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jeudi 19 mars 2015

Tous émojis - du LOL à la langue vernaculaire pour smartphones (et objets connectés)

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_D_'ici cet été, l'arrivée d'une douzaine de nouveaux émojis aura un impact énorme sur un pan de la pop-culture. Une nouveauté dans ce "phone art" minuscule, mais qui montre que l'usage de ces minuscules figurines se mondialise - tout comme les smartphones, leur principal média. La décision a été prise "par un petit groupe de personnes dont vous n'avez jamais entendu parler", narrait récemment Gawker. Nom de code: Unicode, un très sérieux consortium international technique. Imaginez : c'est ce petit groupe qui sélectionne et valide méticuleusement chaque émoji, chaque nouvelle figurine virtuelle, chaque personnage (comme le montre ce rapport technique non moins sérieux). Car cette étrange assemblée ésotérique est responsable de toutes les lettres et caractères que vous voyez et utilisez sur vos écrans. C'est elle aussi, ces dernières années, qui a été submergée par la brutale popularité des émojis.

Les émojis, ce sont ces petites figurines de dessins animés, qui traduisent un mot, un sentiment, en une image, un picto. La nouvelle grammaire de appareils mobiles et des objets connectés de demain ? Après tout, les écrans des Apple Watch et autres montres connectées, trop petits, poruront recevoir surtout des SMS, notifications et autres micro-messsages... Les émojis y seront donc les stars, d'après Venture Beat.

Les émojis, dignes héritiers des "badges «Acid»" du début des années 80, emblèmes de l'acide house, un genre de musique électronique dérivé de la house, qui préfigurait la techno au début des années 80.

Rock to the beat. Aciiid, ecstasy ! Petit souvenir d'un tube 80s qui a fait polémique à l’époque

Puis sont venus les "smileys" apparus avec les débuts d'internet à la fin des années 90, entre :-) côté mainstream et :) pour la version initiés ;) Puis ces figurines jaunes se sont développées sur les premières messageries instantanées, telles ICQ et MSN.

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Emojis 絵文字

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Quelques émojis-stars chez Line

Les émoticônes (émojis en japonais, donc) sont nés au Japon, fidèles reflets de la culture japonaise. Certains sont d'ailleurs très spécifiques à la culture japonaise, comme un homme se prosternant pour s'excuser, une fleur blanche signifiant un "travail scolaire brillant", ou encore un groupe d'emoji représentant de la nourriture typique : nouilles ramen, dango, sushis. Les principaux opérateurs japonais, NTT DoCoMo et SoftBank Mobile (ex-Vodafone), ont chacun défini leur propre variante des emoji dès 1999. Line, une des applis mobiles de chat qui cartonnent au Japon, doit une partie de son succès à ses émojis, permettant à ses utilisateurs d’acheter et envoyer des "stickers" customisés (personnages, animaux, etc.) pour accompagner chaque message.

En 2007, c'est bien afin d'étendre son influence au Japon et en Asie que Google s’est associé avec l’une de ces trois entreprises pour intégrer les emojis dans Gmail. Il a alors décidé d’uniformiser la liste des émoticônes. Preuve de la mondialisation de ce phénomène, les émojis ont commencé à refléter les influences culturelles: américaine française

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Partout dans le monde, ils se sont développés sur les smartphones et ordinateurs, et ont même commencé à envahir les SMS, mails, statuts sur Facebook ou Twitter... Et même les écrans du notre bonne vieille télé, dans des émissions qui se veulent branchées ;)

Les émojis résument en une image un mot, une expression, mais sont même utilisés pour des ruptures, engueulades, crimes, baisers à distance , dans des millions de conversations partout dans le monde. Pour une génération entière, il est difficile d'imaginer une conversation numérique dans ces figurines de dessin animé. Ils sont devenus une langue vernaculaire pour smartphones.

L'intégration de nouveaux émois dans le précieux alphabet Unicode commence même à susciter d'intenses débats de société. Mais qui montre aussi que ces pictos ont quitté la sphère du LOL pour que les institutions soient désormais obligées de les prendre au sérieux, les consacrant comme un langage à part entière. Chez Unicode, on commence à être dépassés par ces millions de consommateurs qui utilisent ce langage vernaculaire pour smartphone.

Emojis ethniques

Imaginez : c'est bien parce qu'il commençait à être taxé de racisme qu'Apple a accepté d'introduire, d'ici cet été, des émojis ethniques dans sa prochaine mise à jour de iOS 8.3. Un acte politique fort. Preuve que les émojis deviennent une langue vernaculaire, une grammaire, un vocalubaire.

Une pétition en ligne appelait Apple à agir davantage pour la diversité sur ses icônes. De nombreux graphistes ont d'ailleurs créé leurs propre emojis, pour représenter des personnes noires ou de la communauté homosexuelles. Mais ces icônes n'étaient pas intégrées à la «norme» Unicode, très rigide.

Il serait temps: l'iPhone - et le smartphone - ne sont plus l'apanage des seuls WASP et "white collars". La diversité des mobinautes se devait d'être reflétée dans la diversité ethnique des émoticônes. Avec l'arrivée fulgurante de constructeurs de smartphones low cost, tels ZTE, Huawei, Nokia et Samsung, ceux-ci commencent à irriguer nombre de pays en développement. Des pays où les ménages ne possèdent pas d'ordinateurs, ce smartphone étant ainsi le premier appareil connecté pour la famille.

Dans la même veine, la Toile a été agitée, ces derniers jours, par la nécessaire intégration des roux dans le langage Emoji. Une pétition vient d'être lancée sur Change.org par Ginger Parrot, un site d'actualité qui consacre ses pages à promouvoir la rousseur.

A l'inverse, trop délicat de représenter par un émoji le sentiment de "se sentir gros". Alors que Facebook s'est lui aussi emparé du phénomène en proposant ses propres émojis (il y est désormais possible d’afficher son "humeur" à côté d’un post, pour traduire au mieux son état d’esprit ou ce que l’on est en train de faire), parmi sa palette d’humeurs, l’une d’elles a suscité la polémique. Elle représentait le sentiment de "se sentir gros" par un émoji affublé d’un double menton. Les sentinelles de la Toile ont pris le sujet à bras-le-corps et publié des photos sur lesquelles elles mentionnaient que "Gros n’est pas un sentiment". Face à la pression populaire et une pétition en ligne (encore !) de 16 000 signatures, Facebook a abdiqué et retiré ce statut, admettant "que l’inscription «Feeling fat» comme option de statut pouvait renforcer l’image négative de son corps".

L'émoticône caca (oui, oui) a lui aussi fait débat : très populaire sur les messageries du Japon et d’abord incompris par les Américains. Popularisé au Japon par la diffusion de la bande dessinée Dr Slump, dans les années 1980, il y a pris un sens humoristique, alors que les Américains ont longtemps pincé le nez, raconte Fast Company.

Langue vernaculaire et institutionnalisée

Mais assurément donc, les émojis s'institutionnalisent. En février, la ministre des Affaires étrangères australienne a accordé une interview politique au site Buzzfeed en répondant... uniquement par émojis ("Que pensez-vous de Poutine? ").

Les émoticônes sont même pris en compte dans des décisions de justice. Cet ado américain a été arrête par la police en janvier pour avoir - entre autres - publié l'émotionne policier suivi de celui du flingue ( )

Le récent procès de Ross W. Ulbricht, fondateur présumé de Silk Road (le marché noir du Net) est un autre exemple. Un smiley, présent à la fin d’un message de l’accusé, y a joué les invités surprise. Son avocat s’en est saisi pour relever l’omission qui en avait été faite lors de la lecture, par le procureur, d’une conversation de son client sur le chat. Un oubli effectivement fâcheux qui incita le juge à ordonner au jury de prendre dorénavant note de tous les symboles présents dans les messages de l’accusé. Une première dans l’histoire judiciaire, qui pose une question importante, relative au contenu de la communication textuelle.

samedi 14 février 2015

Les robots sexuels dans la science-fiction (et l'amour dans le futur)

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Oui je sais, je publie ce billet le jour de la Saint-Valentin. Simple concours de circonstances. Ou presque ;) J'ai eu envie de revenir sur la représentation du futur du sexe, voire de l'amour, dans les films d'anticipation, et plus précisément autour des robots sexuels qui alimentent depuis longtemps les récits de SF...

Depuis moins de 10 ans, déjà les sites de rencontres ont bouleversé les modes d'interaction (à vocation sexuelle, ou avec un peu de chance, amoureuse), entre les hommes. J'avais écrit sur cela en 2007-2008, après Meetic, il y a eu une nouvelle génération de sites de rencontres, des expériences, comme ce formidable site à la Second Life, "Come in my workd", avec un système de voix sur IP, un temps incubé chez Orange... Aujourd'hui, après les sites de rencontres ciblés, la prochaine révolution pourrait résider dans les applis mobiles de rencontres basées sur la géolocalisation, telles Tinder et Happn.

Même si on peut parfois se demander si le genre de la science-fiction existe encore réellement au cinéma, quelques joyaux de SF ont très bien représenté comment pourrait évoluer l'amour, les interactions humaines dans le futur. Notamment dans le film Her, que j'ai adoré, où Spike Jonze met donc en scène un écrivain solitaire, en mal d'amour, qui tombe amoureux de son assistant(e) vocal, un logiciel...

Mais au-delà, comment les films de science-fiction représentent le sexe du futur ? J'ai déjà eu l'occasion d'en parler ici, en 2008, il y a eu cet étrange projet artistique, Sexlife of robots de Michael Sullivan, où l'on voit dans une galerie photo et un docu des androïdes de toutes sortes s’adonner de façon débridée aux plaisirs de la machine,

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La série TV Real Humans de Lars Lundsdröm, sortie en 2013, met en scène une société très contemporaine, mais où chacun s'achète son "hubot", des robots androïdes à l'apparence terriblement humaine (mais une prise USB fichée dans la nuque). Ils jouent les auxiliaires de vie, assistants aux personnes âgées, nurses pour enfants, employés modèles en usines, serveurs dans des restaurants... Et même des robots sexuels, de plusieurs types: des jolies humanoïdes que le quidam peut acheter dans des boutiques dédiées - quitte à trafiquer leur programme par la suite. On y voit aussi un étrange "marché noir" de robots sexuels prostitués, au programme trafiqué pour cela, et dont les services sont proposés par des humains.

La série insinue même que de nouvelles formes de relations sentimentales pourraient se nouer entre humains et robots. Tobias, un ado dans la série, tombe ainsi amoureux de Mimi, le hubot familial. C'est littéralement "Love at first sight", il a un coup de foudre. Tobias est" transhumain sexuel", une nouvelle forme de sexualité apparue avec les robots imaginé dans la série: il est excité par des machines. Dans un tel univers où les robots sont omniprésents dans le quotidien des gens, il est inévitable que des humains confrontés à ces hubots veuillent faire l’amour avec eux. C’est pourquoi dans la série, les fabricants des robots les ont rendus séduisants. C’est une question de business. Une femme humaine quitte son mari pour vivre avec son hubot: pour rajouter du piquant, elle a téléchargé un programme pirate pour doper ses capacités sexuelles.

Plus troublant (et humain) encore, dans la même saison, une "hubot" rêve de se marier et d'avoir des enfants: elle parviendra à séduire et épouser un homme.

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Le personnage de Gigolo Joe, un des "mécas", ces robots androïdes créés eux aussi pour répondre aux besoins des humains dans le monde futuriste de A.I. (Intelligence artificielle, Steven Spielberg, 2001), est aussi affolant : un très bel humanoïde (sous les traits parfaits, et donc si troublants, de Jude Law) a une fonction, un métier: il est escort-robot auprès d'humaines... Il fournit donc des services sexuels auprès de clientes femmes. A mon avis, en bon puritain ;) Spielberg est assez peu à l'aise avec ce personnage: donc il ne décrit pas le processus par lequel un robot séduit des femmes, mais on y voit tout de même Joe recourir à des techniques de séduction suaves et classiques, entre les pas de danse pour lesquels il est programmé, et l'art d'écouter se clientes. Troublant, Joe semble lui-même doté de sentiments humains, tout comme le petit garçon-méca qu'il protège, lorsqu’il avoue espérer rencontrer la femme de sa vie.

Blade Runner (1982)

Dans le mythique Blade Runner (Ridley Scott, 1982), nul robot sexuel, mais un des "replicants", Pris (Daryl Hannah), est pourtant spécialisée dans le domaine militaire... et le plaisir. Elle a d'ailleurs pour mission de séduire le timide chercheur J.F. Sebastian, pour le convaincre de reprogrammer les réplicants afin d'allonger leur durée de vie.

Dans Star Trek : the next generation, l'androïde Data est programmé pour effectuer un éventail de techniques sexuelles.

Bien sûr, tout cela n'est (presque) que de la science-fiction. D’ailleurs, si vous avez d'autres exemples de sex-robots mis en scène dans des films de Sci-Fi, n'hésitez pas à m'en faire part, je mettrai à jour ce billet. Mais les robots sexuels existent déjà: quelques start-up ont créé d'étranges poupées gonflables nouvelle génération, ces love dolls , comme celles vendues au Japon par la société Orient Industry. Aux États-Unis, la firme True Companion est allée plus loin en commercialisant, en 2010, le premier robot sexuel, répondant au doux surnom de Roxxxy.

Et cela pose des questions vertigineuses. Que deviendront le couple, la famille, si ces compagnons artificiels envahissent le champ de l'intime? Tromper son conjoint avec le robot sera-t-il adultère? L'amour romantique persistera-t-il?...

dimanche 25 janvier 2015

"Silicon Valley", parodie grinçante sur les geeks (et leur supposée contre-culture)

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La scène d'ouverture se déroule dans une fête dans une villa design. "Il y a du fric partout dans la Silicon Valley mais nous n'en voyons pas la couleur", se lamente un jeune type, look de post-ado. "Tout ça, c'est de quoi ça a l'air quand Google racheté votre entreprise 200 millions de dollars. Regardez, là-bas, il y a Elon Musk et Eric Schmidt !", lâche un autre. Bienvenue dans Silicon Valley, série potache mais pas si légère que ça, qui retrace avec humour l'ascension de cinq programmeurs qui partagent la même maison et une même ambition, se faire une place dans cet univers.

Elle est sortie en 2013, diffusée par la toujours très inventive HBO (et depuis peu par OCS en France), et réalisée par Mike Judge, auquel on doit déjà Beavis and Butthead. Lui-même a travaillé par le passé dans la Silicon Valley : il était bien placé pour ausculter cette nouvelle incarnation du rêve américain, le "You can make it in America" version high tech.

Cinq développeurs pas encore trentenaires qui vivotent, Erlich (T.J. Miller), Thomas (Thomas Middleditch), Jared (Zach WoodsJared), Dinesh (Kumail Nanjiani), et Gilfoyle (Martin Starr) espèrent donc bien trouver La bonne idée qui va leur permettre de percer dans la Silicon Valley. Tous bossent dans une grosse start-up similaire à Google, Hooli, au slogan un rien grotesque ("Pour créer le changement, il faut changer"). Jusqu'à ce que Thomas découvre la recette magique, un système de compression qui, grâce à un algorithme magique; permet de compresser tous les fichiers, même les plus lourds, telle la vidéo 3D. La start-up, étrangement baptisée Pied Piper, est née. Deux investisseurs-stars, et frères ennemis, vont alors jouer la surenchère pour attirer la jeune start-up dans leurs rets...

Satire geek

C'est une satire bien informée sur l'univers des informaticiens nouvelle génération, dans une sorte de Cour des temps modernes où chacun veut percer. Il est vrai que l'univers des geeks est riche en stéréotypes touchants et risibles. Mike Jugde y glisse clichés et éléments réalistes: les looks de geeks, comme le T-shirt "I know H.T.M.L." (how to meet ladies) arboré par Erlich dès le premier épisode. Dans les bandes de geeks qui bossent sur leurs projets de start-up, "il y a toujours un grand blanc maigre, un petit asiatique, un gros avec les cheveux longs, un gars avec une drôle de barbe et un Indien", souligne le patron de Hooli.

La série dresse un inventaire grinçant des codes des start-up de la Silicon Valley dont s'emparent nos héros. Comme faire concevoir le logo pour Pied Piper par un graffeur-star, qui a signé "des fresques pour Facebook", et réclame une rémunération par stock-options, ou embaucher sur une mission un hacher-star arrogant du haut de ses 15 ans, accro à la Ritaline...

