mercredi 3 juin 2015

"Ex machina" : conscience artificielle

Le film s'ouvre sur une brève scène très quotidienne, et pourtant déjà un peu irréelle, qui nous situe dans un futur proche. Un jeune homme rivé à son écran d'ordinateur, qui semble être dans un immense open space, entouré de vitres et de miroirs - miroirs qui prendront leur importance par la suite. Un message s'affiche sur son écran, "Vous avez gagné à la loterie". Grand sourire de joie, toutes les "micro-expressions" de son visage semblent passées instantanément au crible par une caméra, un oeil de robot (comme dans Terminator, vous voyez...).

A la scène suivante, on comprend vite quel gros lot ce jeune employé a remporté: une semaine dans la maison futuriste, perdue au milieu del a montagne, du big boss de la multinationale pour laquelle il travaille. Bluebook, qui doit sa fortune à son moteur de recherche, pieuvre qui détient "94% des résultats de recherches dans le monde" - cela ne vous rappelle rien ? Ce milliardaire, Nathan Bateman, qui doit sa fortune aux technologies donc, n'est pas sans rappeler certains people tech de la Silicon Valley.

En guise de semaine de vacances, le jeune développeur, Caleb, va mener un test de Turing grandeur nature sur un robot conçu par Nathan (son boss), sur plusieurs jours, ou plutôt en plusieurs "sessions", qui rythme le film vers une escalade quasi-ineluctable (attention, *spoilers* en fin de billet). Comment a été conçu cet androïde? "J'ai capté une multitude de micro-expressions faciales d'humains sur leurs smartphones", assure Nathan, son concepteur.

Ex Machina, film sorti ce mercredi 3 juin, que l'on doit au réalisateur britannique Alex Garland, met donc en scène un jeune (et innocent ?) développeur avec son patron, sorte d'apprenti Victor Frankenstein du futur, et un robot humanoïde (ou plutôt ginoïde) doté d'intelligence artificielle. C'est "la plus grande invention scientifique", il développe une intelligence artificielle. Ava sera-t-elle assez "humaine" pour que Caleb en tombe amoureux? Et l'inverse? L'obscur du désir revêt les traits de l’actrice suédoise Alicia Vikander, dans un corps de robot.

Une intrigue qui rappelle celle du film Her de Spike Jonze, sorti en janvier 2014, où un écrivain esseulé, dans un futur proche, tombait amoureux de l'assistant goal de son smartphone, accompagné de la voix éraillée de Scarlett Johansson.

Mais Ex Machina va un cran plus loin. Her mettait en scène un robot, un assistant virtuel qui adopte des comportements humains (séduction, scènes de jalousie...). La série suédoise Real Humans (que j'ai chroniquée ici et ), des hublots (robots-humains,), dont certains rêvent à des comportements humains: se mettre en couple (entre eux ou avec un humain), se marier, avoir des enfants...

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Dans Ex Machina, l'androïde, qui répond au doux nom d'Ava, a certes une forme humanoïde, mais son concepteur lui a volontairement laissé une apparence en partie robotique: si son visage imite à la perfection un visage humain émouvant (la scène où elle observe sur un mur un masque qui reproduit son visage placé à côté de masques africains est troublante), son corps transparent laisse clairement apparaître les parties métalliques et les rouages. C'est une sorte de Metropolis, déjà une femme fatale robot de 1927... Et pourtant, malgré cette apparente physique robotique, où seule le visage est à apparence humaine (et expressif), l'"élève" va tomber amoureux d'elle...

Prise de conscience de soi

Avec ce film d'anticipation qui vire au techno-thriller (dont l'évolution de l'intrigue sera discutable, mais je ne vais pas tout dévoiler ici), Alex Garland s'intéresse à sujet de recherches naissant, mais aussi de plus en plus prisé par la science-fiction ces dernières années, avec cette question : les robots peuvent-ils être dotés d'émotion ? Va-t-on pousser la finesse technologique à un point tel que l'intelligence artificielle ira un jour un cran plus loin, en "conscience artificielle" ? Pourra-t-on un jour épouser un robot? Bienvenue dans la Singularité...

C'est ce que suggère le film, lorsque le maître Nathan parle à son élève , très naturellement, de robots dotés de "conscience artificielle". "Conscience", ce qui distinguera un jour les robots actuels comme le gentil Nao d'Aldebaran, dépendants du programme défini par leurs concepteurs, de ceux de l’ère de l’intelligence artificielle où ils "penseront" par eux-mêmes. Et pourront dépasser l'homme? Eternel fantasme des films de SF, comme Terminator...

Au fil des sept sessions, l'élève Caleb s'improvise maître et mène le test de Turing (pour mémoire, une méthode de test d’intelligence artificielle, fondée sur la faculté d’imiter la conversation humaine) auprès de l'androïde censé être encore "modelable". Les règles du jeu: "Le challenge est de te montrer qu'elle est un robot et de vérifier si pour toi elle a une conscience", précise le maître.

Les miroirs deviennent eux-mêmes un élément troublant de la mise en scène: Caleb s'y mire par moments en semblant se demander s'il est vraiment humain, quand l'humanoïde s'y (ad)mire en semblant *prendre conscience* d'elle-même. Comme un humain. Dans cette maison, en fait un bunker de R&D, tout se déroule à huis-clos, sous l'oeil des multiples caméras de vidéosurveillance.

Pourtant, le robot parvient assez rapidement à inverser la tendance : c'est lui qui pose les questions, déstabilisant l'humain, se lançant même à le séduire ("Veux-tu être mon ami? Ce sera possible?". "Tu m'accompagneras?". "Est-ce que tu aimerais être avec moi?"...). Elle revêt des vêtements féminins, une perruque, pour imiter au plus près l'apparence humaine. Au point qu'il demande à son boss, "L'as-tu programmée pour me séduire?".

C'est bien là le vrai sujet qui intéresse le réalisateur. Le dialogue maître-élève tourne au début autour du degré de développement et de perfectibilité de ce système d'intelligence artificielle (où l'on découvre - parenthèse scientifique - que son concepteur a opté pour une IA stochastique, aléatoire, plutôt que déterministe).

Mais très vite, encouragé en un sens par le maître, l'élève se laisser manoeuvrer par le robot, qui parvient à prendre la main sur la conversation, l'obliger à répondre à ses questions ("Si tu mens, je le saurai")... (petit spoiler) On découvrira ensuite que le maître a mené son propre test: la capacité de sa "créature" à manipuler, manoeuvrer, parvenir à son objectif. Car elle a cette terreur presque humaine: être débranchée par son concepteur.

Et donc: pourra-t-on un jour ressentir des émotions pour un robot, qui saurait faire preuve d'une capacité à anticiper nos attentes, d'une empathie "surhumaine"? Le film met en scène la question, de manière moins métaphysique et magistrale que Her. La scène finale (non, nous ne dévoilerons pas tout), où l'androïde a accompli son rêve (mais un robot a-t-il des rêves, des aspirations? Ou des stratégies?), et voit son ombre se projeter, est glaçante.

mercredi 27 mai 2015

A qui appartiennent vos photos sur Instagram ?

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Il y avait longtemps que je ne vous avais pas parlé photo ici... L'actualité qui m'a interpellée cette semaine est intéressante car, derrière le scandale arty un rien absurde, se mêlent des questions inédites d'usages autour d'un des réseaux sociaux les plus hype (Instagram), racheté en 2012 à prix d'or par Facebook, qui doit son succès à ses photos faussement vintage, le principe du droit d'auteur foulé aux pieds, la surenchère des prix, et même le vol. Et cette question de fond : les photos que vous partagez sur les réseaux sociaux vous appartiennent-elles vraiment ?

Cela a fait scandale il y a quelques jours, bien au-delà du petit milieu arty new-yorkais, et même de la bulle des réseaux sociaux. L'artiste américain Richard Prince a organisé une exposition de photographies, à la Gagosian Gallery de New York, qui s'est tenue de septembre à octobre 2014. Mais pas n'importe lesquelles : des photos qu'il avait sélectionnées sur Instagram, et dûment retouchées à sa sauce. Avant de les revendre, au prix fort. Imaginez : 38 clichés Instagram ont été présentés à la Gagosian Gallery, et se sont ainsi écoulés aux alentours de 100 000 $ pièce. Jolie flambée des prix.

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Il y a quelques jours, on apprenait ainsi qu'il avait vendu pour 90 000 dollars un portrait de femme, Doe Deere, créatrice d'une marque de cosmétiques. Laquelle a fait savoir la semaine dernière - sur Instagram - sa stupéfaction (on peut la comprendre) en voyant son portrait vendu pour cette somme plutôt coquette. Une photo qu'elle avait vue placardée sur les murs de la galerie, sans que l'artiste ne lui ait demandé au préalable son accord. Pour autant, elle n'a aucunement déposer plainte.

Au fil des clichés, on voit souvent des femmes dénudées. Pour attirer le chaland, l'artiste aussi avait sélectionné autant des photos de people (telle Kate Moss, Pamela Anderson), de personnes influentes, et d'illustres inconnus. Il glisse des commentaires volontiers grivois, et même carrément sexistes, comme l'a pointé Artnet.

La méthode de Richard Prince : sélectionner une photo dans le "feed" de son compte Instagram, l'agrémenter de ses commentaires (sa propre légende de ladite photo, en quelque sorte), faire une capture d'écran, et l'envoyer par mail à un assistant. Le document sera ensuite recadré, agrandi, pour un tirage de 1,20 m sur 1,65 m, puis imprimé en bonne définition avant d'être accroché au mur. Comme une oeuvre d'art ?

Flambée des prix, goût du scandale

Assurément, l'artiste américain a monté son "coup" avec un art assumé du scandale, et s'est offert un joli coup de com'. Et il foule gentiment des pieds le marché - de plus en plus juteux - de la vente de photos de collection. Dans les plus grandes maisons de ventes aux enchères, telles Sotheby's, les stars de la photo classique, tels Eugene Smith, Robert Capa, Marc Riboud, Sebastião Salgado, ou plus à la mode, un Richard Avedon, affichent des prix qui plafonnent à 10 000 $.

Mais Richard Prince soulève ainsi d'abyssales questions. Un tirage papier d'une photo dégotée sur le Net, est-ce une oeuvre d'art ? Est-ce un art reflet de son époque, une mise en abyme critique de ce site de partage de photos qui repose en partie sur le culte de l'ego à travers l'auto-portrait ? Est-ce du plagiat ? Des oeuvres détournées ? Et surtout, peut-on piocher à sa guise des photos d'inconnus sur les réseaux sociaux pour en faire oeuvre commerciale ?

Propriété intellectuelle

A qui appartiennent ces photos nouvelle génération ? Certes, elles sont mises à disposition de tous sur des réseaux sociaux, mais ne sont-elles pas protégés par le droit d'auteur ou le copyright ? In fine, les clichés que vous prenez et que vous partagez sur Instagram, ou même Facebook ou Twitter, vous appartiennent-ils ? Pas si sûr... Il y avait eu en 2010 (oui, il y a longtemps...) ce précédent, à propos d'une photo récupérée par l'AFP sur Twitter.

Il faut y voir aussi une remise en cause radicale et inédite de la propriété intellectuelle, dont témoigne le cas Doe Deere.

Encore plus sujet à caution, le fait qu'il fasse commerce de ces clichés Instagram. Par le simple fait qu'il les commente et les tire sur papier, ces clichés instagram deviennent-ils des oeuvres d'art ? Le malaise, le sentiment d'impudeur absolue et d'opportunisme tient aussi au fait qu'il vend ces "œuvres". Les 38 clichés Instagram qui ont été présentés à la Gagosian Gallery se sont ainsi arrachés pour des prix disproportionnés (le goût du scandale aurait-il créé une explosion des prix ?). Sans qu'un seul centime ne soit reversé aux auteurs de ces photos.

dimanche 26 avril 2015

La leçon de cinéma de Matthew Weiner

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J'ai eu la chance d'assister, lundi 20 avril, lors du festival Series Mania, qui se tenait au Forum des images, à une conférence un peu spéciale, intitulée A Question of Life and Cinema. En fait un véritable cours de cinéma déroulé par Matthew Weiner, réalisateur de l'une des plus remarquables séries TV de ces dernières années, Mad Men, dont la 7ème et ultime saison est diffusée (Canal+ a entamé le jeudi 23 avril la diffusion du second volet de cette saison).

