jeudi 19 août 2010

Hype Cycle 2010 de Gartner: réalité augmentée et interfaces tangibles, c'est pour demain

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Source: Gartner

Étonnamment, le traditionnel Hype Cycle de Gartner, publié comme chaque année début août, est passé inaperçu cette année. Dont par moi-même, alors que j'étais très loooooin, y compris de la planète geek :) Mais il n'est pas trop tard pour y revenir, car le "Hype Cycle des technologies émergentes" 2010 est une bonne synthèse des innovations de rupture d'aujourd'hui et de demain - et celles qui sont déjà out.

Il synthétise ainsi un ensemble de 68 "hype cycles" par secteurs, comme il l'a fait l'an dernier et en 2008.

Vous trouverez sur le site de Gartner, cette très bonne description (en anglais) de la notion de "hype cycle", et depuis cette page, la présentation en différé.

Tablettes tactiles,

Du côté des appareils, d'abord, les tablettes à stylet ont atteint le "plateau de productivité" en entreprises, tout comme les télévisions en 3D (je soupçonne Gartner d'un excès d'optimisme, là...), alors que les lecteurs de livres électroniques (e-readers) sont presque dans le "puits des désillusions". En revanche, pour Gartner, les tablettes tactiles (l'iPad, mais aussi les autres à venir) sont au "pic des attentes excessives", mais sur un cycle rapide (deux ans)...

Interfaces tangibles et réalité augmentée

Côté usages, les manières d'interagir les plus prometteuses sont les interfaces tactiles d'aujourd'hui, auxquelles s'ajouteront des interfaces tangibles, qui reposent sur l'utilisation d'objets physiques pour interagir avec les systèmes. Certes, il faudra encore attendre pour que cela décolle (plus de 10 ans), mais cela existe déjà avec la reconnaissance d'objet, qui permet de créer des applications originales sur la table Surface de Microsoft. Plusieurs labos de recherches y travaillent, comme le MIT, qui a un groupe de travail dédié.

Autre tendance de demain décelée par Gartner, la réalité augmentée, à laquelle s'ajoutera demain une tendance plus générale, l'informatique contextuelle. La promesse de cet ensemble de technologies est de remplacer l'approche d'une recherche d'information pilotée par l'utilisateur par une offre d'informations proposée automatiquement en fonction de son contexte. Comme par exemple les applications basées sur la géolocalisation de l'utilisateur (ce que proposent déjà Plyce, Foursquare, et depuis aujourd'hui Facebook Places.

Prometteuse, placée sur le "pic des attentes excessives", la réalité augmentée, actuellement surtout mobile, enrichit son approche par la localisation et l'orientation de l'utilisateur, avec des applications mobiles . Les plates-formes de réalité augmentée (comme Layar, pour Android et iPhone), et des applis mobiles telles que CultureClic, devraient favoriser une explosion rapide d'applications innovantes, comme j'en parlais il y a quelques mois dans cet article.

Cloud computing

Inclus dans le hype cycle depuis 2 ans, le cloud computing est toujours en évolution et il devient de plus en plus important pour les entreprises. Mais il approche de la phase de descente dans le "puits des désillusions" d'après Gartner. A voir, car les déclinaisons grand public du cloud sont déjà légion, entre les webmails (comme Gmail de Google), les services de stockage et partage de photos (Flickr)...

Côté plates-formes, logique, Gartner distingue les AppStores mobiles: depuis qu'Apple a lancé sa pépite d'applis mobiles pour iPhone, les autres constructeurs cherchent à créer leurs propres "supermarchés d'applis". Et les marques à être présentes à tout prix dans l'AppStore d'Apple...

Prometteurs aussi, les systèmes de micro-paiement sur Internet, les systèmes d'identification par biométrie, la télévision interactive (dont on parlait déjà en 2002)...

En périphérie

Certaines technologies en phase d'émergence, sont rassemblées dans cette catégorie un peu fourre-tout. Comme l'impression 3D, les robots mobiles (pour des applications ciblées, par exemple de visioconférence), ou encore la télévision sur internet.

mercredi 18 août 2010

"So long" le Web ? (C'est "Wired" qui le dit)

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Le Web est mort, vive Internet ? En tous cas, c'est 'Wired'' qui le dit, dans un article (avec le graphe qui va bien) publié en ligne hier, signé par le patron du magazine, Chris Anderson... Comme il l'espérait :) il n'a pas manqué de provoquer un afflux de réactions sur la Toile.

Déjà en juin, au salon All hings Digital, Steve Jobs, le patron d’Apple annonçait crânement que c'était bientôt la fin de "l’ère des ordinateurs de bureau", remplacée par celle des terminaux dédiés à certains usages.

Le XML se substitue au HTML

On en est peut-être pas si loin, à en croire le magazine. Car c'est là le grand changement induit par les outils nomades connectés à Internet- smartphones, tablettes tactiles, netbooks - qui se sont multipliés ces derniers mois. Plus besoin de surfer sur le Web, d'y mener de fastidieuses recherches: Apple a inauguré les applications mobiles, qui nous permettent d'accéder en un clin d'oeil à des contenus et services ciblés sur Internet. Alors que jusqu'à il y a peu, à l'ère du Web old school, il fallait passer uniquement par des pages web en http:// pour y accéder.

Et de souligner: l’Internet est la véritable révolution, aussi importante que l’électricité; ce que nous en faisons est encore en train d’évoluer. En passant de votre ordinateur à votre poche, la nature du Net se transforme.

Wired s'est basé sur une étude publiée récemment par l’institut Cisco, qui a mesuré le ratio des différents usages dans le trafic global du réseau. Résultat: le web ne représente plus que que 23% du trafic, soit autant que les échanges en peer to peer. Désormais, la vidéo en ligne représente plus de 50% du trafic sur Internet - certes, la généralisation du haut débit aide...

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Source: Wired

Pour reprendre un de ces schémas que Wired affectionne, les applis remplace(ro)nt donc le navigateur, le modèle éco du freemium (gratuit +premium) le tout-gratuit, le XML le HTML...

Croissance du trafic Web

L'analyse de Wired est polémique, donc forcément un peu biaisée :) Alors que l'étude de Cisco se base sur des pourcentages, et non sur le quantitatif, comme l'a pointé Nick Bilton dans le New York Times. En clair, la jolie thèse de Chris Anderson s'effondre comme un château de cartes en omettant la croissance du trafic web.

De fait, comme le souligne Frédéric Filloux dans son article sur Slate, "le trafic total mesuré sur internet en 1995 était de 10 téraoctets. Dix ans plus tard, il a été multiplié par 10.000, et on estime que d’ici la fin de l’année 2010, il atteindra 7 millions de téraoctets. L’augmentation du trafic touche donc tous les domaines, le web y compris, même s’il progresse moins vite que la vidéo ou les applications, par exemple".

Idéologie

Mais pour Chris Anderson, les faits sont là: en privilégiant l'utilisation des "applis", les internautes adhèrent de facto au modèle fermé et propriétaire créé par Apple avec ses applis iPhone - et tant décrié, au point que l'on a pu soupçonner Steve Jobs de virer réac' . Alors que par essence, les pages web sont ouvertes, puisque leur code est consultable...

vendredi 13 août 2010

Le Pérou exerce à son tour son devoir de mémoire

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Un sujet un peu inhabituel par rapport à ceux traités habituellement ici, parce que la thématique m'a semblé passionnante en tant qu'historienne de formation. C'est un vaste courant qui traverse la plupart des pays d'Amérique Latine, depuis tout juste quelques années. On aurait pu penser que seuls les pays dits "développés" pouvaient s'offrir le luxe d'ouvrir un débat sur le sujet.

Le Pérou à son tour est plongé dans un vaste débat sur son devoir de mémoire: à propos de son histoire coloniale, mais aussi de ses 20 dernières années, marquées par des violences dues, entre autres, au Sentier Lumineux, une mouvance maoïste qui a vite dévié vers le trafic de drogue.

"To remember - 1980 - 2000"

Depuis quelques années, une expo photo permanente hallucinante - "Yuyanapaq. To remember. 1980 - 2000" - tranchante, a pris place dans l'un des principaux musées publics péruviens à Lima, le Museo de la Nacion. Un véritable uppercut à l'estomac, du véritable photojournalisme, issu du travail de photographes sud-américains (Jaime Razuri, Nancy Chappell, Jorge Torres...).

On y voit d'immenses photos qui illustrent les exactions et violences - souvent commises par le Sentier Lumineux - qu'ont subi quelques 16 917 Péruviens sur ces deux décennies, souvent méconnues par les occidentaux. Sur certaines, on voit d'innombrables cadavres, les armes, les corps mutilés, les prisons... Et des soldats encagoulés chargeant des cercueils dans un camion sur une photo. Sur une autre, un hameau de montagne rasé par le Sentier, encore fumant.