Consécration à la fin de cette saison, la jeune start-up est invitée à présenter son pitch à la Techcrunch Disrupt, événement incontournable - et réel - organisé par Techcrunch, une des Bibles en ligne dédiées à l'économie numérique. Et là, Mike Judge se lâche avec quelques perles de jargon de start-uppers, autour des start-up qui présentent leurs pitchs : toutes commencent par le slogan "Nous faisons de ce monde un monde meilleur", "nous avons des bases de données distribuées, scalables et tolérantes", "nous sommes SoLoMo, social, local et mobiles"...

Jusqu'à cette tirade finale lâchée par la collaboratrice de l'investisseur de Thomas: "Tu vas devoir trouver des bureaux plus gros, embaucher, Peter (son investisseur) va devenir plus intrusif, tout le monde va vouloir s'attribuer le mérite de ton idée, les gens t'attaqueront en justice... Les autres investisseurs? Ils seront toujours prêts à te mettre des bâtons dans les roues. Bientôt tu dirigeras des milliers d'employés qui seront pendus à tes lèvres. C'est pas formidable ça". Une vision un rien grinçante de la Silicon Valley.

En tous cas, c'est une des premières fictions consacrées de manière réaliste à la Silicon Valley, son économie, ses idées, ses gourous. Mis à part les quelques premiers bioptics sortis au cinéma, comme l'excellent The social network sur Facebook, Les stagiaires (qui met en scène de façon trèèès gentille le Googleplex), ou encore celui sur Steve Jobs.

Je viens de visionner cette série alors que la Silicon Valley, son idéologie, sont de plus en plus critiqués. Cela a commencé courant 2013, lorsque l'inflation galopante du coût de l'immobilier générée par les start-uppers commençait à générer des manifs anti- startups dans la Silicon Valley, notamment à l'encontre de Google. Alors que se loger y est devenu difficile, Google ayant fait doubler la population de Moutain View - 70 000 personnes sont arrivées avec Google.

La Silicon Valley, "écho vide de la contre-culture"

Il y a aussi ce livre de Fred Turner, prof à l’université de Stanford, Aux sources de l'économie numérique : décrypté par Rue89, il raconte comment la Silicon Valley est un héritage des hippies, qui rêvaient d’un monde nouveau dans les années 60. Les dernières générations se sont converties au capitalisme dans les années 80 et 90, et sont devenus parmi les plus importants (et riches) entrepreneurs de la Silicon Valley. Ils ont bien cette ambition de "changer le monde", comme se moque la série TV: Eric Schmidt lui-même a affirmé à plusieurs reprises "Notre objectif est d'apporter un monde meilleur". Pour Fred Turner, on retrouve ainsi dans les start-up de la Silicon Valley cet idéal libertaire de contre-culture : "les entreprises comme Uber ou Airbnb, où en louant votre logement, votre voiture ou vous-même, vous mêlez le privé et le marchand. C’est bien la réalisation d’un rêve provenant directement de la contre-culture", y écrit-il.

Les start-uppeurs ? "Les étudiants qui font un cursus d’informatique n’apprennent presque rien d’autre. Ils ont très peu de culture générale et ne connaissent que le mythe de la Silicon Valley", poursuit-il. Bim. Et il reprend lui aussi cette anecdote de la série Silicon Valley: "Il y a une blague qui résume cet esprit : chaque pitch de toute start-up devant ses potentiels financeurs doit finir sur : “Et ça va changer le monde”. C’est vraiment comme ça que ça se passe. Il faut déclarer que ce qu’on va faire va sauver le monde. C’est un écho un peu vide de la contre-culture".

L'universitaire Evgueny Morozov dénonçait lui aussi la récemment la "nouvelle forme de capitalisme" induite par les entreprises du numérique. Dans cet entretien, il dénonce le "solutionnisme", "la tendance qu’ont certains acteurs, spécifiquement les entrepreneurs et les entreprises de la Silicon Valley, à prétendre qu’ils savent comment résoudre de grands problèmes politiques et sociétaux, avec par exemple de la tendance à compter sur des applications, des appareils de self-tracking, des capteurs (...) pour résoudre des problèmes de société".

lundi 22 décembre 2014

Christmas songs 2014: sélection (feat. Bob Dylan, Pogues, Kumisolo, Julian Casablancas...)

Eh oui, cette année encore, Noël oblige, je me suis fendue d'une petite sélection de Christmas songs - pour mémoire, je m'y étais déjà amusée en 2013, 2012, 2010... Là, j'ai été aidée par plusieurs bonnes sources ;) (1)

C'est une vraie tradition anglo-saxonne, où, comment souvent chez les Américains, on peut voir un mélange de culture très catho ;) et de marketing invétéré. Des chants un rien douceâtres millimétrés pour vous accompagner dans vos sessions shopping dans les boutiques juste avant Noël. Mais s'inscrivent donc dans la tradition catholique pour fêter la naissance du Christ. Ils ont aussi une vocation (très US) caritative, où des groupes se forment de manière parfois éphémère pour récolter de l’argent pour des œuvres de bienfaisance.

Un exercice de style marketing, et musical, où les groupes reprennent les codes de la Xmas song (cloches en bruit de fond, choeurs...) qu'ils mêlent à leur style. Bon nombre de stars de la chanson américaine y sont allées de leur chant de Noël: Frank Sinatra, Elvis, Michael Jackson, Barbra Streisand...

Il y a par exemple ce petit bijou de 2009 de Bob Dylan.

Ou encore, en tête des charts anglais en ce moment selon Billboard, ce morceau de 30 ans de The Pogues, Fairytale of New York, feat. Kirsty MacColl.

Puisque le Japon m'aura décidément marquée cette année, je ne pouvais pas passer à c$oté de cette reprise de mythique Last Christmas de Wham! par la faussement ingénue et "twee" chanteuse nippone Kumisolo (même si je préfère décidément la version originale).

Dans les nouveautés de cette année, aussi piquée chez Les Inrocks, cette reprise du Merry Christmas d'Elvis par Cleo T: l'image à la photo aux couleurs passées et en italien, irrésistible...

Et en tant que fan de la première heure, je me devais de vous remettre ce single de Julian Casablancas (Strokes) de 2009, I Wish It Was Christmas Today...

Mais il y aussi un retour du vintage, avec par exemple ce morceau rock-blues de Pugwash et Neil "Divine Comedy" Hannon.

French touch

Fait nouveau, la France n'est pas en reste dans cet exercice musical, comme l'a très justement relevé France Inter.

En version total excentrique, forcément, ce morceau de Philippe Katerine...

Au rayon des chansons de Noël décalées, voire un peu punks, les Wampas se sont illustrés avec "Ce soir c'est Noël".

Il y a aussi C'est le père Noël électrique de Philippe Richard, une chanson vintage 80 (avec chœurs d'enfants), parfaite pour les geeks ;)

At last, ce détournement sexy de Xmas song que j'ai hésité à vous mettre (cela plaira - ou pas ;)

Je ne l'écris pas assez, mais merci infiniment à toutes et à tous de me lire régulièrement ici depuis bientôt 8 ans (8 ans! J'ai ouvert ce blog en février 2007). Très joyeuses fêtes de fin d'année à toutes et à tous. Et restez punks ;)

(1) Merci à Benoît, Gabriel, Eric, Nicolas, Laurent...

mercredi 10 décembre 2014

"Men, women & children", liaisons dangereuses par écrans interposés

Cela commence par ces plans de foules, dans le métro, dans la rue, dans un centre commercial, dans une cantine de lycée, où se superposent des images d'écrans - des extraits de tweets, de chats, puis plus tard, de pages Facebook. Ces enchevêtrements de mots parfois très intimes des personnages du film qui tweetent, textotent, hésitent en écrivant des des messages sur Facebook. C'est le cœur du film, une de ses originalités. Ces images frappent déjà dans la bande annonce, il faut y voir une manière nouvelle, qui casse les codes du cinéma classique, de mettre en scène notre société numérique. Au passage, on notera cette mode, sur les affiches de films - dont du nôtre, évidemment - de citer des tweets en lieu et place des extraits de critiques de films classiques.

Dans Men, women & children, sorti en salles mercredi 10 décembre, Jason Reifman esquisse un état de lieu désenchanté des effets de la culture Internet sur la société d'aujourd'hui. On y voit des extraits de la vie - trop - numérique sur des habitants d'une banlieue pavillonnaire américaine. Un brin moralisateur, Jason Reifman est tenté de laisser entendre que ses personnages sont en partie malheureux à cause de cette vie numérique. Un peu facile, certes. Le pitch donc: un ado accro au porno en ligne, ce que son père (lui aussi adepte des Youporn cheap ;), découvre en se connectant à son ordinateur dans sa chambre, un autre ado accro aux MMORPG, ces jeux vidéo multijoueurs en ligne, une jeune fille qui suit de trop près les conseils de sites "pro-ana", une mère parano adepte du cyber-espionnage de sa fille, une autre mère qui, elle, met en ligne des images aguichantes de sa fille adolescente...

Le réalisateur illustre ces faits de manière très concrète: la mère qui flique littéralement sa fille (avec son consentement) en la géolocalisant sur son smartphone, en parcourant régulièrement sa page Facebook et son profil MySpace, et même les tréfonds de son ordinateur, l'ado anorexique qui se fait conseiller sur un forum pro-ana lorsqu'elle est tentée de manger...

Ultra moderne solitude "sociale"

De manière assez classique au cinéma (un peu à la manière de l'excellent Short cuts de Robert Altmann), on y voit donc une multitude de vies, d'histoires, qui s'entrecroisent. Avec un point commun, le sujet du moment, le Zeitgeist dont Jason Reifman tente de s'emparer: les conséquences du tout-numérique, où comment les réseaux sociaux multiples (Twitter, Facebook, les réseaux de gamers adeptes des MMORPG, les sites de rencontres...) son devenus omniprésents dans nos vies. Au point de créer de nouvelles formes d'ultra moderne solitude que dénonçait Alain Souchon, et nos difficultés à communiquer avec ces réseaux sociaux qui nous isolent autant qu'ils nous connectent partout dans le monde.

On avait déjà vu Jason Reifman faire dans la satire féroce (super Thank you for smoking) ou l'analyse sociologique un peu gnangnan (l’ambigu Juno, ou le désir de maternité d'un adolescente), il fait de nouveau dans l'analyse sociétale. Un peu simpliste et cliché. Avec, pèle-mêle, l'ado en proie à se fantasmes à la sauce Youporn, un autre ado isolé par son jeu vidéo... Sans compter les parents quadras las qui trouvent de nouveaux moyens - sur ce maudit Web, toujours ;) - pour contourner leurs frustrations de couple, soit ces nouveaux sites de rencontres extraconjugales - on note au passage le placement de produit sur mesure qu'offre Jason Reifman au site Ashley Madison, qui a tenté son lancement en France avec un coup de pub provoc'.

Si l'ironie des débuts du film cède ensuite le pas à une romance plus sage, ce qui m'intéresse ici est la manière innovante dont Reifman tente de narrer les affres de notre nouvelle société numérique, rythmée par les Twitter, Instagram, Facebook, YouPorn, et autres Tinder. De rares fictions ont mis en scène jusqu'à présent ce tournant : cela a surtout été le cas de films d'anticipation, comme le remarquable Her de Spike Jonze (que je chroniquais ici), ou, dans une certaine mesure, la série Real Humans.

Texto sur grand écran

Alors, comment représenter en images ces nouvelles manières qu'ont les êtres humains de communiquer entre eux?__ Que faire du texto à l’écran ? Comment l'intégrer le texto dans une fiction ? Après tout, rien qu'en France, on envoie en moyenne 8 sms ou mms par jour, et même jusque 80 pour un adolescent. Le classique champ-contrechamp ne suffit plus. Pour représenter cette société où l'on a nos regards fixés sur les écrans de nos téléphones, tablettes et ordinateurs, Reifman ouvre donc Men, Women & Children avec cette superbe scène de foule avec en "nuage" ces mini-écrans de textos et messages sur Facebook que s'envoient les personnages. Un gadget visuel qu'il abandonne au bout d'une bonne demi-heure, mais qu'il a donc été un des premiers à tenter dans une fiction.

Le texto en surimpression, on l'a déjà vu, notamment, dans le film politique L’exercice de l’Etat (Pierre Schoeller, 2011), ou encore la série politique Les hommes de l'ombre (France 2, 2013/2014). On le vit ensuite dans la série House of cards de Netflix, ainsi que la série britannique Sherlock (2010) de la BBC. Au passage, une fois de plus, la surimpression du texto permet de faire du placement de produit: non plus simplement la pomme d’Apple, mais une interface, celle de l'iPhone, désormais familier à tous, décidément entré dans notre quotidien.

lundi 20 octobre 2014

7 ans avec mon iPhone

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C'était le 27 novembre 2007: les premiers iPhone étaient mis en vente en France. J'ai eu la chance de pouvoir tester, ces premiers jours, un de ces étranges appareils "combinant un téléphone, un baladeur iPod et un terminal internet" (comme on disait à l'époque), sous Edge, et où on pouvait accéder à des contenus et services en effleurant du doigt des applications mobiles.

Quelques mois avant, Steve Jobs présentait l’iPhone à un parterre de journalistes médusés, laissant entendre qu’il allait présenter trois produits différents, un pour naviguer sur le web, un autre pour lire de la musique et un autre pour téléphoner, avant de préciser qu’il parlait bien d'un seul et même appareil : l’iPhone.

Bien sûr, en l'absence d'AppStore, cet iPhone "1" ne pouvait pas encore profiter des jeux ou des applications tierces, et arrivait juste avec les applications que Apple avait pré-installées dessus. Au fil des années, Apple a intégré à ses appareils la 3G, un GPS, une caméra, l'écran Rétina, un programme d'assistance à reconnaissance vocale (Siri), un lecteur d'empreintes digitales...

Mais ce qui est fascinant est que avec ce premier iPhone, il y a (seulement) 7 ans, j'ai découvert peu à peu des nouveaux usages, qui sont déjà entrés dans notre quotidien. Au point qu'on a du mal à se rappeler comment était notre vie "avant". Ca faisait quoi de pouvoir lire ses mails uniquement sur son PC ? C'est devenu tellement naturel. L'iPhone a façonné une multitude de nouveaux comportements. Lui, puis tous les smartphones suivants, ont rendu notre vie réellement numérique, à portée de main, dans notre poche, et plus seulement sur l'ordinateur posé sur le bureau.

Ecran tactile, apps, réseaux sociaux mobiles

L'iPhone était le premier appareil de geeks pour le quidam. Plus besoin de manuel, autant pour la phase de démarrage que pour son utilisation, tant il était intuitif, avec un design d'interface facile à utiliser et rassurant, et joli. L'Apple touch, comme sur les Mac.

Déjà, il y a eu l'écran tactile, grand, tout lisse, sans clavier, où on adresse des commandes non plus en appuyant sur des touches physiques, mais en l'effleurant. Plus de touches pour taper des SMS ou composer un numéro - touches que j'avais connues toute ma vie, du Minitel au PC - mais un "clavier virtuel" qui s'affichait en bas de mon écran. La révolution: en 2007, il n'y avait que quelques start-ups et Microsoft avec sa table tactile Surface qui testaient déjà ce nouveau mode d'interaction avec une machine. La commande tacite, prémisse à la commande gestuelle, puis vocale...

L'iPhone c'était aussi la naissance des applis mobiles, ces petites icônes qui permettaient d'accéder à un contenu ou un service en effleurant l'écran. C'est grâce à elles que l'iPhone est devenu un couteau suisse, avec une multitude de fonctions. Des applis bien plus ergonomiques et légères (y compris en consommation de datas) que les sites web pour mobiles: une aubaine pour tous les médias et marques qui se sont tous mis à créer furieusement leurs "apps" à partir de 2007. Et bien sûr, la pépite pour Apple, c'est son Appstore, et son diabolique système où il prélève une commission de 30% sur les apps payantes vendues.

Mais attention, on est peut-être cool mais (très) prudes chez Apple: pas question d'accepter des apps "pour adultes" dans son univers, comme l'a rappelé Steve Jobs en son temps...

Des applis, par ailleurs, à partir desquelles le mobinaute a pu, peu à peu, faire des m-paiements en ligne, donc directement depuis son smartphone, depuis ses billets de train sur Voyage-Sncf à des vêtements sur Vente-Privée.com.