J'ai écrit à plusieurs reprises sur cela, dont ici, les séries TV sont entrées dans notre culture - notre consommation - audiovisuelle grâce à la multiplication des canaux de diffusion (coucou la vidéo à la demande sur mesure et Netflix), mais aussi parce qu'elles sont remarquablement montées en gamme ces dernières années, avec aux manettes des réalisateurs parfois venus du cinéma, et dont les codes de tournage, la qualité, empruntent de plus en plus au cinéma. Ce qui est le cas pour Matthew Weiner, cinéphile invétéré, dont on sent les influences dans son déroulé de l'Amérique des années 50, Mad Men, que j'avais chroniqué ici. Avant la saga Mad Men, il a également participé à la série de HBO, Les Soprano, doù il était scénariste et producteur des cinquième et sixième saisons.

"L’histoire de Don Draper est la même que celle de Pinocchio"

Matthew Weiner, de passage à Paris, nous a donc délivré un cours de cinéma lundi, en citant ses films de référence, qui l'ont inspiré pour Mad Men, avec extraits à l'appui, qu'il analysait à sa manière. Pour lui, il y a bien une continuité entre cinéma et séries télévisées, mais ces dernières, tout en empruntant aux codes du cinéma, ont leurs propres atouts. "Mad Men est un cinematic show. C'est une nouvelle définition de la télévision. Alors que le cinéma coûte cher : il y a plusieurs prises". D'ailleurs, il fait dire à son personnage principal, Don Draper, "Allez voir les films, pour comprendre ce qui se passe dans la culture".

Déjà petit, dans une maison sans télévision, il regardait "toujours des films le weekend", dont des films français. Dans les premiers films dont il se souvient, il cite City of lights de Charlie Chaplin, et Yellow submarine (1968), ainsi que Pinocchio ("L’histoire de Don Draper est la même que celle de Pinocchio", sourit-il). Il évoque aussi l’importance durant son enfance des sorties en famille au drive-in, alors qu'ils n'avaient pas de téléviseur. A 11 ans, sa famille déménage à Los Angeles. Là, il sera marqué en assistant en 1976, au tournage du Dernier Nabab dans son quartier de Los Angeles. Il fera ensuite une école de cinéma.

Première référence pour Matthew Weiner, Once upon a time in America de Sergio Leone (1984). La révélation pour lui. Et de citer la séquence où le jeune camarade de Noodles préfère manger un gâteau à la crème plutôt que de perdre sa virginité. Un symbole coquin pour Matthew Weiner du pouvoir du cinéma, capable d’exprimer par l’image des multitudes d’émotions que les mots ne peuvent parfois traduire.

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Seconde référence, Le Décalogue de Kieslowski. L'extrait qu'il a choisi (extrait du deuxième des dix segments, Tu ne commettras point de parjure) montre une scène, dans le coin d'un immeuble, où un homme meurt progressivement, au rythme du goutte à goutte insupportable d'un robinet. "C'est une masterpiece: on y voit les différentes parties du même immeuble, un homme qui meurt, sans vouloir le spoiler... Il voulait donner une impression de déliquescence, d'un monde qui tombe en ruine, avec cet homme aux cheveux gras et la respiration hachée. (...) J'ai repris dans Mad Men l'image d'un New York des années 70 qui se désagrège, où les services publics étaient alors terribles, la ville proche de la banqueroute", explique Matthew Weiner.

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Référence suivante: la fraîcheur colorée de la comédie musicale de Jacques Demy, Les demoiselles de Rochefort. Dans l'extrait qu'il a choisit, on voit des jeunes hommes habillés en couleurs pastel chanter "Nous voyageons ici / ailleurs, dans la vie tout nous est facile". ''"Les hommes chantent et dansent autant que les femmes dans ce film, c'est sexy. Il a été influencé par West Side Story, mais il a un contrôle compte sur son univers. Ça semble familier mais c'est nouveau"'', détaille Matthew Weiner.

Son autre modèle, c'est Toute une vie de Claude Lelouch, dont l'anti-héros de son extrait évoque un peu Don Draper. Ce film se déroule sur une période de plus de 80 ans (de 1918 à l’an 2000), et raconte un coup de foudre entre Marthe Keller et un publicitaire (André Dussollier). Dans la séquence choisie par le showrunner, on voit sur scène un chanteur à succès (Gilbert Bécaud, qui joue son propre rôle), chanter "Si si si si la vie est belle...". En coulisses de son spectacle, il quitte une femme de façon peu amène. Dans la séquence suivante, on voit un homme échappé de prison rouler à toute vitesse en voiture: le réalisateur américain a été impressionné par le réalisme moderne de la scène (on a l'impression d'être dans la voiture !). Matthew Weiner s'est inspiré ici, pour Mad Men, de l'articulation entre les grands évènements historiques et le destin sentimental des personnages.

Il cite aussi un film en apparence plus léger, La notte de Antonioni. Là, "femmes et maîtresses dans la même salle, ce film illustre la décadence du mariage, comme dans Mad Men. Là, la difficulté était d'expliquer quand quelqu'un fait quelque chose de différent de la culture de l'époque. Don Drapper fait des films publicitaires, il doit être ouvert à de nouvelles idées", développe Matthew Weiner. Une manière d'expliquer en partie la vie personnelle sombre et parfois débridée de Don ? Ce film a directement inspiré un des épisodes de Mad Men (épisode 3 saison 3), "My Old Kentucky Home," dans lequel une énorme fête révèle l’échec du mariage Don/Betty.

Vient ensuite un classique de la comédie américaine, Les jeux de l'amour et de la guerre de Arthur Miller. "Le film se déroule durant la seconde guerre mondiale, il y a de superbes dialogues. Dans cette séquence, le personnage homme m'a inspiré Don Drapper: il plaisante, mais dit être un couard. Dans Mad Men, comme lui, Don a fui la guère du Vietnam et pris l'identité de quelqu'un d'autre".

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Autre référence pour lui, Patterns de Fielder Cook (1956). Dans la séquence qu'il a retenue, on voit une réunion d'un conseil d'administration dans un immeuble moderne à Manhattan, dans les années 60. Une vision peu amène du monde de travail, des premiers cadres sup' de l'époque, qui l'a sans doute inspiré pour les "pubards" de Mad Men. "On y voit une cruauté, comment quelqu'un se fait éjecter. J'étais malade à la maison quand je l'ai vu, ce film m'a terrifié : il n'y a pas pas de pistolets, mals le discours peut être une arme", commente le réalisateur. Ce qui est remarquable dans cette scène est que la tension naît de la succession rapide des prises de vues différentes, des contre-plongées, jusque la crise cardiaque en caméra subjective. De toute évidence, Patterns a influencé les séquences de Mad Men avec des réunions, qui traitent de pitchs, de finance, de rachats de sociétés et de faillites.

Matthew Weiner a aussi retenu ''Les bonnes femmes'' de Chabrol. "Je l'ai vu quand j'étais étudiant en cinéma, c'est un reflet de la classe moyenne de l'époque. On voit dans cette séquence des hommes qui violent une femme (interprétée par Bernadette Laffont), qui retourne travailler le lendemain, comme si de rien n'était. On voit le décalage entre les attentes romantiques de cette femme et la réalité cruelle".

Enfin vient le fabuleux Blue velvet de David Lynch. Matthew Weirner évoque l'ambiance électrique qu'il y avait dans la salle de cinéma lorsque Isabella Rossellini arrive nue face à Kyle MacLachlan et Laura Dern, sans que l’on comprenne réellement ce qu’il se passe à l’écran. Blue Velvet évoque pour Matthew Weiner la dureté du reaganisme des années 1980.

jeudi 16 avril 2015

De Netflix à Spotify, le nouveau consumérisme culturel en "tout-illimité"

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"Tous les épisodes dès maintenant !". "A regarder où et quand vous le souhaitez, seulement sur Netflix". L'argumentaire publicitaire était assuré et un rien arrogant, pour les pleines pages de pub qu'il s'était offertes dans le JDD dimanche dernier. Pour le lancement, le 10 avril, de Daredevil, sa dernière série originale-blockbuster, première série télé de super-héros, adaptation du comic book de Marvel. Sept mois après son lancement en France, Netflix, le trublion américain de l'audiovisuel n'a plus peur de grand-chose. Pas très rentable, pas encore très connu en France... Peu importe, l'essentiel tient dans le choc culturel qu'il a déjà provoqué. C'est lui qui a créé cette nouvelle habitude, le "binge watching", équivalent télévisuel du "binge drinking", où l'on s'abreuve de séries télé.

"Binge watching"

Chacun en a, un jour, fait l'expérience. Même les téléphobes absolus. Qui arguent du fait qu'ils peuvent choisir *leur* série favorite du moment, et la consommer regarder quand ils veulent, sans être soumis au rythme du diktat télévisuel "old school". Car c'est une des autres révolutions culturelles induites par Netflix, et les autres services de vidéo à la demande par abonnement (SVoD) : plus question d'attendre religieusement la diffusion au compte-goutte, chaque semaine, de quelques épisodes de sa série préférée. La faute, pêle-mêle, à ces services de SVoD, évidemment aux divers services de téléchargement (ou visionnage en streaming) parfaitement illégaux, telle l'appli de streaming gratuite Popcorn Time (qui porte bien son nom). Et bien sûr la montée en gamme, ces dernières années, des séries télé, terrain de plus conquis par des grands noms (acteurs et réalisateurs) du cinéma.

Oui, mais Netflix est en train de rendre ces usages mainstream, tout comme la télévision de rattrapage (catch-up TV). Même moi, qui n'ai jamais été fan des séries télé, je me suis parfois surprise à engouffrer plusieurs épisodes à la suite lors de longues soirées, ou lors des classiques crèves et grippes hivernales. Certes, la première série haut de gamme à m'avoir entraînée fut Mad Men (parce que j'entrais à Stratégies, cette série sur les débuts des grandes agences de pub sur l'Avenue Madison avait pour moi une valeur documentaire, mais aussi parce que j'ai adoré son élégance visuelle et d'écriture, comme j'en ai alors parlé ici). Mais ces derniers mois, j'ai dévoré Orange is the new black, Real Humans, Girls, Silicon Valley, Bloodline. Certaines diffusées chez OCS (l'offre de SVoD d'Orange), mais la plupart chez Netflix.

L'ergonomie même du service nous incite à enchaîner allègrement les épisodes : inutile de les télécharger, on peut les lire instantanément, puisque Netflix et consorts passent par notre box ADSL Internet Le premier épisode de la série achevé, le service de SVoD me suggère de lire le suivant, sans publicité qui m'inciterait à m'arrêter. Mieux: sans que je bouge un orteil de mon canapé, au bout de quelques secondes, il le lance automatiquement.

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Vous l'avez reconnu...

Et, tiens donc, Netflix, en nouveau trublion de l'audiovisuel, dicte ses règles. Son modèle : proposer les épisodes de ses nouvelles séries non pas de manière perlée, mais par saisons entières ! Il a révolutionné le secteur de la fiction télé par ce modèle, initié avec sa vénéneuse série politique House of cards. Et les autres chaînes de télé ont suivi ! Canal+, pour qui Netflix est l'ennemi juré, a malgré lui adopté son mode de diffusion : alors qu'il a décroché les droits exclusifs de diffusion de House of cards en France (Netflix France ne la propose donc pas), lors de la sortie de la très attendue saison 3 dans L'Hexagone, il n'a pas eu le choix : il a proposé d'un bloc toute la saison sur son service maison de SVoD, CanalPlay, en même temps que son lancement outre-Atlantique, sur Netflix US?. Les abonnés au Canal+ classique ont, eux, dû attendre quelques semaines pour la découvrir - par épisodes égrenés. Le téléspectateur a désormais la liberté de visionner "ses" séries à son rythme (dont de manière compulsive ;), et non plus au rythme dicté par le diffuseur.

