Par CC3345-GANDI le dimanche 4 janvier 2009, 19:42 - Marketing & conso
On en parlait au début des années 2000 de la décroissance, ou encore du No
logo à la sauce Naomi Klein, les "bobo" faisaient leur apparition dans les
nouvelles segmentations sociologiques...
En ce début de 2009, le contexte a bien évolué : début de récession,
chômage qui grimpe, perspectives économiques préoccupantes... Parallèlement, de
nouvelles formes de contestation sociales apparaissent :
après les "décroissants" et les anti-pub, on a vu émerger de nouveaux
collectifs : de chômeurs, de mal-logés, de jeunes ménages ne pouvant plus
accéder à la propriété immobilière (avec le Collectif du "Jeudi noir", qui réquisitionnait des logements
laissés vacants par des entreprises et institutions), de jeunes diplômés lassés
des stages sans perspectives (Génération Précaire)...
Surtout, la baisse du pouvoir d'achat est devenu un sujet de contestations
en soi. Au point qu'une nouvelle notion est apparue : celle
d'autoréduction, "qui consiste pour un groupe d’usagers à
imposer par la force une baisse du prix d’un produit ou d’un service. Elle peut
aller jusqu’à la gratuité et prendre la forme de véritables pillages de
supermarchés. Les autonomes, comme les anarchistes, parlent alors de
'communisme immédiat', c'est à dire sans phase de transition" , comme la définit Wikipedia.
Justement, j'ai assisté à scène surréaliste qui relevait de ce phénomène.
J'avais hésité à bloguer dessus auparavant, faute d'informations sur le sujet.
Mercredi 31 décembre, 17 heures, je me rends au Monoprix de mon quartier, au
carrefour Ledru-Rolin. Là, scène surréaliste : une vingtaine de militants
déploie dans l'escalier une pancarte dénonçant la perte de pouvoir d'achat pour
les chômeurs. Bon. quelques clients s'excitent, je vois le directeur du Monop'
passer, furieux (et je remarque sa cravate à fleurs de lys ;).
Quinze minutes après, je redescends, le ton monte : les caisses sont
bloquées, les caissières ne sont plus en place. Des militants déploient des
affiches avec des phrases-chocs, comme "C'est une autoréquisition qui est juste
en ces temps de crise et qui permet aux précaires de fêter aussi le Nouvel An
dignement." Je comprends au bout d'un moment qu'ils ont rempli leurs caddies,
de saumon, foie gras, pâtes.. et veulent partir sans payer. Les
militants ? Des jeunes précaires, des chômeurs notamment. Ils refusent de
se rattacher à tout mouvement ou tout collectif, leur tract évoque juste "Les
empêcheurs d'encaisser en rond". Résultat : une bousculade incroyable, une
trentaine de flics débarquent, les clients patientent, plusieurs sortent en
disant "ils ont raison, ces jeunes".
Ils ont ciblé sciemment l'hyper assez haut de gamme Monop', situé dans le
très branché quartier de Ledru-Rolin, près de la place de la Bastille. Ce qui
est intéressant est que ce mouvement est en train d'essaimer en rétgion, comme
l'évoque
cet article d'Eco89.
Et de fait, depuis, ils ont publié ce communiqué sur le Net, où ils
précisent :
Treize chariots pleins sont sortis du magasin après des négociations tendues
avec une direction qui a logiquement choisi de ne pas prolonger le blocage des
caisses (perte de chiffre d’affaires) ou prendre le risque d’une intervention
policière dans les rayons."
C'est une nouvelle forme de manifestation contre la perte du pouvoir
d'achat, la précarisation grandissante chez les jeunes, leurs perspectives
mornes... que l'on ne peut ignorer. En tous cas, plus prosaïquement, cela
soulève de nouvelles questions juridiques : est-ce que cela relève du
"vol", de l' "extorsion", alors que le directeur du Monoprix a laissé partir
les militants avec leurs caddies pleins, comme le relate
cet autre article ? A suivre...
Photo C. C.