Avec cet Appstore, la marque à la pomme a pu populariser son autre pépite: iTunes, et un mode d'achat dématérialisé de musique à l'unité, au morceau: des singles numériques en quelques sorte, facturés 99 centimes d'euro par morceau. Car si 'iPod l'avait lancé, c'est bien avec mon iPhone et son iPod intégré que j'ai encore plus pris l'habitude d'écouter - et d'acheter - de la musique directement depuis mon smartphone. Une facilité - là encore sans devoir allumer mon PC - qui m'encourageait à des achats compulsifs de titres et d'albums.

Bien avant les objets connectés, Apple a aussi inventé, avec ces apps, des trackers d'activité qui permettent de récolter une multitude de données sur nos comportements - et nous suivre à la trace. Les marques adorent. Au passage, "Ces apps sont une part de la gamme des trackers d'activité destinés à aider les gens à collecter des datas et informations sur leurs goûts et leurs vies, les analyser, et théoriquement, les changer", rappelle dans cet article le New York Times.

L'autre révolution de l'iPhone, c'est qu'il a rendu les réseaux sociaux mobiles. C'est lorsque Twitter est apparu en version mobile, et surtout avec des "clients" (des apps dédiées), tel Echofon, que l'utilisation de Twitter a explosé. Logique: on pouvait enfin tweeter, retweeter, lire son "fil" de tweets en temps réel - et en permanence. Facebook aussi a connu une seconde vie lorsqu'il a été transposé sur mobile.

Culture du zapping, déconcentration et phubbing

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Donc, l'iPhone a façonné une multitude de nouveaux usages, de nouveaux comportements dans notre quotidien. Il a créé le marché du smartphone, cet appareil sur lequel téléphoner est devenu secondaire: avant tout, on a pris l'habitude de surfer sur Internet, de meubler chaque temps d'attente. On s'occupe les mains et l'esprit, on se donne une attitude, comme avec la clope naguère. Regarder ses mails, surfer sur les sites d'actualités, jouer les stalkers à propos de ses connaissances sur Facebook, prendre le pouls de la vie sur Twitter, jouer bêtement au 2048... tout en écoutant de la musique. L'iPhone a généré une foule de micro-activités, qui permet à chacun de se créer sa bulle perso aussi bien dans la file d'attente de la Sécu que dans le métro.

Il a changé mon quotidien. Quand je me réveille - au son du réveil de mon iPhone, bien sûr - premier réflexe, avant de me lever, je regarde machinalement mes derniers mails, et je prends "un shoot de tweets", comme se moquait mon mec. De fait, comme le révélait une récente étude de l'institut Deloitte, 17% des mobinautes utilisent leur téléphone dès leur réveil, et même 27% dans les 15 minutes qui suivent.

Il a changé ma vie (pour le meilleur?) avec une multitude de petits services révolutionnaires, au gré des apps que j'ai téléchargées, depuis mes débuts avec lui: Google Maps pour me repérer dans la rue avant mes rendez-vous, Shazam pour "shazamer" (identifier) un titre de musique en cours de lecture... J'ai pris l'habitude d'être joignable en permanence par appels vocaux, SMS, mails, tweets et notifications diverses.

Mais depuis que j'ai vu, en début d'année, le brillant exercice d'anticipation de Spike Jonze, "Her", où un écrivain esseulé tombe amoureux de son assistant vocal intelligent, je me rends davantage compte de la manière dont j'utilise mon téléphone.

En petit-déjeunant, en regardant la télé, et même en discutant, ou en prenant un verre, j'en viens à le sortir machinalement, et caresser ce nouveau doudou, au risque de faire preuve d'une nouvelle impolitesse de notre ère numérique, le "phubbing", comme j'en parlais ici (je suis d'ailleurs ravie d'avoir inspiré ma consœur du Nouvel Obs ;). Je suis aussi souvent distraite par les multiples vibrations et pings venus de mon iPhone : la faute aux apps dont j'ai activé les systèmes d'alertes: alertes médias, "pings" de notifications de mon nom dans des posts Facebook ou tweets, sans compter les SMS.

Parfois, je sature. Je sens le besoin urgent de déconnecter, alors qu'être injoignable est devenu un luxe, dont pour la nouvelle caste des "déconnectés volontaires". Le smartphone a créé une nouvelle forme de zapping, où on lit des articles plutôt court (adaptés à l'écran du smartphone), et on passe d'appli en sites différents. Encore plus au gré des liens que l'on butine sur les réseaux sociaux. Depuis que je suis utilisatrice (très) régulière de mon smartphone, spontanément, je ferais moins l'"effort" de lire des articles longs ou des livres d'une traite. La concentration sur un temps long n'est plus habituelle, déjà à cause de Google, comme le soulignait déjà en 2008 Nicholas Carr dans son article Is Google Making Us Stupid?

Comme dans "Her", dans les transports en commun, je vois une multitude de gens seuls avec leur smartphone, dont ils fixent l'écran en le "scrollant" (le faisant défiler) à toute vitesse, ou semblent parler tous seuls d'un ton enjoué: souvent parce qu'ils téléphonent avec le mini-casque audio intégré, parfois parce qu'ils utilisent l'assistant vocal Siri. Comme le démontre le New York Times, le smartphone (et les réseaux sociaux), des outils de communication, ont accentué la solitude de leurs utilisateurs.

dimanche 12 octobre 2014

Faut-il enseigner le code - et les "humanités numériques" - à l'école ?

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Et si on créait une nouvelle filière au lycée, clôturée par un baccalauréat général, baptisé "Humanités numériques" ? C'est La proposition la plus rentre-dedans du Conseil national du numérique (CNN), dans son rapport sur l'école de demain, avec à la clé 40 mesures "pour bâtir une école créative et juste dans un monde numérique", un mois après l'annonce par François Hollande d'un "grand plan numérique pour l'école", qu'il a promis pour la rentrée 2016.

Cela ne vous aura pas échappé : depuis quelques mois, le débat quant à l'enseignement du code informatique dès l'école, entre nouvelle écriture à part entière ou simple élément de culture informatique, fait rage. Même en entreprises, de Orange à La Poste, ou en agences de pub, on commence à monter ateliers et formations pour marketeux, cadres sup', voire membres du ComEx', au moins pour les sensibiliser au code, ce code-source qui est la colonne vertébrale de tout site, logiciel ou appli mobile. Même Frédéric Bardeau, fondateur passionné de Simplon.co, qui "ouvre les chakras numériques" (la formule est de lui ;) à des ComEx de grosses entreprises, a remarqué l'entrée en trombe des cours de code dans les grosses firmes.

Justement, cette semaine, nous y avons consacré une enquête (qui est encore en accès abonnés à l'heure où je publie ce billet) dans le dernier numéro de Stratégies, dans le cadre de laquelle j'avais eu la chance de me plonger en avant-première du fameux rapport du CNN (baptisé "Jules Ferry 3.0", consultable ici), que Sophie Pène, qui a planché dessus depuis plusieurs mois, m'a commenté. Il m'a semblé intéressant d'y revenir plus longuement ici, tant le sujet est passionnant.

Bac "Humanités numériques"

Quelles nouvelles briques apparaîtront dans l'enseignement scolaires ce prochaines années et décennies ? Quels seront les prochains "fondamentaux", les connaissances indispensables dans le futur ? Et donc le CNN propose l'introduction d'un nouveau cursus menant au bac général, baptisé "humanités numériques" (HN), au côté des filières scientifique (S), littéraire (L), et économique et sociale (ES). "Ce nouveau bac s'inscrirait dans son époque (...) au croisement des sciences, lettres, et sciences humaines et sociales, en décloisonnant ces champs du savoir.Il refléterait l'aventure de la jeunesse et revitaliserait les études secondaires avec la création numérique, le design, mais aussi la découverte des big data, de la datavisualisation, des métiers informatiques et créatifs", précise-t-il.

Le CNN propose d'abord une première expérimentation rapide en terminale, qui délivrerait un "double bac", associant la voie HN avec l'une des trois formations classiques, et la création d'"un diplôme national reconnu par tous".

Le sujet épineux des cours de code à l'école et au collège

Autre grand chantier (sensible) qu'il aborde de plein-pied, l'apprentissage de l'informatique, tout au long de la scolarité. Il recommande, pour l'école primaire, d'enseigner "les rudiments de la pensée informatique en mode connecté ou pas, en s’appuyant dans une première phase sur le temps périscolaire". Là, en la matière, comme me l'avait avoué Sophie Pène, le CNN ne se mouille pas trop, après les annonces prématurées et les couacs de l'ex-ministre de l'Education nationale, Benoît Hamon. Encore faudra-t-il trouver les compétences pour initier les enfants au code - notamment sur les temps périscolaires. Pour l'instant, ce sont des parents et développeurs passionnés qui animent, sur leur temps libre, les weekends, les fameux coding gouters, qui font florès totalement hors du circuit scolaire.

Au collège, le CNN propose d'introduire "dans une première phase une année centrée autour de l’apprentissage de la programmation en collège sur le temps alloué à la technologie" (ah, le fameux cours de technos où on passait des heures à monter des circuits électroniques...). Puis au lycée, il propose la généralisation dans toutes les filières de l'option "Informatique et science du numérique", dont seuls les lycéens de la série S ont pour l'instant le privilège.

Question : qui enseignera dans cette nouvelle filière ?Le CNN tranche en proposant carrément la création d'un CAPES et d'une Agrégation d’informatique, car "la condition est la formation d’un corps d’enseignants en informatique".

Les "Humanités numériques" de demain

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Pour quels enseignements ? Quelles seront les "humanités numériques" à maîtriser demain ? Dans la lignée des "humanités", depuis la littérature et les langues anciennes enseignées à la Renaissance, que devait maîtriser l'"honnête homme" au XVIIème siècle, un nouveau corpus de savoirs s'esquisse pour l'avenir. Le CNN en donne quelques pistes :

"Il est ici question d’enseigner la pensée informatique pour mieux comprendre le monde numérique qui nous entoure et être pleinement un citoyen actif dans la société. Il s’agit aussi d’envisager l’enseignement de l’informatique comme une opportunité pour introduire de nouveaux modes d’apprentissage à travers des expériences, en mode projet, par essai-erreur". On imagine ici le potentiel de tels nouveaux modes d'enseignement, pour la vie, comme le mode essai-erreur, où l'on apprend de ses erreurs pour mieux rebondir (y compris dans la vie active, et quand on crée sa boîte, avec l'"art de l'échec entrepreneurial")

Autre recommandation intéressante, "Apprendre et permettre aux élèves de publier (au sens de rendre public sur le Web) et diffuser": ce qui passerait par des expériences de publications, notamment, sur des blogs et des sites Web, mais aussi, encore mieux, de'' "Former les élèves à l’usage des licences ouvertes (de type Creative Commons) et aux décisions éditoriales qu’elles impliquent (réutilisation, partage, circulation) et en regard à réfléchir aux usages de documents sous régime de propriété exclusive"''.

Plus loin, le CNN définit la "littératie numérique", en l’occurrence "des savoirs, des compétences mais aussi des méthodes qui font qu’un individu peut être acteur de sa vie dans une société numérique".

Il s’agit avant tout d’initier à la "pensée informatique" qui est indispensable pour :

• Comprendre de nombreux objets de la vie quotidienne (comme un téléphone, une transaction bancaire, ou la logistique d’un aéropor t) mais aussi toutes sortes de phénomènes des sciences du vivant, de l’économie, de l'urbanisme, du climat...

• Se préparer aux métiers de demain, qu'il s'agisse de ceux des entreprises du numérique ou des secteurs de pointe, ou des autres, même les moins techniques, qui sont ou seront transformés par l'informatique.

• Ne pas subir passivement, en tant qu'utilisateur, usager ou consommateur, les décisions d’un "programme" ou d’un "système informatique" sans être capable de les comprendre, de les contester ou les discuter, voire de les modifier.

• Etre en mesure de décoder, en tant que citoyens, les jeux de pouvoir à l'œuvre dans la société numérique, de préserver sa vie privée et son autonomie, de prendre part à des décisions collectives qui mobiliseront de plus en plus de données et de calculs.

C'est là le cœur du sujet, même si les propositions peuvent sembler théoriques. C'est en sachant lire et écrire le code informatique que l'internaute-citoyen de demain pourra comprendre l'architecture d'un site, d'un jeu vidéo. En allant plus loin, ce qui est esquissé dans la dernière ligne, on pourrait même imaginer pour les ados des ateliers ou réflexions sur l'usage des réseaux sociaux, et comment maîtriser son réputation numérique. Mais est-ce là le rôle du collège ou des parents ? Vaste débat.

lundi 21 juillet 2014

Bientôt une clause "réseaux sociaux" dans les contrats de mariage ?

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Imaginez, une clause "réseaux sociaux" stipulée noir sur blanc dans votre contrat de mariage, qui nous rappelle que oui, la vie numérique fait désormais bien partie de notre vie tout court. Donc, nos usages des réseaux sociaux pourraient bientôt être encadrés juridiquement - et votre cher(e) et tendre pourrait bientôt avoir son mot à dire en la matière. Ce qui donne, au passage, un joli coup de vieux au mythique film Quatre mariages et un enterrement (20 ans, déjà...), qui se devait pourtant d'illustrer ce billet nuptial.

Même durant les moments les plus romantiques ou personnels, les smartphones sont devenus omniprésents, pour capter, filmer, photographier, puis partager en temps réel des "moments" (c'est ainsi que l'iPhone qualifie désormais, par défaut, vos albums photos). On rit, on se moque, on s'indigne, en quelques clics et effleurements d'écran. Rien de plus facile. Au risque de partager un peu trop vite des moments intimes sur la Toile. Ou de les utiliser à mauvais escient, dans la douleur d'une rupture.

"Social media prenuptial agreement"

Même dans ce domaine, la judiciarisation se développe. Aux Etats-Unis, on voit ainsi apparaître les premières clauses "réseau social" dans les contrats de mariages, soulignait récemment ABCNews. Une clause très carrée, juridique, destinée à encadrer les différents aléas liés au divorce, aux côtés des volets séparation des biens, infidélité, ou garde partagée des enfants. Le “social media prenup” , un document écrit ou une simple conversation, fixe donc ce qui est acceptable de partager en ligne à propos de l'un et l'autre. Ann-Margaret Carrozza, une avocate new-yorkaise citée par ABC News, a ainsi vu ce type de clause apparaître ces derniers mois, et affirme en rédiger cinq par semaine.

L’ambiguïté étant que ces clauses prévoient à priori tout ce qui est susceptible de nuire à la réputation professionnelle du conjoint, de l'embarrasser, de salir son e-réputation, et donc faire l'objet de poursuites. Une sorte de principe de précaution appliqué aux réseaux sociaux, alors même qu'une séparation n'est nullement envisagée.

Après tout, la judiciarisation commence à toucher aussi le "revenge porn" ces photos compromettantes pour se venger, aux US, et même en France, où la première condamnation a eu lieu.

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Didido, théorie des jeux amoureux sur Facebook

L'idée ? Protéger la e-réputation des conjoints : photos peu avantageuses, détails croustillants sur la vie commune passée, post vengeur ou même simples manifestations de désespoir et autres émotions ne pourront être partagées sur Facebook et Tswitter. Seul le "No comment" sera autorisé. Une notion politiquement correcte très américaine, à l'image du très marketé neutre statut de «conscious uncoupling» partagé en ligne par l'actrice Gwyneth Paltrow et Chris Martin lors de leur divorce, ce printemps.

Lors du divorce, «chaque partie accepte de ne pas poster, tweeter ou d’aucune manière partager sur les réseaux sociaux des images ou tout contenu positif, négatif, insultant, embarrassant ou flatteur sur l’autre» . Bref, les photos, posts et vidéos des enfants et d'une vie familiale idéalisée quand tout va bien sont autorisés (quand bien même ils sont parfois bien impudiques...), mais pas question de régler ses comptes par des insultes et photos compromettantes en public. Car les réseaux sociaux (Facebook en premier lieu, qui compte au moins 26 millions d'utilisateurs actifs en France, mais aussi Twitter, Instagram, voire les blogs, etc) sont devenus le nouvel espace public virtuel, la nouvelle place du village.