Canal+ avait déjà expérimenté cette nouvelle offre : lors de la sortie des dernières saisons de Mafiosa et ''Engrenages'', ses séries-stars Made in France, , il proposait le même jour l'ensemble des saisons précédentes en VoD. Même la très sage France Télévisions se fait violence : à la veille de la diffusion sur son antenne de la saison 2 de la série britannique Broadchurch, France 2 offrait une séance de rattrapage en rediffusant la première saison de huit épisodes, en une salve, dans la nuit de dimanche 5 à lundi 6 avril, dès 0h05. D’ailleurs, le festival de séries télé Series Mania, qui commence ce weekend au centre Pompidou à Paris, annonce dans son programmes des séances "marathons" de séries, à s’engloutir plusieurs heures d'affilée.

"Uberisation" de la culture

Ce qui est d'autant plus vertigineux est que ce modèle Netflix de consumérisme culturel semble contaminer d'autres secteurs culturels, comme le relatait récemment cet excellent article de GQ. Cela faisait longtemps que je voulais écrire sur cela, parce que je m'aperçois que ce nouveau type d'offres influe directement sur la manière dont je me cultive, je me divertis, dont j'acquiers des biens culturels.

Je m'en aperçois dans mon quotidien : de plus en plus de services me proposent des offres "à la demande" c'est-à-dire non pas à l'unité, mais par un abonnement (souvent mensuel) qui me donne un accès illimité à ces contenus et services. Au nez et à la barbe des acteurs classiques du secteur. Une forme d'"uberisation" de la culture, en somme. Evidemment, cette consommation dématérialisée est devenue possible avec ces nouveaux modes d'abonnement, mais surtout nos nouveaux joujoux, ces smartphones et tablettes que nous avons tout le temps avec nous.

Mon abonnement Netflix (ou OCS, CanalPlay...m'a donc habituée à engloutir des épisodes de séries, plutôt que de les déguster progressivement, épisode par épisode. Mais je m'habitue à ce mode de consommation dans d'autres secteurs : en musique, avec mon abonnement Spotify (ou Deezer, ou Beats Music, service racheté à prix d'or par Apple l'an dernier): qui me permet d'écouter des singles ou l'intégralité d'albums, classiques ou tout juste sortis, de manière illimitée. Je n'achète presque plus de disques physiques: pas grave, j'estime compenser en payant ma place de concert, ou en acquérant l'album physique lorsqu'il me plaît rainent, de préférence sous forme de vinyle (le bel objet que je conserverai - preuve que le vinyle a repris).

Les jeunes stars de la musique ont bien remarqué ce nouveau mode de consommation "à la Netflix". Beyoncé publiait d'un coup sur iTunes, en décembre 2013, l'intégralité des 17 clips de son dernier album fin 2013. Et ce sans promotion préalable ni teasing autour de l'album, intitulé en toute simplicité Beyoncé.

"Netflixisation" du jeu vidéo, du livre, du porno...

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Dans les jeux vidéos, des offres en illimité émergent aussi, telle Playstation Now . Évidemment, l'industrie du X s'est elle aussi engouffrée dans la brèche: à la manière de Netflix, avec PornEverest.com, qui promet "le porno illimité en streaming et téléchargement HD. Vous en avez marre des sites pornos où vous passez plus de temps à chercher des vidéos plutôt que vous faire plaisir ? Porneverest est là ! Grâce à ses filtres, le site vous suggère des films à la chaîne en haute définition correspondants à vos goûts. Vous n'avez plus besoin d'avoir les mains prises et pouvez vous adonner à votre activité favorite", souligne finement le site.

Pour lire la presse aussi, je me suis habituée à ce mode d'abonnement (presque) illimité. Avec un de ces kiosques numériques, tel Le Kiosk, qui me permettent de télécharger et lire sur ma tablette, sur abonnement (en moyenne 10 euros par mois pour 10 magazines), la version numérique des derniers magazines ou quotidiens. Sans possibilité de les annoter, les surligner, les imprimer ou de déchirer des pages. Là encore une expérience devenue immatérielle.

Pas beaucoup de place chez moi pour stocker des livres : de toute façon, les romans sont devenus éphémères, on lit celui qui "fait l'actu" avant de passer à un autre... Des services d'abonnement me permettant de lire sur ma tablette les dernières sorties littéraires apparaissent, telle Kindle Unlimited. Sans compter les services qui répertorient les classiques de la littérature tombés dans le domaine public. Et, de nouveau, les sites pirates.

"Tout-illimité"

Cette culture du "tout-illimité" consacrée en modèle économique débarque même dans les offres de services d'acteurs plus classiques. Tels les opérateurs télécoms. Des offres commencent à proposer des abonnements avec une consommation de datas en illimité. Le 11 novembre dernier, Bouygues Telecom proposait ainsi à ses abonnés "un week-end de datas illimitées". Et "se congratulait sur Twitter, via son PDG Olivier Roussat, du nouveau record de consommation de données (920 gigas !)" que venait d'atteindre un de ses clients, rapporte GQ.

Même dans les transports: la SNCF a lancé en février ses premiers abonnements "illimités", avec le forfait IDTGV Max, qui permet aux utilisateurs de voyager de façon illimitée sur l'ensemble du réseau iDTGV. Une sacrée rupture, alors qu'au fil des années, pour chaque trajet en train, on a pris l'habitude de faire joujou sur Voyages-Sncf.com pour décrocher les trajets les moins chers... Mais le tout-illimité couplé au low-cost à ses limites: l'effervescence passée, des utilisateurs ont rendu leur carte. Découvrant le manque de destinations, puisque le réseau iDTGV ne relie que une cinquantaine de destinations en France.

Et bientôt, les casques de réalité vituelles, tel le Oculus Rift, nous permettront de naviguer sans limites dans un monde virtuel; Sans limites.

jeudi 19 mars 2015

Tous émojis - du LOL à la langue vernaculaire pour smartphones (et objets connectés)

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_D_'ici cet été, l'arrivée d'une douzaine de nouveaux émojis aura un impact énorme sur un pan de la pop-culture. Une nouveauté dans ce "phone art" minuscule, mais qui montre que l'usage de ces minuscules figurines se mondialise - tout comme les smartphones, leur principal média. La décision a été prise "par un petit groupe de personnes dont vous n'avez jamais entendu parler", narrait récemment Gawker. Nom de code: Unicode, un très sérieux consortium international technique. Imaginez : c'est ce petit groupe qui sélectionne et valide méticuleusement chaque émoji, chaque nouvelle figurine virtuelle, chaque personnage (comme le montre ce rapport technique non moins sérieux). Car cette étrange assemblée ésotérique est responsable de toutes les lettres et caractères que vous voyez et utilisez sur vos écrans. C'est elle aussi, ces dernières années, qui a été submergée par la brutale popularité des émojis.

Les émojis, ce sont ces petites figurines de dessins animés, qui traduisent un mot, un sentiment, en une image, un picto. La nouvelle grammaire de appareils mobiles et des objets connectés de demain ? Après tout, les écrans des Apple Watch et autres montres connectées, trop petits, poruront recevoir surtout des SMS, notifications et autres micro-messsages... Les émojis y seront donc les stars, d'après Venture Beat.

Les émojis, dignes héritiers des "badges «Acid»" du début des années 80, emblèmes de l'acide house, un genre de musique électronique dérivé de la house, qui préfigurait la techno au début des années 80.

Rock to the beat. Aciiid, ecstasy ! Petit souvenir d'un tube 80s qui a fait polémique à l’époque

Puis sont venus les "smileys" apparus avec les débuts d'internet à la fin des années 90, entre :-) côté mainstream et :) pour la version initiés ;) Puis ces figurines jaunes se sont développées sur les premières messageries instantanées, telles ICQ et MSN.

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Emojis 絵文字

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Quelques émojis-stars chez Line

Les émoticônes (émojis en japonais, donc) sont nés au Japon, fidèles reflets de la culture japonaise. Certains sont d'ailleurs très spécifiques à la culture japonaise, comme un homme se prosternant pour s'excuser, une fleur blanche signifiant un "travail scolaire brillant", ou encore un groupe d'emoji représentant de la nourriture typique : nouilles ramen, dango, sushis. Les principaux opérateurs japonais, NTT DoCoMo et SoftBank Mobile (ex-Vodafone), ont chacun défini leur propre variante des emoji dès 1999. Line, une des applis mobiles de chat qui cartonnent au Japon, doit une partie de son succès à ses émojis, permettant à ses utilisateurs d’acheter et envoyer des "stickers" customisés (personnages, animaux, etc.) pour accompagner chaque message.

En 2007, c'est bien afin d'étendre son influence au Japon et en Asie que Google s’est associé avec l’une de ces trois entreprises pour intégrer les emojis dans Gmail. Il a alors décidé d’uniformiser la liste des émoticônes. Preuve de la mondialisation de ce phénomène, les émojis ont commencé à refléter les influences culturelles: américaine française

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Partout dans le monde, ils se sont développés sur les smartphones et ordinateurs, et ont même commencé à envahir les SMS, mails, statuts sur Facebook ou Twitter... Et même les écrans du notre bonne vieille télé, dans des émissions qui se veulent branchées ;)

Les émojis résument en une image un mot, une expression, mais sont même utilisés pour des ruptures, engueulades, crimes, baisers à distance , dans des millions de conversations partout dans le monde. Pour une génération entière, il est difficile d'imaginer une conversation numérique dans ces figurines de dessin animé. Ils sont devenus une langue vernaculaire pour smartphones.

L'intégration de nouveaux émois dans le précieux alphabet Unicode commence même à susciter d'intenses débats de société. Mais qui montre aussi que ces pictos ont quitté la sphère du LOL pour que les institutions soient désormais obligées de les prendre au sérieux, les consacrant comme un langage à part entière. Chez Unicode, on commence à être dépassés par ces millions de consommateurs qui utilisent ce langage vernaculaire pour smartphone.

Emojis ethniques

Imaginez : c'est bien parce qu'il commençait à être taxé de racisme qu'Apple a accepté d'introduire, d'ici cet été, des émojis ethniques dans sa prochaine mise à jour de iOS 8.3. Un acte politique fort. Preuve que les émojis deviennent une langue vernaculaire, une grammaire, un vocalubaire.

Une pétition en ligne appelait Apple à agir davantage pour la diversité sur ses icônes. De nombreux graphistes ont d'ailleurs créé leurs propre emojis, pour représenter des personnes noires ou de la communauté homosexuelles. Mais ces icônes n'étaient pas intégrées à la «norme» Unicode, très rigide.

Il serait temps: l'iPhone - et le smartphone - ne sont plus l'apanage des seuls WASP et "white collars". La diversité des mobinautes se devait d'être reflétée dans la diversité ethnique des émoticônes. Avec l'arrivée fulgurante de constructeurs de smartphones low cost, tels ZTE, Huawei, Nokia et Samsung, ceux-ci commencent à irriguer nombre de pays en développement. Des pays où les ménages ne possèdent pas d'ordinateurs, ce smartphone étant ainsi le premier appareil connecté pour la famille.

Dans la même veine, la Toile a été agitée, ces derniers jours, par la nécessaire intégration des roux dans le langage Emoji. Une pétition vient d'être lancée sur Change.org par Ginger Parrot, un site d'actualité qui consacre ses pages à promouvoir la rousseur.

A l'inverse, trop délicat de représenter par un émoji le sentiment de "se sentir gros". Alors que Facebook s'est lui aussi emparé du phénomène en proposant ses propres émojis (il y est désormais possible d’afficher son "humeur" à côté d’un post, pour traduire au mieux son état d’esprit ou ce que l’on est en train de faire), parmi sa palette d’humeurs, l’une d’elles a suscité la polémique. Elle représentait le sentiment de "se sentir gros" par un émoji affublé d’un double menton. Les sentinelles de la Toile ont pris le sujet à bras-le-corps et publié des photos sur lesquelles elles mentionnaient que "Gros n’est pas un sentiment". Face à la pression populaire et une pétition en ligne (encore !) de 16 000 signatures, Facebook a abdiqué et retiré ce statut, admettant "que l’inscription «Feeling fat» comme option de statut pouvait renforcer l’image négative de son corps".

