra qu'avec les Smart TV qui sortiront dans le courant de l'année) à commande vocale.

RENOIR

Nao / Aldebaran Robotics

Bien sûr, rien ne dit que cette innovation de rupture entrera dans les usages. C'est socialement assez incongru de parler à son téléphone en permanence - imaginez la scène de chacun donnant des ordres à son téléphone dans le métro... Mais le phénomène est troublant. C'est la première fois que des constructeurs industrialisent des procédés permettant de donner des ordres à une machine, voire d'interagir avec elle. Ce sont les premières interfaces dotées d'intelligence artificielle - des capacités intellectuelles comparables à celles des êtres humains, telles que la mémorisation, l'apprentissage, et la capacité à imiter certains comportements humains. Une brèche est ouverte...

jeudi 22 décembre 2011

7 tendances technologiques, innovations so 2012 (et au-delà...)

En cette fin d'année, on n'échappe pas aux best-of, bêtisiers et autres rétrospectives. En technologies, on a l'impression que tout va toujours plus vite, une tendance, un produit chasse l'autre - le netbook serait déjà en voie de devenir ''out''. Même si une innovation de rupture ne s'impose pas toujours dans le temps, puisqu'elle ne trouve sa raison d'être que lorsqu'elle entre dans les usages.

On a vu cette année se confirmer un fait inédit: les produits technologiques sont un des rares secteurs technologiques en croissance continue, dopé par l’attrait du même grand public pour des joujoux pointus : Microsoft avec sa Kinect (et Nintendo avec sa Wii) ont élargi leur public-au-delà des gamers, Apple a rendu utiles des gadgets, de l'iPhone à l'iPad... Des produits simples, d'usage intuitif, qui rendent l'innovation technologique moins effrayante, on parle alors d'affordance. Quelles innovations technologiques, quels usages vont s'imposer en 2012 - voire au-delà ?

Après le tactile, la révolution de la commande vocale

On a connu la révolution du tactile, que préfigurait la table Microsoft Surface, popularisée par Apple avec l'iPhone. L'an dernier, Microsoft a instauré la commande gestuelle avec la Kinect, et pour la première fois, la possibilité d'interagir avec des contenus par le geste, à distance. Les usages pourraient s'étendre au-delà du jeu vidéo vidéo: jusqu'à la musique, au secteur médical... Comme il montrait dans ce spot TV prospectif diffusé fin novembre.

Cette année, on a vu apparaître le premier assistant vocal, qui obéit à la voix... Siri, intégré à l'iPhone 4S, sorti en novembre dernier, permet à l'utilisateur de "dialoguer" avec l'iPhone, en langage naturel, pour lui demander par exemple le temps qu'il fait à tel endroit, de noter un rendez-vous demain à 15h, ou d'envoyer un SMS ou un mail dicté à un de ses contacts. Le téléphone fournit une réponse orale et écrite, et exécute les ordres. 2videmment, des précedents existaient, mais - c'est bien là le génie d'Apple - il a rendu cette technologie "désirable", concrète, auprès du grand public, comme le soulignait ce papier de L'Expansion.

La bataille des assistants vocaux pourrait bien s'ouvrir en 2012: cette semaine, le géant Nuance (éditeur de l'app' Dragon Notes) a annoncé le rachat de Vlingo... la principale solution concurrente de Siri, qui existe sous Android. Google préparerait lui aussi une solution concurrente, Majel. Plusieurs start-ups, dont en France, préparent aussi des Siri-like. J'y reviendrai bientôt, ici et ailleurs ;) La rumeur court à toute vitesse sur le Net, Siri serait implémenté sur la première TV d'Apple, la future iTV. Le pilotage vocal à distance, grand fantasme des films de science-fiction, pourrait bientôt entrer dans les usages.

Frontières brouillées entre mondes mobile et numérique

Les perspectives sont assez vertigineuses, dans un univers où le mobile devient une passerelle entre le monde réel et le monde numérique, et au consommateur d'interagir avec son environnement direct, comme le souligne Thomas Husson, de Forrester, dans cette très bonne tribune.

Il faut s'attendre à de plus en plus de campagnes autour des code-barres mobiles et de la réalité augmentée (avec toujours autant de "hype" pour une technologie qui mettra plusieurs années à voir le jour). Le NFC s'inscrit dans cette tendance et va enfin décoller avec plusieurs dizaines de millions de terminaux vendus en 2011. Le marché français devrait atteindre environ le million de terminaux d'ici la fin de l'année mais il y a encore fort à faire pour inscrire les usages dans le quotidien... (...)

La notion même de "mobilité" évolue. Sans rouvrir le débat "les tablettes sont-elles vraiment mobiles?", il n'y a pas de doute que la floraison de tablettes annoncées à Las Vegas et la multiplication des terminaux connectés brouillent les frontières traditionnelles entre les environnements PC et mobiles. La différence majeure est que seules les téléphones se vendent par centaines de millions et tiennent dans la poche de leurs utilisateurs.

La biométrie, une norme...

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Une d'Owni, vendredi 23 décembre

Après plusieurs années de bataille, un premier projet (du doux nom d'"Ines", Indentité nationale sécurisée) lancé en 2003, rétorqué entre autres par le Forum des droits sur l'Internet en 2005, la carte d'identité biométrique va voir le jour en 2012. Et instaurer la lecture de nos empreintes digitales (voire plus...) comme élément d'identification.

L'Assemblée nationale a adopté, la nuit du mardi 13 au mercredi 14 décembre, la proposition de loi "contre l'usurpation d'identité", déposée par les sénateurs UMP Jean-René Lecerf et Michel Houel, qui instaure la carte d'identité biométrique. Dotée de deux puces électroniques, l'une contiendra les données sur l'identité (état civil, empreintes digitales, photographie...), l'autre, facultative, servira de signature électronique sur Internet pour des échanges commerciaux et administratifs. Un article restait en débat: quelle architecture donner au fichier centralisé qui recueillera les éléments d'état civil et les données biométriques? La Cnil (Commission nationale de l'informatique et des libertés) avait récemment émis un avis d'alerte sur le stockage des données en un seul et même fichier géant.

... Et la vie privée, un luxe

lLes médias sociaux: jamais on y a autant partagé d'éléments de sa vie privée – et accepté de céder l'utilisation de nos données personnelles aux entreprises. Même si on a l'impression d'être dans des espaces protégés, où l'on partage des contenus avec des cercles d'amis, tels les «cercles» de Google+. Facebook, Twitter et YouTube permettent de partager en un clic un texte ou une vidéo avec les internautes. Et de rendre publique l'info la plus intime, puis la médiatiser.

Cela est vrai, pour l'instant, pour les people. Mais il est déjà possible de retransmettre en direct, de partager. Précurseur, Jacques Attali l'écrivait il y a quelques années sur son blog : à ses yeux, la vie privée, l'intimité et l'anonymat seront un luxe qu'il faudra payer pour conserver. Déjà, des nettoyeurs du Net" proposent leurs services payants pour purger vos traces numériques, référencées sur des moteurs de recherche comme Google.