Si l'un des deux craque, l’amende prévue peut aller jusqu’à «50 000 dollars (par post ou par tweet) si l’on poste une photo peu flatteuse de son épouse», précise Ann-Margaret Carrozza. Alors que des études démontrent - ça tombe bien - un lien entre procédures de divorce et utilisation de Facebook. Une étude britannique démontrait ainsi récemment que 33% des procédures comportaient le terme "Facebook". Du grain à moudre à venir pour les avocats spécialisés en divorce.

mercredi 19 mars 2014

"Her", quelle voix (désincarnée), ère de l'ultra moderne solitude

Sa voix sonne comme celle d'une "girl next door", immédiatement familière juste ce qu'il faut, sa tonalité légèrement éraillée de fumeuse lui assurant un charme certain, et elle sait créer une complicité, par son sens de la répartie et son empathie. Samantha (Scarlett Johansson), comme elle s'est baptisée à la demande de son "propriétaire-utilisateur", est bien le personnage principal du film, "Her", Ovni cinématographique de Spike Jonze, qui penche vers le film de science-fiction en version dystopie. Par essence, par sa voix, elle s'impose peu à peu comme un personnage à part entière.

L'histoire, Her donc, tournée par Spike Jonze, sur les écrans depuis ce mercredi, se déroule dans un futur pas si lointain (supposons dans 20 ans ?), dans un Los Angeles où les gratte-ciels sont devenus plus grands, le design des pièces et des meubles minimaliste (et impersonnalisé), et où l'on circule dans des transports en communs et couloirs à l'ambiance ouatée.

Theodore Twombly (Joaquin Phoenix, devenu antisexy au possible par une moustache et une silhouette légèrement voûtée), dont on suppose au fil du film qu'il fut journaliste par le passé, gagne sa vie dans une start-up, Belle-lettre-manuscrite.com. Ecrivain public du futur, il écrit des courriers du coeur divers et variés - des correspondances très intimes - pour le compte de clients. Mais son univers de travail est déjà en partie dématérialisé: il dicte ses lettres à une sorte de logiciel Nuance du futur, saisies automatiquement dans un type manuscrit (et couleur d'encre ou de stylo à l'ancienne) prédéfinis. Ici déjà, la voix prédomine: les écrans de PC sont comme les nôtres, plats et fins mais ornés de délicats cadres en bois clair. Les claviers et souris n'existent plus, on commande son ordinateur en effleurant le bureau de quelques gestes. Logique: déjà aujourd'hui, la commande par le geste s'est imposée pour piloter nos appareils, tels la Kinect de Microsoft, ou certains téléviseurs, comme chez Samsung.

En quittant le bureau, comme tous dans le métro, il s'empresse de mettre à son oreille l'objet connecté d'alors qui cartonne, une oreillette sans fil depuis laquelle il peut passer des commandes vocales à son smartphone glissé dans sa poche. Un lointain héritier de Siri, l'assistant téléphonique à la voix métallique de l'iPhone: il pilote bien ses appareils par la voix. L'intelligence artificielle appliquée à la voix, comme déjà aujourd'hui avec Siri . En arrivant chez lui, les lumières s'allument automatiquement à son passage. Durant sa soirée, ses loisirs consisteront à jouer à un jeu vidéo en réalité augmentée, puis ils s'autorise, depuis son lit et par son oreillette connectée, quelques "chats" coquins avec des inconnues depuis un réseau social vocal. L'ultra-moderne solitude que chantait Alain Souchon, avec quelques artifices virtuels pour la combler...

De fait, Theodore Twombly se remet difficilement de son divorce. Il décide, pour combler le vide autour de lui, d'acheter un tout nouveau système d'exploitation (OS) ultra-intelligent qui vient de sortir, installé sur son smartphone et son PC. Un Siri en version ultra-améliorée, donc. Une forme d'_intelligence artificielle, qui a - comme tout robot - la redoutable capacité d'apprendre au fur et à mesure depuis l'être humain, de s'adapter. Et de mîmer au mieux les émotions, jusqu'à l'empathie totale. Theodore va progressivement tomber amoureux de cette très virtuelle Samantha. C'est cette situation absurde, un humain qui tombe amoureux d'une intelligence très artificielle, que Spike Jonze tourne. Le réalisateur de Dans la peau de John Malkovich plonge une nouvelle fois dans le cerveau masculin et explore à la fois notre rapport à la machine et les rapports humains. Il souligne délicatement le contraste entre cette situation extrême propre à la science-fiction - de nouvelles formes d'interaction__ qui naissent entre des humains et des machines, comme dans la formidable série Real Humans, que j'avais chroniquée ici et - et l'histoire d'"amour" très banal de cet homme pas moins banal, accompagné par la musique délicate d'Arcade Fire.

Sa vie bascule. C'est tellement plus confortable, et moins douloureux que dans une "vraie" relations amoureuse avec un être humain "dont il faut accepter les évolutions", avoue-t-il. La précision de la perception de "Samantha" (même si elle ne voit que par la caméra du téléphone), ses facultés de calcul (arithmétique, psychologique, social) font d'elle la présence idéale, qui manquait à la vie du solitaire. A un moment, lors d'un dîner avec une nouvelle rencontre (bien réelle, elle), il renonce lorsqu'elle lui demande de s'engager: il croit avoir le choix entre la réalité de l'imperfection humaine et la perfection numérique, qui avance sous le masque de la voix complice de Scarlett Johansson.

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Plus troublant encore, au fil du récit, "Samantha" sort de son rôle de logiciel pratique et perfectionné : elle trie ses dossiers, ses contacts, ses mails, lui rappelle ses rendez-vous avec une bonhomie apparente. Très vite, elle connaît très bien son propriétaire en parcourant ses films et le disque dur de son PC. Elle prend des initiatives. Elle le divertit, lui fait la conversation dans l'oreillette. Il la présente à ses amis comme sa petite amie officielle, l'"emmène" en vacances. Puis, programmée pour évoluer, elle en vient à réclamer de l'attention, et revendique elle-même des comportements et des émotions très humains, allant jusqu'à "jalouser" ouvertement l'ex-femme de Theodore ("elle est très belle, a une carrière... Moi, je n'ai pas de forme humaine"). Les écahnges entre les deux sont vifs et intelligents. On a peu à peu ce sentiment dérangeant qu'ils sont faits l'un pour l'autre l'autre, et forment le couple idéal. C'est finalement une comédie romantique à l'ère de la dématérialisation.

Comme d'autres avant, tel Spielberg dans A.I. en 2001, où un robot voulait être aimé - et avoir une couverture charnelle - comme un enfant ordinaire, Spike Jonze effleure le sujet des rapports homme-machine, et la capacité pour des machines du futur de mîmer toujours au plus près les comportements d'humains. Et cette question vertigineuse: le futur de l'amour passe-t-il par l'absence de corps? L'amour ne peut-il être que cérébral pour durer?

A un moment donné, Theodore revendique de déclarer à des amis qu'il "sort avec son OS", vante le fait d'être "avec quelqu'un qui adore la vie"(sic)... Jusqu'à découvrir qu'il n'est pas le seul, et que nombre de personnes, comme lui, dans la rue ou le métro, à converser et plaisanter avec quelqu'un de virtuel par oreillette interposée, dans un bourdonnement de monologues.

dimanche 16 février 2014

Star Wars identities: pour découvrir le chevalier Jedi qui est en nous

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Qu'est-ce qui fait notre identité ? Qu'est-ce qui détermine notre espèce, celle des humains, quelle part d'inné, d'acquis, des gènes... dans la détermination de notre personnalité ? Des sujets vertigineux, mais un angle surprenant qu'esquisse l'exposition Star Wars identities, qui a ouvert ses portes à la Cité du cinéma (ce lieu dédié au cinéma rêvé par Luc Besson), à Saint-Denis. Une expo "en tournée" mondiale, dont Saint Denis est le premier point d'étape en Europe, et conçue par Lucasfilm Ltd., la société de production de George Lucas - rachetée par The Walt Disney Company en octobre 2012 pour quelques 4,05 milliards de dollars.

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Vous le reconnaissez ?

D'ailleurs, plus de 200 pièces inédites issues de la collections personnelle de George Lucas, créateur de la saga intergalactique, y figurent: maquettes de vaisseaux, costumes, robots (les vrais !), storyboards, dessins originaux... Une mine absolue. Ils sont exposés sur près de 2 000 m2, soit deux plateaux de tournage. L'expo rêvée pour tous les geeks - fans qui ont grandi avec la saga, née en 1977 - une époque où les ordinateurs et téléphones portables n'existaient pas, et qui est pourtant restée emblématique d'une certaine science-fiction d'antan. Et le point de départ d'une machine marketing, alors que le septième volet de Star Wars (première prod' chapeautée par Disney - ce qui suscite déjà quelques frayeurs chez les fans) doit sortir fin 2015.

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Citons la marionnette de Yoda, Jabba Le Hutt (et ses yeux...), une des toutes premières illustrations de 1975, signée Ralph McQuarrie, commandée par George Lucas, le visage de Dark Vador démasqué dans Star Wars : Episode VI...

"La ligne qui sépare les robots des humains n'est pas toujours facile à tracer"

"Il était une fois dans un galaxie lointaine, très lointaine...". Quand on entre dans l'expo, parmi ces multiples droïdes et robots, des éléments nous annoncent la couleur. Dans l'univers de Star Wars, "une multitude d'espèces extraterrestres cohabitent. Elles ont une conscience de soi, vivent en société organisées", nous rappelle-t-on d'emblée. Au fil de l'expo, munie de mon bracelet équipés de puce RFID distribué au début de l’exposition, je vais pouvoir m'essayer à ce rite initiatique, dans un parcours interactif : passer dix étapes, allant du choix de la race - humaine ou extraterrestre - à laquelle j'appartiens, à celui, ultime, de quel côté de la force je me situe.

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Pelucheux Wookies, ewoks ou humains, je peux choisir quel type de personnage de la saga de la Guerre des étoiles je veux devenir. Je peux donc choisir parmi 15 races présentées sur un mur intégrant des capteurs, celle que je veux incarner. Je me prénomme donc pour l'occasion Thulia Krow, et je prends l'apparence de cette étrange extraterrestre.

Au fil de l'expo, à chaque étape, avec des tablettes tactiles et interactives créées pour l’occasion, le bracelet enregistre mes choix. Pour cette quête interactive, la société canadienne X3 Productions a planché avec des experts du centre des sciences de Montréal, des psychologues, des neuropsychologues, et un biochimiste, pour élaborer ces tests, toujours immergés dans l'univers Star Wars (un rien psychologisants parfois ;).

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J'aperçois le droïde doré C-3PO, présenté sur un écran interactif comme ayant peu d'"ouverture à l'expérience", une "forte extraversion (sociable et énergique)", moyennement aimable (""provoque souvent des conflits, pense d'abord à lui"), un certain contrôle ("bien organisé, préfère planifier ses affaires"), et un certain "névrotisme (anxieux ou déprimé, la plupart du temps)". Et cette citation révélatrice, "Je suis programmé pour le protocole, pas la guerre !". Etrange et intéressant de lui voir attribués des traits de caractère tellement humains...

De fait, "dans cette galaxie lointaine, très lointaine, la ligne qui sépare les robots des humains n'est pas toujours facile à tracer. C'est George Lucas qui aurait inventé le terme droïde provenant du mot androïde, de la racine grecque andros (homme) et du suffixe -oïde (aspect, forme). Ces droïdes fabriqués d'écrous et de boulons sont pour bon nombre dotés de caractéristiques bien humaines, comme une personnalité, une conscience de soi", souligne un panneau dans l'expo. Troublant, non ?

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Plusieurs panneaux prenant pour miroir des personnages de Star Wars nous incitent à nous interroger sur nos origines, nos expériences qui nous ont imbibés, comme "le style parental dans lequel vous avez été élevés", ou encore le "type d'habiletés" que l'on souhaite développer : prudent, prévoyant, prise de risques... Je suis là encore invitée à choisir un personnage auquel je m'identifie, et y apposer mon bracelet.

Il faut avouer que les séquences psycho perso prennent parfois un tour "jeu dont vous êtes le héros" ;)

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Et voici l’ultime question, à la fin de mon parcours initiatique, après avoir croisé Dark Vador, une offre d'emploi : acceptons-nous de rejoindre l’Empereur du côté obscur de la force ? Puis mon avatar apparaît sur un écran géant. Quelques minutes après, je reçois par email le profil de mon héros: mon histoire, l'influence parentale, mes traits de caractère, ma maîtrise de la Force... A partir des dizaines de fois où j'étais invitée à apposer mon bracelet pour renseigner davantage mes points de vues et mon identité (couleur de peau, la manière dont mes parents m'ont élevée...). Expérience troublante, mais un rien décevante: en guise de profil personnalisé, je reçois par mail une compilation de ces renseignements relevés le long de mon parcours sur l'expo.

lundi 28 octobre 2013

Gravity, odyssée spatiale contemplative, le retour de la 3D

Les premières minutes, on est en contemplation, scotché dans son fauteuil, on s'abreuve de ces images jamais vues, avec cet effet de relief incroyable. Et parfois, la tentation d'attraper avec les mains des objets qui volent. Les deux astronautes évoluent dans ce bout d'infini, d'espace, avec une incroyable lenteur. Au fil des minutes, cela semble doux, suave, avec des sons étouffés. Alors que ce qui se trame est d'une certaine violence: les deux astronautes sont susceptibles, d'une minute à l'autre, d'être emportés par une pluie de débris. Dans cette odyssée spatiale, les longs plans-séquences succèdent aux chorégraphies spatiales, en passant par la reproduction visuelle de l'état d'apesanteur. On a le sentiment d’être, de flotter dans l’espace.

C'est un des films les plus étonnants en cette rentrée, thriller galactique, qui exploite de manière assez incroyable les potentialités de la 3D. Gravity, donc, réalisé par Alfonso Cuarón, est une sorte de blockbuster fantastique qui se déroule presque totalement dans l'espace. Durant 1 h 30, on y voit un huis-clos dans cet espace infini, avec deux personnages - et quelques autres, de simples voix par micros interposés, depuis la Terre. Le docteur Ryan Stone, experte en imagerie médicale, accompagne pour sa première expédition à bord d'une navette spatiale l'astronaute chevronné Matt Kowalsky. Mais alors qu'il s'agit apparemment d'une banale sortie dans l'espace, un violent rebondissement surgit : la navette est pulvérisée, Stone et Kowalsky se retrouvent totalement seuls, livrés à eux-mêmes dans l'univers. Avec une menace - l'adversité propre à tout scénario hollywoodien - d'une réaction en chaîne entre les débris spatiaux en orbite autour de la Terre. Le tout dans ce silence assourdissant et velouté autour d'eux, où ils ont perdu tout contact avec la Terre. En s'enfonçant plus loin encore dans l'immensité de l'espace, ils trouveront peut-être le moyen de rentrer sur Terre...

Depuis sa sortie en France, mercredi dernier, Gravity y a réalisé 1 113 882 d'entrées en cinq jours - ce qui en fait le troisième meilleur démarrage de l'année derrière Iron Man 3 et Fast & Furious 6. Déjà aux Etats-Unis, il a réalisé 170 millions de dollars de recettes en 3 semaines

Je m'interrogeais il y a quelques temps sur l'avenir de la science-fiction: ici on frôle le genre, avec ce film hybride, film fantastique, pas vraiment de science-fiction, qui emprunte largement aux codes du space opéra. Gravity fait ainsi penser à l'immense 2001, l'odyssée de l'espace (l'aspect métaphysique en moins, porté dans le film de Stanley Kubrick par la musique, avec Ainsi parlait Zarathoustra de Richard Strauss en ouverture), tourné 15 mois avant la réussite d'Appolo XI, ou encore la fresque Silent running, réalisée en 1971 par Douglas Trumbull (concepteur des effets spéciaux de 2001).

Cinéma contemplatif et métaphysique

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Avec Gravity, peut-on réellement parler d'un film ? C'est à la fois du cinéma-spectacle et du cinéma contemplatif, où l'on se plonge dans l'infini de l'espace. Il y a un aspect très documentaire : le réalisme implique que, durant les premières minutes, on découvre cet univers. D'ailleurs, pour cette approche documentaire, le cinéaste a expliqué avoir soumis des situations à des astronautes, avoir discuté avec des physiciens, y compris sur le comportement des corps soumis à l’apesanteur.

