Compétences > Marketing COMMUNICATION -
Affichage publicitaire : la bataille de Paris 20/11/07
Le nouveau règlement local à la publicité (RLP) encadre plus
sévèrement l'affichage à Paris. Au grand dam des afficheurs.
La bataille de Paris pour les élections municipales se jouerait-elle déjà à
fleurets mouchetés sur les panneaux (d'affichage) publicitaires ? Si le
raccourci est un peu facile, à l'évidence, le débat que suscite la révision du
règlement local de publicité (RLP) à Paris, auquel la mairie a donné un coup
d'accélérateur ces derniers mois, peut difficilement être totalement séparé du
contexte politique actuel.
Afin de prendre en compte l'évolution du paysage urbain, la préservation de
l'environnement parisien, voire l'apparition de nouvelles formes de publicité,
la révision de ce règlement était prévue de longue date. Au point qu'un groupe
de travail, au sein duquel siégeaient des associations (dont Paysages de
France), des professionnels de l'affichage, représentés par l'Union de la
publicité extérieure (UPE), et des élus, est formé par la Préfecture dès
octobre 2003. Mais « ce groupe de travail a été inactif pendant deux ans,
entre novembre 2005 et mai 2007, c'est-à-dire au moment où la mairie a négocié
avec Decaux le contrat pour le Vélib' », dénonce Pierre-Jean Delahousse,
président de l'association Paysages de France. Du coup, les afficheurs ont eu
l'impression d'être brutalement mis devant le fait accompli. En l'occurrence un
projet de règlement beaucoup plus restrictif qu'auparavant, à quelques mois des
élections municipales. Une coïncidence paraissant si peu fortuite que certains
professionnels estiment être pris en otage par le contexte préélectoral, où les
enjeux environnementaux joueront un rôle moteur.
A l'issue de ce processus, même la Chambre de commerce de Paris, qui siège
au sein de ce groupe, a dénoncé les dispositions du projet, y voyant « des
entraves au développement économique de la capitale ». Concrètement, le 27
novembre, le texte devrait être présenté à la Commission des sites, qui pourra
décider de le réviser sur certains points, avant qu'il ne soit adopté par le
Conseil de Paris le 17 décembre. Le règlement entrera alors en vigueur, de
façon inéluctable, et les publicitaires auront deux ans pour s'y conformer.
Amendements très discutés
Mais déjà, les principales mesures du projet de règlement ont de quoi
provoquer de sérieuses angoisses auprès des annonceurs. Ainsi, les panneaux
grand format de 8 et 12 m2 (les « 4 x 3 ») « verront leur nombre
chuter de 50 à 60 % », estime l'UPE, de « 30 à 40 % », préfère nuancer la
Mairie de Paris. Pour un afficheur comme CBS Outdoor, centré sur le grand
format et qui, à la différence de Clearchannel (Dauphin) et de JC Decaux
(Avenir), n'a pas diversifié ses activités, l'adoption de ce nouveau règlement
pourrait prendre une résonance dramatique. Une surprise si radicale que
cela ? « Nous réclamions dès le début des discussions cette
interdiction des panneaux en 4 x 3 », proteste Charlotte Nenner, élue Verts au
Conseil de Paris. Manière de glisser que les afficheurs savaient pertinemment à
quoi s'en tenir et que le temps leur avait été laissé pour s'adapter à la
nouvelle donne.
Dans la foulée, le règlement impose également une baisse de 20 % du mobilier
urbain - ce à quoi s'est conformé Decaux dans l'appel d'offres Vélib' - ainsi
que la disparition du micro-affichage sur les vitrines des boutiques. Une
mesure guettée avec impatience par les Verts, puisqu'on dénombre 16.000
micro-affiches à Paris, d'une esthétique, il est vrai, toute relative.