L'émoticône caca (oui, oui) a lui aussi fait débat : très populaire sur les messageries du Japon et d’abord incompris par les Américains. Popularisé au Japon par la diffusion de la bande dessinée Dr Slump, dans les années 1980, il y a pris un sens humoristique, alors que les Américains ont longtemps pincé le nez, raconte Fast Company.

Langue vernaculaire et institutionnalisée

Mais assurément donc, les émojis s'institutionnalisent. En février, la ministre des Affaires étrangères australienne a accordé une interview politique au site Buzzfeed en répondant... uniquement par émojis ("Que pensez-vous de Poutine? ").

Les émoticônes sont même pris en compte dans des décisions de justice. Cet ado américain a été arrête par la police en janvier pour avoir - entre autres - publié l'émotionne policier suivi de celui du flingue ( )

Le récent procès de Ross W. Ulbricht, fondateur présumé de Silk Road (le marché noir du Net) est un autre exemple. Un smiley, présent à la fin d’un message de l’accusé, y a joué les invités surprise. Son avocat s’en est saisi pour relever l’omission qui en avait été faite lors de la lecture, par le procureur, d’une conversation de son client sur le chat. Un oubli effectivement fâcheux qui incita le juge à ordonner au jury de prendre dorénavant note de tous les symboles présents dans les messages de l’accusé. Une première dans l’histoire judiciaire, qui pose une question importante, relative au contenu de la communication textuelle.

mardi 17 février 2015

"Kingsman": placement de produits sur mesure

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C'est une parodie de James Bond menée tambour battant pendant 2 heures, entre mise en scène exagérée de la lutte des classes, dialogues savoureux, (quelques) explosions incontournables, "méchants" mégalomanes... Un blockbuster à la sauce British, qui joue volontiers sur les codes des films d'espions, avec loufoquerie, au point que la grande agence d'espions, en façade, n’est qu’un tailleur très chic situé à Londres.

Surtout, c'est le premier film de l'histoire du cinéma qui aille aussi loin dans l'intégration de la logique du placement de produits. A croire que le film a été pensé pour mettre en scène les vêtements, bijoux et gadgets. Car Kingsman : services secrets, film de Matthew Vaughn, en salles ce 18 janvier, a pour particularité de voir presque tous les vêtements ou objets arborés par les acteurs vendus en ligne. On avait jamais poussé le placement de produits aussi loin.

Depuis des lustres, d'autres films ont initié ce placement de produits, en premier lieu James Bond, qui est en soi devenu une marque.

Le vêtement, marqueur social

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Mais dans Kingsman, les vêtements sont les principaux personnages de l'intrigue. Il narre l'histoire d'espions britanniques hors du commun en costumes trois pièces, les Kingsmen, lointains héritiers de James Bond tant dans leurs manières, leurs gadgets hallucinants, que leur mission - tout simplement sauver le monde. Leur planque : une boutique de tailleurs de Savile Rowe Habillés chez les tailleurs et bottiers de Savile Rowe, rue londonienne bien connue des élégants, ces agents hors du commun (avec pour personnage principal Colin Firth, qui a toujours ce flegme sexy) mettent donc en scène le vestiaire du gentleman anglais.

Tout au long du film, le vêtement, dont les marques apparaissent à l'envi, fait office de marqueur social. Point que le film exagère volontairement. Les "prolos" des quartiers popus de Londres (dont le jeune héros qui va s'émanciper) sont sapés en sweats, survets et baskets Adidas Heritage, polos Fred Perry (marque notoire des anciens mods anglais, j'en ai raconté la story ici), jeans Levi's. Tandis que les Kingsmen, incarnation des gentlemen de l'upper class britannique, arborent une multitude de marques de luxe : costumes Mr Porter, montres Bremont, costumes sur mesure Turnbull & Asser, accessoires Drake's, lunettes Cutler and Gross, stylos plume Conway Stewart, parapluies (dont on appréciera le détournement très Jamesbondien ;) Swaine Adeney Brigg... Là encore, cette surabondance de marques de luxe est censée incarner le positionnement post-aristocratique des Kingsmen.

La nouveauté, c'est que l'intégralité des vêtements portés par les acteurs, et nombre d'accessoires et bijoux, sont en vente en ligne. La production a même pensé le film en fonction de cela. Chacune des pièces du film est ainsi en vente sur le site de mode masculine haut de gamme, MR. PORTER. De fait, la marque a été associée au projet de Matthew Vaughn dès l'écriture du scénario. Ils ont conçu ensemble une collection de 60 pièces, des chemises blanches aux costumes sur mesure à rayures par Turnbull & Asser, ou encore les chaussures Oxford (qui sont même citées dans le film) signées George Cleverley. Toutes sont brandées Kingsman. Même les professionnels du product placement, tels Casablanca, n'auraient imaginé une telle intégration des marques dans un film au cinéma. Le film Kingsmen serait-il un défilé de mode, le scénario n'étant qu'un prétexte pour mettre en scène une multitude de produits en vente en ligne ? On ne peut s'empêcher d'y penser.

En tous cas, cela préfigure une tendance certaine: bientôt, il deviendra ordinaire de scanner puis acheter avec son mobile des vêtements ou objets apparaissent dans un film. On voit apparaitre des premières applis mobiles de "sourcing mode", qui permettent d’acheter en un clic une robe repérée sur une actrice ou les chaussures portées par une inconnue

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Exemple: l'appli The Take, qui permet de se saper entièrement comme ses héros de cinéma (américains, toujours). une sorte de Shazam de la fringue : grâce à la reconnaissance sonore, The Take identifie le film qu’est en train de regarder l’utilisateur pour lui proposer ensuite une sélection de modèles portées par les comédiens dans certaines scènes. Alors, je n'ai as pu tester cela au cinéma : normal, les portables y étaient interdits durant la séance. Et je ne serais pas (encore) capable de dégainer mon mobile en pleine séance et prendre des photos de l'écran.

On y trouve le blouson de Ryan Gosling dans Drive, floqué d’un dragon dans le dos (pièce unique fabriqué spécialement par un tailleur de Los Angeles - dommage) ; les bottes de combat de Jennifer Lawrence dans Hunger Games griffées Tory Burch. Car The Take nous informe de la provenance des objets utilisés dans une scène, comme un téléphone portable ou un couteau.

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L'appli The Take, que j'ai testée, qui répertorie des centaines de films, référence déjà tous les produits mis en scène dans Kingsman. Il y en a au bas mot une centaine. Cela va de la veste Adidas Originals du jeune acteur à la montre Bremont, en passant par les ordinateurs portables Samsung, les verres (sic) Villeroy & Boch, et même une voiture électrique Tesla (là, vous devrez aligner 64 000 $). On y voit des captures d'images du film où les acteurs arborent les vêtements, et parfois même semblent prendre la pose. L'avenir du financement du cinéma? Brrr.

samedi 14 février 2015

Les robots sexuels dans la science-fiction (et l'amour dans le futur)

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Oui je sais, je publie ce billet le jour de la Saint-Valentin. Simple concours de circonstances. Ou presque ;) J'ai eu envie de revenir sur la représentation du futur du sexe, voire de l'amour, dans les films d'anticipation, et plus précisément autour des robots sexuels qui alimentent depuis longtemps les récits de SF...

Depuis moins de 10 ans, déjà les sites de rencontres ont bouleversé les modes d'interaction (à vocation sexuelle, ou avec un peu de chance, amoureuse), entre les hommes. J'avais écrit sur cela en 2007-2008, après Meetic, il y a eu une nouvelle génération de sites de rencontres, des expériences, comme ce formidable site à la Second Life, "Come in my workd", avec un système de voix sur IP, un temps incubé chez Orange... Aujourd'hui, après les sites de rencontres ciblés, la prochaine révolution pourrait résider dans les applis mobiles de rencontres basées sur la géolocalisation, telles Tinder et Happn.

Même si on peut parfois se demander si le genre de la science-fiction existe encore réellement au cinéma, quelques joyaux de SF ont très bien représenté comment pourrait évoluer l'amour, les interactions humaines dans le futur. Notamment dans le film Her, que j'ai adoré, où Spike Jonze met donc en scène un écrivain solitaire, en mal d'amour, qui tombe amoureux de son assistant(e) vocal, un logiciel...

Mais au-delà, comment les films de science-fiction représentent le sexe du futur ? J'ai déjà eu l'occasion d'en parler ici, en 2008, il y a eu cet étrange projet artistique, Sexlife of robots de Michael Sullivan, où l'on voit dans une galerie photo et un docu des androïdes de toutes sortes s’adonner de façon débridée aux plaisirs de la machine,

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La série TV Real Humans de Lars Lundsdröm, sortie en 2013, met en scène une société très contemporaine, mais où chacun s'achète son "hubot", des robots androïdes à l'apparence terriblement humaine (mais une prise USB fichée dans la nuque). Ils jouent les auxiliaires de vie, assistants aux personnes âgées, nurses pour enfants, employés modèles en usines, serveurs dans des restaurants... Et même des robots sexuels, de plusieurs types: des jolies humanoïdes que le quidam peut acheter dans des boutiques dédiées - quitte à trafiquer leur programme par la suite. On y voit aussi un étrange "marché noir" de robots sexuels prostitués, au programme trafiqué pour cela, et dont les services sont proposés par des humains.

La série insinue même que de nouvelles formes de relations sentimentales pourraient se nouer entre humains et robots. Tobias, un ado dans la série, tombe ainsi amoureux de Mimi, le hubot familial. C'est littéralement "Love at first sight", il a un coup de foudre. Tobias est" transhumain sexuel", une nouvelle forme de sexualité apparue avec les robots imaginé dans la série: il est excité par des machines. Dans un tel univers où les robots sont omniprésents dans le quotidien des gens, il est inévitable que des humains confrontés à ces hubots veuillent faire l’amour avec eux. C’est pourquoi dans la série, les fabricants des robots les ont rendus séduisants. C’est une question de business. Une femme humaine quitte son mari pour vivre avec son hubot: pour rajouter du piquant, elle a téléchargé un programme pirate pour doper ses capacités sexuelles.

Plus troublant (et humain) encore, dans la même saison, une "hubot" rêve de se marier et d'avoir des enfants: elle parviendra à séduire et épouser un homme.

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Le personnage de Gigolo Joe, un des "mécas", ces robots androïdes créés eux aussi pour répondre aux besoins des humains dans le monde futuriste de A.I. (Intelligence artificielle, Steven Spielberg, 2001), est aussi affolant : un très bel humanoïde (sous les traits parfaits, et donc si troublants, de Jude Law) a une fonction, un métier: il est escort-robot auprès d'humaines... Il fournit donc des services sexuels auprès de clientes femmes. A mon avis, en bon puritain ;) Spielberg est assez peu à l'aise avec ce personnage: donc il ne décrit pas le processus par lequel un robot séduit des femmes, mais on y voit tout de même Joe recourir à des techniques de séduction suaves et classiques, entre les pas de danse pour lesquels il est programmé, et l'art d'écouter se clientes. Troublant, Joe semble lui-même doté de sentiments humains, tout comme le petit garçon-méca qu'il protège, lorsqu’il avoue espérer rencontrer la femme de sa vie.

Blade Runner (1982)

Dans le mythique Blade Runner (Ridley Scott, 1982), nul robot sexuel, mais un des "replicants", Pris (Daryl Hannah), est pourtant spécialisée dans le domaine militaire... et le plaisir. Elle a d'ailleurs pour mission de séduire le timide chercheur J.F. Sebastian, pour le convaincre de reprogrammer les réplicants afin d'allonger leur durée de vie.

Dans Star Trek : the next generation, l'androïde Data est programmé pour effectuer un éventail de techniques sexuelles.