Des documents photos, mais aussi vidéos, et audios (des témoignages de victimes d'exactions sont diffusées en continu dans l'expo) témoignent de "la vérité d'événements sanglants que le Pérou a connues durant deux décennies", dixit le dépliant. Il y a eu des cas de résistance de citoyens péruviens au terrorisme du Sentier Lumineux. Comme la tragédie d'Ayacucho, le berceau du Sentier Lumineux, qui a vu plus de 10 000 paysans assassinés, 3 000 disparus, 50 000 orphelins et 170 000 personnes déplacées.

D'autres faits, moins connus, témoignaient de la fracture sociale qui régnait au sein du Pérou. Comme le cas Uchuraccay, où 8 journalistes péruviens venus en reportage, le 26 janvier 1983, ont été assassinés.Une série de 8 photos, prises par un des journalistes, Willy Reto, documente ce massacre. Les paysans de la campagne andéenne d'Uchuraccay furent inculpés par la suite - ils auraient pris les journalistes pour des terroristes - sans que leur responsabilité réelle soit prouvée...

Ou encore le massacre de Barrios Altos, dans lequel 15 personnes ont été tuées en novembre 199 par des membres des Forces Armées péruviennes. Dans ce dernier cas, le dossier a été enterré par une loi d'amnistie, mais la plupart du temps, l'Etat péruvien a commencé à admettre son devoir de mémoire.

Cette expo photo, présente des images de toutes les années de guerre, a été organisée par le Centre pour l'information sur la mémoire collective et les droits de l'homme, une structure née le 19 avril 2004, dont le médiateur collecte la documentation sur le sujet.

Devoir de mémoire

Déjà en France, la notion est apparue tout récemment: grosso modo, elle désigne un "devoir moral attribué à des États d'entretenir le souvenir des souffrances subies dans le passé par certaines catégories de la population, surtout lorsqu'ils en portent la responsabilité".

Depuis les années 90, les Etats français, allemand, polonais... ont reconnu leur responsabilité dans les exactions contre les Juifs. Le sujet a aussi émergé à propos d'autres massacres récents (jusqu'à leur qualification de génocides), comme au Rwanda.

Et il fait donc débat depuis quelques années en Amérique du Sud - au Pérou, mais aussi au Chili, qui revient sur sa "Révolution" de 1973, menée par le dictateur Salvador Allende...

Dans la lignée du Devoir de mémoire de Primo Levi, plusieurs historiens ont commencé à se spécialiser sur le sujet, tels Jean-Pierre Rioux, Annette Wieworka, Henry Rousso... et à consacrer des travaux parfois passionnants - spécial dédicace à Annette Becker, grande spécialiste du sujet, qui fut mon directeur de recherche en histoire contemporaine.

Vers des émissions télé de comédies musicales ?

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Pendant longtemps, l'été a été la grosse période creuse pour l’industrie du cinéma, durant laquelle les studios en profitaient pour refourguer nanars et films à moitié ratés. Mais c’est de moins en moins le cas depuis quelques années – les salles de ciné connaissent même une seconde vie au cœur de l’été, alors que l’on fragmente davantage ses vacances.

Cette année, l’été pourrait bien consacrer le retour de la comédie musicale aux US. C’est le populaire news USA Today qui l’affirme, au point d’en avoir fait sa couv’ le week-end dernier. On assisterait au grand retour des comédies musicales au cinéma, alors que le troisième volet de "Step Up" (sorti sous le nom de "Sexy Dance" en France) sortait aux US vendredi dernier. Et occupait dès le premier jour la tête du box-office, avec 5.5 millions de dollars de recettes réalisées.

Déjà les deux premiers volets de "Step Up" avaient généré 262,8 millions de dollars de chiffre d’affaires, tandis que le troisième volet (tourné en 3D) a coûté la bagatelle de 30,2 millions de dollars.

Chaque décennie a eu sa comédie musicale – culte : "Grease" dans les années 70, qui consacrait John Travolta, "Fame" et "Flashdance" dans les années 80, Footloose (dont un remake doit sortir en 2011)… et bien sûr "Dirty Dancing" avec Patrick Swayze en 1987 – film cultissime pour les collégiennes des 80’s (j’en suis !), comme on a pu le vérifier lors du décès de P. Swayze.

Leur point commun: ils récoltent leur lot de critiques assassines dans la presse… avant de devenir cultes dans la décennie qui suit.

"Dance film" pour ados

Là, depuis la sortie de son premier volet en 1986, "Step Up" – et sa copie conforme britannique, "StreetDance 3D" - consacrent une variante, le « dance film », une sorte de "film musical" un peu cheap, avec au menu romances hip-hop, intrigues simplistes, et jeunes acteurs venus de la danse – logique, ils sont là avant tout pour leurs performances.

Pour entretenir la marque Step Up, son réalisateur, John M. Chu, recourt largement aux réseaux sociaux: il nourrit les pages dédiées Twitter, Facebook et MySpace de news. Quitte à y tester la popularité du concept Step Up : récemment, à la question (quelque peu orientée ;) "Pourquoi aimez-vous les films Step Up ?", il a récolté 300 réponses d’un peu partout dans le monde – Allemagne, Pakistan, Tunisie, Italie, Irak, Kenya, Russie, Egypte, Grèce… Une bonne manière de fédérer une communauté de fans. Déjà pour le second volet, il avait lancé un appel à candidatures à des talents potentiels via MySpace.

Il compte d’ailleurs creuser le sillon : il a lancé en juillet une web-série dérivée sur Hulu (une plateforme dédiée aux séries en ligne), "The legion of extraordinary dancers".

Nouveaux formats télé

La télé s’est emparée à son tour de ce genre, et tente d'y greffer de nouveaux formats, entre télé-réalité et jeux. Avec notamment "So you think you can dance", reality show diffusé sur Fox TV, "Dancing with the stars", sa concurrente sur ABC, et bientôt "America’s Best Dance", une sorte de jeu à venir sur MTV US, dont les premiers gagnants assurent des shows à Las Vegas.

Et bien sûr, il y a la sensation "Glee", une série télé dénichée par la Fox, qui met en scène des ados talentueux cherchant à monter leur comédie musicale, et a ses sites de fans jusqu'en France.

Reste à voir quand - ou du moins si - la tendance débarquera en France, alors que les "Star Academy" et "Nouvelle Star" - basées sur les performances individuelles d'apprentis chanteurs, et non les performances collectives de groupes - s'essoufflaient sur les dernières saisons.

lundi 9 août 2010

Vers la reconnaissance des visages sur les photos Facebook ?

Ça y est, ce blog quelque peu délaissé - changements professionnels, remise à jour de mon bouquin (j'y reviendrai), trêve estivale looooin oblige - reprend du service.

Et c'est potentiellement une petite bombe qu'a annoncée Facebook qui m'a fait tiquer. Certes, l'annonce a été faite il y a un mois, mais étonnement, est passée inaperçue. C'est (presque) officiel, le réseau social prévoit d'introduire un système de reconnaissance automatique des visages sur les photos publiées par ses membres.

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C'est dans un billet publié sur le blog officiel de Facebook que Sam Odio, directeur produit de la division photos de Facebook, en a fait l'annonce: cette fonctionnalité est actuellement en tests.

Techniquement, Facebook se baserait pour cela sur une technologie similaire à celle que proposent les appareils photo numériques. Il a fait appel pour cela à Divvyshot, une start-up spécialisée dans la reconnaissance faciale des images, qu'il vient justement de racheter.

Officiellement, elle permettrait de rendre l'étiquetage des photos (les fameux tags) plus simple. A chaque nouvelle photo ajoutée, le système ajoutera le nom de la personne présente sur le cliché, en fonction des photos déjà étiquetées sur le réseau. Il y aura deux étapes: d’abord en indiquant à Facebook qu’un ou plusieurs visages se trouvaient sur une photo. Ensuite en indiquant le nom de la personne ainsi repérée (ou "taguée").

Vie privée

Reste que ce marquage automatique des visages sur Facebook risque de poser une nouvelle fois la question de la protection de la vie privée des utilisateurs. Certes, la société précise que chaque marquage automatique passera par l'approbation manuelle de l'utilisateur. Mais on le sait, "détagger" ses photos sur Facebook relève du parcours du combattant est loin d'être simple (c'est toujours délicat de demander à l'auteur d'un album photos indélicat de nous détagger dans celui-ci...).

Et quand Sam Odio explique que "la possibilité de taguer ses photos n'est qu'un début", je flippe un peu. Puisqu'il veut "faire gagner du temps" aux abonnés, pourquoi n'irait-il pas jusqu'à concevoir une reconnaissance automatique des visages sans intervention humaine ?

Prudence chez Google

Google teste aussi aussi ce service - très prudemment, et en toute discrétion, sur son service de classement et de retouche de photos Picasa. La firme de Mountain View propose en effet ce service avec la V3 de Picasa - tout comme iPhoto d’Apple.