Il y a un côté métaphysique à se plonger dans cet univers infini, où l'on est décidément que poussière. Ce qui explique peut-être en partie le succès de ce film, à en voir les photos de queues infinies devant les salles largement diffusées sur Twitter le weekend dernier. (Même si, certes, les esprits chagrins souligneront la relative faiblesse du scénario, la fin plan-plan et le faux suspense, etc). Un aspect parfaitement voulu.

"L’une des premières images que nous avions en tête était celle d’un astronaute dérivant dans le vide. Parmi les thèmes que nous voulions aborder dans un film d’action, il y avait l’adversité et la capacité des individus à affronter celle-ci pour enfin revenir à la vie. L’espace était l’endroit parfait pour accueillir les métaphores qui figureraient ces idées. Le personnage central était dès le départ une femme, nous voulions une présence maternelle qui fasse écho à celle de la Terre. Ryan Stone (Sandra Bullock) réapprend à vivre, c’est une renaissance. Autre point crucial, il fallait un traitement très réaliste, très proche d’un documentaire comme Hubble (Toni Myers, 2010) mais dans lequel la mission aurait dérapé", explique Jonás Cuarón, fils du réalisateur, dans une interview à Trois Couleurs.

Le retour de la 3D

Mais aussi, cela réhabilite de manière inattendue la 3D, que l'on croyait déjà has been, plus ou moins vouée à l'échec au cinéma, à part pour quelques rares blockbusters et dessins animés. Car malgré l'effet Avatar, le cinéma tout comme la télé 3D n'ont guère décollé, comme je l'abordais ici, ou dans cette enquête, celle-ci pour Mediapart. De fait, le film fait plus de 82% de ses recettes aux Etats-Unis dans les salles 3D, tout comme dans les autres pays où le film est sorti - certes, les spectateurs n'ont peut-être pas trop le choix, car la quasi-totalité des séances proposées en France sont en 3D.

Assurément, dans Gravity, la 3D est justifiée. Les premières minutes du film, on peut ressentir une nausée vertigineuse à l'image de ce noir infini, de la planète Terre qui est immense, avec ces bouts de vaisseau au premier plan.. Et il y a ces petits objets qui volettent. La 3D se justifie vraiment car c'est une des premières expériences visuelles spatiales aussi réalistes que l'on connaît de cette manière. On aurait presque l'impression d'être à bord d'un vaisseau. La 3D permet de littéralement découvrir visuellement l'espace, ces planètes en premier plan, ces météorites qui flottent parfois...

dimanche 2 juin 2013

Une (contre-)histoire de l'Internet - et de ses défricheurs

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Ça commence par un torrent d'extraits de vidéos, de lolcats, de l'armée nord-coréenne, de Barak Obama sur scène, un énième détournement vidéo de "La chute" avec Hitler... Un concentré de la culture lol en quelques secondes. "That's Lol folks". En 1h30, dans Une contre-histoire des Internets, Jean-Marc Manach et Julien Goez, tous deux auparavant journalistes à feu Owni, reviennent sur la dense et jeune histoire du Réseau Internet, et ses relations complexes avec les pouvoirs publics, entre jurisprudences, lois floues, jusqu'aux déclarations (cultes?) de Nicolas Sarkozy appelant à "civiliser" (sic) Internet. Un docu (que j'ai donc enfin visionné, avec un certain retard par rapport à sa diffusion initiale sur Arte, il y a une quinzaine de jours) dense, avec au bas mot une quinzaine d'interviews, et des compléments Web bien pensés, dont un webdocumentaire complémentaire, où l'on trouve les autres des 50 interviews réalisées par les deux journalistes. Les internautes peuvent aussi y poster leurs propres souvenirs d'Internet. Car dans cette "contre-histoire", loin des créateurs de start-ups médiatisées, sont mis en avant militants et chercheurs qui y ont contribué, des "défricheurs du Net" parfois malgré eux, que l'on recroise avec plaisir, de Valentin Lacambre à Marie-François Marais.

Dès les premières minutes, on entre dans le vif du sujet : Nicolas Sarkozy soulevant, lors d'un très politique eG8 organisé (en grande pompe) avec l'agence Publicis en mai 2011, "une question centrale, celle de l'Internet civilisé - je ne dis même pas de l'Internet régulé"... vs les "internautes - barbares". "4 ans plus tôt, c'est la République de Chine, un des 10 pays ennemis de l'Internet, qui voulait l'Internet civilisé. Bel héritage.", souligne le journaliste Julien Goez en voix off. Cela donne le ton...

Petit retour sur l'eG8 donc, alors organisé dans le jardin des Tuileries, où Nicolas Sarkozy assurait son intention d'organiser, la veille du G8, "avec l'accord du président Obama, une grande réunion avec les grands intervenants de la société virtuelle de chacun des pays du G8 ".. Et "un barbare", perdu au milieu des dirigeants de Facebook et Google, John Perry Barlow, co-fondateur de l'Electronic Frontier Foundation (EFF, mythique ONG qui défend la liberté d'expression sur Internet) . "je crois que nous ne vivons pas sur la même planète", lâche-t-il, aux côtés de Bruno Patino, impassible. Et de raconter, après-coup, aux deux journalistes comment les Etats veulent récupérer le pouvoir sur l'Internet, "devenu trop important"...

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Le documentaire revient sur ce paradoxe inhérent à internet : espace de liberté d'expression et de libre-circulation de l'information, porteur à ses débuts d'idéaux tels que le bien commun, mais aussi le piratage, comme j'en ai parlé ici, il fut "créé par des hippies sous LSD, même s'ils travaillaient pour la Darpa (Agence pour les projets de recherche avancée de défense pour l'Armée des Etats-Unis)", rappelle John Berry Barlow. Des hippies qui avaient déjà leur "vraie" communauté en 1967 à San Francisco, et quelques années après, vont s'approprier l'informatique, ce "territoire virtuel" qui "augmente l'esprit, où on peut agir sur le code soi-même, et on élargit son rapport au monde depuis les individus, qui vont se connecter un par un", souligne le sociologue Dominique Cardon.

Le docu revient aussi sur les premiers pans historiques de cet Internet libertaire, plus ou moins connus : comment le MIT embauche des "system hackers" comme Richard Stallman, futur inventeur du logiciel libre, les premiers hackers bidouilleurs des réseaux, auxquels les services secrets s'intéressent de près. ... jusqu'à ce qu'un certain Jean-Bernard Condat (redécouvert quelques années après par Les Echos), co-fondateur du Chaos Computer Club de France - il s'avèrera être à l'origine d'un faux groupe de hackers créé en 1989 à Lyon à la demande de la DST. Avec, à l'origine, le premier CCC créé dix ans avant en Allemagne, avec parmi ses fondamentaux une éthique des hackers, soit garantir l'accès à l'information pour tous, et moins de concentration du pouvoir, ce que permet Internet, avec la libre-circulation de l'information...

Naîtra alors en France une ambiguïté à propos des hackers : "les médias ont en tête (à propos du hacker) le cliché du pirate, et non du maker qui va fabriquer, détourner les objets" (Olivier Laurelli, directeur Associé de Toonux, une société de services en logiciels, et connaisseur historique des logiciels libre). Des contre-offensives apparaissent, comme le logiciel PGP (logiciel public de chiffrement des données), au code-source en accès libre et gratuit, au nom de la culture du partage inhérente au Net.

Internet, liberté et pressions pour le contrôler

Mais qui contrôle cet Internet ? On garde en mémoire les déclarations Lolesques de Frédéric Lefebvre, éphémère porte-parole de l'UMP sur les "faux médicaments, adolescents manipulés, bombes artisanales, créateurs ruinés par le pillage de leurs oeuvres..." la faute à l'Internet bien sûr, "envahi par toutes les mafias du monde".

Qui tenir pour responsables ? Se succéderont les fournisseurs d'accès à Internet, les hébergeurs, soit les intermédiaires techniques... Puis les internautes. Les fournisseurs de stuyaux par lesquels passent les contenus, d'abord : en mai 1996, une descente de police chez deux fournisseurs d'accès à Internet indépendants, Worldnet et FranceNet, pour cause de photos pornos mettant en scène des enfants découvertes sur les réseaux. En1999, le CSA cherche à s'emparer du sujet, en organisant le premier sommet mondial des régulateurs consacré à Internet. Alors que l'autorégulation s'impose de façon collective parmi les internautes.

Vient ensuite une nouvelle cible, les hébergeurs, avec l'"affaire" Estelle Halliday, dont des photos d'elle dénudée ont circulé : mais qui était alors coupable ? Valentin Lacambre, fondateur d'Altern.org, qui croisera sur sa route la magistrate Marie-Françoise Marais (future présidente d'Hadopi, tiens donc...) qui le condamnerai en appel à 45 000 €. "On va jeter un pavé dans la mare. On ne veut pas savoir si (Internet) c'est un espace de liberté ou pas : il y a atteinte à la vie privée", justifie-t-telle dans le docu. L'hébergeur plutôt que l'internaute ayant posté ces photos sur Internet était considéré comme responsable juridiquement...

Autre révélation du docu, avec cette première décision juridique rendue par le Conseil constitutionnel en 1996, à peine aux prémices de l'Internet il censure alors un amendement présenté par le Ministre des télécoms d'alors (François Fillon...), dans le cadre de la loi de libéralisation du secteur des télécoms - et voté à la hussarde, en pleine nuit - qui prévoyait de responsabiliser fortement les intermédiaires techniques. Aux Etats-Unis, Bill Clinton avait aussi tenté, en vain, de faire passer un texte similaire. Les gouvernements voulaient contrôler le Net via les intermédiaires publics...

Nouvelle étape, les internautes sont considérés comme responsables, "nouvelle cible à contrôler pour assainir le réseau": via Hadopi - qui a "normalisé la surveillance des internautes par une société privée" selon Olivier Laurelli. Le vrai objectif d'Hadopi, derrière, serait de protéger le copyright .

Surveillance du réseau, surveillance business

Autre paradoxe du Réseau, on adore partager nos vies sur Facebook, on y partage volontairement nos données (très) privées. "La première personne qui sait si vous avez une maladie grave, c'est Google". Votre carte de crédit permet de prédire un an à l'avance votre divorce à partir de vos habitudes d'achat, souligne Rick Falkvinge, fondateur du Parti Pirate suédois.

Mais plusieurs sociétés vendent des services de surveillance à part entière du Réseau. Le docu rappelle ainsi qu'en décembre 2007, la France signait avec la Libye un contrat pour lui fournir un vaste infrastructure lui permettant de surveiller l'ensemble de l'Internet libyen. Khadafi sera reçu avec tous les honneurs à l'Elysée... Elle sert inévitablement à traquer des opposants. Amesys sera mise en cause par le Wall street Journal tout comme la société française Qosmos.

Le docu finit sur une note d'espoir, citant un nouvel exemple de hackers au service de la liberté d'expression : le collectif Telecomix en Syrie, qui aide les gens à se connecter en contournant la censure. Hackers ? Ils ont mis à disposition des infrastructures en contournant la surveillance. "Une ONG ne peut intervenir en ce sens, face à un états souverain. Un Etat ne peut le faire, un service secret non plus. Mais nous, nous pouvons le faire", explique face caméra un de ses fondateurs. Son manifeste se clôt d'ailleurs ainsi: "Nous diffusons des outils pour contourner le filtrage d'Internet, ainsi que de puissants logiciels de chiffrement afin de contrer la surveillance gouvernementale et la répression (...), préserver la libre circulation de l'information. Nous venons des Internets. Nous venons en paix. Que tous les hommes et les machines soient libres !".

dimanche 5 mai 2013

Vine, micro-vidéo en slow motion, le nouveau GIF animé (voire plus?)

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Une application iOS de partage vidéo, et service de micro-vidéo ,qui permet de prendre et partager des clips de 6 secondes... Mais sans doute un peu plus. J'ai déjà eu l'occasion de l'écrire ici, ou , on est dans un paysage de médias sociaux où la photo, l'image prédomine de plus en plus dans les usages, porté par le succès d'Instagram, mais aussi des Socialcom et autres Viddy.

C'était au début une (micro) start-up de 3 salariés, discrètement rachetée par Twitter en octobre 2012, qui comportait alors un service de partage vidéo en cours de développement. Son service est devenu numéro un des téléchargements d'app gratuites sur l'Apple Store US début avril... Comme Twitter et Instagram, Vine est basé sur des contraintes. Vous ne pouvez pas ajouter de son. Les vidéos sont en slow motion (basse définition). Vous ne pouvez pas faire de montage vidéo ni retouches : la séquence tournée sera partagée et diffusée telle quelle. Pas de filtres photo à la Instagram. Pas de boutons Enregistrer ou Jouer. On lance le tournage en un effleurement de son smartphone (ou sa tablette). Et enfin, on ne dispose que de 6 secondes. La consécration de la brièveté, de la séquence ultra-courte, comme chez Twitter.

Culture GIF

Mais Vine n'a pas débarqué totalement par hasard. Je le disais, il y a dans cet univers "social" et digital déjà l'ultra prédominance de l'image, des captures d'écrans brutes et peu retravaillées. Mais Vine a aussi débarqué en pleine culture GIF, ces GIF animés, ces simples clips souvent utilisés our exprimer des idées complexes et des émotions (comme le drolatique Vis ma vie de pigiste...). Ce sont des vidéos en streaming denses en informations. Alors certes, il y a des hiatus, comme l'arrivée en trombe du porno sur Vine, après les GIFS Q - d'ailleurs, peu après son lancement, début février, l'entreprise a prestement modifié les conditions générales d’utilisation dans sa version 1.0.5, en changeant l’âge minimal pour utiliser l’application dans l’App Store, passé brutalement de 12 à 17 ans. Ou comment Twitter s'est dédouané vis-à-vis de certains usages inévitables...

Egalement, certaines fonctionnalités "sociales" manquent cruellement. Comme celles liées à la découverte de nouveaux contacts : d'autant que Facebook a très vite interdit à Vine l'utilisation de son "social graph". Impossible d'éditer des titres ou des tags une fois que vous avez posté des micro-vidéos.

Certes, Twitter a lancé Vine un peu à l'arrache, en sachant que ce nouveau service était loin d'être parfait. Mais il est prometteur: un peu comme la culture LOL inhérente aux GIF animés, Vine va générer sa propre culture.

Usages multiples

La multitude de ses usages émerge déjà: en marketing, publicité, mode, cuisine, cinéma, autour des people... Début mars, lors de la Fashion Week parisienne, on a ainsi vu une multitude de mini-vidéos Vine tournées dans les coulisses des défilés par journalistes et blogueurs, qui, à travers ces micro-séquences, montraient leur capacité à récupérer des bribes d'indiscrétions. Du côté des marques, Toyota était la première à monter sa micro-pub, fin janvier, avec un montage malin montrant une voiture en papier roulant successivement sur un iPad et le T shirt d'un homme. MacDo dégaine très vite sa propre Vine-pub. Ou comment bricoler des micro-clips à micro-budget, et s'offrir un vernis so cool...

Du côté du cinéma, fin mars, James Mangold, le réalisateur du prochain volet de Wolverine, lançait sur Vine sa première (micro) bande-annonce , avant de dévoiler un teaser plus classique de 20 secondes, puis une bande-annonce standard. Plus loufoque, en télé, Adam Goldberg (2 Days in Paris, Il faut sauver le soldat Ryan) initiait, le 31 janvier, la diffusion d'une "micro-série", reconnaissable au hashtag #merrittxanadu44, avec une succession de vidéos mettant en scène sa femme Merritt, qui serait devenue folle après sa première utilisation de Vine. En musique, citons les Daft Punk, qui ont utilisé Vine pour dévoiler la tracklist de leur nouvel album, Random Access Memory.

Côté culinaire, out les éternelles photos des petits plats (qui ont, un temps, envahi Instagram), Vine montre comment vous les préparez. Côté culture LOL, un site comme Vinecats.com compile exclusivement des clips de lolcats, déjà stars d'antan sur Tumblr et les GIF animés. Pour ces petits chats, Vine a rapidement engendré ses propres hashtags.

"Journalisme citoyen"

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Mais des nouveaux usages (presque) journalistiques émergent autour de Vine. Certains médias se dotent de leur propre page Vine : en janvier, NBC a inauguré cette pratique en publiant sur sa page Vine des images d’un dauphin coincé dans le Gowanus Canal à New York. De même, le mensuel américain Rolling Stone avait suscité la curiosité sur Vine autour de sa prochaine Une de mars.