Bien sûr, tout cela n'est (presque) que de la science-fiction. D’ailleurs, si vous avez d'autres exemples de sex-robots mis en scène dans des films de Sci-Fi, n'hésitez pas à m'en faire part, je mettrai à jour ce billet. Mais les robots sexuels existent déjà: quelques start-up ont créé d'étranges poupées gonflables nouvelle génération, ces love dolls , comme celles vendues au Japon par la société Orient Industry. Aux États-Unis, la firme True Companion est allée plus loin en commercialisant, en 2010, le premier robot sexuel, répondant au doux surnom de Roxxxy.

Et cela pose des questions vertigineuses. Que deviendront le couple, la famille, si ces compagnons artificiels envahissent le champ de l'intime? Tromper son conjoint avec le robot sera-t-il adultère? L'amour romantique persistera-t-il?...

dimanche 25 janvier 2015

"Silicon Valley", parodie grinçante sur les geeks (et leur supposée contre-culture)

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La scène d'ouverture se déroule dans une fête dans une villa design. "Il y a du fric partout dans la Silicon Valley mais nous n'en voyons pas la couleur", se lamente un jeune type, look de post-ado. "Tout ça, c'est de quoi ça a l'air quand Google racheté votre entreprise 200 millions de dollars. Regardez, là-bas, il y a Elon Musk et Eric Schmidt !", lâche un autre. Bienvenue dans Silicon Valley, série potache mais pas si légère que ça, qui retrace avec humour l'ascension de cinq programmeurs qui partagent la même maison et une même ambition, se faire une place dans cet univers.

Elle est sortie en 2013, diffusée par la toujours très inventive HBO (et depuis peu par OCS en France), et réalisée par Mike Judge, auquel on doit déjà Beavis and Butthead. Lui-même a travaillé par le passé dans la Silicon Valley : il était bien placé pour ausculter cette nouvelle incarnation du rêve américain, le "You can make it in America" version high tech.

Cinq développeurs pas encore trentenaires qui vivotent, Erlich (T.J. Miller), Thomas (Thomas Middleditch), Jared (Zach WoodsJared), Dinesh (Kumail Nanjiani), et Gilfoyle (Martin Starr) espèrent donc bien trouver La bonne idée qui va leur permettre de percer dans la Silicon Valley. Tous bossent dans une grosse start-up similaire à Google, Hooli, au slogan un rien grotesque ("Pour créer le changement, il faut changer"). Jusqu'à ce que Thomas découvre la recette magique, un système de compression qui, grâce à un algorithme magique; permet de compresser tous les fichiers, même les plus lourds, telle la vidéo 3D. La start-up, étrangement baptisée Pied Piper, est née. Deux investisseurs-stars, et frères ennemis, vont alors jouer la surenchère pour attirer la jeune start-up dans leurs rets...

Satire geek

C'est une satire bien informée sur l'univers des informaticiens nouvelle génération, dans une sorte de Cour des temps modernes où chacun veut percer. Il est vrai que l'univers des geeks est riche en stéréotypes touchants et risibles. Mike Jugde y glisse clichés et éléments réalistes: les looks de geeks, comme le T-shirt "I know H.T.M.L." (how to meet ladies) arboré par Erlich dès le premier épisode. Dans les bandes de geeks qui bossent sur leurs projets de start-up, "il y a toujours un grand blanc maigre, un petit asiatique, un gros avec les cheveux longs, un gars avec une drôle de barbe et un Indien", souligne le patron de Hooli.

La série dresse un inventaire grinçant des codes des start-up de la Silicon Valley dont s'emparent nos héros. Comme faire concevoir le logo pour Pied Piper par un graffeur-star, qui a signé "des fresques pour Facebook", et réclame une rémunération par stock-options, ou embaucher sur une mission un hacher-star arrogant du haut de ses 15 ans, accro à la Ritaline...

Consécration à la fin de cette saison, la jeune start-up est invitée à présenter son pitch à la Techcrunch Disrupt, événement incontournable - et réel - organisé par Techcrunch, une des Bibles en ligne dédiées à l'économie numérique. Et là, Mike Judge se lâche avec quelques perles de jargon de start-uppers, autour des start-up qui présentent leurs pitchs : toutes commencent par le slogan "Nous faisons de ce monde un monde meilleur", "nous avons des bases de données distribuées, scalables et tolérantes", "nous sommes SoLoMo, social, local et mobiles"...

Jusqu'à cette tirade finale lâchée par la collaboratrice de l'investisseur de Thomas: "Tu vas devoir trouver des bureaux plus gros, embaucher, Peter (son investisseur) va devenir plus intrusif, tout le monde va vouloir s'attribuer le mérite de ton idée, les gens t'attaqueront en justice... Les autres investisseurs? Ils seront toujours prêts à te mettre des bâtons dans les roues. Bientôt tu dirigeras des milliers d'employés qui seront pendus à tes lèvres. C'est pas formidable ça". Une vision un rien grinçante de la Silicon Valley.

En tous cas, c'est une des premières fictions consacrées de manière réaliste à la Silicon Valley, son économie, ses idées, ses gourous. Mis à part les quelques premiers bioptics sortis au cinéma, comme l'excellent The social network sur Facebook, Les stagiaires (qui met en scène de façon trèèès gentille le Googleplex), ou encore celui sur Steve Jobs.

Je viens de visionner cette série alors que la Silicon Valley, son idéologie, sont de plus en plus critiqués. Cela a commencé courant 2013, lorsque l'inflation galopante du coût de l'immobilier générée par les start-uppers commençait à générer des manifs anti- startups dans la Silicon Valley, notamment à l'encontre de Google. Alors que se loger y est devenu difficile, Google ayant fait doubler la population de Moutain View - 70 000 personnes sont arrivées avec Google.

La Silicon Valley, "écho vide de la contre-culture"

Il y a aussi ce livre de Fred Turner, prof à l’université de Stanford, Aux sources de l'économie numérique : décrypté par Rue89, il raconte comment la Silicon Valley est un héritage des hippies, qui rêvaient d’un monde nouveau dans les années 60. Les dernières générations se sont converties au capitalisme dans les années 80 et 90, et sont devenus parmi les plus importants (et riches) entrepreneurs de la Silicon Valley. Ils ont bien cette ambition de "changer le monde", comme se moque la série TV: Eric Schmidt lui-même a affirmé à plusieurs reprises "Notre objectif est d'apporter un monde meilleur". Pour Fred Turner, on retrouve ainsi dans les start-up de la Silicon Valley cet idéal libertaire de contre-culture : "les entreprises comme Uber ou Airbnb, où en louant votre logement, votre voiture ou vous-même, vous mêlez le privé et le marchand. C’est bien la réalisation d’un rêve provenant directement de la contre-culture", y écrit-il.

Les start-uppeurs ? "Les étudiants qui font un cursus d’informatique n’apprennent presque rien d’autre. Ils ont très peu de culture générale et ne connaissent que le mythe de la Silicon Valley", poursuit-il. Bim. Et il reprend lui aussi cette anecdote de la série Silicon Valley: "Il y a une blague qui résume cet esprit : chaque pitch de toute start-up devant ses potentiels financeurs doit finir sur : “Et ça va changer le monde”. C’est vraiment comme ça que ça se passe. Il faut déclarer que ce qu’on va faire va sauver le monde. C’est un écho un peu vide de la contre-culture".

L'universitaire Evgueny Morozov dénonçait lui aussi la récemment la "nouvelle forme de capitalisme" induite par les entreprises du numérique. Dans cet entretien, il dénonce le "solutionnisme", "la tendance qu’ont certains acteurs, spécifiquement les entrepreneurs et les entreprises de la Silicon Valley, à prétendre qu’ils savent comment résoudre de grands problèmes politiques et sociétaux, avec par exemple de la tendance à compter sur des applications, des appareils de self-tracking, des capteurs (...) pour résoudre des problèmes de société".

vendredi 2 janvier 2015

Chat apps, notations sur réseaux sociaux, emojis, wereables... 8 tendances tech et nouveaux media pour 2015

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Et voilà, 2015, nous y sommes... Bonne année 2015 donc, chers lectrices et lecteurs, que je vous souhaite pleine de bonheur, douceur, santé, succès, créativité, curiosité, et d'innovations ! Bientôt 8 ans que vous me lisez sur ce blog, donc merci à vous ! J'en profite pour vous signaler ici, en légère avant-première, une (légère) évolution professionnelle: je suis toujours fidèle au poste, à la rédac' de Stratégies, mais je rejoins le service médias, où je continuerai de suivre l'électronique grand public (les nouvelles technos en somme) et les télécoms, mais aussi, de manière plus élargie l'univers du mobile et de la mobilité, et de la "convergence". A cela s'ajouteront bientôt de nouveaux projets :)

Une fois n'est pas coutume, l'entrée dans 2015 m'amène à passer au crible 10 tendances-clés dans les technos et les nouveaux médias, alors que la tenue du CES à La Vegas, à partir du 6 janvier, servira de révélateur à bon nombre de ces tendances. Exercice auquel je me suis déjà livrée pour les années 2014, 2013 (dont pour l'univers mobile), 2012... Il est amusant de comparer, d'une année à l'autre, les phénomènes qui se sont confirmés ou carrément vautrés.

D'autres se sont aussi livrés à cet exercice de synthèse: je vous renvoie par exemple aux billets d'Alice Antheaume, Olivier Ezratty, ou encore les 10 prévisions de conso 2015 de l'institut Deloitte.

Chat apps: réseaux sociaux mobiles et messageries éphémères

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Il y a eu en 2014 le succès fulgurant des Snapchat (qui vient de lever 20 millions de dollars, soit près de 500 millions en tout), Viber, Line, Secret, Backshat, et autres WhatsApp (acquis pour plus de 216 milliads de dolalrs début 2014 par Facebook). L'autre jour, un de mes frères me disait utiliser Whatsapp pour échanger textos et photos avec ses clients partout dans le monde. En zappant gentiment les opérateurs télécoms. Citons aussi l'émergent Firechat, qui s'est révélé lors des manifestations de Hong Kong. Leur pouvoir réside en partie dans leurs notifications push, ce qui devrait les rendre bientôt aussi puissants que les réseaux sociaux, prédit Techcrunch.

Mais il y a aussi ces sites de rencontres mobile nouvelle génération, tels Tinder et le Frenchie Happn, qui vient de lever 8 millions de dollars.

Des apps et réseaux sociaux dédiés aux usages mobiles: ici, on "skipe" (on passe d'un écran à l'autre en faisant glisser avec son doigt vers la droite), on scrolle, on like (la photo de quelqu'un), on partage...

Un modèle en soi. Une start-up lituanienne vient ainsi de lancer Plague, un "Tinder for information" diablement addictif, relatait The Next Web. Une appli mobile liée à un nouveau réseau social de partage d'infos, photos, vidéos et messages que l'on écrit ou partage avec les personnes situées à proximité (géolocalisation oblige), aussi utilisatrices de Plague.

Anonymat et déconnexion volontaire

L'ADN de ces applis mobiles nouvelle génération, basées sur les messageries éphémères et/ou anonymes, c'est tout de même un retour aux sources d'Internet: mettre en contact des gens qui ne se connaissent pas, sans contrepartie attendue. Et avec peut-être une volonté de retour à l'anonymat à l'ère du "tout-connecté", où les algorithmes de Facebook, Twitter et autres Linkedin nous suggèrent de manière parfois flippante troublante avec qui copiner. Troublante, l'appli "pour adultes" Fling permet d'envoyer de façon aléatoire une photo à 50 personnes dans le monde (coucou les exhibs ;). Tout comme, racontait Stylist en décembre dernier dans un papier passionnant ("Son nom est personne"), le MIT de Boston expérimente l'appli 20 Day Stranger, qui "permettra à deux étrangers de partager virtuellement leur quotidien en toute confidentialité". En tout anonymat, ils recevront des renseignements sur l'autre tout au longde la journée, de son réveil au coucher.