Je l'ai testé, le service est plutôt efficace: une large majorité des visages présents sur des photos sont automatiquement reconnus par le logiciel. Picasa apprend vite qui est qui dès que l’utilisateur lui indique qui se trouve sur une dizaine de photos. Le logiciel suggère des noms en fonction des visages repérés. Et très souvent, ce sont les bonnes personnes qui sont identifiées.

Certes, Google le promet, il n'utilise pas pour l'instant pas la reconnaissance faciale de manière plus importante dans ses produits, et si tel était le cas, il le ferait "de manière transparente". Mais techniquement, il peut l'intégrer à d'autres services. Comme l’application "Goggles", qui permet la recherche sur le Web via des photos prises avec son téléphone.

mercredi 21 juillet 2010

Twitter, incarnation d'un (nouvel) idéal de transparence politique ?

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On pourrait y voir la nouvelle marotte des politiques, un des outils (joujoux ?) tech qu'il est de bon ton d'exhiber. Parce que l'outil de microblogging Twitter est un peu moins connu que Facebook - "en être" vous classe d'emblée dans la catégorie des avant-gardistes. Mais son utilisation même fait débat chez les politiques.

Ce matin encore, sur France Inter, François Hollande ne voyait pas trop de problème à ce qu'un député rompe le huis-clos d'une séance en commission parlementaire par tweets interposés.

No tweets sur les retraites cette semaine

Parce que justement, hier, c'était le branle-bas de combat: l'UMP et le Parti socialiste réaffirmaient vouloir garantir un débat à huis-clos sur les retraites, sans Twitter. Pas question que, en plein débat sur le polémique projet de loi sur les retraites, quelque élu s'avise de raconter minute par minute ce qui se disait dans la Commission des Affaires sociales de l'Assemblée...

De fait, hier, le président de la commission des Affaires sociales, Pierre Méhaignerie, a décrété le huis-clos sur la réforme des retraites, pour préserver le sérieux et le "naturel" des débats sur les retraites.

Pour rapporter la teneur des débats, censés durer jusqu'à vendredi, 3 points de presse sont prévus chaque jour par la majorité et l'opposition. Une forme de communication classique, donc.

Et c'est promis, les députés ne tricheront pas en twittant. Le groupe socialiste a bien débattu de cette option, "et nous avons décidé de ne pas le faire", a déclaré mardi matin la députée PS Marisol Touraine. Et d'ajouter: "Je ne sais pas si des individualités s'affranchiront de notre décision collective mais, nous, ça nous semble relever du gadget et nous tenons à ce qu'il y ait une discussion de fond entre deux projets", relevait l'agence Reuters.

Rompre ou pas le sacro-saint huis-clos parlementaire ?

A première vue, c'est logique. Le huis-clos est un des fondements démocratiques et une des bases des règles de fonctionnement de l'Assemblée.

Dans le cas du débat sur les retraites, est-ce une bonne idée ? La réforme des retraites touche à l'avenir de notre système de retraite, de notre société, de la nécessité de trouver un système juste pour tous... Après tout, le gouvernement ne s'est pas privé de s'offrir de pleines pages de pub dans les principaux quotidiens nationaux pour vendre "son" projet de réforme, avant même qu'aient commencé les débats parlementaires.

Certes, les 50 heures de débats publics seront ouverts à la presse. Le débat à huis-clos, sur les amendements, " a toujours été sans présence de la presse, rien n'a changé", expliquait Pierre Méhaignerie sur LCI. A l'inverse, le député UMP Lionel Tardy a dénoncé un procédé "anti-démocratique".

Du coup, faut-il craindre les SMS et autres messages Twitter pendant ces trois jours de débats? "Ce n'est pas incompatible avec le huis clos", a reconnu Jean-François Copé, président du groupe UMP à l'Assemblée. Et de glisser: "désormais tout ça est totalement à la mode".

La tentation du piratage

En clair, il y a un certain vide juridique. Et il y a fort à parier que certains médias cèderont à la tentation de suivre une séance en huis-clos par un de ces moyens électroniques... Avec la complicité active de parlementaires, trop heureux de jouer les pirates par la même occasion.

Dommage pour Marisol Touraine, plusieurs députés socialistes ont joué les rebelles en tweetant furieusement, Sandrine Mazetier (@S_Mazetier) et Gaëtan Gorce (@GGorce) en tête - on remarquera que ce dernier est inscrit sur Twitter depuis... hier, le 20 juillet ;) - racontant dans les moindre détails les débats animés entre le ministre du Travail, Eric Woerth, et l'opposition .

La mode de la transparence ?

Pour quelle raison ? Cela permet aux députés de se distinguer, de prendre une posture "rebelle", au nom de la "transparence". Une vertu un peu éternelle, récurrente, et délicieusement hypocrite en politique, pour laquelle Twitter devient un nouveau support, comme le montre très bien Olivier Cimelière dans ce billet publié sur ''Owni''.

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C'est sûr que Twitter a effectué une irruption en force dans les travées et les réunions de l'Assemblée, permettant à des parlementaires de rendre public ce qui était censé être privé. Le phénomène s'amplifie, au-delà des coups d'éclats individuels qu'ils constituait, pour les premiers députés qui s'y risquaient. Comme le 30 juin dernier, lorsque le député UMP Yannick Favennec a relayé l'annonce par le chef de l'Etat d'un remaniement ministériel en octobre.

Ou lors de l'audition de Raymond Domenech après la déroute des Bleus au Mondial. Là le député UMP Lionel Tardy, blogueur et twitterer invétéré (désolée, j'ai encore du mal à employer le terme "twittos"), a tweeté... Avant d'être contraint de s'interrompre, au bout de quelques minutes, étant relayé par le député Yvan Lachaud. Mais l'objectif était atteint: il ont pu lâcher quelques tweets.

Source d'un nouveau genre pour les médias

Du même coup, ces tweets non-autorisés devienne une source d'un nouveau genre pour les médias. Qui y trouvent parfaitement leur compte. Lors de l'audition de Domenech, LeMonde.fr a repris les tweets des deux députés, ce qui lui a permis de présenter une sorte de ''live'' de cette audition. Au grand dam de ses concurrents - les journalistes du service sport de 20 Minutes n'étaient pas ravis ce jour-là...

Encore hier, Le Monde a mis en ligne sur son site des extraits de transmissions sauvages, grâce à un membre de la Commission qui avait bien voulu laisser son portable branché.

Provoc'? Carrément. Aucun scoop dans ces bribes d'échanges de la Commission. C'est juste une manière de monter aussi que cela reste possible - pour l'heure, le quotidien n'a pas été poursuivi ou sermonné.

Dans ces deux cas, il s'agit d'éléments bruts portés à la connaissance du lecteur. Pas grave s'il y a peu de révélations, comme je le disais plus haut, cela permet au média de monter qu'il a pu le faire. Si c'est une vraie info, il y aura tout de même le travail de recoupement derrière: Une info reprise peu après dans une "alerte" de l'AFP avant d'être recoupée et confirmée par d'autres députés ayant participé au déjeuner. Dès lors, Twitter s'imposait comme possible source d'informations pour les journalistes - à condition qu'ils ne la recoupent par la suite. Le tweet de Yannick Favennec a ainsi été repris peu après dans une "alerte" de l'AFP avant d'être recoupé et confirmé par d'autres députés ayant participé au déjeuner.

dimanche 18 juillet 2010

Newsmap, un agrégateur d'infos sous forme de mosaïque

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Etonnant, cet agrégateur de sites d'informations, qui hiérarchise l'information sous un autre angle. Sur Newsmap.jp, pas d'agrégation linéaire d'infos comme sur Google News ou sur Netvibes. Si la source d'infos est classique (Google News), il se distingue par un design inhabituel, conçu par le designer Marcos Weskamp (marumushi.com).

International, Newsmap couvre la presse de 15 pays, dont l'Argentine, le Japon, l'Inde, le Brésil. Concrètement, l'interface de ce site se présente donc comme une mosaïque articulée autour de cases, avec différentes couleurs et différents codes. Pour affiner ses recherches, on peut personnaliser sa page une fois inscrit, ou juste en cliquant en bas sur les blocs (donc les rubriques) que l'on veut sélectionner.

Chaque couleur correspond à une rubrique (vert pomme pour éco, bleu foncé pour entertainment, rouge pour international, bleu pour sport...), la taille de la case indique le poids médiatique du sujet traité. Par exemple, en VF, l'affaire Bettencourt, la marée noire, les débuts de Secret Story, le décès de Bernard Giraudeau... constituent les sujets qui ont été lez plus traités par les médias. On passant sa souris sur telle ou telle case, une pop-up nous donne un résumé de l'actu, et le nombre d'articles qui l'on traitée.

Miroir biaisé

Alors forcément, ce miroir est un peu biaisé. Cette carte apporte un éclairage particulier sur le traitement de l’information dans les médias en général, mais aussi sur l’impact des moteurs de recherche et agrégateurs de news, dans la façon par laquelle ces actualités nous sont restituées sur Internet.