Autre usage qui a émergé, lors des attentats de Boston : la vidéo produite avec Vine qui a alors généré le plus de vues a été diffusée non pas par un témoin du drame présent sur place, mais par un certain Doug Lorman, qui filmait sur son téléviseur, avec son smartphone, un reportage de NBC. C’est en réalisant, dans les minutes qui ont suivi, qu’aucune chaîne d’info ne reprenait les images du reportage qu’il a eu le réflexe de les diffuser lui-même sur Twitter. Moins d’une heure plus tard, la vidéo avait été partagée plus de 15 000 fois et regardée par plus de 35 000 personnes.

Ensuite, d'autres vidéos vont circuler, notamment sur le Boston Globe, le format très court de Vine les rendant d'autant plus impressionnantes, marquantes, mémorisables. D'autant que ce qui est nouveau avec Vine, c’est la facilité avec laquelle tout citoyen peut immédiatement retransmettre un événement filmé, sans être CNN ou une autre chaîne d’info en direct. On avait déjà vu cela avec Twitter, mais là, un nouveau "journalisme citoyen" (rappelez-vous, l'expression était en vogue il y a une dizaine d'années...) a émergé : sans même être sur place, Lorman a partagé en direct son "montage", au moment où sur place, quelques premières personnes commençaient tout juste à poster sur Twitter des photos de l’événement. Vine n'est plus là un simple outil LOL.

lundi 4 février 2013

Faut-il exposer les enfants aux écrans ?

Vous n'avez pas pu louper cette vidéo sur YouTube, où une petite fille de 2 ans utilise avec une facilité déconcertante une tablette. Il y a aussi toutes ces anecdotes, rapportées par des parents ou des instituteurs, avec ces petits qui font glisser leur doigt de droite à gauche sur une feuille de papier (comme sur une tablette...), celle-ci qui se met en colère lorsque sa mère veut lui retirer "son" iPad des mains (c'est du vécu)...

Doudous numériques

Les usages numériques en train d'émerger chez les enfants, et surtout les tout-petits, soulèvent de nouvelles questions, de manière vertigineuse. Alors que, après les applis et jeux éducatifs pour enfants sur les Appstores, se multiplient maintenant les tablettes pour enfants, voire pour les moins de trois ans. J'y ai consacré récemment cette enquête pour Stratégies (encore en accès abonnés, sorry...), les constructeurs de produits IT, constructeurs de jouets ou de jeux éducatifs sont en train de s'engouffrer dans cette brèche, en sortant tour à tour leurs tablettes tactiles pour enfants, et même par tranches d'âges. Cela a été un des cadeaux de Noël les plus remarqués. Alors que plus de 3,5 millions de tablettes (iPad, Galaxy de Samsung notamment) ont été vendues l'an dernier, jusque 500 000 tablettes pour enfants auraient été vendues. On a même vu, y compris au CES de Las Vegas début janvier, des accessoires pour ces tablettes spéciales kids: cadre protecteur en fausse fourrure, jouets à y accrocher... Ou comment faire de ces tablettes de véritables doudous numériques.

Ce qui pose de nouvelles questions d'ordre sociétal, éducatif, , scientifiques, etc. Et n'a pas tardé à ressusciter des débats (et angoisses) similaires à celles de la télé pour tous-petits. Justement, fin janvier, l'Académie des Sciences rendait public son rapport (publié le 22 janvier, ed. du Pommier) sur l'exposition des enfants aux écrans. Avec un avis, contre toute attente, très nuancé: non, les outils numériques ne sont pas forcément nocifs, ils peuvent même devenir un nouvel outil d'apprentissage. Une position contrastée (par peur d'apparaître comme d'un autre âge?), à mille lieues des propos plutôt sceptiques que tenait Serge Tisseron auprès de M le Mag en décembre dernier.

En particulier pour les moins de 3 ans - la tranche d'âge pour laquelle l'utilisation des tablettes est à priori la plus discutable. "A cet âge, l'enfant doit mettre en place ses repères spatiaux et temporels. "Les tablettes, c'est un éternel présent. Alors que lorsque les enfants utilisent des petits livres cartonnés, ils peuvent voir l'avant – les pages déjà vues –, le pendant – la page devant eux – et l'après – les pages restantes", déclarait-il alors.

Or dans l'étude, les chercheurs montrent bien peu de distance par rapport à la tablette, citée à 42 reprises (pratiquement autant que le bon vieil ordinateur qui apparaît 60 fois), parée de presque toutes les vertus, étant même le seul écran à être conseillé avant l’âge de 2 ans, pour "éveiller leur intelligence sensori-moteur et leurs premières capacités cognitives, qui apparaissent bien avant le langage" (sic) - à condition que leur usage soit "accompagné, sous forme ludique, par les parents". Bref, pour les chercheurs les tablettes participent à l'éveil cognitif des tous-petits... à condition que les parents soient à côté lorsqu'ils les utilisent. On imagine le soulagement des constructeurs, qui y voient un business très prometteur - et l'ouverture d'une brèche, côté éditeurs, pour la création de jeux ludo-éducatifs.

Pourtant, si la tablette est un nouvel écran séduisant, c’est avant tout un outil de consommation, idéal pour lire une vidéo, consulter l’actualité, ou parcourir les réseaux sociaux. Créer, apprendre via des jeux ludo-éducatifs très élaborés, conçus par des spécialistes de la petite enfance? Cela reste à prouver.

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En revanche, sur l'exposition des enfants à la télé, l'Académie des Science est plus tranchée. Et pointe les effets néfastes d'une exposition prolongée aux programmes de télé par les enfants de moins de deux ans (retard de langage, difficultés de concentration ou d'attention...), ainsi que chez les enfants de 2 à 6 ans (tyrannie sur les parents, repères brouillés à cause de la publicité...). Au passage, elle égratigne les DVD d'éveil et chaînes pour tout-petits, censés jouer les baby-sitters en les éduquant...

Pas vraiment surprenant. Il y avait eu cette étude réalisée par un pédiatre allemand qui avait fait grand bruit: 1 900 enfants de 5 à 6 ans s'étaient vus demander de dessiner un personnage - le résultats en créativité, netteté... étaient d'une différence flagrante, selon s'ils regardaient la télévision moins d'une heure par jour ou plus de trois heures par jour.

Pas surprenant. En 2007, Serge Tisseron avait pris la tête d'une fronde contre l'arrivée en France de chaînes de télé spécialement conçues pour les tous-petits de moins de 3 ans, Baby TV et Baby First.

Zapping numérique et évolutions neuronales

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Et pourtant... L'avis de l'Académie fait presque figure d'exception, alors que l'influence du Net, des écrans, sur notre mode de lecture et notre capacité de concentration fait débat. Voire, nos cerveaux sont-ils en train de muter, de s'adapter face à ces nouvelles formes de lecture, de concentration, de réflexes qu'induisent notre vie numérique? Une question soulevée par Nicholas Carr avec sa bombe, Internet rend-il bête? (ed. Robert Laffont, 2011), comme l'évoque cette enquête publiée par Télérama.

"Ces dernières années, j'ai eu la désagréable impression que quelqu'un, ou quelque chose, bricolait mon cerveau, en reconnectait les circuits neuronaux, reprogrammait ma mémoire. Je ne pense plus de la même façon qu'avant. C'est quand je lis que ça devient le plus flagrant. Auparavant, me plonger dans un livre ou dans un long article ne me posait aucun problème. ... Désormais, ma concentration commence à s'effilocher au bout de deux ou trois pages. ... Mon esprit attend désormais les informations de la façon dont le Net les distribue : comme un flux de particules s'écoulant rapidement". Décrivant sa "mutation numérique" dans The Atlantic en juin 2008, Nicholas Carr a ouvert le débat: notre cerveau serait en train de subir les mêmes effets que nos corps déformés par la surconsommation et la malbouffe ?

Voire. Comme la lecture numérique est différente de la lecture papier, est-ce que ce que nous savons de notre cerveau lecteur éclaire ce que nous ne savons pas de la lecture à l’heure de la culture numérique ? Quelles sont les implications profondes sur la plasticité de nos circuits de lecture à mesure que nous utilisons des médias dominés par le numérique ? Internet Actu abordait le sujet en début d'année, suite à une intervention de Maryanne Wolf, directrice du Centre de recherche sur la lecture et le langage de l’université Tufts, et auteure de Proust et le Calmar.

Les caractéristiques cognitives de la lecture en ligne ne sont pas les mêmes que celle de la lecture profonde, estime Maryanne Wolf. Avec le numérique, notre attention et notre concentration sont partielles, moins soutenues. Notre capacité de lecture se fixe sur l’immédiateté et la vitesse de traitement. Nous privilégions une forme de lecture qui nous permet de faire plusieurs tâches en même temps dans des larges ensembles d’information. Les supports numériques ont tendance à rendre notre lecture physique (tactile, interactions sensorielles…) tandis que le lire nous plonge plutôt dans un processus cognitif profond. Pour la spécialiste, il semble impossible de s’immerger dans l’hypertexte. Reprenant les propos de Carr, “l’écrémage est la nouvelle normalité”, assène-t-elle. “Avec le numérique, on scanne, on navigue, on rebondit, on repère. Nous avons tendance à bouger, à cliquer et cela réduit notre attention profonde, notre capacité à avoir une lecture concentrée. Nous avons tendance à porter plus d’attention à l’image. Nous avons tendance à moins internaliser la connaissance et à plus dépendre de sources extérieures.” Glaçant...

Polémique autour de l'avis de l'Académie

Psychologies Magazine titrait carrément, dans son numéro de février, sur "Des écrans à risques", sondage à l'appui et appel "à la vigilance" signé par 50 experts, qui pointait l'"emprise préoccupante sur nos vies" induite par les technologies, "les pratiques pathologiques et compulsives, notamment chez les jeunes et personnes fragiles", et réclamant un "code de bonne conduite de la vie numérique". Rien que cela. Dans son dossier au ton volontiers alarmiste, il pointait l'"inquiétude générale" induite par son sondage,69% des sondés étant préoccupés par la place prise par les écrans dans la vie de leurs enfants, et 59% se sentant dépendants de leurs outils numériques (la fameuse nonophobie). Référence à l'hyperdépendance d'une partie de la population surconnectée, certains - qui peuvent se le permettre - devenant parfois déconnectés volontaires...

Encore il y a quelques jours, dans Le Monde, plusieurs scientifiques s'inquiétaient, dans une tribune publiée le 8 février, d'une exposition des enfants aux tablettes et autres écrans, critiquant clairement l'avis de l'Académie.

"Une grande partie des affirmations avancées dans ce rapport sont dénuées de tout fondement scientifique et ne reflètent que les préjugés ou opinions des auteurs. Par exemple, nos académiciens expliquent que "les tablettes visuelles et tactiles suscitent au mieux (avec l'aide des proches) l'éveil précoce des bébés (0-2 ans) au monde des écrans, car c'est le format le plus proche de leur intelligence". Aucune donnée n'est présentée pour étayer ces assertions ou simplement montrer que cette exposition précoce est souhaitable. C'est malheureux, parce que, même si les tablettes sont trop récentes pour que des études fiables existent quant à leurs influences, il apparaît au vu de la littérature scientifique disponible qu'un petit enfant aura toutes les chances de grandir infiniment mieux sans tablette. En effet, certains déficits établis, liés à l'usage de la télévision ou des jeux vidéo, concernent aussi les tablettes". affirment-ils carrément.

mardi 28 août 2012

Les Pussy Riot ressuscitent le punk (et bien plus...)

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Punk is not dead ? Au choix, on peut estimer que le punk est mort en 1979, ou en 1994, lorsque des poignets cloutés sont apparus comme accessoires pour les jeunes modeuses, ou ces toutes dernières années, récupéré recyclé par la publicité, ou avec habileté par certaines marques, telle la culte Fred Perry, qui fête ses 60 ans.

Les Pussy Riot, melting-pot culturel punk

Mais ces derniers mois, le punk est ressuscité, accolé à un groupe de jeunes femmes Russes de caractère, qui se sont baptisées les Pussy Riot. Le nom aide : il fait référence en lui-même à un melting-pot culturel, entre argot sexy, féminisme et références musicales, renvoyant au groupe punk Riot grrrl et sa leader Susie Bright. Et à une forme d'appropriation par les femmes de leur pouvoir sexuel (entre autres). Même Madonna a imprimé le nom Pussy Riot sur sa peau nue, comme forme d'affichage de sa propre rébellion - qu'elle sait parfaitement exploiter, dans son sens inné du marketing ;).

Le groupe ds Pussy Riot, donc, fut lancé en septembre 2011, émanation d'un collectif artistique d'hommes, Voïna, avec à sa tête le mari de l'une d'entre elles. Elles sont devenues en quelques semaines plus qu'un groupe de jeunes punkettes, mais une cause célèbre pour les artistes et activistes en Occident, un contre-pouvoir non négligeable dans une Russie en train de devenir une "démocrature". Elles se veulent féministes: "Nous voulons être le fouet féministe qui réveille la Russie", expliquait l'une d'entre elles cet été à The Observer Et la lame de fond est en train de monter.

Activisme féministe 2.0

Logique, les médias sociaux relaient à leur tour le phénomène. Comme nombre de révolutions, ils ont contribué à médiatiser bien au-delà de la Russie les Pussy Riot, comme avec cette vidéo de leur fameux happening sous forme de prière punk, "Punk prayer", qui compte plus d'1 million de vues sur YouTube. Tout comme d'autres vidéos de happenings circulent... Car elles ont imposé une nouvelle forme d'activisme en mode 2.0, "girls band" à guitare" avec cagoules, collants flashy, et des happenings mis en ligne aussitôt sur Youtube, avec une certaine dérision, qui n'est pas sans rappeler celle du collectif La Barbe en France.

Un lointain écho, aussi, aux Femen, ces féministes ukrainiennes aux seins nus qui se sont illustrées en coupant à la tronçonneuse une crois orthodoxe. Une nouvelle forme d'illustration d'un revigorant renouveau du féminisme un peu partout dans le Monde, dopé par les media sociaux, de l'Europe aux Révolution arabes, en passant par la France, comme je l'abordais dans cette enquête. Et désormais, peut-être, la Russie. __ "Punk prayer"__

Le 17 août dernier, trois de leurs membres, Maria Alyokhina Yekaterina Samutsevich et Nadezhda Tolokonnikova étaient condamnées à 2 ans de camp pour avoir mené un happening de protestation contre Vladimir Poutine, en février dernier, dans la cathédrale orthodoxe de Moscou, devenue un des points de ralliement pour les activistes. Une condamnation à deux ans de camp de travail (!) qui a indigné dans le monde entier, les images du "procès" circulant dans les médias à cette occasion ayant révélé trois jeunes femmes graciles, âgées de 22 à 29 ans, qui sont photographe, poète et philosophe dans la "vraie vie".

Le révélateur de la mécanique implacable d'un pouvoir russe absurde, cruel, effrayant et machiste à souhait. Un simple titre de musique est devenu bien plus, brisant (un peu plus) aux yeux du monde le mythe d'une Russie moderne et démocratique. Elles sont devenues les renégates du moment pour le pouvoir russe. Car leur musique permet de cristalliser plusieurs points de critiques : corruption du pouvoir, inégalité économique et social, évidemment les droits de la femme...

Et maintenant ? Lors de leur arrestation, le Palais de Tokyo à Paris monte une expo collective, Madonna et Björk leur dédicacent des titres. Le collectif Osez le féminisme! organisait à Partis le jour du verdict une manifestation avec femmes sont venues encagoulées. Et bonne nouvelle, les artistes français réagissent enfin à leur tour: Gilles Médioni signalait ce matin sur son blog ce titre que vient de publier Jeanne Cherhal:pour les Pussy Riot. Faites tourner...

vendredi 11 mai 2012

Le téléphone sert-il (encore) à téléphoner ?

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Est-ce que le téléphone portable sert encore (beaucoup) à téléphoner ? Les Free Mobile, Sosh et autres B&You ont consacré une tendance déjà émergente chez certains opérateurs (notamment les MVNO), avec des forfaits dits "tout illimité" (ou presque - le sujet a déjà largement fait polémique il y a quelques mois, voir par exemple par ici). Et à prix réduits: avec à la clé SMS, MMS illimités, navigation sur Internet mobile à haute dose (au pire limitée à 500 méga-octets ou 1 giga-octet). Et un forfait "voix" (pour des appels téléphoniques) réduit à 1 à 4 heures.