Phénomène corolaire, qui deviendrait presque un marronnier ici, la vogue de la déconnexion volontaire. Il y avait eu il y a 2 ans cette étude d'Havas Media qui préfigurait ce phénomène. Et ce retour récent des téléphones mobiles vintage. Je l'ai écrit plusieurs fois : un jour, l'anonymat, le secret deviendra un luxe qui sera payant. Courrier International y consacrait un dossier cette semaine : c'est devenu un argument marketing pour hôtels de luxe avec zéro wiki, et autres lieux de "détox connexion", même les gourous de la Silicon Valley mettent leurs enfants dans des écoles sans ordinateurs. CQFD.

La réalité virtuelle devient réelle

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Oui, c'est bien moi ;)

Le casque Oculus Rift avait été une des sensations des CES 2013 et 2014. Depuis, la start-up Oculus VR a été rachetée par Facebook pour près de 2 milliards de dollars (cash et actions). Ainsi, ce vieux fantasme de la réalité virtuelle, rythmé par des tentatives avortées, deviendrait enfin réalité. Oculus n'est d’ailleurs pas le seul projet : Samsung commercialise déjà aux US pour 199 dollars le Samsung Gear VR, son propre casque de réalité virtuelle (conçu avec... Oculus VR), Sony met la dernière main à Morpheus, et Microsoft aurait son propre projet de casque VR, qu'il dévoilerait au prochain salon E3. .

Ce sera peut-être la prochaine ère de l'entertainment. J’avais eu l'occasion de tester, à l'IFA à Berlin en septembre dernier, et à Paris Games Week en novembre dernier, quelques jeux de démos édités, entre autres, par Oculus, Dreamworks et le Cirque du Soleil. Le prochain enjeu sera du côté des contenus, sur lesquels les éditeurs de jeux vidéos préparent déjà leurs armes. On va voir ce qui est dévoilé au CES 2015...

Wereables

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C'est bien la tendance tech qui va marquer 2015 : les objets connectés, ces "wereables" que l'on prend l'habitude de porter à même le corps, en permanence, notamment ceux liés à la santé. Il y a cette mode des bracelets qui comptent le nombre de pas ou qui analysent le sommeil, et de montres, elles aussi trackers d'activité. Le lancement de la première montre connectée d'Apple, attendue ce début d'année, pourrait rendre ce nouveau gadget sexy auprès du grand public, après que des précurseurs comme Pebble, puis Samsung, LG... aient défriché le terrain. Mais quel que soit le fabricant, il faudra encore d'attendre un certain nombre d'applis-vedettes destinées à convaincre le consommateur d'acheter ce genre de gadget. La bataille est déjà en cours: les géants ont déjà lancé leurs plateformes d'apps santé, Apple avec HealthKit et Samsung avec Simband. Cocorico, bon nombre des jeunes étoiles dans le secteur des wereables (Withings, Netatmo, Sen.see...) sont françaises: elles sont du voyage parmi les 66 start-ups embarquées au CES par la French Tech, comme j'en parle ici.

Avec des capteurs toujours plus petits, plus précis et moins chers, bon nombre de nos objets du quotidien devraient devenir connectés. On imagine déjà l'impact sur la médecine de cette santé connectée, avec des médecins assistés par toujours plus de données compilées et analysées en temps réel, ae. les 'wearables' (gadgets portables) prometteurs. Quoi de plus normal, puisqu'en 2014, l'offre de contrôleurs de fitness et autres montres intelligentes s'est fortement étoffée. Sony et Samsung notamment se sont distinguées. En 2015, ce marché prendra encore de l'ampleur. Nous sommes curieux de voir si l'Apple Watch sera un exemple ou un disciple en matière de montres connectées. Mais quel que soit le fabricant, il s'agira encore d'attendre un certain nombre d'applis-vedettes destinées à convaincre le consommateur d'acheter ce genre de gadget. Autrement dit: des appareils électroniques qui font bien plus que compter vos pas et mesurer votre sommeil.

Gartner, qui réfléchit sérieusement à ce que nous réserve l'avenir, s'attend à ce que d'ici 2016 (soit dans une bonne année certes!) quarante pour cent des smartphones seront équipés de capteurs biométriques, comme un scanner de l'iris de l'oeil, un scanner des empreintes digitales, la reconnaissance de la voix, etc.

Se noter, s'évaluer: l'après-quantified-self

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Conséquence directe de ces objets connectés, dont ceux que l'on porte sur soi parfois en permanence pour s'auto-évaluer et partager ses exploits sur les réseaux sociaux: le quantified self est né il y a un peu plus d'un an avec les bracelets Fitbit et autres trackers Withings.

En plein débat sur les notes à l'école, après l’existence d'un éphémère site où les élèves pouvaient noter leur prof, conséquence de la sharing economy, il n'y a plus rien d'anormal de noter les autres en ligne : les autres couchsurfers sur Couchsurfing.com, d'évaluer quelqu'un qui met en "location" son appart sur Airbnb, ou encore son chauffeur Uber après une course. Et même, le verdict de la note s'applique désormais aussi aux sites de rencontres : The Grade évalue ses utilisateurs à partir de leur nombre de Likes, leur taux de réponses, et leurs qualités rédactionnelles. Pour les mauvais élèves, exclusion immédiate. Démocratique, vraiment ?

Après les smileys, les emojis ?

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Ce sont les dignes successeurs des smileys, ces premières icônes de la culture web, qui devaient représenter notre état d'esprit en une figurine. Les emojis, c'est un des phénomènes qui s'est imposé sur les réseaux sociaux et dans les SMS depuis 2013. Comme le rappelait ce super papier du New York Magazine (repris par Courrier International), du visage souriant au fameux bisou les yeux fermés, en passant par le verre de vin ou le tram, les emojis commencent à remplacer des mots ou des expressions. Le résumé par l'image, censé apporter une touche d'émotion.

Eux aussi, ils sont liés à l'explosion des smartphones - et donc la transposition des réseaux sociaux sur les mobiles. Ils sont proposés sur les smartphones dans le clavier virtuel, avec pour l'instant seulement 722 symboles, répertoriés sur Emojipedia, ceux qui appartiennent à la base officielle d'Unicode, une norme international de programmation.

En continu et en ligne

Le streaming. Il va continuer à s'imposer comme le mode de diffusion privilégié de l'information au sens large. Notons au passage que YouTube, vidéostreamer précurseur, fêtera son dixième anniversaire en février 2015. Le lancement de Netflix en France en 2014 ne fut pas le point de départ d'une révolution, mais bien la confirmation d'un plus que naissant : à l'avenir, nous regarderons nos images vidéo bien plus sur le web que sur des canaux TV classiques. Après tout, Michelle Phan ou Cyprien sont devenus célèbres à partir de ce qu'ils ont déposé sur YouTube. Ericsson affirme dans son étude qu'en 2015, nous allons pour la première fois recourir davantage au streaming qu'à la bonne vieille télévision programmée. D'ailleurs, l'IDATE, citée par Eric Scherer, en général prudente, prévoit 50% de part de marché en 2018 et 1,5 millions d'abonnés en France

Il faut nuancer: le décollage de Netflix en France est très moyen (surtout une fois passé le premier mois d'abonnement gratuit), et il dispose aux Etats-Unis de davantage d'abonnés (et d'un chiffre d'affaires supérieur avec ceux-ci) que la chaîne payante old school HBO. En France, Canal+ (CanalPlay) et plus encore Orange (OCS) disposent d'offre de vidéo à la demande plus que compétitives. LA bataille va maintenant se jouer sur les catalogues, entre film et séries, parfois coproduites maison. Et d'autres acteurs devraient arriver: Amazon est déjà en lice pour les Writers Guild of America Awards 2015 avec sa série Transparent.

Retour au "slow media"

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C'est ce long édito de Next Inpact qui m'a incitée à ajouter un item sur ce sujet : ok, Twitter, les live développés par les media en ligne (même Les Echos a lancé en 2014 un site intitulé Les Echos Live), le journalisme web ont imposé cette culture de l'immédiateté.

Mais on parle de plus en plus de slow journalism, que j'évoquais ici, consacré par les mooks, des initiatives comme Le Quatre Heures, De Correspondent... Et l'arrivée en 2015 de nouveaux projets journalistiques comme le prometteur L'Imprévu, monté par des anciens d'Owni. Autres projets de nouveaux media allant dans le même sens, qu'évoque Next Inpact, Ulyces, un "éditeur d'histoires vraies" à mi-chemin entre le journalisme et l'édition, qui propose des articles à l'unité (2,49 euros) ou par abonnement (5,49 euros par mois, 54,90 euros par an), et Ijsberg, en accès libre, qui propose - jolie innovation - des actualités découpées selon leur temps de lecture (promptement, calmement et longuement).

lundi 22 décembre 2014

Christmas songs 2014: sélection (feat. Bob Dylan, Pogues, Kumisolo, Julian Casablancas...)

Eh oui, cette année encore, Noël oblige, je me suis fendue d'une petite sélection de Christmas songs - pour mémoire, je m'y étais déjà amusée en 2013, 2012, 2010... Là, j'ai été aidée par plusieurs bonnes sources ;) (1)

C'est une vraie tradition anglo-saxonne, où, comment souvent chez les Américains, on peut voir un mélange de culture très catho ;) et de marketing invétéré. Des chants un rien douceâtres millimétrés pour vous accompagner dans vos sessions shopping dans les boutiques juste avant Noël. Mais s'inscrivent donc dans la tradition catholique pour fêter la naissance du Christ. Ils ont aussi une vocation (très US) caritative, où des groupes se forment de manière parfois éphémère pour récolter de l’argent pour des œuvres de bienfaisance.

Un exercice de style marketing, et musical, où les groupes reprennent les codes de la Xmas song (cloches en bruit de fond, choeurs...) qu'ils mêlent à leur style. Bon nombre de stars de la chanson américaine y sont allées de leur chant de Noël: Frank Sinatra, Elvis, Michael Jackson, Barbra Streisand...

Il y a par exemple ce petit bijou de 2009 de Bob Dylan.

Ou encore, en tête des charts anglais en ce moment selon Billboard, ce morceau de 30 ans de The Pogues, Fairytale of New York, feat. Kirsty MacColl.

Puisque le Japon m'aura décidément marquée cette année, je ne pouvais pas passer à c$oté de cette reprise de mythique Last Christmas de Wham! par la faussement ingénue et "twee" chanteuse nippone Kumisolo (même si je préfère décidément la version originale).

Dans les nouveautés de cette année, aussi piquée chez Les Inrocks, cette reprise du Merry Christmas d'Elvis par Cleo T: l'image à la photo aux couleurs passées et en italien, irrésistible...

Et en tant que fan de la première heure, je me devais de vous remettre ce single de Julian Casablancas (Strokes) de 2009, I Wish It Was Christmas Today...

Mais il y aussi un retour du vintage, avec par exemple ce morceau rock-blues de Pugwash et Neil "Divine Comedy" Hannon.

French touch

Fait nouveau, la France n'est pas en reste dans cet exercice musical, comme l'a très justement relevé France Inter.

En version total excentrique, forcément, ce morceau de Philippe Katerine...

Au rayon des chansons de Noël décalées, voire un peu punks, les Wampas se sont illustrés avec "Ce soir c'est Noël".

Il y a aussi C'est le père Noël électrique de Philippe Richard, une chanson vintage 80 (avec chœurs d'enfants), parfaite pour les geeks ;)

At last, ce détournement sexy de Xmas song que j'ai hésité à vous mettre (cela plaira - ou pas ;)

Je ne l'écris pas assez, mais merci infiniment à toutes et à tous de me lire régulièrement ici depuis bientôt 8 ans (8 ans! J'ai ouvert ce blog en février 2007). Très joyeuses fêtes de fin d'année à toutes et à tous. Et restez punks ;)

(1) Merci à Benoît, Gabriel, Eric, Nicolas, Laurent...

mardi 16 décembre 2014

Les Nokia vintage, so rétro chic

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Il y avait cette étudiante, dans le tram, qui textotait à toute vitesse sur un vieux téléphone portable à petit écran, calé sur son livre de poche aux pages jaunissantes. Quelques jours après, j'ai vu à une conf cet entrepreneur envoyer des SMS en loucedé depuis ce même téléphone vintage, son smartphone flambant neuf posé sur la cuisse. Mais oui, il s'agit bien de cet inoxydable Nokia 3310, (celui avec le jeu Snake, premier exemple de gaming !) qui fut pour moi-même un de mes premiers téléphones portables, au début des années 2000. Ressortez vos Nokia 3310, Ericsson T28, Motorola V70, et autres Thomson à clapet, c'est branché !