On aura tendance à croire que les sujets figurant en gros - sur lesquels se sont le plus focalisés les médias - font le plus l'actu, donc sont les plus importants. Ce qui est loin d'être toujours le cas: c'est une lapalissade, les médias contribuent un certain selon l'importance que eux vont donner à l'actu, voire, selon ce que leurs lecteurs seront supposés avoir envie de lire.

dimanche 11 juillet 2010

"Médiapart": une marque, la consécration du journalisme d'investigation numérique

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La consécration. Depuis quelques semaines, dans le cadre de l'affaire Bettancourt, dont il a fait une affaire Woerth-Bettancourt, en publiant le 16 juin des enregistrements de conversations très perso de Liliane Bettancourt, Mediapart marque un nouveau tournant pour la presse en ligne. Et, en égrenant les scoops au fil des jours, se distingue de ses petits camarades "pure players du web", Rue89, Bakchich...

Journaliste d'investigation en ligne

Car au fil des jours, il a vu ses abonnements en ligne augmenter, chaque jour, grappillant jusque 300 nouveaux abonnés par jour. Aux dernières nouvelles, il compterait près de 30 000 abonnés à la version payante de son site (5 000 nouveaux abonnés depuis le début de l'affaire), contre 2 500 début mai, comme me le précisait alors son rédac' en chef Bruno Bonnet.

Du coup, le site d'infos créé par Edwy Plenel s'est d'autant plus légitimé comme site de journalisme d'investigation à l'ère du numérique. Et s'est même imposé comme marque média (comme le soulignait Alain Joannes), étant relayé par les médias classiques (radios, télés, presse écrite). Avec des valeurs telles que l'indépendance vis-à-vis du pouvoir, l'enquête. Et du coup, est devenu connu du grand public.

Coup de projecteur sur les pure players du Web

Un phénomène inédit, un événement politique, mais aussi un virage positif pour la presse en ligne. Alors que c'est la première "affaire" qui explose à un moment où Internet s'est imposé comme support pour de nouveaux médias, qui n'avait pas la même force de frappe lors des autres grandes affaires. Par définition, c'est un média de l'immédiateté, très réactif, où l'on peut publier l'info en temps réel. Pas besoin d'attendre l'édition du lendemain ou de la semaine, comme ce fut longtemps le cas pour la presse écrite...

Car par extension, au-delà du cas de Mediapart, cela a apporté un coup de projecteur médiatique sur les Bakchich, Arrêt sur images.net, Slate, et autres Rue89, créés par des journalistes expérimentés venus de la presse papier, qui y ont importé leurs méthodes de travail - et d'investigation - et nourris par le travail de jeunes journalistes, qui prennent donc le relais pour ce travail d'investigation à l'heure du Net. Les relais précédents de telles actus? C'étaient Le Canard Enchaîné, L'Express, ou Le Monde qui les révélaient.

Un phénomène dont ont aussi profité les sites web de titres de presse comme LePoint.fr, qui a lui aussi dopé ses audiences grâce aux écoutes téléphoniques qu'il a mises en ligne le même jour que Mediapart.

Modèle économique, nouveaux types de récit journalistique

Médiapart a aussi osé miser sur un modèle économique hybride, avec des contenus en bonne partie payants, et une édition papier. Le modèle payant étant rarissime dans la presse en ligne: dans un échange donnant-donnant, ils sollicitent une certaine forme de soutien - et de confiance - de leurs abonnés.

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Comme d'autres, ils testent aussi des formats innovants, comme la "carte mentale" de l'affaire Woerth-Bettencourt, un format plutôt anglo-saxon, mais qui demeure rarissime en France. Un format proche du journalisme de données qui fait beaucoup débat en ce moment - Owni résume aussi, à sa manière, l'affaire en une image - mais qui permet ici de résumer, d'un coup d'oeil, un dossier complexe.

Certes, les journaux papier ou JT sont coutumier de cet exercice journalistique, mais ici ils ne l'ont pas fait. Surtout, Mediapart l'utilise avec des ingrédients propres au Web, pour en faire un document infiniment plus riche, plus interactif. Pour aboutir à une forme de carte interactive, un format qu'ont testé déjà il y a quelques années des start-ups visionnaires, comme le RTGI. En un clic, chaque point de la carte nous renvoie à un article, chaque images constitue la porte d'entrée à un article, un document complémentaire, ce qui permet à l'internaute d'avancer dans son enquête perso.

Les couv' de la semaine: SVM et Eco-techno

Deux couv' pour cette semaine, après une assez longue absence sur ce blog due entre autres à beaucoup de boulot, des surprises diverses, et la réédition de mon livre ''Tout sur le Web 2.0'', qui aborde un peu plus le "Web 3.0" et les réseaux sociaux à l'heure de la géolocalisation (j'y reviendrai).

"SVM": the last one

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J'ai retenu deux couv' de presse tech pour cette semaine: d'abord SVM. Si ce n'est déjà fait, ruez-vous dans les kiosques, et achetez-le! Malheureusement, le numéro est collector: c'est le dernier numéro de l'un des meilleurs mensuels informatiques. Il y a quelques semaines, sa nouvelle maison-mère, le groupe NextRadio TV, annonçait la fin de sa parution, tout comme pour ''PC Informatique''.

Un numéro qui clôt "une série de 294 numéros et une histoire de 25 années passionnantes", souligne Delphine Sabatier dans son édito. Dans ce dernier numéro, la couv' est prospective, dédiée aux innovations les plus prometteuses pour le futur. 25 "idées pour le futur" donc, qui vont de l'identité virtuelle à la reconnaissance gestuelle, en passant par les robots, les cyborgs, la génétique, la gratuité... Passionnant.

A partir de la rentrée, SVM sera "fusionné" avec L'Ordinateur individuel: plusieurs journalistes de SVM y conserveront leurs fonctions, dont Delphine Sabattier et Christopher Ciminelli (rédac en chef et rédacteur en chef adjoint)

"Eco-techno": le pari du mag high-tech + développement durable

ecotechno

Un nouveau-venu cette fois, le trimestriel Eco-techno, dont j'ai reçu le premier numéro cette semaine. Un mag en papier épais, maquette élégante, vendu 4 €, tiré à 50 000 exemplaires pour ce premier numéro. Relativement peu de pub (une dizaine pour une pagination de 96 pages), il est édité par la société Le Monde du Regard, déjà éditrice de plusieurs titres spécialisés, comme Images Magazine, le Monde de l’Image, le Monde de l’Optique, Images Magazine Fnac et photobusiness.fr.

Pages d'ouverture sympas avec des doubles "Les zoom photo", suivies d'actus, d'un dossier (plutôt attendu sur les "éco-technos attitudes" (comment limiter sa conso d'énergie, quelles technologies "durables" émergent), une interview de Cécile Duflot), le recyclage des mobiles, un reportage en images sur le recyclage...

S'ensuivent des tests produits pour une vingtaine de produits phares, avec bien sûr des tests écologiques effectués en laboratoire, en partenariat avec le site Les numériques, dont pour l'iPad dans ce premier numéro.

Un mag intéressant, qui aborde le sujet en vogue du développement durable sous le prisme techno/tech: juste, je me demande s'il séduira le grand public... Et s'il s'enrichira de davantage de sujets innovation/R&D comme le fait déjà Wired par exemple.

mardi 15 juin 2010

La couv' de la semaine: Rue 89 / Le mensuel: du web au papier...

Rue89couv

Parcours surprenant pour Rue89, le site d'infos généraliste en ligne qui a choisi un second support : un titre de presse papier, Rue 89 - Le mensuel donc, qui sera disponible en kiosques à partir de demain.

J'ai eu la chance de pouvoir le feuilleter en avant-première, donc ça mérite un nouvel exercice de feuilletage virtuel, que j'ai déjà eu l'occasion d'exercer ici.

La démarche d'abord: étrange, ces pure players du web qui choisissent d'investir les kiosques à journaux. J'ai eu l'occasion d'en parler sur 20minutes.fr il y a quelques semaines, et encore dans cet article.

En résumé, cela leur permet de partir à la conquête d'un nouveau lectorat qui ne connaissait pas forcément leur site, de gagner en visibilité, et de diversifier leurs revenus, notamment en attirant les annonceurs. De fait, ce premier numéro de Rue89 papier compte 9 pages de pub: pas mal pour un magazine d'une centaine de pages...

Format mini

Ce mensuel sera donc vendu 3,90 €, et si Rue89 a mis les moyens pour ce premier numéro (diffusé à 85 000 exemplaires en kiosques), il lui faudra assurer une vente moyenne de 20 000 exemplaires par numéro pour atteindre le seuil de rentabilité.

Première surprise lorsqu'on l'a entre les mains: le format. Certes, c'est un mensuel, mais ici, pas de grand format en papier glacé , plutôt un mag au format mini: le Glamour de l'info géné, pour résumer un peu vulgairement. En tous cas, je trouve assez osé qu'ils aient opté pour ce format mini, plutôt en presse féminine, mais pas dans les presse d'infos "sérieuse". Un format qu'a certes adopté aussi Le Monde pour son nouveau mensuel, me faisait remarquer une collègue. Reste à voir si le lecteur accrochera, d'autant que le prix au numéro est relativement élevé...