Des forfaits sur mesure pour les ados et les jeunes adultes, addicts à l'envoi en masse de SMS, au "chat mobile", mais beaucoup moins aux longues conversations sur leur portable. Dans la lignée du Millenium, le premier forfait apparu il y a 12 ans, déjà destiné aux ados addicts à leur portable.

Parce qu'après tout, le (jeune) utilisateur de portable a-t-il vraiment besoin de téléphoner beaucoup. Prenez Adam (notre stagiaire maison à Stratégies), 20 ans, doté d'un iPhone depuis 3 ans... Certes, il téléphone souvent, mais envoie en moyenne "10 à 50 SMS par jour". Car aussi paradoxal que cela puisse paraître, les Français sont peu nombreux à téléphoner beaucoup depuis leur téléphone portable - cela reste un usage réservé au téléphone fixe. Un sondage commandé récemment par l'opérateur indépendant Prixel à Ipsos révélait que 40% du panel téléphonait moins d'une heure par mois, 37% de 1 à 3 heures par mois, seuls 10,3% dépassant les 3 heures par mois.

De plus en plus, le téléphone sert à envoyer des SMS, et surfer sur Internet et les réseaux sociaux - surtout chez les jeunes donc, soit les générations de demain. Ce qui s'accentue certes avec la généralisation des smartphones - "couteaux suisses" dotés d'une multitude de fonctions. Car si 70% des sondés par Prixel ont un accès à l'Internet mobile, les 16-24 ans sont les plus connectés: 57% d'entre eux surfent tous les jours. Et notre "jeune" post-ado envoie beaaaucoup de SMS: plus de 500 par mois pour 67%, tandis que 64% du panel en envoie moins de 100.

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Donc, le téléphone sert-il encore à téléphoner ? L’essayiste Tom Vanderbilt, relayé par ce papier de Xavier de la Porte, développe aussi cette idée dans The Wilson Quaterly: serait-ce "la fin du téléphone, en tant que transmission d’informations par la voix" ? Il relève que le temps de la communication vocale est en forte baisse, la conversation est remplacé par le coup de fil très minimaliste : 1 minute et 47 secondes en 2010 pour un coup de fil, contre 3 minutes en moyenne en 2003.

Pourtant, les prémices du marketing télécoms étaient bien parvenus à rendre le téléphone indispensable, à se débuts, comme le rappelle Vanderbilt, cité par Xavier de la Porte:

Il a fait son entrée sur la scène de l’Histoire en 1876, sans répondre en rien à un désir clair des masses. Il était pourtant porteur d’un changement radical : pour la première fois, les gens pouvaient se parler à distance. Certes, mais pour quoi faire ? Et l’auteur de rappeler à quel point les hommes d’affaires, pourtant les plus prompts à utiliser le courrier et les télégrammes pour transmettre des informations importantes, étaient sceptiques quant à l’apport de cette nouvelle technologie. Ils n’y voyaient au mieux qu’une version parlante du télégramme. C’est ensuite la société Bell qui a réussi à créer le besoin de téléphone grâce à un gros travail marketing. D’abord dans les entreprises, puis dans les foyers, pour les conversations intimes, dans le but de garder contact avec ses proches.

Pour Vanderbilt, cela est lié par essence au modèle économique des forfaits, dans lesquels envoyer des textos est moins cher que de téléphoner. Mais aussi des "raisons de convenance", où il semble moins intrusif d'envoyer un SMS que d'appeler son interlocuteur.

Mais même la conversation téléphonique, autant norme sociale qu'outil d'échange à distance, certes une des premières formes d’échanges virtuel, mais qui laisse une trace, s'ancre dans la mémoire, pourrait s'effacer, au profit des chats et autres visioconférences, qu'Apple par exemple tente d'installer avec son outil FaceTime.

dimanche 11 décembre 2011

Le numérique, au centre de la campagne électorale ?

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Lundi dernier, il inaugurait l'ouverture du site de données publiques Datagouv.fr. Mardi matin, il s'offrait l'inauguration du siège de Google, avec Sergey Brin en personne, et une poignée d'entrepreneurs médiatiques. Mercredi, à l'occasion de l'ouverture de la conférence LeWeb'11, grand-messe annuelle des start-ups (et des fonds d'investissement) fondée par Loïc Le Meur, il recevait à dîner à l'Elysée 300 entrepreneurs et blogueurs. Le tout en pleine "Semaine du numérique", montée par son conseiller Nicolas Princen, émaillée de plusieurs raouts et conférences autour des technologies - qui permettait d'emblée de mettre Sarkozy au cœur de cette actualité.

Il avait déjà inauguré son "tournant numérique" - du moins auprès des médias - en mai dernier, en organisant l'eG8 du Web aux Tuileries, en direct avec l'agence Publicis, quitte à zapper quelque peu les ministres habituellement en charge du sujet, comme nous le détaillions dans cette enquête. En préalable, il avait installé le 27 avril dernier un Conseil national du numérique (CNN), organe consultatif (déjà contesté sur la Toile) comptant... des entrepreneurs - ça tombe bien - comme le patron de Rentabiliweb Jean-Baptiste Descroix-Vernier, Giuseppe Di Martino (Dailymotion, Asic), Frank Esser (SFR, FFT), Gabrielle Gauthey (Alcatel-Lucent), un anti-sarkozyste (belle prise) Nicolas Voisin (Owni), et avec pour président Gilles Babinet (Eyeka, CaptainDash...).

Le numérique et l'innovation, sujet de campagne à truster

Nicolas Sarkozy est en campagne, à 5 mois des élections présidentielles. Pour lui comme pour François Hollande - et les autres candidats - le numérique et l'innovation pourraient bien en être un des sujets-clés. Il drague assidûment les acteurs du numérique, pas totalement en vain. "Jean-Baptiste Descroix-Vernier, Gilles Babinet, étaient tous retournés lors de son discours au nouveau siège de Google", me racontait un entrepreneur (libéral) la semaine dernière.

C'est peut-être en quelque sorte son discours d'Hourtin. Chez Google, son échange, près d'une heure de questions-réponses avec des entrepreneurs, blogueurs ou salariés de Google (sélectionnés au préalable), a été largement tweeté, relayée sur Facebook. Retour sur image garanti pour l'Elysée, avec ce book de photos "entrepreneuriales".

Internet, cette étrange chose, où il faut réfléchir à "comment mettre un minimum de règles en gardant la liberté du Web", il reconnaît s'"être trompé quand je parlais de régulation. J'ai pris le risque de crisper un univers qui est fondé sur le partage et la liberté". On est loin dans le discours de la "jungle sauvage où il serait permis de piller les oeuvres des créateurs", qu'il fustigeait en 2009, en pleine promo acharnée pour la loi Hadopi. Maintenant, c'est promis, il comprend les entrepreneurs du numérique: "Il a fallu que je m'y mette pour comprendre les valeurs derrière (...). Le Web n'est pas simplement une technologie, c'est aussi une façon d'être".

En 2006, le candidat aux élections présidentielles était fraîchement accueilli à la conférence LeWeb. cette année donc, il organisait mercredi 7 décembre un dîner post - Web'11: pour défendre son programme sur la compétitivité de la France dans les technologies ? Retour sur images garanti : trop content d'y être invités, nombre de privilégiés ont posté vidéos, twitpics ou photos via Facebook.

Reste à voir qui il comptera comme relais médiatiques pour son programme numérique - et qui mènera sa net-campagne, laquelle en est à peine à ses débuts, à gauche comme à droite. Parmi ses ministres, celui en charge de l'Economie numérique, Eric Besson, ne cache plus son ennui, et tweete à tout-va. A l'Elysée, seul Nicolas Princen est présenté comme conseiller numérique. A 27 ans, le normalien diplômé d'HEC, arrivé pour gérer la net-campagne de Sarkozy en 2006, fustigé sur le Net en 2008, décroche ce mois-ci la 33ème place dans la "powerlist" du très branché Technikart. Il y a certes des parlementaires pointus, comme Laure de la Raudière, Patrice Martin-Lalande ou Lionel Tardy (ce dernier n'avait pas hésité à exprimer ses réserves sur Hadopi), très bons connaisseurs des dossiers mais "qui n'auront pas forcément une vision d'ensemble pour un programme numérique", me confiait la même source.

L'agence en charge depuis quelques mois de la stratégie digitale de l'UMP, Emakina, dirigée par Manuel Diaz, demeure discrète pour l'instant. Mais l'entrepreneur de 32 ans, initialement aux côtés de son frère, fondateur de BlueKiwi, a croisé depuis ses 19 ans la fine fleur des start-ups et des grandes agences digitales. Un avantage non négligeable.

Quid à gauche ?

Au PS, les candidats ont bien présenté des semblants de programmes numériques avant les primaires, comme Martine Aubry. Mais depuis, François Hollande a changé plusieurs fois de positions sur Hadopi. Pourtant, il commence à bien s'entourer sur le sujet : Fleur Pellerin, 37 ans, énarque, conseillère à la Cour des Comptes, peu connue mais pointue, chargée de théoriser son programme numérique, a commencé à le dévoiler dans les médias (comme sur Electron Libre ), elle prend ses marques sur Twitter...

nuage_sur_les_pistes_de_reforme_0__2_.jpg Nuage de tags "sur les pistes de la réforme" - Eco89

Elle a lancé un appel à contributions sur la politique numérique du PS sur Eco89. "Hussarde de la diversité", présidente du très influent club XXIe siècle, elle avait été portraitisée par'' Libé'' dès 2009. Mais habile, elle apparaît de nouveau dans la presse grand public, comme ce papier dans Elle où elle humanise son image, en tant que "working mum".

En tous cas, preuve qu'elle ne laisse pas indifférent, elle commence à essuyer des attaques très directes sur Twitter, comme de la part d'Arnaud Dassier, entrepreneur, ex-responsable de la campagne Internet de Nicolas Sarkozy - et lui-même en campagne pour les législatives.

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Dans cette équipe, Vincent Feltesse, responsable de la campagne digitale du candidat, a fait venir à ses côtés Marie-Morgan Le Barzic, 36 ans, ex-déléguée générale de Silicon Sentier et directrice de La Cantine, spot parisien qui accompagne les acteurs du numérique. Elle y sera chargée des opérations. Autre nouvelle recrue, selon mes informations, Antonin Torikian, ex-responsable du programme étudiant Imagine Cup chez Microsoft. Et Challenges évoquait récemment le nom de Jean-Noël Tronc, nouveau patron de la Sacem (et auteur du discours d'Hourtin, je dressais son portrait en 2002), qui le conseillerait à titre personnel. François Hollande doit lancer son site officiel en janvier prochain.

D'autres candidats innovent davantage sur la Toile. Surtout les petits candidats, moins relayés par les médias, qui se doivent d'affirmer leur présence numérique. Jean-Luc Mélenchon surprend déjà: avec pour directeur de campagne web le prolixe Arnaud Champrenier-Trigano (ex-responsable de l'Une, chroniqueur web, fondateur du magazine TOC), il dispose d'un site web novateur, et dévoilera à la presse son appui iPhone ce jeudi 15 décembre. Mieux, son équipe a conçu une web-série hebdomadaire, En marche, lancée le 21 novembre. Sous influence Lost et autres séries US, tous les lundis, elle suit les pérégrinations du candidat, ralentis et flash-backs à l'appui. Le premier docu-soap de campagne. A suivre...

mercredi 16 novembre 2011

Prémices de net-campagne 2012

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Presidentielles.net, premier site d'infos satirique consacré aux présidentielles, en 2001

La campagne électorale pour les élections présidentielles et législatives de 2012 pourrait se dérouler (encore plus) sur Internet, qui serait plus qu'un simple média d'information. J'ai eu l’occasion de me pencher sur le sujet ces derniers jours (j'y reviendrai). Même si évidemment, on n'en n'est qu'aux frémissements.

La première fois, c'était il y a pile dix ans: pour les municipales de 2001, et les présidentielles de 2002, où Internet a fait une incursion remarquée dans les campagnes électorales. Bien sûr, les premiers outils de com' politique sur le Net restaient aléatoires, comme j'en parlais alors dans la première enquête que j'y consacrais: sites officiels de candidats, avec forums de discussion, "chats" par SMS ou vidéos, premières opés de spams politiques, buzz via des sites parodiques, comme Gauche-Story.com, monté par Arnaud Dassier avec quelques autres jeunes loups libéraux...

En 2006, on a vu émerger les blogs de candidats, et des sites qui tentaient d'acquérir une dimension réseau social - comme la tentative de Segosphère. Entretemps, le débat sur la Constitution européenne, en 2005, avait grandement contribué à installer Internet comme contre-pouvoir face aux media traditionnels, comme l'a montré le succès du blog d'Etienne Chouard

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Photo @eni_kao

Mercredi, le RSLN organisait au siège du Microsoft un débat sur ce sujet, avec Valério Motta (patron du web du PS), Manuel Diaz (DG de l'agence Emakina, prestataire et stratège de l’UMP pour le web), et Frédéric Neau (Europe Ecologie), ainsi que Jonathan Bouchet Petersen (Libé et Libé.fr). Déjà à l'occasion des primaires, le PS a amorcé sa campagne de com' digitale : il s'est doté d'une direction des systèmes informatiques, et a étoffé ses équipes Web. Du côté des sites de campagne, l'UMP a ouvert discrètement sou nouveau site cette année. Valério Motta nous confiait hier que celui de François Hollande serait mis en ligne "début 2012", tandis que celui d'Europe Ecologie / Les Verts ouvrira "en version beta privée à la fin du mois".

Nouveaux outils

Qu'y aura-t-il de nouveau cette année ? Il y a bien eu des tentatives de réseaux sociaux maison par le passé: L'UMP avec la tentative avorté du Créateur des possibles - "recréer un réseau était une erreur", avouait Manuel Diaz, avait de lâcher prudemment "on essaie d'injecter de l'ADN digital en politique". En tous cas, une étude MSN / Ipsos publiée mercredi montre clairement que de nouvelles formes de militantisme, plus discrètes que de prendre sa carte à un parti, émergent sur la Toile. Un phénomène qui reste émergeant: 33% des sondés déclarent s'informer via Internet, mais seuls "6% des Français (19% des internautes) apprécient les commentaires des internautes sur les articles ou les forums, 13% (16% des internautes) apprécient les discussions sur les réseaux sociaux et 10% (12%) les discussions sur messageries instantanées". Outil d’expression citoyenne et politique (pour 71%, "Internet donne la parole aux gens comme moi"), il restera utilisé de manière limitée pour le militantisme.

Dans le cadre de la campagne Présidentielle, une majorité des internautes (51%) comptent s’informer sur les sites/blogs des candidats. En revanche, seuls 14% comptent discuter politique sur les forums/articles durant la campagne (et 9% sur Facebook ou Twitter), seuls 11% pensent publier des liens vers du contenu politique sur un réseau social, seuls 8% comptent donner leur e-mail à un parti politique pour participer activement à la campagne et 6% comptent faire la promotion d’un candidat sur le web.

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En 2011/2012, de nouveaux outils vont s'imposer: les comptes Twitter de candidats forcément. Même si Twitter n'est pas devenu un réseau social grand public, il est lu par les journalistes.... Et permet aux politiques de créer une impression de proximité inédite. S'y ajouteront les blogs de candidats, les fanpages Facebook, voire des applis iPhone, et de manière plus hypothétique les comptes Tumblr, comme celui que vient d'ouvrir Barack Obama (même si j'y crois moins).

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Surtout, on pourrait voir "des directs, des livestreams pendant des événements, pour co-constuire des événements avec des internautes", estime Valério Motta. Sur le modèle des live, format journalistique qui s'est imposé cette année sur le Web (dont je parlais dans ce billet), les partis "liveront" sûrement leurs événements-clés (-congrés, élctions..) sur leur site officiel. Une co-construction de contenus qui passera aussi par des fact-chekings avec les internautes. "Lors des régionales de 2010, on a passé en revue sur une Google Map avec les internautes les 40 chantiers de transports publics annoncés par Valérie Pécresse, pour montrer que plusieurs étaient déjà prévus", explique Valério Motta.

mardi 1 novembre 2011

Steve Jobs, Apple, contre-culture et capitalisme - "Mieux vaut être pirate que de rejoindre la marine"

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Un pavé de 667 pages, blanc, quatrième de couv' toute simple et photo neutre en noir et blanc de Steve Jobs. Un bel objet, "qui trouvera sa place à côté des derniers produits Apple", me soufflait avec ironie mon voisin de bureau, qui sera probablement un des must-have pour les cadeaux de fin d'année, aussi bien pour les Applemaniacs que pour le grand public. Moins d'un mois après le décès de Steve Jobs, sa biographie officielle - donc écrite à sa demande par Walter Isaacson, journaliste passé par la CNN et Time Magazine - paraissait le 24 octobre aux US. Elle sort en France demain (2) - dont sur l'iBookStore en français. Un best-seller devenu numéro un des ventes chez Amazon US (papier et livre numérique) et sur l'iBookstore d'Apple. Un des livres-cultes de 2011 ?