"Bioluddisme"

Ce néologisme, apparu dans le roman de science-fictionGoogle Démocratie, met en scène un nouveau combat, celui des "bioluddistes" opposés au tout-technologique. "Nous serons tellement submergés par les technologies qu'il y aura forcément des clivages entre pro et antitechno", m"expliquait David Angevin, son o-auteur. Aujourd'hui, l'impact éventuel sur la santé des ondes émises par les téléphones mobiles et les réseaux Wifi est devenu le cheval de bataille d'associations comme Robins des toits.

Des particuliers "électrosensible"» aux ondes, regroupés au sein de l'association Une terre pour les EHS (électrohypersensibilité), demandent la création de "zones blanches", des portions de territoire non exposées. Le 6 mai 2011, le Conseil de l'Europe adoptait une résolution en ce sens. Une première.

3D or not ?

Avatar avait, semble-t-il, installé la 3D au cinéma. Cette année, Steven Spielberg s'y est mis pour sortir son adaptation de Tintin, en version blockbuster familial. Martin Scorsese vient de sortir Hugo Cabret, magnifique récit couleurs sépia qui remonte jusque Louis Lumière... Mais la 3D va-t-elle s'imposer durablement sur les écrans, grands et petits ? Le sujet a fait débat cette année, entre les résultats mitigés de films à gros budgets, des adaptations trop rapides de films en 3D... Ce qui n'empêche pas certains de ressortir leurs succès d'antan en 3D: vous n'échapperez pas à la Saga Star Wars en 3D, qui ressort en salles à partir de février 2012.

Et, dans les foyers, les équipements 3D (téléviseurs, camescopes, premiers smartphones...) à écrans 3D ne séduisent que quelques initiés. Mais une fois encore, l'industrie du X pourrait venir au secours de la 3D : Canal+ va diffuser, courant janvier, une production Marc Dorcel en 3D (à titre de test".

Toujours plus social...

Quels sont les premiers réseaux sociaux ? Facebook bien sûr... Mais aussi Instagram (15 millions de membres), à première vue simple appli iPhone qui permet de donner une touche vinage à ses photos, et réseau social - lequel a pour particularité de ne rassembler que des utilisateurs d'iPhone. Pas sûr que les réseaux sociaux vous se multiplier, mais ils vont se concentrer par usages: réseaux sociaux généralistes (Facebook), de microblogging - où le partage en temps réel d'infos prime sur une utilisation de plus en plus complexe d'un Facebook (Tumblr, qui a connu un retour en force cette année, Twitter, autre grand gagnant de 2011, qui s'est imposé auprès des médias lors de l'affaire DSK), professionnels (LinkedIn, Viadeo)...

dimanche 9 octobre 2011

Dalibor Frioux imagine l'ère de l'après-pétrole

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Les premières pages sont brutes de décoffrage. Dans un long prologue très cinématographique, il plante le décor: une série d'attentats au port de Rotterdam, dans le Golfe, aux héliports de Sao Paulo, aux centres commerciaux de Shanghai. Durant 450 pages, dans un récit dense et complexe, Dalibor Frioux nous raconte une Norvège au milieu du XXIème siècle, et nous dresse le portrait de l'ère de l'après-pétrole. Un livre paru peu après le massacre d’Utoeya, qui remettait en cause l'image de pays de Cocagne de la Norvège. Un contrechoc d'actualité qui n’apportait que plus de gravité au récit de Frioux.

C'est un des romans les plus remarqués en cette rentrée littéraire, en lice pour les Prix Médicis et Renaudot. J'en au la chance de rencontrer récemment son auteur, Dalibor Frioux, 42 ans, discret professeur de philosophie, qui signe là son premier roman, et renouvelle le genre du récit d'anticipation. Lorsque nous le rencontrons avec une collègue, dans un café Place de la Madeleine, au fil de l'interview, on sent que ça turbine: il faut s'accrocher pour prendre des notes à toute vitesse, dans une démonstration avant tout géopolitique et philosophique, mâtinée d'une froide lucidité. C'est là tout l'intérêt de son livre, Brut (ed. Seuil) - et ce qui m'a donné envie d'en parler ici. Dérivé lointain des récits de science-fiction et d'anticipation, genre cinématographique (en quête de renouveau, comme j'en parlais ici), et genre littéraire sur lequel peu de romans ont été remarqués ces derniers mois - il faudrait citer le très bon Google Démocratie (allez lire cette chronique destroy chez Jean-Christophe Féraud) de David Angevin et Laurent Alexandre (ed. Naïve). L'anticipation et la science-fiction ont rarement eu droit de cité dans les romans médiatisés en période de rentrée littéraire.

"Anticipation politique"

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Frioux revendique un "récit d'anticipation politique""tout repose sur le pétrole: la démocratie, le fragile idéal d'égalité sociale". Le récit est radical mais terriblement réaliste. Ici, l'idée n'est pas d'imaginer l'avenir, de raconter ce que sera le futur dans 30 ans, mais bel et bien de parler du présent. Le double attentat meurtrier d'Oslo l'illustrait presque.

Bienvenue donc, dans une Norvège du milieu du XXIe siècle. Elle a exploité au mieux sa situation géopolitique, à l'écart des grands continents minés par la pollution et la violence. Elle est devenue un des deux seuls pays au monde disposant de la précieuse manne, des exploitations pétrolières. Elle pense avoir trouvé la formule du bonheur: démocratie exemplaire, nature grandiose et pétrole de la mer du Nord, le royaume a conçu un fonds éthique où sont placés les milliards de la manne sous-marine.

Un système qui va se gripper par la suite... A quelques mois des élections, l’ex- mannequin Katrin jouit (presque) sans entraves de ce paradis, le constructeur de barrages Kurt Jensen intrigue pour entrer au comité remettant le Nobel de la Paix, tandis que Henryk cherche à concilier argent et vertu. Mais au fil du récit, le système se grippe : des jeunes meurent mystérieusement, les populistes xénophobes dressent un mur au cœur des forêts et promettent de rendre l’argent au peuple.

Un récit d'anticipation politique, donc, qui prend scène en Norvège, pays où l'auteur n'a jamais mis les pieds, mais une démocratie vertueuse, presque utopique, qui semblait un bon terrain pour son récit: "un petit pays aux principes éthiques rigoureux, un des seuls à ne pas être endetté... Mais où l'extrême droite pointe déjà", précise-t-il.

"Société du commentaire" qui l'emporte sur la hiérarchie de l'info par les médias

Cette fiction engagée ne met donc pas en scène un futur imaginaire: une manière de de casser les codes du récit d'anticipation classique. ici, pas de voitures futuristes, ou de fusées, ou de nouveaux écrans mis en scène. La seule fantaisie que s'autorise l'auteur est d'imaginer le successeur de l'iPhone, le M Phone, et cette étrange application qui permet de remplacer les têtes des acteurs par la sienne dans un film - consécration du narcissisme absolu.