La maquette, ensuite. Étonnamment, le sommaire reste très fidèle à celui de Rue89 en V.O. sur le web. Ils ont conservé les codes-couleurs, et les intitulés de rubriques ou de rendez-vous récurrents. Le sommaire est basique: "la rencontre", "la politique", "la société", "le monde", ainsi que les déclinaisons de Rue89 déjà présentes sur le Web (qui se sont presque imposées comme des marques), "Eco89", "Planète89", et "Rue69", émanation d'un des blogs érotiques féminins les plus réussis à mon sens.

Transposition du web au papier

Rue89 a fait le pari de proposer environ "70% de contenus issus du web, que nous avons réadaptés, et 30% de contenus originaux "produits pour le papier", m'expliquait Pierre Haski, directeur de la rédaction et co-fondateur de Rue89. Gonflé: le lecteur acceptera-t-il de payer pour des articles qu'ils trouve déjà en grande partie (gratuitement) sur le site web de Rue89 ?

En fait, plus qu'une déclinaison de la "marque" Rue89 en magazine, il s'agit presque d'une transposition du web vers le papier. Ce qui est loin d'être illogique: il s'agit donc pour eux de conquérir de nouveaux lecteurs, qui ne connaissent pas forcément leur site.

Rue892

Le lecteur est loin d'y être perdant: cela permet à Rue89 de valoriser ses articles (qu'ils aient déjà été publiés sur le web ou pas), grâce à une maquette, des illustr, des photos... J'aime bien, par exemple, des effets de maquette assez osés comme celui ci-dessus. Surtout, il s'agit de rentabiliser leurs écrits, en les déclinant sur un second support: "les producteurs de contenus doivent rentabiliser leurs articles sur plusieurs canaux", m'expliquait l'expert des médias (mais pas que...) Jean-Clément Texier.

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Dans les pages, la maquette est assez classique, en même vivante, très mag, avec la part belle donnée aux photos. Surprenant, ce choix éditorial - très culture web en somme - de publier une sélection de commentaires d'internautes à la suite d'articles repris du web.

En le feuilletant, on a donc des news, des interviews au long court, enquêtes (bon sujet - fact checking sur les 3 premières années de mandat de Nicolas Sarkozy), un (timide) portfolio, des chroniques culture vers la fin, et enfin, les bonnes feuilles d'un essai d'un philosophe sur le foot.

And next ? Reste à voir si Rue89 version papier trouvera sa place en kiosques, alors que pour Bakchich - qui a certes une ligne éditoriale très différente - l'essai semble difficile à transformer...

dimanche 6 juin 2010

Usbek & Rica/Snatch/Megalopolis/L'Imparfaite: ils sont jeunes, ils en veulent...

Ils sont jeunes, et sortent tout juste d'école de journalisme ou de Sciences Po, voire sont encore étudiants. Leur premier réflexe en se frottant au monde du travail ? Lancer leur propre canard. Coup sur coup, plusieurs nouveaux journaux ont été lancés ces derniers mois. Pas de simples feuilles de chou distribuées aux potes ou dans les travées des amphis, non, de vrais canards, avec parfois un budget de lancement conséquent, ou de nouveaux circuits de distribution. J'ai connu quelques précédents, comme celui de Terra Eco, initialement lancé uniquement sur le Net et sur abonnements avant de franchir le pas de la sortie en kiosques, pour lequel j'avais participé au lancement les premières années.

Alors voilà, comme on parle (trop) souvent de la crise de la presse, il fallait parler de ces titres de presse papier - et encore... je ne parle pas ici de ces nouveaux pure players du web, tel Owni, alternatives aux Rue89 et autres Bakchich, dont je parlais dans ce papier pour 20minutes.fr.

Usbek & Rica, la nouvelle revue/livre vendue en librairies

C'est la dernière-née: lancée cette semaine, calquée sur le modèle à succès de la revue XXI, la revue trimestrielle Usbek & Rica est vendue exclusivement en librairies (et bien sûr par abonnements). Jolie maquette (quoi qu'un peu plus austère que celle de XXI), papiers fouillés, un peu de BD, photojournalisme et nouvelles, on est ici entre XXI, donc, mais aussi Wired, Technology Review, et les ex-Transfert et Futur(e)s.

Papier mat et épais, ce magazine pas donné (15 € le numéro) repose sur un modèle entièrement sans pub, comme XXI. Malin, son fondateur a donc misé sur un réseau de distribution particulier, les librairies, comme j'en parlais cette semaine dans ce papier. Point de détail non négligeable, Jérôme Ruskin a 26 ans. Et une bonne partie de l'équipe de fondateurs est dans la même moyenne d'âge. Pour mener ce projet a bien, il a réussi à boucler une première levée de fonds de 500 000 € auprès de plusieurs investisseurs en surfant sur la loi TEPA, et via un prêt Oséo. Pas mal. Et auprès d'investisseurs divers, comme Stéphane Distinguin, de la FaberNovel.

Snatch, "le shot culturel"

Ils n'ont pas osé "le shoot culturel" ;), j'aime bien ce bimestriel culturel qui balaie large, avec une maquette simple et élégante. Au menu de ce second numéro: sujet sympa sur "la tektonik est-elle morte?", interview Robert Hue, analyse des stratégies marketing chez les littéraires médiatiques, retour sympathique sur le Paris skinhead des années 80 (jolie portfolio au passage), portrait de Jamie Lidell, et bien sûr des chroniques ciné, musique et jeux vidéos. Juste surprise de trouver quelques pages mode dont on ne sait pas trop ce qu'elles font là...

Reste à voir s'il se distinguera dans les nombreux magazines culturels indé déjà présents en kiosques...

L'imparfaite: revue érotique assumée

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Pré-visuels - crédits image : © Victoire Desprez ; Victoire Thierrée ; Kim Buisson ; Arnaud Lajeunie ; Agathe Philbé ; Orlando Soria.

J'avoue, celui-là, je ne l'ai pas (encore) eu entre les mains, je l'ai glissé dans cette sélection de magazines lancés par des jeunes journalistes parce que ma voisine de bureau m'en a parlé... Mais on en avait déjà pas mal parlé, de ce magazine un peu cul lancé sous le manteau par des étudiants de Sciences Po, dont le numéro 1 a été lancé le 12 mai, disponible notamment dans la boutique Passage du désir à Paris, et en ligne. Ici encore, ce sont essentiellement des jeunes journalistes qui sont à l'origine du projet.

Dans cette revue vendue 10 €, entre livre et magazine, on trouve une soixantaine de photos inédites, des textes analytiques et des reportages. Au sommaire de ce premier numéro: le triolisme aquatique, le coup d’un soir, ” Youporn Wonderland”…

Mégalopolis: le Grand Paris à travers un mag

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Non, il n'est pas question d'aménagement du territoire dans ce jeune magazine "du très grand Paris", lancé notamment par des anciens de Sciences Po (à peu près tous banlieusards ;), L'équipe de Mégalopolis, conseillés notamment par Renaud Leblond, directeur de la Fondation Lagardère, et Christian Fevret, fondateur et directeur des Inrockuptibles.

Son numéro 2, qui vient de sortir en kiosques, aborde entre autres, avec un ton volontiers sarcastique, la question de "l’ennui en banlieue" (certes, le reportage se limite à Versailles, Champigny et Deuil-la-Barre), les universités en Île-de-France, comporte un sujet prospectif bien vu sur l’immigration en Île-de-France en 2050... Y a des sujets pédagos, historiques (Passé/Présent: La cité-jardin de Suresnes), politiques, ou bassement matériels ("Où pisser à Paris ?).

Vendu 3 euros, ce "magazine de la génération Grand Paris" vise avant tout un public jeune. Le premier numéro, tiré à 7 000 exemplaires, était distribué dans plus de 1 500 points de vente (kiosques, librairies...) dans toute l'Île-de-France.

La couv' de la semaine: La Vie

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Eh oui, cette-fois ci j'ai décidé de vous parler de La Vie, qui se définit comme un "hebdo chrétien d'actualité". Je le lis assez rarement - en fait quand je suis de passage chez mes parents - mais c'est un bon canard qui mérite à être davantage connu. Mine de rien, cet hebdo se porte bien: intégré au sein du groupe Le Monde depuis le rachat par ce dernier du groupe La Vie / Télérama, c'est un des rares titres à avoir été bénéficiaires en 2009.

En termes de ligne éditoriale, il incarne très bien la mouvance progressiste (de gauche) au sein des catholiques. Détrompez-vous, le titre n'est pas si poussiéreux qu'il peut en avoir l'air à première vue... N'hésitant pas à prendre ses distances, à l'occasion, envers la ligne officielle de L'Eglise (par exemple lors du débat du PACS, ou face à la position de Jean-Paul II sur les capotes).