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Rihanna et son flip phone - Credit 247PapsTV/Splash News

Depuis quelques mois, les geeks et les stars les plus chics exhibent volontiers leurs téléphones vintage, qu'on croyait ringards il y a encore un an, soigneusement planqués au fond d'un tiroir "au cas où" (notre magnifique smartphone nous lâcherait). Aux Etats-Unis, comme le relevait le New York Times, Rihanna, Scarlett Johansson ou Iggy Pop ont été photographiés par la presse people avec d’antiques téléphones des années 90, des ces "flip phones" (téléphones à clapet). La la papesse de la mode Anna Wintour a aussi été aperçue avec un téléphone archaïque. Tout comme le maire de New York, Bill de Masio: ça fait tellement plus populaire, simple, loin de ces smartphones qui furent un temps de nouveaux attributs sociaux.

Low tech

Les sacro-saints iPhone et Galaxy seraient-ils devenus trop banals, voire ringards? En exhibant votre Nokia vintage, vous prenez tout de suite une posture décalée, originale, low tech, en pleine déconnexion volontaire, imperméable aux nouvelles addictions technologiques, générées par 7 ans d'existence de l'iPhone.

Accessoirement, il y a ce petit côté nostalgique à ressortir ce vieux téléphone portable oublié, qui fut notre première incursion dans l'ère "mobile" au début des années 2000. D'autant plus alors que la mythique marque Nokia, passée sous le joug de Microsoft, est en train de disparaître...

Mais sortir le téléphone portable du placard a de nombreux avantages pour les branchés. Ils sont déjà (un peu) plus écolos que ces smartphones sophistiqués, basés sur des ressources non-renouvelables et polluantes telles que le nickel, le zinc, ou les fameuses terres rares, extraites dans des conditions très peu éco-responsables en Asie.

Autre avantage qu'on redécouvre avec ces vieux téléphones d'il y a 10 ans: leur autonomie. Contrairement à l'iPhone, vous êtes sûrs que leur batterie ne lâchera pas pitoyablement au bout de 8 ans d'utilisation. Sans compter leur solidité - faites tomber un vieux Nokia et un iPhone de 3 mètres de haut, vous verrez... Précieux, face à un iPhone acquis à prix d'or (comptez au minimum 600 euros pour un iPhone non-subventionné), à la durée d vie maxi de 2 ans (obsolescence programmée, coucou) et lui fragile au moindre choc.

A l'ère du tout-NSA, le vieux flip phone rassure: avec celui-ci, contrairement aux smarpthones, impossible d'être géolocalisé en douce par ces applis-espionnes épinglées cette semaine dans une étude de la CNIL , un des travers des smartphones. "J'utilise mon portable pour passer mes appels car je sais que ce sera en toute sécurité. Et il est sans GPS intégré... Et la connexion est souvent meilleure que sur un smartphone", m'expliquait il y a quelques jours un journaliste sur Twitter. Une vision évidemment un peu illusoire : : le micro et le réseau d'un vieux mobile n'en permettent pas moins l'écoute à distance.

Un back to basics qui va aussi de pair avec un retour à des usages vintages - dont les échanges de vrais SMS à l'ancienne. "L'iPhone a bousillé cette merveille de format qu'était le SMS : maintenant, on "tchatte" par SMS ou on écrit des messages comme des tartines et sur un petit écran, on n'a pas accès aux messages précédents quand on répond, ni au "thread" / à la conversation. C'est la même raison qui m'avait fait dire que le Blackberry n'était en fait pas un bon format pour les emails à cause de son format : je finissais par répondre à côté, ne plus suivre", m'explique Stéphane Distinguin, patron de FaberNovel, lui même Nokia-addict.

Retrogaming et marketing de la nostalgie

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Alors évidemment; ce vintage branché a suscité un nouveau business. Sur eBay et Leboncoin, un petit marché des portables vintage fait florès. Ce qui accentue chez certains des accès de collectionnite aiguë ;) "Le plus beau ever reste le 6500 classic, j'en ai eu 11. Oui 11. A la fin je ne les trouvais plus que sur eBay à Hong Kong", m'indiquait Stéphane Distinguin.

Des boutiques en ligne spécialisées, telle Vintage Mobile, proposent des portables reconditionnés, ou encore le magasin Lëkki, qui a ressorti des téléphones-stars des années 90 avec de starifs hors de prix ;), en se faisant au passage une jolie marge (comptez 90 euros pour le Nokia 3310, 150 euros pour l’Ericsson T28 - sic). Tendance Retrogaming oblige, la marque s'est d'ailleurs spécialisée dans la production d'appareils mythiques du siècle dernier, comme la Game Boy Color, la Super Nintendo ou encore des Nintendo 64. Rien de tel pour séduire les bobos trentenaires restés fans du Club Dorothée ou de Capitaine Flam ;)

mercredi 10 décembre 2014

"Men, women & children", liaisons dangereuses par écrans interposés

Cela commence par ces plans de foules, dans le métro, dans la rue, dans un centre commercial, dans une cantine de lycée, où se superposent des images d'écrans - des extraits de tweets, de chats, puis plus tard, de pages Facebook. Ces enchevêtrements de mots parfois très intimes des personnages du film qui tweetent, textotent, hésitent en écrivant des des messages sur Facebook. C'est le cœur du film, une de ses originalités. Ces images frappent déjà dans la bande annonce, il faut y voir une manière nouvelle, qui casse les codes du cinéma classique, de mettre en scène notre société numérique. Au passage, on notera cette mode, sur les affiches de films - dont du nôtre, évidemment - de citer des tweets en lieu et place des extraits de critiques de films classiques.

Dans Men, women & children, sorti en salles mercredi 10 décembre, Jason Reifman esquisse un état de lieu désenchanté des effets de la culture Internet sur la société d'aujourd'hui. On y voit des extraits de la vie - trop - numérique sur des habitants d'une banlieue pavillonnaire américaine. Un brin moralisateur, Jason Reifman est tenté de laisser entendre que ses personnages sont en partie malheureux à cause de cette vie numérique. Un peu facile, certes. Le pitch donc: un ado accro au porno en ligne, ce que son père (lui aussi adepte des Youporn cheap ;), découvre en se connectant à son ordinateur dans sa chambre, un autre ado accro aux MMORPG, ces jeux vidéo multijoueurs en ligne, une jeune fille qui suit de trop près les conseils de sites "pro-ana", une mère parano adepte du cyber-espionnage de sa fille, une autre mère qui, elle, met en ligne des images aguichantes de sa fille adolescente...

Le réalisateur illustre ces faits de manière très concrète: la mère qui flique littéralement sa fille (avec son consentement) en la géolocalisant sur son smartphone, en parcourant régulièrement sa page Facebook et son profil MySpace, et même les tréfonds de son ordinateur, l'ado anorexique qui se fait conseiller sur un forum pro-ana lorsqu'elle est tentée de manger...

Ultra moderne solitude "sociale"

De manière assez classique au cinéma (un peu à la manière de l'excellent Short cuts de Robert Altmann), on y voit donc une multitude de vies, d'histoires, qui s'entrecroisent. Avec un point commun, le sujet du moment, le Zeitgeist dont Jason Reifman tente de s'emparer: les conséquences du tout-numérique, où comment les réseaux sociaux multiples (Twitter, Facebook, les réseaux de gamers adeptes des MMORPG, les sites de rencontres...) son devenus omniprésents dans nos vies. Au point de créer de nouvelles formes d'ultra moderne solitude que dénonçait Alain Souchon, et nos difficultés à communiquer avec ces réseaux sociaux qui nous isolent autant qu'ils nous connectent partout dans le monde.

On avait déjà vu Jason Reifman faire dans la satire féroce (super Thank you for smoking) ou l'analyse sociologique un peu gnangnan (l’ambigu Juno, ou le désir de maternité d'un adolescente), il fait de nouveau dans l'analyse sociétale. Un peu simpliste et cliché. Avec, pèle-mêle, l'ado en proie à se fantasmes à la sauce Youporn, un autre ado isolé par son jeu vidéo... Sans compter les parents quadras las qui trouvent de nouveaux moyens - sur ce maudit Web, toujours ;) - pour contourner leurs frustrations de couple, soit ces nouveaux sites de rencontres extraconjugales - on note au passage le placement de produit sur mesure qu'offre Jason Reifman au site Ashley Madison, qui a tenté son lancement en France avec un coup de pub provoc'.

Si l'ironie des débuts du film cède ensuite le pas à une romance plus sage, ce qui m'intéresse ici est la manière innovante dont Reifman tente de narrer les affres de notre nouvelle société numérique, rythmée par les Twitter, Instagram, Facebook, YouPorn, et autres Tinder. De rares fictions ont mis en scène jusqu'à présent ce tournant : cela a surtout été le cas de films d'anticipation, comme le remarquable Her de Spike Jonze (que je chroniquais ici), ou, dans une certaine mesure, la série Real Humans.

Texto sur grand écran

Alors, comment représenter en images ces nouvelles manières qu'ont les êtres humains de communiquer entre eux?__ Que faire du texto à l’écran ? Comment l'intégrer le texto dans une fiction ? Après tout, rien qu'en France, on envoie en moyenne 8 sms ou mms par jour, et même jusque 80 pour un adolescent. Le classique champ-contrechamp ne suffit plus. Pour représenter cette société où l'on a nos regards fixés sur les écrans de nos téléphones, tablettes et ordinateurs, Reifman ouvre donc Men, Women & Children avec cette superbe scène de foule avec en "nuage" ces mini-écrans de textos et messages sur Facebook que s'envoient les personnages. Un gadget visuel qu'il abandonne au bout d'une bonne demi-heure, mais qu'il a donc été un des premiers à tenter dans une fiction.

Le texto en surimpression, on l'a déjà vu, notamment, dans le film politique L’exercice de l’Etat (Pierre Schoeller, 2011), ou encore la série politique Les hommes de l'ombre (France 2, 2013/2014). On le vit ensuite dans la série House of cards de Netflix, ainsi que la série britannique Sherlock (2010) de la BBC. Au passage, une fois de plus, la surimpression du texto permet de faire du placement de produit: non plus simplement la pomme d’Apple, mais une interface, celle de l'iPhone, désormais familier à tous, décidément entré dans notre quotidien.

dimanche 23 novembre 2014

Quel Paris pour demain ?

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Il y a cette image surprenante dans un couloir qui précède l'expo, d'une Tour Eiffel protégée, tel un monument du passé, et encastrée entre des gratte-ciels immenses. Première image saisissante, en préalable à un ensemble de croquis, illustrations, et autres planches de BD d'anticipation où auteurs, dessinateurs et architectes ont imaginé le Paris de demain, dans le futur. Où en est le Paris du XXIème siècle, quel est son avenir, comment va y évoluer l'organisation de l'espace, et donc de la manière des gens d'y cohabiter vivre ensemble ?

J'ai dégusté ce matin l'expo Revoir Paris, qui vient d'ouvrir à la Cité de l'Architecture, sise au Palais de Chaillot. Dans celle-ci, François Schuiten et Benoît Peeters donnent des visions, des esquisses du Paris de demain. Ils étaient parfaitement bien placés: amis d'enfance, le premier issu d'une famille d'architectes, passé par l'institut Saint-Luc à Bruxelles, touche-à-tout scénographe, auteur et encore (parfois) architecte ; le second écrivain et scénariste, et tous deux déjà auteurs de la monumentale saga BD rétrofuturiste Les cités obscures, où ils imaginaient déjà les villes au futur antérieur, comme Paris sous le nom de Pâhry... François Schuiten a par ailleurs conçu un des derniers succès architecturaux de Paris, la rénovation de la station de métro Arts et Métiers en 1994, véritable Nautilus souterrain avec ses parois en plaques de cuivre. Les planches préparatoires de la station de métro sont aussi exposées, comme s'il s'agissait là aussi d'un projet de littérature d'anticipation...