Autre digression qu'il s'offre, celle sur la perte de pouvoir des médias. Il imagine ainsi comment sera traité un fait d'actualité, ici l'échec du projet d'agriculture humanitaire SavannahOrg : une information devient LE fait d'actualité une fois qu'elle atteint la tête du classement du site WorldFans.org, "et donc la Une des journaux et les premiers rangs des flashs audio". Sur ce site, les internautes votent du monde entier pour telle ou telle information. Eux, et non plus les journalistes, décident désormais de la hiérarchisation de l'information. Et bien sûr, cette hiérarchie varie selon les heures où les internautes sont réveillé: aux Etats-Unis, Japon, Europe, Inde... WorldFans.org, site coté en Bourse, permet "une évaluation démocratique, directe, dictant les vrais intérêts des internautes à tous les autres médias", explique le narrateur, faussement naïf. Ce qui reflète déjà "une société du commentaire, où chacun est légitime à s'exprimer sur les réseaux sociaux et les blogs", nous explique-t-il. Une anticipation glaçante.

"Ébriété énergétique", fin de l'abondance pour tous

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Car ce roman vise à poser une question (encore) taboue mais qui fait l'unanimité: la fin annoncée de l'or noir. L'auteur a planché sur des manuels d'études pétrolières, sur les techniques de forage offshore. "Il y a un consensus autour de la disparition du pétrole: des assurances, telle la Lloyd's, du ministère américain de la Défense, du groupe de patrons britanniques dirigé par Richard Bronson, Christophe de Margerie l'affirme lui-même dans ses discours en anglais", souligne Dalibor Frioux.

Il imagine donc ce que sera une société sans pétrole. Dans sa fiction, la Norvège est autosuffisante grâce à l’hydroélectricité. "Notre société est basée sur une abondance des ressources énergétiques. Il y a un volet écologique. Mais le sujet est aussi tabou pour des raisons géopolitiques: ce sera la fin d’une promesse politique fondée sur le pétrole, celle de l’abondance pour tous, du voyage pour tous, du pouvoir d’achat. La société fondée sur le suréquipement va s’effondrer. L'égalité ne pourra plus être un idéal concret", prédit Dalibor Frioux. La rareté créera une société des privilèges, l’égalité et la mobilité deviendront un luxe.

jeudi 9 juin 2011

Cyborgs, eugénisme génétique... Un homme presque (trop) parfait ?

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Elle est grande et élancée, à l'élégance classique, actrice, ex-athlète hors pair (demi-finaliste aux Jeux paralympiques d'Atlanta en 1996), mannequin pour Alexander McQueen depuis 1999, et une des ambassadrice de L'Oréal Paris depuis le dernier festival de Cannes, et thésarde. Au détour d'un article du ''Monde'' du 21 mai, elle avoue être "fan des escarpins", elle en a une centaine "pour aller avec mes quinze paires de prothèses de jambes". Aimee Mullins, Américaine de 34 ans, née sans péronés, revendique son port de prothèses.

Son discours est troublant, et militant. Il illustre ce passage étonnant du handicap à la "cosmétique augmentée", avec un discours radical. Après tout, "Nous avons déjà nos prothèses: nos portables, ordinateurs... Pamela Anderson a sans doute plus de prothèses (des implants issus de la chirurgie esthétique, ndcc) dans son corps que moi. Un jour, nous aurons des membres sous garantie avec option ,des prothèses au choix dans nos armoires", assure-t-elle. On sourit à l’évocation de la série L’Homme qui valait 3 milliards avec Lee Majors, où le héros se voyait poser des membres bioniques décuplant ses forces. Sûr, les robots ne nous remplaceront pas.

"Un homme diminué devient un homme augmenté". "Bienvenue dans un monde où votre corps sera réinventé"... Malgré des assertions qui flirtaient parfois avec les slogans accrocheurs, le docu diffusé jeudi soir sur France 2 était passionnant, nous poussant dans nos retranchements. "Un homme presque parfait" esquissait l'homme augmenté du futur, alors que la robotique, l'intelligence artificielle, la sélection génétique et la bionique débarquent dans les labos. Et suscitent nombre de fantasmes sur l'"humain augmenté" du futur, où le hasard n'aura plus sa place. Ce documentaire de Cécile Denjean nous plonge progressivement dans le trash technologinique du futur, ou comment améliorer les performances du corps humain par la technologie. Au détail près que l'on n'est plus seulement dans une univers à la George Orwell : le futur, c’est - presque - déjà maintenant. En le voyant, mes vieux démons sur la science-fiction et l'homme bionique du futur auquel rêvent les transhumanistes les plus fous m'ont rattrapée.

Hommes bioniques "implantés"

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Bienvenue donc dans un monde du futur où tous vos gènes sont sous contrôle et soigneusement réinventés, et où le hasard n'a plus sa place. Dans cette enquête très documentée, Cécile Denjean est allée dans plusieurs labos en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, pour voir des chercheurs passionnés de cybernétique, ou qui flirtent avec l'euphorie eugéniste.

Premier exemple: cet Allemand, le "premier homme bionique d'Europe" : amputé des deux bras suite à une décharge électrique de 20 000 volts, il a accepté de se faire greffer une prothèse inédite. Grâce à une puce, son cerveau contrôle un bras artificiel avec des capteurs ultra-sensibles. Le premier pas vers le cyborg... Il cite d'ailleurs Schwarzenegger en mode Terminator comme modèle. De fait, il a participé à un programme, Revolutionize prosthetics. Oh, étrangement, un programme initié aux Etats-Unis par la DARPA( Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) au début des années 2000: destiné aux militaires qui rentraient amputés du front d'Irak, vante l'organisme sur sa page d’accueil. Mais cela esquisse aussi le soldat bionique du futur. Flippant.

Au fil du documentaire, on nous égrène ces exemples de particuliers qui acceptent de tester ces innovations scientifiques. Nathalie, qui "a été implantée il y a un an" (notez le nouveau vocable qui émerge) : ses électrodes à la clavicule et au cerveau sont destinées à mettre fin à des troubles obsessionnels compulsifs sévères. Elle se sent "normale, pas du tout bionique". Aux Etats-Unis, à Huston, des chercheurs ont implanté 100 électrodes dans le cortex moteur d'un paraplégique. Il peut ainsi faire des gestes virtuellement qui s'affichent sur un écran.

Castes technologiques

Mais par petites touches, la technologie réparatrice vire vers une technologie de tri. "Une science de plus en plus invasive pénètre au coeur de l'humain", avertit Cécile Denjean. La limite entre ceux qui soignent et ceux qui augment , transforment, remodèlent, est de plus en plus floue. Dans un univers où les publicités, affiches et icônes de papier glacé qui nous susurrent à l'oreille la nécessité d'avoir un corps svelte, jeune, non-soumis au vieillissement, parfait.