Là, La Vie a sorti une enquête de fond, comme on en voit très rarement dans la presse catho. D'ailleurs, la couv' accrocheuse - ce qui n'est pas dans leurs habitudes - est à l'avenant : sur fond noir, avec la photo d'un Jean-Paul II vieillissant entouré de prêtes assez space, l'hebdo annonce une enquête exclusive sur "comment quatre Papes se sont fait berner". Il revient sur le mouvement des ''légionnaires du Christ'', une très discrète mouvance au cœur d'un scandale qui a explosé ces derniers mois, au point d'éclabousser le Vatican même. Le leader de cet étrange mouvement, Marcial Maciel, qui est parvenu à garder les faveurs du Vatican durant 60 ans, était coupable d'abus sexuels, de pédophilie, de plagiat, d'omerta, de manipulations diverses, de détournements de fonds et corruption...

L'hebdo ne prend pas de gants dans cette enquête au long cours, très riche, et passionnante. On y découvre donc les dessous du mouvement des Légionnaires du Christ, qui a bénéficié d'une incroyable indulgence de l'Eglise, et qui est très structuré: international, avec 70 000 membres implantés dans 22 pays, avec des centres d'études, une branche laïque, Regnum Christi, une agence de presse, Zenit...

Un vrai travail d'investigation. D'autant que celle-ci, en creux, remet profondément en cause les méthodes du Vatican. Une enquête qui pourrait contribuer à une dissolution de ce mouvement, exigée par l'hebdo dès son edito. Chapeau donc...

lundi 24 mai 2010

8th Wonderland, esquisse d'un Etat virtuel

8th wonderland

Quelques internautes qui occupent des fonctions-clés (journaliste, traductrice, responsable informatique dans des services secrets...) dans plusieurs pays, qui sont membres d'un réseau social très privé. Lequel leur permet de tchater, et de monter progressivement des actions communes très politiques, au point de devenir progressivement un contre-pouvoir, et même, un pays virtuel... Avec le même désir d'améliorer le monde, de ne plus subir l'actualité sans pouvoir réagir, elles créent le premier pays virtuel. Chaque semaine, tous ses habitants votent par référendum une motion différente.

C'est la trame de 8th Wonderland ("la 8ème merveille du monde"), un premier film indé français, réalisé par Nicolas Alberny et Jean Mach, sorti il y a une quinzaine de jours. Certes, ce film de politique-fiction high-tech souffre d'incohérences dans le scénario, et de concepts pas toujours suffisamment aboutis. Il n'empêche, cette mise en pratique du concept de cyberdémocratie est assez vertigineuse, car finalement pas si irréaliste que cela.

Cyberdémocratie

Une communauté d'internautes du monde entier pourrait-elle acquérir une influence sur l'ordre mondial actuel, en contestant des décisions politiques et économiques des États? A tout moment, 24 heures sur 24, ses internautes se parlent constamment entre eux.

Avec pour outils des motions et votes au suffrage universel organisés en temps réel, ou encore un impôt symbolique mais suffisant pour mettre au point des opérations politiques, 8th Wonderland, une sorte de méga-intranet, esquisse-t-il un système alternatif de gestion politique décentralisé ? C'est la thèse (révolutionnaire ?) que laisse entrevoir ce film.

Les tchats sont représentés à l'écran devant un tourbillon d'images des internautes-membres. Pour cela, la production a recouru à une interface en 3D : un carrousel de vidéos qui s’adressent les unes aux autres, souligne Jean-Noël Lafargue dans ce billet très documenté.

Malins, les producteurs ont creusé la mise en abyme en assurant plusieurs relais en ligne pour ce nouveau monde virtuel : doté de son site bien sûr, 8th Wonderland a aussi sa page Facebook, son fil Twitter, et même des mails envoyés par son ambassadeur David aux "citoyens" de 8th Wonderland.

Les Yes Men, Facebook, Wikileaks pour modèles

La story de ce film n'est pas sans évoquer l'univers des Yes Men, ces potaches très radicaux qui utilisent le canular (et internet pour média) pour montrer les insuffisances des grandes sociétés capitalistes. Les premières actions des citoyens de 8th Wonderland rappellent cet esprit potache anar: avec l’installation de distributeurs de préservatifs dans les églises de la cité du Vatican, ou encore l’édition d’une bible darwiniste.

Mais 8th Wonderland - filmé en 2007, le détail est important - rappelle aussi de manière un peu vertigineuse Facebook... Qui, après tout, constitue une communauté en soi, avec ses rites, ses codes, ses groupes... Il y a même eu un éphémère président-fantoche autoproclamé en septembre 2007, un certain Arash Derambarsh, auquel les médias ont cru un temps... Comme dans 8th Wonderland

Ou encore, il évoque furieusement WikiLeaks, un site d'analyse politique et sociétale, sécurisé, qui vise à rendre visibles des fuites d'informations, notamment des "régimes d'oppression en Asie, aux États-Unis, l'ancien bloc soviétique, l'Afrique subsaharienne et le Moyen-Orient", tout en protégeant ses sources.

samedi 15 mai 2010

Jusqu'où une oeuvre est-elle soluble dans la pub ?

"Quelques gouttes... Ce que tu portais.... Sur ta peau... "Rien d'autre... Sur ma peau..."

Vous avez probablement vu cette pub diffusée en boucle à la télé depuis quelques jours, comme beaucoup de pubs de parfums, à quelques jours de la fête des mères. Mais cela s'entrechoque aussi avec le festival de Cannes. Ça m'a un peu interloquée devant mon écran. En voyant cette pub, je me suis demandée jusqu'où la pub pouvait récupérer une oeuvre ou une icône?

D'essence de Guerlain dans les cheveux...

Dans cette pub pour Shalimar, un des parfums les plus mythiques de Guerlain, en images noire et blanc très cinématographiques, on voit donc Natalia Vodianova mimer une scène qui fait penser au Mépris de Jean-Luc Godard, avec pour fond le morceau Initials BB de Serge Gainsbourg. Un titre qu'il avait écrit lors de son idylle avec Brigitte Bardot. Le sieur Gainsbourg avait déjà largement ouvert la brèche. Dans ce fameux titre, il cite lui-même Shalimar :

Jusques en haut des cuisses Elle est bottée Et c'est comme un calice A sa beauté Elle ne porte rien D'autre qu'un peu D'essence de Guerlain Dans les cheveux ...

Dans cette pub, Guerlain, malin, n'a pas exploité ces paroles. N'empêche, les faits sont là, la marque utilise un titre pour faire revivre son mythe, et recréer une histoire à son parfum. N'empêche, le mélange des genres me froisse, il y a un côté crime de lèse-majesté : la pub a-t-elle le droit de s'emparer d'oeuvres jusqu'à ce point, de récupérer une parole à son profit ? Cela est d'autant plus frappant que Guerlain est une marque qui communique peu : peu de campagnes de pubs, peu de nouveaux parfums (pas besoin), réseau de distribution réduit...

"Et ma bouche, tu l'aimes, ma bouche?"

En fait, Chanel était allé encore plus loin, en 2007, avec cette pub pour son rouge à lèvres Allure, en reprenant carrément LA scène-culte du Mépris et la musique-phare. "Et mes fesses, tu les trouves comment, mes fesses ?" demande BB à Piccoli. "Et ma bouche, tu l'aimes, ma bouche ?" demande Julie Ordon, réincarnation pour Chanel, de cette scène mythique. Est-ce que l'on est dans l'hommage ou la récup' publicitaire ?

Marilyn Monroe détournée

Enfin, dans un autre registre, il y avait eu cette pub récente pour la Citroën DS3 qui mettait en scène Marilyn Monroe... En détournant allègrement des images d'archives pour les mettre en scène dans la pub. Ou comment Marilyn devient (malgré elle) une icône pour une marque de bagnoles.

Elle y exprime sa vision de la nouveauté et de la nostalgie: "Je ne comprends pas pourquoi les gens vivent dans le passé. Ce n'est pas parce qu'on était plus jeunes que c'était mieux. Vous devez inventer vos icônes, votre mode de vie. La nostalgie n'a rien de glamour. Si j'avais une seule chose à dire c'est: vivez votre vie, maintenant". Ce qui permet à Citroën de s'affirmer comme "anti-rétro", et de mettre l’accent sur la nouveauté et l’innovation.

dimanche 9 mai 2010

Emily the Strange, Bad Alice, icônes rock et gothiques anti-Hello Kitty

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Cela fait longtemps que je n'ai pas abordé de sujets market/conso, ce que je faisais plutôt sur mon ex-blog marketing.

Icônes pour enfants

Là, j'avais envie d'aborder la question des marques pour enfants, ces icônes qui commencent à s'imposer, de plus en plus tôt, dans leur univers. Vous avez sans doute remarqué le retour en force de marques et figurines qui baignaient déjà votre enfance (le fameux marketing transgénérationnel) : Babar, sur lequel TF1 mise gros, Oui-Oui, Charlotte aux fraises, Winnie l'ourson... Rien de tel pour séduire les jeunes parents trentenaires, qui achètent ainsi les jouets de leur propre enfance.