Egalement au programme, la suppression des zones de publicité élargie, qui
facilitait jusqu'à présent l'affichage aux portes de Paris et aux abords des
gares. Enfin, s'y sont ajoutés les 98 amendements adoptés lors de la séance du
27 septembre, une majorité ayant été déposée par les afficheurs et la mairie,
et une dizaine par les Verts et les associations. Quatre-vingt-dix-huit
amendements que les afficheurs ont reçus comme un véritable uppercut,
puisqu'ils auraient été déposés au tout dernier moment. « Plusieurs ont
été déposés en une heure, certains membres du groupe de travail ne les avaient
pas compris », s'agace Stéphane Dottelonde, président de l'UPE. La Mairie de
Paris rectifie sèchement : « Ces amendements ont été transmis à tous
quinze jours avant le vote, et le texte a été adopté dans le
consensus. »
Demeure une certitude : les six amendements des élus Verts, soutenus
par les associations (notamment Paysages de France) ajoutent des restrictions
supplémentaires. Ce qui amène Didier Beaupin (UDA) à évoquer un « texte
radical », qui surgit sans prévenir, « après de bonnes relations entre la
mairie et les afficheurs ». Normalisation
Quant aux panneaux publicitaires déroulants (MUPI), ce mobilier urbain
publicitaire comportant des affiches éclairées et défilantes de 8 m2, ils
devront rester fixes entre minuit et sept heures du matin. Cette mesure a été
prise « au nom de l'économie d'énergie, puisque cela réduira de près de 40
% leur consommation », argumente Charlotte Nenner. Une concession aux Verts et
aux associations, donc, quoique accordée au compte-gouttes : Paris
comptera 350 MUPI, « alors qu'il ne devait en y avoir initialement que 200
», pointe-t-on à Paysages de France. Enfin, preuve d'un basculement progressif
du rapport de force, les Verts ont également obtenu que la publicité soit
réduite par endroits, dont sur une zone de publicité très restreinte sur la
Butte Montmartre. Peu à peu, Paris et son environnement s'alignent donc sur les
grandes villes européennes comme Londres ou Berlin, où l'espace dévolu à la
publicité a été sérieusement revu à la baisse. Mais où également, l'affichage
était loin de tenir une place aussi importante qu'en France, autant en termes
de format qu'en stricte part de marché (11 %). Une manière de normalisation qui
fait grincer les dents.
Formes émergentes
Dans la foulée, le texte cherche également à encadrer davantage les formes
émergentes de publicité proliférant dans les espaces publics, se glissant entre
les mailles, parfois assez lâches, de la loi. Ainsi, dès le début, le règlement
a prévu une restriction des véhicules publicitaires, là encore sur proposition
des Verts et de l'association Résistance à l'agression publicitaire (RAP).
Résultat, ces véhicules, comme les voitures et les vélos qui circulaient dans
les rues de la capitale entièrement aux couleurs d'un annonceur, ne seront plus
autorisés. A une exception près : la flotte automobile de 350 Mercedes
Smart comportant de la publicité, que pourront continuer à louer des
particuliers via la société Upkin. Non retenue également, leur proposition
visant à faire interdire les tables de bistrot comportant des publicités. A
l'inverse, les annonceurs pourront s'afficher sur des bâches de travaux
recouvrant des bâtiments en réhabilitation, à condition qu'ils participent au
financement de ces travaux, et sur accord du Préfet. Ce que plusieurs
afficheurs ne se privent pas de présenter comme une « forme certaine de
schizophrénie ».
A l'arrivée, si l'association Paysages de France s'estime déçue de ces
avancées exhalant un parfum discret de complexes tractations politiques, les
Verts y voient « un bon compromis ». Mais les afficheurs sont amers :
« Nous avons l'impression de faire les frais des Vélib'... Tout se passe
comme si on nous avait obligés à réduire l'affichage grand format pour
contrebalancer les 1.280 panneaux de mobilier urbain qu'a obtenus de déployer
Decaux en échange de ses vélos... », lâche un afficheur anonyme, qui juge par
ailleurs que « l'UPE n'a pas obtenu d'avancées tangibles ». Didier
Beauclair, (UDA), est sur une ligne sensiblement parallèle : « Le
Vélib' à Paris est essentiellement financé par la publicité, d'autant que les
prestations de vélo et la concession de l'affichage sur la Ville de Paris sont
liées. Qui va supporter la charge du vélo, qui a coûté 90 millions d'euros à
Decaux ? » Mais l'enjeu, visiblement, n'est pas là.
CAPUCINE COUSIN ET VÉRONIQUE RICHEBOIS / Les Echos - Tous droits
réservés