Eh oui, Bienvenue à Gatacca: ce film de où l'on distingue des "élus" à partir de leur patrimoine génétique, consciencieusement trié, préfigure une réalité qui n'est déjà plus vraiment de la science-fiction. Vous vous souvenez sans doute de cette séquence-culte où le généticien annonce aux futurs parents qu'il s'est "permis" d'éliminer quelques "gènes" supplémentaires. Promis, "c'est le meilleur de vous-même" qui a été retenue...

A Los Angeles et à Hollywood, temple de la chirurgie esthétique, vous avez déjà le choix : mères porteuses sur catalogue, incubateurs d'embryons, et même possibilité de choisir le sexe - et plus - de son enfant. De fait, quelques labos très privés proposent un diagnostic préimplantatoire à partir d'une biopsie sur les embryons. Le circuit est parfaitement organisé pour les couples en quête de l'enfant parfait, avec même... un service financier pour monter un emprunt sur mesure, montre le documentaire. Car la "facture" est salée: 18 490 dollars pour le diagnostic préimplantatoire pour choisir le sexe de l'enfant, et jusque 30 000 dollars pour choisir la couleurs des yeux ou des cheveux. "C'est le bien de consommation ultime, que nous aurons pour toujours", lâche un futur père dans le docu, avec une inconscience absolue. Brrr. La brèche est déjà ouverte: en Angleterre, des médecins ont accepté d'enlever des embryons qui auraient risqué de faire loucher l'enfant.

Il faut voir là d'inquiétantes prémices à un eugénisme génétique, qui posent de vertigineuses questions éthiques. Si on élimine la fin et le hasard, on élimine le sens de la vie, et donc de la mort.

Et cela est déjà en route: des chercheurs ont réussi à concevoir un utérus artificiel, telle le professeur Hung-Ching Liu de l’université Cornell à New-York, qui annonce en 2002 qu’elle a réussit à implanter un embryon humain sur un utérus artificiel qu’elle avait préalablement créé. Le chercheur Thomas H Shaffer a mis au point un liquide amniotique artificiel permettant de sauver les bébés prématurés. Pour vérifier la viabilité de cet utérus artificiel, la scientifique y a implanté des embryons obtenus par Fécondation In Vitro (FIV). Ils ont bien accroché et ont commencé à se développer. La législation actuelle n’autorisant pas l’expérimentation sur l’embryon au delà de 6 jours, ceux-ci ont finalement été détruits. La polémique a été énorme. Mais la boîte de Pandore est ouverte: elle a ouvert la brèche à l’ectogenèse qu'avait imaginé Aldous Huxley: on sait que cela est faisable. Même si Valérie Pécresse, dans un rapport pour l’ information sur la famille et les droits des enfants, a clairement montré qu’elle était contre l’ectogenèse, la comparant au clonage.

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En Grande-Bretagne, Kevin Warwick, professeur de cybernétique à l'Université de Reading près de Londres, est devenu le premier cyborg après s’être implanté une puce dans le bras pour mieux comprendre les liens que pourraient à l’avenir tisser l’homme et la machine. Il s'est fait implanter une puce RFID dans son bras gauche pour s'identifier et commander la domotique de son labo, puis une seconde puce dans son bras, doté d'une main artificielle, qui est connectée à son système nerveux.

Après 6 semaines d’entrainement, pour que son cerveau et ses muscles apprennent à maîtriser le système, il a réussi à détecter des objets les yeux fermés quand ceux-ci étaient capables d’envoyer des informations à son capteur, à faire bouger une main robotique mimant les mouvements de la sienne à l’autre bout du monde, via l’internet, et à développer de nouvelles manières de communiquer, notamment avec sa femme, relate InternetActu.

Des dingues radicaux en rêvent déjà : les transhumanistes, qui croient dur comme fer en la capacité des technologies à améliorer l'être humain. Ils ont déjà leurs "centres de recherches", comme à la Singularity university, sur le campus de la Nasa dans la Silicon Valley. Alors qu'il y a une longue frontière - à ne pas franchir - entre science-fiction et science au service du business...

vendredi 11 février 2011

Même pas mort dans ma deuxième vie numérique !

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Avez-vous déjà songé à ce que pourront devenir vos mails, vos tweets, votre page Facebook ou votre blog une fois passé à trépas ? Le fantôme de votre double numérique continuera-t-il à hanter le cyberespace à coup de posts automatiques et de "c'est votre anniversaire" sur le "Social Network"? Votre compte Twitter continuera-t-il à vivre alimenté par des posts en 140 signes robotisés ou sera-t-il usurpé par un proche ou un inconnu entretenant l'illusion pour vos 4000 followers ? Sans y penser, vous semez chaque jour, à chaque heure, parfois à chaque minute les traces de votre existence et de vos pensées sur les dizaines de milliers de serveurs qui font battre le cœur du Réseau. Et vous assurez ainsi une postérité numérique, une forme d'immortalité sans précédent dans l'histoire de l'humanité. Demain, à partir de cet ADN digital, vos descendants pourront peut-être recréer votre personnalité sous la forme d'un avatar "3D" doté d'une intelligence artificielle avec qui ils pourront conserver: "C'était comment mon Aïeul au début du XXIème siècle ? Et qui était cette femme que tu as tant aimé ?".

Encore plus fou, n'avez-vous jamais rêvé (ou cauchemardé) de renaître à la vie par la grâce d'une manipulation de votre ADN biologique cette fois, cloné par quelque savant fou qui donnerait naissance à un Golem de chair qui serait un deuxième vous-même ? Et si d'aventure il était possible un jour de "sauvegarder" votre conscience, ce pur esprit que les croyants appellent l'âme, pour la télécharger sur un disque dur et ressusciter des morts tel Lazare sous la forme d'un homme-machine que l'on appelle Cyborg ?

Le sujet est troublant, dérangeant. Pourtant, il faudra bien se pencher dessus, alors qu’un business commence à émerger autour de la gestion de votre vie numérique, de l’archivage de votre vie numérique, avec notamment le projet Total Recall ourdi par un Docteur de Mabuse de Microsoft. Votre vie numérisée pour l'éternité, l’immortalité digitale, la transcendance de l'humanité et son "augmentation" par la machine...Justement, il en était question au cours de la soirée #jesuismort , organisée mardi à La Cantine par nos amis de L'Atelier des Médias de RFI, Silicon Maniacs et Owni. Une soirée-débat particulière, avec des invités étranges (entre autres un président de l'Association Française Transhumaniste, un membre de la Singularity University...) où l’on a beaucoup causé immortalité et transhumanisme, cette mouvance culturelle qui prône l'usage des sciences et des techniques pour améliorer les caractéristiques physiques et mentales des êtres humains.