Le cas d'Hello Kitty est plus frappant: Sanrio l'a décliné à l'envi, avec plus de 200 nouveaux objets chaque mois : des jouets aux voitures, en passants par les sacoches de portables, les valises,, stylos, papeterie, skis (véridique)... Un personnage omniprésent, plutôt guimauve que kawaï - mais que je vois arboré aussi bien par des petites filles de 4 à 10 ans que des quadras (ce qui, dans le second cas, peut sembler quelque peu pathétique).

Heureusement, une nouvelle icône moins gnangnan commence apparaître chez les pré-ados : Emily the Strange. Là, on est dans un univers rouge, noir et blanc (comme les White stripes...), plus sombre et plus gothique. Emily the Strange, c'est une ado de 13 ans aux cheveux noirs, accompagnée de son chat (noir, forcément), qui semble tout droit issue d'une BD. Ses slogans: "Get lost", "Be yoursefl", "Do it yourself".

C'est plutôt un univers de sale môme, rebelle, inséparable de son "strange cat", plus introverti et moins capricieux, à voir le site officiel. Cet univers est d'ailleurs extrêmement bien implanté sur la Toile, sur Facebook (où elle compte quelques 37 700 fans), Twitter, MySpace et YouTube.

Plus que les petites filles en plein dans l'univers princesses, rose et personnages de Walt Disney (les parents lisant ces lignes reconnaîtront cela ;) , ce personnage cible plutôt les pré-ados, qui cherchent à se construire un univers moins simpliste. On l'entraperçoit d'ailleurs un moment sur l'affiche de la chambre d'une des héroïnes du film Tout ce qui brille.

Rock, individualisme et féminisme

D'après sa page Facebook, cette "petite fille" rock est née en 1993, de l'imagination de l'artiste Rob Reger, qui a créé initialement une série de t-shirts inspirés d'un graphisme trouvé à l'arrière d'une planche de skate. Les valeurs qu'elle véhicule: "l'individualisme, et la prise des pouvoirs des filles, quel que soit leur âge. C'est la marque originale pour les ados qui ont de l'attitude. Vas-y, reste étrange. Sois toi-même. Fais-le toi-même", affirme la page Facebook officielle. Individualisme triomphant, prémices de féminisme, affirmation de soi (avec un slogan qui rappelle celui des parfums Calvin Klein dans les années 90...)

Le trailer, créé en février, très bien fait, qui restitue très bien ces valeurs. On part sur un dessin animé vintage en noir et blanc, dont la bande-son crachotante rappelle les anciens dessins animés de Walt Disney, pour arriver à une petite fille très rock, sa guitare électrique entre les mains; Les références graphiques: la famille Adams, Jamie Hewlett (auteur de tout l'univers visuel du groupe Gorillaz, ou encore des BD destroy Tank Girl).

Une nouvelle concurrente : Bad Alice

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Une autre petite icône gothique est en train de prendre ses marques : Bad Alice. Vous risquez d'en entendre bientôt parler bien davantage, car VIP Licence, a les droits d'exploitation de cette licence en France, a bien l'intention d'imposer cette marque . Quand je les ai rencontrés début avril, lors du Kazachok Licensing Forum, un salon professionnel dédié au licencing, ils avaient au catalogue des livres, accessoires, jouets, et même un scooter fabriqué (en marque blanche) en Chine, qui devrait être lancé en mai..

dimanche 2 mai 2010

Après "Avatar", James Cameron à l'assaut de Mars

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Après le succès phénoménal, gargantuesque (entre autres hyperboles...) d'Avatar, ce n'est pas dans un nouveau blockbuster que James Cameron a choisi de s'investir, mais dans un vrai projet scientifique.

La nouvelle est tombée cette semaine, c'est le ''Pasadena Star News'' qui a lâché l'info, le cinéaste canadien est parvenu à convaincre la Nasa d'installer une caméra 3D sur le prochain robot explorateur de la planète rouge (Curiosity), qui partira explorer la planète Mars en 2011. Il avait avancé cette idée d'une caméra 3D haute définition directement auprès de Charles Bolden, l'administrateur de la Nasa, lors d'une réunion en janvier dernier, relate le journal.

La Nasa a acheté la caméra 3D et qu'elle serait fixée à un mât sur le robot explorateur. La mode grandissante de la diffusion en relief étant un bon moyen pour la Nasa de faire connaître ses projets par un plus grand public. Et il y a fort à parier que ces images serviront de bases à un projet de documentaire pour le cinéaste canadien.

Lubie de cinéaste-star, fort du succès de son film futuriste, qui a contribué à installer la 3D dans le cinéma grand public? Pas seulement. En fait, cela a un petite goût de revanche pour James Cameron. Qui se confirme ainsi comme l'un des rares cinéastes ayant un réel goût pour la prospective, la recherche.

Avant de monter le projet Avatar, il avait longuement nourri le projet de partir sur la lune, en mission scientifique. En 2000, il comptait partir à bord du vaisseau spatial russe Soyouz pour passer un mois à bord de la station Mir. Projet qui avait avorté.

De coup, ce nouveau projet avec la Nasa (plus sur la Lune... mais carrément sur Mars), auquel il réfléchissait depuis longtemps, constitue une jolie revanche pour lui. Car c'est le succès (pas forcément très attendu, certes) du blockbuster Avatar qui lui permet d'avoir les fonds nécessaires pour financer ce projet scientifique...

dimanche 25 avril 2010

La nouvelle mue de la "soucoupe" Owni, labo d'expérimentations journalistiques (et des modèles éco qui vont avec)

"Digital Journalism. Société, pouvoirs et cultures numériques". Le slogan est simple, avec une ouverture "sociétale" évidente, bien au-delà de la high tech. Cela faisait un certain temps que je voulais en parler, et justement, ils ont lancé ce vendredi la nouvelle version de leur site, (très agréable) choc esthétique, par lequel on comprend d'emblée que l'on ne se ballade pas sur un simple site d'infos.

Owni.fr est l'un des derniers-nés dans cette nouvelle génération de sites d'information apparus sur la Toile depuis 3 ans. Qui, fait notable, sont toujours là 3 ans après... Après Rue89, Bakchich.info, Mediapart, Arretsurimages.net (présentés alors comme relevant du "journalisme participatif... notion déjà démodée depuis), ''Slate'' France en 2009, Eco89 et E24.fr (dont je parlais ici) ainsi qu'ElectronLibre, Owni.info explore lui aussi, depuis un an, les voies du "journalisme digital". Comme d'autres, il tâtonne, expérimente des voies susceptibles d'être empruntées par le journalisme de demain.

Un autre pure player de la Toile, qui, lui, a pour particularité de mêler ses productions journalistiques, écrites/filmées par son équipe, à des billets de blogs repris ailleurs (dont les miens). D'ailleurs, il se réclame clairement du "journalisme de liens".

A l'origine de ce projet, Nicolas Voisin, blogueur, qui s'est notamment distingué avec le Politic'Show, une Web TV qui suivait les candidats à l'élection présidentielle.

Engagement, journalisme de liens

Ce site hybride, fort d’un réseau de multiples contributeurs (auteurs, professionnels, chercheurs, entrepreneurs,internautes actifs, journalistes... dont moi-même ;) est né en avril 2009 en France lors de la bataille contre la loi Hadopi, engagé pour les libertés numériques, et vise à faciliter un débat public constructif, critique et technophile.

A la Une en ce moment: une itw vidéo du groupe Hocus Pocus et sa vision d'Internet, une itw de Renée, 76 ans, amatrice éclairée d'Internet, un focus sur IlPost.it, premier pure player d'info de la péninsule italienne, un focus sur Prison Valley, le webdoc du moment, un outil malin pour débusquer les images photoshopées (pardon, retouchées)...

Hybride donc, il se veut à la fois "média, réseau social et plateforme de publication", et présente une sélection d'articles et billets (tous publiés sous licence Creative Commons, donc librement reproductibles sur la Toile) pour refléter ce qui fait débat sur l’évolution de la société numérique. Texto, "Owni est un media social collaboratif sur les cultures numériques et l'avenir de l'information en réseau. Un think thank à ciel ouvert auquel participent journalistes, blogueurs, entrepreneurs, étudiants et chercheurs. On y expérimente le digital journalism et on y pense le monde qui nous entoure sous un regard critique, constructif et technophile", explique son fondateur Nicolas Voisin.

En fait, plutôt qu'un média grand public, il faut y voir un laboratoire d'expérimentation pour initiés, qui reflète une multitude de points de vues émis par ses nombreux contributeurs. A vrai dire, sa ligne éditoriale (et même la maquette du site) rappelle furieusement ses lointains prédécesseurs du début des années 2000, comme (feus) Transfert, Newbiz, Futur(e)s, et les contemporains Technology Review et, bien sûr, the master ''Wired''.