Au fil des pages, dans ce qui relève plus d'une enquête au long cours, peu complaisante, que d'une hagiographie comme on pouvait le craindre, on en apprend énormément sur celui qui fut un des entrepreneurs les plus créatifs et visionnaires de ses dernières décennies: sa vie privée, sur laquelle il était très discret (le livre comporte notamment un portfolio de photos personnelle de Steve Jobs et sa famille), ses failles héritées de son enfance, sa jeunesse total post-beatnik des années 70, ses amours (on découvre avec surprise qu'il eut une longue aventure avec la chanteuse Joan Baetz, reine du protest song), l'idéal de contre-culture qui va perdurer - puis s'effilocher - dans Apple, ses échecs, ses relations avec les médias, les "piquages"' d'idées aux concurrents... Et un personnage incroyablement complexe.

Après avoir décliné à plusieurs reprises, Walter Isaacson a accepté la commande de Steve Jobs. Résultat: deux années de recherches, d'entretiens avec une centaine de personnes, plus de 40 heures d'entretiens avec Steve Jobs... Ce qui donne ce bouquin très documenté, incroyablement vivant, où l'on a l'impression de suivre Steve Jobs dans ses réunions internes, ses mythiques présentations de produits, ses luttes intérieures. Un boss énigmatique, parfois fragile, qu'Isaacson n'hésite pas à décrire à plusieurs reprises en larmes, torturé, visionnaire, manipulateur, charmeur.

On y découvre donc sa vie personnelle complexe: orphelin, il grandit au sein d'une famille adoptive aimante de la middle class. Enfant précoce - voire surdoué comme le laisse entendre le biographe - il est poussé par ses parents. Mais le fait qu'il soit orphelin le marque à vie: il grandit "avec le sentiment d'avoir été abandonné, mais aussi la certitude d'être quelqu'un d'atypique. C'est ce qui a forgé toute sa personnalité.", souligne Isaacson.

Il refuse de rencontrer son père biologique qu'il accuse d'avoir abandonné sa mère biologique et sa soeur, la romancière Mona Simpson. A 23 ans - l'âge de ses parents biologiques à sa naissance -, Jobs devient père d'une petite fille, Lisa, qu'il commencera par renier, avant de la reconnaître peu avant l'introduction en Bourse d'Apple, en décembre 1980. Elle avait alors deux ans. Jobs s'est très peu occupé de sa Lisa durant son enfance, jusqu'à son entrée au lycée, où elle vivra quatre ans avec la famille de son père. Il s'est marié depuis et a eu trois autres enfants.

Jeunesse beatnik et contestataire

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Le plus fascinant étant cette quête perpétuelle de Steve Jobs pour ne pas (totalement) perdre l'héritage de sa jeunesse hippie, qu'Apple continue d'incarner la contre-culture, la contestation, la rébellion. "Un monde "cyberdélique". Et la culture des systèmes ouverts… enterrés par Jobs dès la fin des 70's, preuve supplémentaire que capitalisme et cette forme de contre-culture sont consubstantiels", m'indiquait à juste titre Nicolas Demorand dans un échange de tweets, ce qui se vérifie effectivement dans ce bouquin.

Dès le lycée, il plonge dans le mouvement contestataire: on commence alors à parler de geeks et de hippies, il se passionne autant pour les maths, l'électronique, que le LSD et les paradis artificiels, "en vogue dans la contre-culture de l'époque". Il découvre les kits d'appareils Heathkit à monter soi-même, les magnétophones à bandes TEAC, bosse ses weekends dans le magasin d'électronique Haltek,... Avec son pote Steve Wozniak, tous deux conçoivent une Blue Box, qui permet de téléphoner gratuitement, sur le modèle de celle de John Draper, un pirate surnommé "Captain Crunch", une des icônes du hacktivisme d'alors (dont je parle notamment dans ce billet). Steve Wozniak - qui, hasard de reconnaissance ou quête de reconnaissance, vient de publier sa propre autobiographie (2) - deviendra un discret collaborateur dans l'aventure Apple, "le gentil magicien, qui viendrait avec ses inventions de génie, et Jobs imaginerait comment les présenter, les rendre conviviales, et les lancerait sur le marché", résume (un peu trop?) Isaacson.

Etudiant, Steve Jobs s'engage dans la spiritualité orientale et le bouddhisme, vie bohème pieds nus, séquences LSD, avec Bob Dylan en boucle, et un mode d'alimentation radical, qu'il conservera toute sa vie - régime végétalien et jeûnes, Une jeunesse hippie autant que rock'n roll, inhérente à son parcours par la suite - mais à mille lieues de ce que l'on sut de lui de son vivant... "Je suis né à une époque magique. Notre conscience était éveillée par le zen et aussi par la LSD. (...) Cela a renforcé mes perceptions, savoir ce qui était essentiel - créer plutôt que de gagner de l'argent, mettre à flot le plus de choses possibles dans le flot de l'histoire et de la conscience humaine", confie-t-il à son biographe.

Atari, culture open source au Homebrew Computer Club

En février 1974, premier boulot chez le fabricant de jeux vidéos Atari, là "où tout le monde voulait alors travailler", entrecoupé par un voyage initiatique de quelques mois en Inde auprès de Shunryu Suzuki, un des gourous-stars de l'époque. La Silicon Valley de la fin des années 60 est alors à la croisée de plusieurs révolutions: technologique (les contrats militaires y avaient attiré des sociétés d'électronique, d'ordinateurs...), et surtout, "il y avait une sous-culture, celle des pirates - des inventeurs de génie, des cyberpunks, des dilettantes comme des purs geeks", des beatniks - elle va marquer Steve Jobs à vie, même s'il va progressivement la fouler aux pieds.

Jobs et Wozniak commencent à fréquenter le jeune groupe Homebrew Computer Club ("Club des ordinateurs faits à la maison"), basé sur cet idéal de libre-circulation de l'information, prémices à la culture des systèmes ouverts et des systèmes open source. Ils planchent sur leur premier ordinateur, l'Apple I, qui naît en même temps que leur société Apple au printemps 76. "Apple Computer" ("Ordinateur pomme"), un peu de contre-culture et d'absurdité dans ce titre... Première faille entre deux, Jobs dissuade Wozniak de partager les codes de cet ordinateur avec leur club, dont les membres prônaient un libre accès aux lignes de codes, où chacun pouvait modifier à sa guise les programmes, l'écriture de standards open source, le contournement des logiciels propriétaires... Une ligne de partage entre systèmes ouverts et systèmes fermés.

On connaît la suite, l'ascension avec quelques accrocs de Steve Jobs, émaillée par des innovations marquantes, avec l'Apple II, lancé en 1977, commercialisé à 6 millions d'exemplaires durant 16 ans. Et - autre révélation de cette biographie - les quelques "piquages" d'idées aux concurrents, comme la technologie de la Zerox PARC en 1980, On a souvent dit que, du Mac à l'iPod, Steve Jobs avait souvent "réadapté" des produits préexistants, mais avait sur les rendre désirables au grand public. Steve Jobs répliquait - sans nier - en citant Picasso, "Les bons artistes copient, les grands artistes volent". Chez Apple, on a jamais eu de scrupules pour prendre aux meilleurs". CQFD.

Rébellion, "pirates" vs capitalisme

Par petites touches, Steve Jobs entre peu à peu dans l'ère du capitalisme, avec ce même paradoxe: se réclamer de la contre-culture tout en l'enterrant. Fin 80, Apple est introduite en Bourse et transformée en grande société, malgré les réticences de Wozniak. Si l'Apple II - conçu par Steve Wozniak - comportait des logements pour des cartes d'extension pour y connecter ce que l'on voulait, il n'en n'est plus question avec le Macintosh, conçu par Steve Jobs et lancé en 1983: premier appareil au logiciel et au matériel liés, où toute modification est impossible, premier système fermé - et vendu très cher... Autre viol du code de la piraterie. La même année, il organise un des premiers séminaires d'Apple, intitulé "Mieux vaut être pirate que de rejoindre la marine". Le siège d'Apple sera (temporairement) orné d'un drapeau où s'entrecroisent la pomme d'Apple et une tête de mort avec des tibias croisés.

En 1984, LA publicité de lancement du Mac scelle la légende Apple, en un somptueux spot réalisé par Ridley Scott avec l'agence Chiat/Day et Lee Clow, par lequel Steve Jobs espère s'imposer comme guerillero, la liberté contre "Big Blue" (IBM), assimilé dans ce spot au Big Brother orwellien... Une manière aussi de "se rattacher à la culture cyberpunk de l'époque", rappelle Walter Isaacson. Une image de marque rebelle et so cool, versus des méthodes de management interne musclées, et un écosystème fermé qui sera la clé d'Apple: un des immenses paradoxes de cette entreprise, que j'abordais notamment dans cette enquête.

En juillet 1997, lors de son retour d'une semi-traversée du désert, pour creuser ce sillon de la rébellion, Steve Jobs conçoit avec Chiat/Day une campagne d'affichage avec pour slogan "Think different", et pour icônes Einstein, Gandi, Lennon, Chaplin, Picassso... Rien de moins.

"Foyer numérique", système fermé

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Même angle d'enquête dans Les Inrocks et Stratégies en décembre 2010

Parallèlement, Steve Jobs bâtit ce système qui s'inscrit dans une logique d'intégration globale: il a la conviction que l'ordinateur personnel va devenir le foyer numérique, permettant de connecter facilement un ordinateur de bureau à une flopée de terminaux mobiles. Les années 2000 scellent ce système, incroyable décennie d'innovations: iTunes, puis l'iPod, l'iPhone, l'iPad, s'inscrivaient dans ce système clos. "On allait pouvoir synchroniser tous ces appareils grâce à l'ordinateur et ainsi gérer musique, photos, vidéos et données personnelles, soit tous les aspects de notre 'mode de vie numérique'", expliquait Steve Jobs. Apple ne serait ainsi plus une entreprise dédiée aux seuls ordinateurs, mais à l'origine d'une gamme de nouveaux appareils - qui allaient ainsi fidéliser les utilisateurs de Windows au système Apple.

Avec le système de gestion et d'achat de musique iTunes, avec pour slogan en 2001 "Rip, Mix, Burn" ("Récupérez, mixez, gravez"), puis l'iTunes Store, la boucle est bouclée. Il convainc Bob Dylan en 2004, les Beatles en 2010, d'y proposer l'intégralité de leurs œuvres sous forme de coffret numérique - "Jobs serait leur dépositaire pour l'ère numérique", pointe Isaacson. La logique est la même dans le secteur de l'édition et du journalisme, lorsqu'Apple crée l'iBook Store, qui vend des livres numériques de la même manière qu'iTunes vend de la musique. Pour y figurer, les éditeurs devront verser à Apple 30% de leurs revenus tirés de ces ventes. Enfin, iCloud, dévoilé en juin 2011, permet à chacun de stocker ses données non plus sur son ordinateur, mais dans un "nuage", ère du "cloud computing" oblige.

Les derniers années de Steve Jobs, son rapport avec son cancer - le déni, les divers traitements suivis, la transition chez Apple - sont largement abordées dans cette biographie. Où l'on apprend qu'il suivait ce memento mori, avertissement donné par un médecin: "Dans la Rome antique, quand un général victorieux paradait dans les rues, la légende voulait qu'il soit suivi d'un serviteur dont le rôle était de lui répéter "memento mori" ("Rappelle-toi que tu es mortel").

(1) Steve Jobs, Walter Isaacson, JC Lattès, 667p., 25€. Sortie le 2 novembre. (2) iWoz, Steve Wozniak et Gina Smith, Ecole des Loisirs, 323p., 14,80€.'

A lire également, sur MondayNote, ce long billet de Jean-Louis Gassée (ex-DG France d'Apple, que Steve Jobs accuse dans sa biographie d'avoir "poignardé dans le dos" en 1985), et ce très émouvant article de sa soeur Mona Simpson publié par le New York Times.

dimanche 18 septembre 2011

"Sexe entre amis", "comédie romantique" version 2011 avec néo-yuppies

Une "comédie romantique" en version 2011 avec des néo-yuppies qui baignent dans la technologie - et l'omniprésence des marques : ce pitch de Sexe entre amis, sur les écrans depuis 10 jours, justifiait en soi que je parle ici de ce film, un des succès attendus au box-office.

Au premier degré, il reflète la conception qu'a désormais Hollywood des comédies romantiques. Plus de prince charmant classique ici, ni même de mari rêvé ou d'amant, il est remplacé par le "sex friend" ou "fuck buddie", le bon pote - amant occasionnel dans une situation réaliste assumée et encadrée par les deux parties.

Le prince charmant remplacé par le "sex friend"

Plus tôt dans cette année, Sex Friends mettait en scène Natalie Portman et Ashton Kutcher dans une intrigue similaire, tout comme dans Love & autres drogues ou encore Mes meilleures amies. La question qui taraude le spectateur n'est plus "Vont-il coucher ensemble?", mais "Vont-ils se mettre en couple?". En clair, "Hollywood semble avoir troqué le mythe du prince charmant contre le cliché du “sex friend", comme le résume Diane Lisarelli dans Les Inrocks, qui m'a devancée avec ce papier.

En tous cas, ce film emprunte à outrance certains codes des blockbusters: esprit de compétition des protagonistes, mère de l'héroïne déjantée tendance cougar, patriotisme à peine voilé, sans compter des placements de produits à outrance (j'y reviendrai).

Comédies sentimentales ringardisées

Ce qui est amusant est que ce film bat joyeusement en brèche les "anciennes" comédies sentimentales, reléguées au rang d'antiquités. Au début, à quelques secondes avant sa scène de rupture, un des personnages cite Pretty Woman comme son film-culte: la référence en comédie romantique hollywoodienne des année 90, où une Cendrillon prostituée sera sauvée par un prince charmant milliardaire - ça tombe bien.

Dans Sexe entre amis, Mila Kunis l'affirme, “Je ne crois pas au cliché hollywoodien du grand amour”. Dans une séquence - assez cliché - des deux potes qui regardent une vieille comédie romantique en buvant une bière, Justin Timberlake se moque de la musique de fin de film, "vouée à nous satisfaire avec une happy end censée rattraper la médiocrité du film". Le genre de scène que l'on retrouve souvent dans les séries TV américaines, comme dans "Beverly Hills 90210", où Kelly et Brandon visionnent (en bons potes) Casablanca - la quintessence du drame romantique avec une femme fatale pour héroïne.

Néo-yuppies surconnectés

Autre aspect que j'ai trouvé passionnant, la photographie de notre génération (génération Y ?) qu'il offre, forcément en version plus glamour. Nos deux "sex friends" sont des néo-yuppies des années 2010: ils ont des jobs branchés (lui devient directeur artistique pour le magazine GQ - magnifique placement de produit dans le film au passage ;), des apparts immenses (la crise immobilière ne semble pas exister à New York)...

Surtout, ils sont surconnectés, et donnent l'impression de passer d'écran en écran, entre smartphones, téléviseur, écran de PC et tablette. Ce que reflète le montage du film, très rapide, où l'on a l'impression de zapper d'une séquence à une autre. Justin Timberlake visualise les pages du prochain numéro de GQ sur écran (Sony) ou sur iPad (Apple), réserve expressément des billets d'avions pour son amis (sur smartphone Sony Xperia), elle assure son job de chasseuse de tête en négociant avec ses clients par visioconférences... Sans compter les échanges de SMS sur mobiles. Sony a lui aussi droit à de maaagnifiques placements de produits (toute une galerie). Même le générique de fin se veut un clin d'œil à notre génération surconnectée: il défile de gauche à droite, par glissement des écrans, que des doigts font glisser ou agrandissent, comme sur un iPhone ou un iPad...

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