Un truc de doux dingues ? Pas si sûr quand Eric Schmidt de Google s'y met: "Ce que nous essayons de faire c'est de construire une humanité augmentée, nous construisons des machines pour aider les gens à faire mieux les choses qu'ils n'arrivent pas à faire bien"...

Cela faisait donc longtemps que nous voulions nous pencher sur ce sujet existentiel et vertigineux avec mon confrère blogueur et journaliste Jean-Christophe Féraud. A la faveur de l'évènement #Jesuismort, nous avons donc décidé d'écrire ce billet en commun et de l'accueillir sur nos blogs respectifs (vive les billets co-brandés ;)

Cimetière post-mortem

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Nos traces numériques esquissent déjà des prémices à notre postérité digitale. Vous êtes peut-être déjà tombés, au gré de vos pérégrinations sur Facebook, sur des pages de personnes décédées. J'ai déjà atterri par hasard sur la page Facebook du frère d'un ami, disparu en mer. Son wall était resté ouvert, en accès libre, ses amis et sa famille continuaient à y déposer des messages d’hommage post-mortem. Jean-Christophe a connu la même expérience suite à la mort soudaine d'un vieil ami journaliste...Troublant : Facebook devient alors un cimetière, où les gens développent des rituels funéraires virtuels.

Justement, mardi soir à #Jesuismort, Tristan-Mendès France, un temps assistant parlementaire, maintenant blogueur, documentariste et chargé de cours au Celsa, nous a longuement parlé de cela – ces rites funéraires qui commencent à se développer dans des mondes virtuels. La première fois, que cela s’est produit c'était dans le jeu en réseau "Word of Warcraft" en 2005 : suite au décès d’une gameuse, un véritable rituel funéraire a été organisé dans le monde de Warcraft pour lui rendre hommage…

Pour Tristan, c’est sûr, on est face à un véritable « cimetière virtuel » sur Facebook, qui compterait 5 millions de morts (ou plutôt de profils de personnes décédées), laissés ouverts, volontairement ou pas, par les familles. Et de fait : c’est un peu affolant, mais rien n’a été prévu par les Facebook, Twitter, LinkedIn et autres réseaux sociaux pour supprimer le profil d’une personne décédée ! Idem pour les plateformes de blogs, les moteurs de recherche… Au niveau juridique, c’est la jungle. Au point que quelques sociétés imaginent sûrement des solutions de marchandisation post-mortem. Imaginez : bientôt, à défaut d’être immortel physiquement, vous pourrez sans doute vous acheter une immortalité digitale, garder une présence en ligne, sous la forme d'une concession virtuelle éternelle ou réduite à 20, 30 ou 50 ans...

Parallèlement, des futurologues, gourous du transhumanisme, tels Raymond Kuzweil, Aubrey de Grey, et autres doux dingues le jurent: la mort est un phénomène dont on peut guérir. Certains prédisent l’immortalité dans 15 ou 20 ans grâce au séquençage du génome humain, entre autres évolutions technologiques. Lisez plutôt le Manifeste des Extropiens, une nouvelle religion conceptualisée par le bon docteur Max More :

"Nous mettons en question le caractère inévitable du vieillissement de la mort, nous cherchons à améliorer progressivement nos capacités intellectuelles et physiques, et à nous développer émotionnellement. Nous voyons l'humanité comme une phase de transition dans le développement évolutionnaire de l'intelligence. Nous défendons l'usage de la science pour accélérer notre passage d'une condition humaine à une condition transhumaine, ou posthumaine. Comme l'a dit le physicien Freeman Dyson, 'l'humanité me semble un magnifique commencement, mais pas le dernier mot" (Introduction à "Principes extropiens" 3.0).

Un délire de l’humain parfait flirtant dangereusement avec l'eugénisme et l'homme nouveau national socialiste qui a été abondamment inspiré la Science-Fiction d'avant et d'après guerre, du "Big Brother" d'Orwell au Meilleur des Mondes d'Aldous Huxley. Et que l'on a vu recyclé dans plusieurs films, notamment « Bienvenue à Gattaca » où des jeunes gens au patrimoine génétique parfaits étaient programmés pour partir à la conquête de l’espace…Pour mémoire, voyez plutôt ce petit extrait:

Etranges concepts

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C’est là, que défilent d’étranges concepts survolés lors de la soirée #Jesuismort. On a brièvement parlé de cryogénisation (vous savez, cette théorie – très en vogue il y a une dizaine d’années – consiste à se faire congeler pour ressusciter dans un futur proche ;) : déjà has been. Il fut aussi question d’ "uploading de l’esprit" ou comment transférer le contenu d'un cerveau sur disque dur, en l'ayant préalablement numérisé. Un ordinateur pourrait alors reconstituer l’esprit par la simulation de son fonctionnement, sans que l'on ne puisse distinguer un cerveau biologique « réél » d'un cerveau simulé...Totalement naïf et délirant vous diront tous les neurologues vu la Terra Incognita que reste notre cortex pour la science. Le concept apparaît pourtant dans "Matrix" et ses suites, mais aussi dans La Possibilité d’une Ile de Michel Houellebecq, où le "mind uploading" est évoqué comme un composant de la technique permettant de vivre, jeune, plusieurs vies successives avec un corps et un esprit identiques. De vaincre enfin l'obsolescence de l'humanité...

Les tenants du transhumanisme y croient dru comme fer: en plein débat sur la réforme de la loi sur la bioéthique (le texte est en débat au Parlement en ce moment), ils ne jurent que par les propositions « technoprogressistes ». Comme par exemple, « autoriser le libre choix de la gestion pour autrui, notamment dans le cas des mères porteuses », expliquait mardi soir Marc Roux, étrange président de l’Association Française Transhumaniste. Pour lui, c’est simple, « le législateur est très en retard sur ces sujets ».

Ces délires scientistes autour du transhumanisme connaissent déjà quelques prémisses. Vous voulez savoir si d'aventure vous n’avez pas quelques prédispositions pour avoir un cancer ou la maladie Alzheimer ? Une kyrielle de start-ups pullulent sur le Net, et vous proposent déjà d’analyser votre ADN, telle 23AndMe (oh tiens donc, fondée par l’épouse de Sergey Brin, un des fondateurs de Google…on y reviendra), d’explorer votre patrimoine génétique, ou plus prosaïquement de faire un test de paternité. Quitte à conserver dans leurs bases de données ces précieuses données très intimes vous concernant… au risque de les revendre dans quelques années.

"J'ai vu tant de choses que vous humains ne pourrez pas croire. De grands navires en feu surgissant de l'épaule d'orion. J'ai vu des rayons fabuleux, des rayons C, briller dans l'ombre de la porte de Tannahauser.Tous ces moments se perdront dans l'oubli. comme les larmes dans la pluie...", déclamait Roy, le répliquant de "Blade Runner" qui, comme nous pauvres humains, ne voulait pas mourir. Il s'est trompé peut-être...