Nouveau design épuré

La nouvelle version du site, en ligne depuis deux jours, renverse les codes esthétiques des sites webs d'infos. J'en avais eu un aperçu il y a une quinzaine de jours, en voyant les storyboards placardés aux murs des bureaux de l'équipe de journalistes et geeks passionnés d'Owni, Rue de Malte à Paris.

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Pas d'accumulation de titres et de colonnes, comme ont tendance à le faire beaucoup de sites d'infos, ici, la mise est épurée, moderne. Les quelques dernières publications sont mises en avant dans des carrés, un grand rectangle flashy, vers le bas de la page, permet de valoriser quelques best-of, avec des magnifiques illustrations, entre lesquels on peut naviguer à l'horizontale. Un site qui repose sur le scrolling, donc. En bas de page sont affichés les derniers commentaires.

Pour naviguer entre les pages, pas d'onglets, juste de discrètes notifications en haut de page ("aujourd'hui", "-1", "-2", "-3", "l'hebdo", "le mensuel", "date"); Pour naviguer par rubriques, idem, le minimalisme est de mise: il y a l'actu ("On air"), les articles comportant les tags Acta (pour mémoire, Owni a été créé en réaction au projet Hadopi), "Journalisme" (ie avant tout les nouvelles pratiques journalistiques), "LOL" (ouais, il faut bien un peu de déconne), et Twitter.

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Sur les pages des jours précédents, même chose, design très recherché avec des articles et billets mis en avant par un système de carrés, eu surimpression de photos ou dessins, et un header assez remarquable pour la page Le Mensuel. Une manière de distinguer cette page de l'actu immédiate plus mise en avant sur les pages quotidiennes, nourries par le flux des billets et articles des contributeurs.

Nouvel écosystème des médias

La question qui tue pour tous ces nouveaux médias, qui expérimentent de nouvelles manière de pratiquer le journalisme : où trouver l'argent ? La pub, discrète chez ses congénères, et carrément absente des pages de Owni.

Les autres cherchent des nouvelles recettes de financement : Rue89 propose des prestations de formation, Mediapart a misé sur un modèle semi-payant (il faut s'abonner pour accéder aux contenus les plus approfondis, comme les enquêtes et reportages), tout comme Arretsurimages...

Les media old school, pour leurs sites, tâtonnent quant à lancer une dose de payant, comme Liberation.fr et LeFigaro.fr, qui se sont prudemment lancés sur le payant il y a quelques semaines L'Express.fr, qui avait annoncé fin 2009 lancer (un peu) de contenus payants

En fait, Owni repose sur la société 22mars, qui est la vraie cheville ouvrière du tout. Elle assure des prestations de conseil, créa & développement, ainsi que de formation, autour des media sociaux. Dans les détails, "l'entreprise 22 Mars, maison-mère d'Owni, a décidé d'ouvrir son capital à hauteur de 10 % à de généreux investisseurs pour lever 600.000 euros. L'opération valorise 22 Mars à 6 millions d'euros. Ce qui peut paraître un peu élevé...mais 22 Mars/Owni n'est pas une coquille vide. Avec cette levée de fonds, l'entreprise vise raisonnablement 1 million d'euros de chiffre d'affaires et une rentabilité de l'ordre de 20 à 30 % dès 2012. Ce qui semble jouable compte tenu du modèle et de l'économie de moyens (6 salariés à ce jour) du projet", comme le révèle Jean-Christophe Féraud, qui m'a devancée en consacrant un long et passionnant billet à cette nouvelle mue de la "soucoupe" Owni.

Ambitions européennes

Intéressant, Owni a des ambitions européennes. Comme l'annonce Nicolas Voisin dans ce billet, OWNI vise, à moyen terme, à faire une veille d'actu "numérique", avec bientôt "un réseau de vigies européennes", puis le lancement d'une version anglaise d’OWNI courant 2011, ainsi que le lancement international d’"OWNIeditors, l’association en cours de constitution des éditeurs d’OWNI", qui visera à obtenir des "subventions et partenariats d’ampleur transfrontalière".

French Connection #55 - LCI Radio

dimanche 18 avril 2010

Les couv' de la semaine : Causette et Fluide Glamour

Fluide Glamour

Deux, cette fois-ci. Car tous les deux le méritent, et ils ont plusieurs points communs. Dont de relever d'une sorte de presse féminine "féministe": ici, ce n'est pas de cette presse mag qu'on achète pour consommer - pas de rubriques shopping ou beauté, plutôt des postures, des reportages, des angles, du second degré... De la presse (presque) intello donc, mais qui ne se prend pas au sérieux.

Fluide Glamour d'abord : c'est le dernier-né des féminins, après les lancements, ces derniers mois, des hebdos féminins Grazia, Envy et Be (bien pouffe-mags pour certains d'entre eux à mon goût, comme je l'avais écrit).

Fluide Glamour, "magazine-BD" féminin et coquin

Il s'agit d'un magazine semestriel, émanation de Fluide Glacial. Comme son aîné, il s'agit avant tout d'un recueil de BD. A la différence que ce sont ici de jeunes auteures, pour l'essentiel, qui y signent, dont Aurélia Aureta (auteure de la BD Fraise et chocolat, coquine et marrante, qu'un ex bien avisé m'a fait découvrir). Sur 86 pages, le mag comptera 2 (!) pages de pub.

J'ai eu l'occasion de parcourir les épreuves de ce premier numéro (voir l'article que j'y ai consacré sur 20Minutes.fr) : outre les BD, il comporte des rubriques très second degré, signées par dse blogueurs. Dont un shopping sexy, un "éroscope horotique", un sondage "êtes-vous sexuellement désinhibé", un jeu (coquin forcément) "les dames en rut", une irrésistible enquête sur "l'homme-pétasse"... En fait, ce mag tourne en dérision la presse féminine old school. Son premier numéro sera lancé vendredi prochain (22 avril), mais vous pouvez déjà consulter son blog. A vos kiosques...

Causette, "Plus féminine du cerveau que du capiton"

causette

C'est à l'occasion son premier anniversaire qu'il m'a semblé plus que justifié d'en parler. Là, on est clairement dans la presse féminine-féministe (mais sans posture moralisatrice). Ca faisait longtemps que je voulais parler de ce mag idépendant, qui paraît tous les deux mois. J'adore leur ton mordant, très seconde degré, un peu trash, comme le laisse entrevoir la couv'.

Dans ce magazine charpenté de près de 100 pages, sans pub lui aussi, l'élégance de la maquette, la qualité des photos et des caricatures sont remarquables, sur un papier épais.

Leur "élection de la Quiche d'or" annonce la couleur : pour leur birthday justement, ils ont créé une sorte d'anti-prix féministe, pour dénoncer les projets ou personnes les plus rétrogrades. J'aime beaucoup, d'ailleurs, ce focus sur les sachets poubelle Vuitton (véridique).

détail causette

Ensuite, interview de Maïwenn Le Besco, sujets politiques intéressants, dont un sur les paramètres qui conditionnent le choix électoral (car il y en a des spécifiques pour les femmes, comme le démontre bien le papier)...

Puis un reportage hallucinant sur les "viols correctifs" qui ont été menés contre des lesbiennes en Afrique du sud. Toujours avec des photos de qualité. J'ai bien aimé aussi le dossier consacré au pied (!), la très bonne enquête intitulée "Je suis amoureuse d'un étranger que l'Etat n'aime pas" (à propos de ces "mariages gris" inventés par notre très inventif Eric Besson), un sujet sur le street art face à la justice, et une nouvelle en clôture. 4,90 €, dans tous les bons kiosques.

En fait, malgré la crise de la presse, j'ai l'impression que la presse féminine se porte bien : peut-être parce que l'on a toutes besoin de photos glacés de temps en temps... Mais des mags alternatifs débarquent aussi, comme ceux-ci, et c'est vraiment tant mieux.

"Tactile minds", premier livre pornographique pour non-voyants

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perfect breasts / diagram 8. Source

Vu chez Mry, le lancement de ce livre bienvenu (typiquement la bonne idée par excellence, on se dit "mais comment n'y a-t-on pas pensé avant ?") : l'auteure canadienne Lisa Murphy (qui a par ailleurs un blog) vient de publier un livre pornographique, Tactile Minds, destiné aux personnes aveugles. Il contient 17 pages sur lesquelles des photos d'hommes et de femmes nues apparaissent en relief, accompagnées de textes suggestifs, avec souvent des têtes d'animaux. On y parle de “bad bunny” ("méchant lapin"), “naked pink elephant” ("éléphant rose nu")... Reste le prix de ce livre, forcément cher à la production : 150 livres sterling (environ 170 euros).

Une manière de proposer aux lecteurs une expérience tactile, que procure aux lecteurs non-voyants des sensations plus proches que celles que pourrait leur apporter une image. En fait, le magazine Playboy a bien expérimenté une édition en braille, mais qui ne comportait pas d'images en relief de ce type.

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