Pour conclure, voici un extrait de ce bouleversant monologue de Fin:

Capucine Cousin et Jean-Christophe Féraud

mercredi 5 janvier 2011

Et si la science-fiction était en voie de disparition ?

J'y ai passé près de 3 heures dimanche matin, j'en ai pris plein les yeux; Tous ces personnages, ces images me renvoyaient à mon enfance... ma culture SF en quelque sorte - accumulée dans les bouquins, séries et films. Il faut absolument courir voir l'expo "Sciences & science-fiction", qui se tient en ce moment à la Cité des Sciences. Comme souvent à La Villette, l'expo est d'une richesse inouïe, autant scientifique que culturelle.

La boutique de produits dérivés, à quelques pas de l'expo, vaut aussi le détour: mugs Star Wars, sabre laser grandeur nature (déboursez 150 €), DVD, BD, et même affiche de Star Wars en effet 3D...

C'est assez touchant, car notre culture SF se rejoint forcément avec notre culture culture geek: quel techie n'est pas fan de Star Wars, ne voue pas un culte absolu à Blade Runner, Terminator ou encore Minority Report ?

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Un couloir pédagogique impressionnant, où j'ai de nouveau 12 ans, des étoiles plein les yeux: entre ces exemplaires de livres de Mary Shelley, Edgar Poe et Jules Verne, qui ont été les premiers auteurs à s'emparer de la science comme support à des récits réalistes, les premiers films de science-fiction qui tournent en boucle (Voyage dans la Lune de Méliès en 1902, La femme dans la lune de Fritz Lang, 1919, Métropolis de Fritz Lang, 1929...), la culture SF a été jalonnée de plusieurs œuvres fondatrices... jusqu'aux premiers pas d'Amstrong sur la lune, où tout devenait possible. Pour Isaac Asimov, la SF est la branche de la littérature qui se soucie des réponses de l'être humain aux progrès de la science et de la technologie. Elle tient autant du divertissement, qui nous permet de nous évader, de rêver, que du récit d'anticipation, avec en creux une réflexion sur l'avenir de l'humanité (rien que cela...).

Une culture SF nourrie, donc, par une pléiade de livres anciens, mais aussi, véritables jalons pour une culture de fan, d'affiches, et des premiers produits dérivés et premières revues - les pulps, dont Science Wonder Stories, revue où apparaît pour la première fois le terme "science-fiction", en 1929.

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Le cinéma hollywoodien s'est emparé à merveille de la culture SF. Au fil des couloirs que l'on parcourt, on prend conscience de ces films et sagas (intergalactiques) qui ont nourri un imaginaire collectif, ont façonné notre univers mental. Les combinaisons et les robots conçus pour le cinéma s'alignent dans les couloirs, alors que des extraits des films-cultes tournent en boucle. Ils sont tous devenus cultes, font partie de la culture SF de l'honnête homme du XXIème siècle: Star Wars, la Planète des singes, Star Trek, Terminator...

Culture SF muséifiée

Est-ce que la culture SF parvient encore se renouveler, alors que ce qu'elle préfigurait - l'ère du numérique, des mondes virtuels, des nanotechnologies, des robots - se concrétise plus vite que l'on aurait pu le croire ? Il semblerait bien que la vraie culture SF soit en train de s'éteindre. Et que cette gigantesque expo, qui présente manuscrits, romans, pulps, storyboards (celui de Star Wars a déjà une valeur historique), extraits de films en pagaille, et vaisseaux grandeur nature retracent une culture SF (déjà) muséifiée, en voie d'extinction.

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Provoc' de ma part, vu le succès gigantesque qu'a rencontré en 2010 Avatar, incarnation d'une nouvelle génération de films de SF en 3D ? Par vraiment. Si on regarde la chronologie des films de science-fiction, la production hollywoodienne de ce genre en devenir connaît un pic dans les années 60-70, grâce à ce bon vieux Neil Armstrong qui en a fait rêver plus d'un en foulant de quelques pas sur la Lune - et surtout à la Guerre Froide, où les extraterrestres et autres petits hommes verts menaçants permettaient de symboliser l'Ennemi, l'hydre communiste...

Années 80-90 : sortie de sagas comme Star Wars, Terminator, Star Trek, Alien... Des films d'actions hollywoodiens certes, mais où s'entremêlent récits d'anticipation, une réelle réflexion sur notre avenir, les enjeux environnementaux et humains,

Philip K. Dick, génial inspirateur de scénarios hollywoodiens

Dans cette même période sortent trois films cultes pour moi (mais pas que ;): Blade Runner de Ridley Scott, sombre film où Harisson Ford incarne un flic face à des androides / répliquants qui semblent de plus en plus humains... Et qui sait, peuvent mîmer manifester des émotions.

Mais aussi Total Recall de Paul Verhoeven, et Minority Report de Steven Spielberg (en 2002, certes). Leur point commun: tous trois sont tirés de romans de Philip K. Dick. Seulement voilà, le maître des récits d'anticipation est décédé en 1982 - une source d'inspiration non négligeable pour l'industrie du cinéma s'est alors tarie.

Les films qui s'ensuivent sont plutôt des dérivés de SF : des space operas tirés de Star Wars. Mais aussi des récits d'heroic fantasy, films à grand spectacle pour enfants qui sortent souvent lors des fêtes de fin d'année - tels Le seigneur des anneaux ou Les contes de Narnia.

La culture SF condamnée ?

Les derniers films dans le sillage de la culture SF d'anticipation: Minority Report donc, qui anticipait plusieurs innovations technologiques qui commencent à s'inscrire dans notre quotidien - Steven Spielberg s'était d'ailleurs entouré de scientifiques du MIT entre autres.

Mais aussi le très sous-estimé Starship Troopers de Paul Verhoeven (1997): il y dénonce avec une ironie subtile une société dirigée par des militaires, et une diffusion en masse de la propagande par les médias: le film, d'avant-garde, qui sort à peine quelques années après la Guerre du Golfe, et coïncide avec l'arrivée du phénomène de l'internet dans les foyers, et injustement décrié par la presse US.

Ou encore la trilogie Matrix, entamée par les frères Washowski en 1999 - alors que le grand public commençait à s'emparer de l'univers du Net et des réseaux virtuels.

Les derniers en date ? 2012, qui tient plutôt du film-catastrophe (et blockbuster, avec plus de 225 millions de dollars de recettes), carrément épinglé par la Nasa comme "pire film de science-fiction" d'un point de vue scientifique... Laquelle a dû ouvrir un site pour contrebalancer les contre-vérités qu'il véhiculait !

Inception, certes gros succès outre-Atlantique, relevait plutôt du film complexe que du film qui nous projetait vers le futur. Avatar a avant tout installé la 3D sur le grand écran... Mais repose avant tout sur un scénario gentillet et écolo.

Comme me le signale @tiot en commentaire, il y a eu aussi le surprenant District 9 (qui avait pour particularité de se dérouler en Afrique du Sud), et surtout Moon, un Ovni cinématographique hommage à 2001, L'Odyssée de l'espace (réalisé par le fils de David Bowie, pour la petite histoire), que j'avais beaucoup aimé. Le pitch: Sam Bell vit depuis plus de trois ans dans la station lunaire de Selene, où il gère l’extraction de l’hélium 32, seule solution à la pénurie d’énergie sur Terre. Implanté dans sa «ferme lunaire», ce fermier du futur souffre en silence de son isolement et de la distance le séparant de sa femme, avec laquelle il communique par web-conférences. Il a pour seul compagnon un robot futé et (trop) protecteur... Jusqu’à ce que, à quelques semaines de l’échéance de son contrat, il se découvre un clone. Un film peut-être trop strangfe pour l'industrie du cinéma... Malgré deux ans de buzz sur la toile, le film est sorti au printemps 2010... directement en DVD!

Les sorties de films SF prévues ces prochains mois ? Pour l'essentiel des remakes ou suites des chefs d'œuvres passés... Preuve que l'industrie du cinéma a du mal à se renouveler dans ce registre. Il y a bien sûr Tron : Legacy, suite du cultissime Tron de... 1980. Et, pour 2012 est annoncé une réadaptation par Pierre Morel de Dune... En attendant Avatar 2 et Avatar 3...

Merci à Owni pour la reprise super bien maquettée de ce billet

jeudi 11 novembre 2010

L'industrie du porno va-t-elle contribuer au décollage de la 3D ?

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L'industrie du porno va-t-elle faire décoller la 3D ? J'en parlais il y a quelques semaines, si les images en relief commencent à séduire les spectateurs, prêts à mettre le prix pour s'en offrir plein les yeux,le temps d'une séance, au cinéma, ils n'est pas sûr qu'ils soient prêts à faire entrer des téléviseurs compatibles 3D dans leurs salons de sitôt.

En France, c'est la PME du X (par ailleurs n°1 du secteur en Europe) Marc Dorcel qui a déjà saisi le filon. En mai dernier, sur la Croisette, en plein Festival de Cannes, il faisait sensation en dévoilant les premières images de l'un de ses prochains films... tourné en 3D. En mars dernier, il entamait en effet le tournage de son premier film en 3D, en travaillant avec un des start-ups françaises expertes en la matière, la société 3Dlized, qui travaille avec le cinéma et la télévision pour la production de contenus 3D.

Comme le disait alors Grégory Dorcel, fils de Marc : Comme si elle était assise sur vos genoux, c'est vachement ludique ! Il s’agit d’exploiter le phénomène de jaillissement (sic) permis par la 3D, l’impression que des choses sortent de l’écran. Cela coûte certes deux fois plus qu’un film classique en moyenne.

Le petit Français est carrément en train de monter un nouvel écosystème autour des films X en 3D, en essayant de multiplier les circuits de distribution,: en proposant de la 3D en vidéo à la demande (VoD) et en téléchargement. Comme le détaille Romain Thuret dans cette enquête très fouillée (il s'est même fendu d'un "test produit" ;), plus de 100 contenus seront ainsi disponibles d'ici à la fin de l'automne sur Dorcel Vision, et sur les chaînes VOD de Dorcel chez Free et Numericable. VOD qui représente aujourd'hui 50 % du chiffre d'affaires de 20 millions d'euros d'une société qui contrôle également 80 % du marché du DVD en France et concentre une soixantaine de studios européens sous sa coupe. Déjà les heureux abonnés de Numericable pourront apprécier la vidéo mettant en scène le striptease 3D d'Aleska Diamond, sur le Canal19 dédié aux démos 3D tournantes et gratuites ;).

A venir aussi, bientôt, la possibilité de télécharger des contenus coquins en 3D sur son PC via le portail direct Dorcel Vision - contenus compatibles avec la technologie NVidia, et avec les téléviseurs 3D.

Nouveaux réseaux de distribution de contenus avec la TV connectée

Malin, Dorcel anticipe donc déjà sur les réseaux de distribution de la télé de demain, qui s'esquissent déjà avec la télé connectée: il délaisse les DVD au profit de chaînes dédiées, qui proposent directement les programmes via des box, ainsi que de la vidéo à la demande, bien pratique pour s'acheter un film X en toute discrétion. Et la VoD risque d'exploser : plusieurs constructeurs ont noué des partenariats avec des prestataires de VoD à l'occasion du lancement de leurs premières TV connectées à Internet.

Outre ce marché que développe Dorcel avec un sens aiguisé du business, par essence, le format 3D s'associe particulièrement bien avec les films pornos, par essence destinés à exciter les sens du téléspectateur ;) Rien de tel que des films coquins proposés en images en relief pour les convertir à ce nouveau format... Parce que l'image en relief - à l'effet tellement réaliste que l'on se prend parfois à vouloir saisir un objet qui se distingue de l'image - se prête à ce type de films, qui donnent envie de toucher les corps (virtuels mais presque réels par la magie de l'effet 3D) qui s'offrent à l'écran...

vendredi 24 septembre 2010

ePub, le mauvais format pour les livres en ligne ?

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Gros plantage chez le monde de l'édition ou simple polémique ? Dans cette tribune publiée sur le site de L'Atelier (cellule de veille de la BNP Paribas, initialement fondée par le génial Jean-Michel Billaut - toujours bon à rappeler...), Frédéric Kaplan, connu notamment pour ses travaux sur l'intelligence artificielle, l'affirme: le format ePub ne tiendrait pas la route, à moyen terme, pour soutenir les livres numériques.

La norme ePub

Le format ePub, c'est la norme qui s'est imposée comme prédominante sur les premiers Readers (liseuses électroniques) apparus sur le marché: les modèles de Sony, d'Amazon (Kindle), du Français Bookeen... acceptent tous ce format. Tout comme les tablettes tactiles telles que l'iPad dans leur fonctionnalité livres électronique. L'avantage étant que les eBooks téléchargés sous le format ePub peuvent être lus sur la plupart des supports nomades, la mise en page des fichiers s’adaptant en principe aux caractéristiques particulières du support, ainsi qu'aux préférences du lecteur.

Or, le livre numérique est en train de se développer timidement, d'autant plus en cette rentrée littéraire, où les éditeurs (les gros, du moins, qui ont les moyens) s'efforcent de sortir leurs nouveautés en romans en éditions papier ET numérique, en même temps, comme j'en parle dans cet article pour Rue89. D'après la Fnac, près de 25% des titres de la rentrée littéraire seraient disponibles en format numérique (chiffres contestés par certains professionnels de l'édition).

L'ePub a bien des atouts: c'est un standard ouvert, qui existe depuis longtemps, et a été adopté par la plupart des constructeurs de liseuses ET de tablettes (une bonne alternative face à Amazon), qui plus est simple à déployer pour les éditeurs.

Livres sous ePub et livres-applications, des expériences différentes

Mais l’ePub produit des mises en pages très inférieures à celles des livres imprimés, d'après Frédéric Kaplan. Le gros problème étant que l'ePub ne prend pas en charge les expériences de lecture que permettent les tablettes tactiles (dotées, elles, d'écrans couleur): normal, il n'avait été pensé que pour les liseuses.

Et il n'est pas compatible avec les livres-applications, ces livres animés que l'on commence à voir émerger sur les iPad, produits par des start-ups telles que Moving Tales. Sa première réalisation, The Pedlar Lady of Gushing Cross, montre d'ailleurs tout le potentiel du numérique pour des ouvrages graphiques. Et elle cartonne, étant devenue meilleure vente dans la catégorie Livres numériques de l’App Store US et canadien.

C'est bluffant, une expérience pas loin de premiers livres dotés de réalité augmentée (voir le reportage vidéo que j'avais dédié à celui de Dokéo), peut-être une forme de lecture - purement divertissante et expérimentale - du futur... Mais qui n'a pas grand-chose à voir avec l'expérience d'une lecture de livre classique, qu'offre le format ePub. Le livre-application reste une forme de lecture innovante, mais restreinte, par essence. Fausse polémique, donc.

jeudi 9 septembre 2010

Y a-t-il (déjà) overdose de 3D ?

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Les films en 3D seraient-ils déjà condamnés ? Ou plutôt, n'y aurait-il pas overdose de productions de films exploitant ce nouveau format ? On en parle plus que jamais, à tel point qu'il commence à envahir les écrans télé, potentiellement les joujoux high-tech qui pourraient cartonner en ces fêtes de fin d'année. En tous cas c'est ce qu'espèrent les constructeurs, qui se démènent pour imposer leurs tous jeunes écrans télés 3D, les stars de la dernière édition de l'IFA, le salon de l'électronique de Berlin, qui fermait ses portes mercredi. Comme j'en parle longuement dans cette enquête parue dans ''Mediapart'' (en accès réservé aux abonnés, sorry).

"If you can't make it good, make it 3D"...

La 3D était aussi une des stars du dernier Comic-Con de San Diego (une convention spéciale pour fans de BD), outre-Atlantique. Mais pas tout à fait de la manière attendue: elle semble bien avoir provoqué un début de polémique à Hollywood, relayée lors de ce dernier Comic-Con.

Il y a cette image, qui circule en ce moment sur le Net, un photomontage où l'on voit des lunettes bicolores pour voir en relief, et, au-dessus en flou, ce slogan qui s'affiche: "Votre film n'est vraiment pas bon ? Faites-le en 3D". Une image parodique qui ressemble furieusement à une contre-campagne...

La 3D, pépite pour les studios

Dommage, il y a encore quelques mois, dopé par l'effet ''Avatar'', Hollywood était persuadé que le spectacle des films en 3D relancerait les entrées en salles, freinées par le home cinema et le téléchargement. Entre parenthèses, avec un bon sens du business curieusement, en cette rentrée, James Cameron a ressorti en salles Avatar 3D en une sortie de version reloaded, avec "quelques minutes inédites".

Mieux, pour les studios et les exploitants, cette pépite permettait de majorer les prix des tickets d'entrée. Seulement voilà, au Comic Con, plusieurs cinéastes se sont exprimés contre la 3D, demandant le retour du "plat", approuvés par la foule, comme le relatait le ''New York Times''| (traduction ici) , relayé par Télérama la semaine dernière.

Ce sont pourtant des représentants de la fine fleur Hollywood qui ont mené cette fronde anti-3D, raconte le NY Times: J.J. Abrams, auquel on doit 24 Heures chrono et Star Trek, Jon Favreau (Iron Man), Edgar Wright (qui vient de terminer Scott Pilgrim vs. the world, tiré d'une BD).

Prouesse technique

James Cameron a tourné son film dans les règles de l'art avec une véritable caméra à double objectif, après avoir développé avec l'ingénieur Vince Pace une gamme de caméras 3D dernier cri en haute définition, comme le raconte ce passionnant papier paru dans ''Le Figaro''. Une prouesse technique qui rend les images d'Avatar d'autant plus bluffantes (même si on peut ne pas être fan du scenar, ce qui fut mon cas ;), et préfigure le cinéma à grand spectacle de demain. Du même coup, il a consacré - et industrialisé - la 3D au cinéma.

Au vu de son succès, plusieurs studios hollywoodiens ont choisi d'adapter, dans la précipitation, en phase de post-production, leurs films déjà tournés en 2D pour une diffusion en 3D. Erreur fatale : le rendu était loin d'être le même. Exemples: Alice au pays des merveilles de Tim Burton, Le Dernier Maître de l'air de M. Night Shyamalan, et Le Choc des Titans de Louis Leterrier. A la grande fureur de James Cameron, qui a brocardé ce dernier, un film en "2,5D, voire en 1,8D ".

Certains réalisateurs ont d'ailleurs dû lutter contre leurs producteurs pour ne pas se voir imposer la 3D: ce fut le cas de Christopher Nolan, avec son exigeant film fantastique Inception. Il a d'ailleurs exprimé à plusieurs reprises ses réserves pour tourner en 3D relief. Son film en 2D a (pourtant) cartonné en salles.

Passage trop rapide à la TV 3D ?

Du coup, les spectateurs vont-ils accepter d'adopter ce format encore balbutiant sur leur télé ? Le rendu 3D sur les télés est loin d'être parfait, avait un certain nombre d'imperfections. En vrac, comme me le citait @replikart dans un commentaire très détaillé à mon papier publié dans Mediapart, on a "une purge de la colorimétrie, une purge du contraste, une réduction drastique du piqué, un aplatissement des nuances/teintes, des problèmes de profondeur souvent liés à un mauvais ajustement en post-prod', des angles de vision dérisoires que les dalles TN ne font qu'empirer"... Voilà pour les imperfections techniques.

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Image Philips

Et sur la question des usages (là, c'est davantage mon rayon ;), alors que le consommateur lambda s'habitue à peine à la haute définition (HD) et au Blue-Ray, n'est-ce pas un peu tôt ? Il y a ce chiffre issu du Japon que l'on m'a cité plusieurs fois à l'IFA ("10% des utilisateurs auraient des problèmes oculaires avec la 3D")... Sans compter les nombreux astigmates, ou personnes ayant des problèmes oculaires plus complexes (une bonne part de la population mine de rien), qui ne peuvent regarder plus de 2 heures d'un programme en 3D sans avoir mal à la tête - ou, carrément, ne peuvent voir l'effet de relief inhérent à la 3D.

Un sacré saut technologique, où en plus le cerveau doit s'habituer à ce mode de vision. Il faudra voir si la 3D est entrée dans les foyers d'ici quelques années. Rendez-vous dans dix ans ;)

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