La Tour Triangle, projet (trop) futuriste ?

Cette exposition prend un certain relief avec l'actualité de cette semaine même, alors qu'un des projets architecturaux les plus osés - et futuristes - pour Paris, le projet de la tour Triangle, vient d'être retoqué pour des raisons surtout politiques (le Conseil de Paris a voté contre lundi 17 novembre), donnant ainsi l'image d'un pays frileux, à l'arrêt. Imaginez : il s'agissait d'un projet de gratte-ciel de 180 m de haut, qui devait s’élever Porte de Versailles, dès 2017.

"Il y a eu, bien sûr, le traumatisme de la tour Montparnasse inaugurée en 1973, mais aussi de "l'urbanisme sur dalle". On a voulu faire des quartiers où il n’y aurait pas de rues et où l’on construirait en hauteur, par exemple aux Olympiades (13e arrondissement), ou à Beaugrenelle (15e arrondissement). Ce fut un échec et les quartiers bâtis sont plutôt décevants", rappelle à juste titre l'architecte Christian de Portzamparc dans cette interview. "Nous avons besoin de repères visuels qui peuvent se remarquer de loin, depuis Créteil Val-de-Marne ou Le Bourget Seine-Saint-Denis, pour se dire que là-bas aussi nous faisons partie de Paris. Les perceptions physiques sont nécessaires. La tour marquera les contours du "ring", l'anneau périphérique, comme un lieu de transition entre la ville historique et la ville moderne".

Dans les années 60, en pleine effervescence économique, le premier projet de "gratte-ciel" (oui j'exagère ;) la Tour Montparnasse, vit le jour, alors que 4 gratte-ciel de forme trapézoïdale sont annoncés à Pleyel, rappelle l'expo.

L'expo s'inscrit aussi dans les projets (avortés ?) de Grand Paris, pour lequel les deux commissaires avaient conçu des illustrations en 2009, jusque là inédites, dévoilées dans cette expo.

Ici, ils ont eu l'idée d’articuler l'expo autour des planches de leur nouvelle BD prospective, Revoir Paris (ed. Casterman, 15 €), qui narre comment, au milieu du XXIIème, siècle, la jeune Kârinh, qui vit dans une lointaine colonie spatiale, qui rêve du Paris d'antan, va se voir confier pour mission d'aller explorer la Ville Lumière, ou du moins ses fragment tels que conservés...

Quelle cité du futur ?

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Les villes-tours vues par les frères Perret... (Crédit: Fonds Perret. CNAM/SIAF/CAPA/Archives d'architecture du Xxe siècle/Auguste Perret)

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...Et une des planches de Revoir Paris (Schuiten / Casterman)

Les esquisses et planches de la BD qui a donné son nom à l'expo sont donc au centre du parcours (au risque que cela donne à l'expo un petit goût d'auto-promo pour les deux commissaires ;), mais il ont eu intelligence de faire résonner leurs rêves de papier avec d'autres planches de BD, et d'autres projets architecturaux d'hier et de demain, de Perret, Horeau, Le Corbusier, parfois bluffants par leur audace, et la part de rêve d'alors... Après tout, le Paris de l'an 2000, on le rêvait déjà à l'époque de Jules Verne. Une manière de lancer des pistes, de poser les vraies questions sur ce que doit être une "grande" ville, qui transcende clivages et idées politiques.

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On découvre ainsi ces précieuses planches d'un des maîtres de l'anticipation, Jules Verne, Paris au XXe siècle, un de ses premiers romans, écrit en 1862, refusé par son éditeur, exhumé en 1989: il y imaginé le Paris des années 60 comme un immense port relié à la mer par un canal et dominé par le phare de Grenelle. Jules Verne y rêvait un Paris fait de lignes de métro suspendues et automatisées, de voitures silencieuses, et d'étranges machines. François Schuiten avait imaginé des illustrations pour ce livre, publié en édition de luxe (ed. Hachette) en 1995.

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Dans leur BD Revoir Paris, Schuiten et Peeters imaginent ainsi une ville que l'on parcourt en vaisseau, où les gratte-ciels immenses se sont enfin imposés : on y voie l'étrange évolution de la ville telle qu'ils l'imaginent, entre la Bibliothèque Nationale de France devenue à son tour un monument (elle est siglée "BNF 1995 - 2045), qui commence à être enserrée par des écorces d'arbres. Ou encore les quartiers centraux de Paris, tel le Quartier Latin, qui sont protégés par une sorte de globe sphérique en verre, dont les touristes peuvent encore admirer les toits depuis des vaisseaux. Un Paris aériens, ou d'immenses gratte-ciel surplombent la "veille ville", protégée par endroits par des globes en verre, que l'on contemple depuis des ponts en hauteur.

L'expo retrace aussi, de manière plus classique, l'évolution de Paris, les audaces architecturale qui l'ont façonnée dans le passé: avec pour réel point de départ le Paris bien réel du second Empire, transformé d'une main de fer par Haussmann, "éventreur de la capitale" qui a imposé ses boulevards, puis les transformations inséparables des cinq Expositions universelles, entre 1855 et 1900, avec la Tour Eiffel, le Petit Parlais et le Grand Palais qui voient le jour à cette occasion, les débuts de la "Ville Lumière" en 1900, lorsque l'électricité illumine les rives de la Seine et les façades des palais, les débuts du métropolitain...

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On s'aperçoit aussi que dans les années 60, en pleines Trente Glorieuses, les projets audacieux se multiplient pour Paris. 2000 paraît proche, dans une époque où "il existe de nouveaux matériaux, de nouveaux véhicules,; de nouvelles idées urbaines. On pense à des villes suspendues, mobiles ou démontables, des maisons en plastique et des voitures volantes", rappellent les commissaires de l'expo. Etrange rParis-Match consacre en 1976 une couv' au Paris du futur tel qu'il était alors vu.

Les commissaires de l'expo ont aussi déniché des projets d'architectes avant-gardistes, comme cette étude de Paris sous la Seine de Paul Maymont en 1962 : il imaginait une ville "cave et grenier de Paris" qui s'étendrait sur 12km sous la Seine (!), un axe de circulation permettant "l'irrigation de la capitale à où cela est impossible en surface, dans les quartiers historiques en particulier".

Il y a aussi ces esquisses des commissaires commandées en 2009 dans le cadre du projet de Grand Paris : cette esquisse futuriste de Schuiten, dans le cadre du projet de Grand Paris, d'"Evry-Orly-Rungis, La vallée des biotechnologies et l'université du corps", et du "Plateau de Saclay, Laboratoire des nouvelles technologies".

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Et ce projet du trio Jean Nouvel - Jean-Marie Duthilleul - Michel Cantat-Dupart, "Naissances et renaissances de mille et un bonheurs parisiens", dominé par quelques gratte-ciels...

lundi 20 octobre 2014

7 ans avec mon iPhone

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C'était le 27 novembre 2007: les premiers iPhone étaient mis en vente en France. J'ai eu la chance de pouvoir tester, ces premiers jours, un de ces étranges appareils "combinant un téléphone, un baladeur iPod et un terminal internet" (comme on disait à l'époque), sous Edge, et où on pouvait accéder à des contenus et services en effleurant du doigt des applications mobiles.

Quelques mois avant, Steve Jobs présentait l’iPhone à un parterre de journalistes médusés, laissant entendre qu’il allait présenter trois produits différents, un pour naviguer sur le web, un autre pour lire de la musique et un autre pour téléphoner, avant de préciser qu’il parlait bien d'un seul et même appareil : l’iPhone.

Bien sûr, en l'absence d'AppStore, cet iPhone "1" ne pouvait pas encore profiter des jeux ou des applications tierces, et arrivait juste avec les applications que Apple avait pré-installées dessus. Au fil des années, Apple a intégré à ses appareils la 3G, un GPS, une caméra, l'écran Rétina, un programme d'assistance à reconnaissance vocale (Siri), un lecteur d'empreintes digitales...

Mais ce qui est fascinant est que avec ce premier iPhone, il y a (seulement) 7 ans, j'ai découvert peu à peu des nouveaux usages, qui sont déjà entrés dans notre quotidien. Au point qu'on a du mal à se rappeler comment était notre vie "avant". Ca faisait quoi de pouvoir lire ses mails uniquement sur son PC ? C'est devenu tellement naturel. L'iPhone a façonné une multitude de nouveaux comportements. Lui, puis tous les smartphones suivants, ont rendu notre vie réellement numérique, à portée de main, dans notre poche, et plus seulement sur l'ordinateur posé sur le bureau.

Ecran tactile, apps, réseaux sociaux mobiles

L'iPhone était le premier appareil de geeks pour le quidam. Plus besoin de manuel, autant pour la phase de démarrage que pour son utilisation, tant il était intuitif, avec un design d'interface facile à utiliser et rassurant, et joli. L'Apple touch, comme sur les Mac.

Déjà, il y a eu l'écran tactile, grand, tout lisse, sans clavier, où on adresse des commandes non plus en appuyant sur des touches physiques, mais en l'effleurant. Plus de touches pour taper des SMS ou composer un numéro - touches que j'avais connues toute ma vie, du Minitel au PC - mais un "clavier virtuel" qui s'affichait en bas de mon écran. La révolution: en 2007, il n'y avait que quelques start-ups et Microsoft avec sa table tactile Surface qui testaient déjà ce nouveau mode d'interaction avec une machine. La commande tacite, prémisse à la commande gestuelle, puis vocale...

L'iPhone c'était aussi la naissance des applis mobiles, ces petites icônes qui permettaient d'accéder à un contenu ou un service en effleurant l'écran. C'est grâce à elles que l'iPhone est devenu un couteau suisse, avec une multitude de fonctions. Des applis bien plus ergonomiques et légères (y compris en consommation de datas) que les sites web pour mobiles: une aubaine pour tous les médias et marques qui se sont tous mis à créer furieusement leurs "apps" à partir de 2007. Et bien sûr, la pépite pour Apple, c'est son Appstore, et son diabolique système où il prélève une commission de 30% sur les apps payantes vendues.

Mais attention, on est peut-être cool mais (très) prudes chez Apple: pas question d'accepter des apps "pour adultes" dans son univers, comme l'a rappelé Steve Jobs en son temps...

Des applis, par ailleurs, à partir desquelles le mobinaute a pu, peu à peu, faire des m-paiements en ligne, donc directement depuis son smartphone, depuis ses billets de train sur Voyage-Sncf à des vêtements sur Vente-Privée.com.

Avec cet Appstore, la marque à la pomme a pu populariser son autre pépite: iTunes, et un mode d'achat dématérialisé de musique à l'unité, au morceau: des singles numériques en quelques sorte, facturés 99 centimes d'euro par morceau. Car si 'iPod l'avait lancé, c'est bien avec mon iPhone et son iPod intégré que j'ai encore plus pris l'habitude d'écouter - et d'acheter - de la musique directement depuis mon smartphone. Une facilité - là encore sans devoir allumer mon PC - qui m'encourageait à des achats compulsifs de titres et d'albums.

Bien avant les objets connectés, Apple a aussi inventé, avec ces apps, des trackers d'activité qui permettent de récolter une multitude de données sur nos comportements - et nous suivre à la trace. Les marques adorent. Au passage, "Ces apps sont une part de la gamme des trackers d'activité destinés à aider les gens à collecter des datas et informations sur leurs goûts et leurs vies, les analyser, et théoriquement, les changer", rappelle dans cet article le New York Times.

L'autre révolution de l'iPhone, c'est qu'il a rendu les réseaux sociaux mobiles. C'est lorsque Twitter est apparu en version mobile, et surtout avec des "clients" (des apps dédiées), tel Echofon, que l'utilisation de Twitter a explosé. Logique: on pouvait enfin tweeter, retweeter, lire son "fil" de tweets en temps réel - et en permanence. Facebook aussi a connu une seconde vie lorsqu'il a été transposé sur mobile.

Culture du zapping, déconcentration et phubbing

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Donc, l'iPhone a façonné une multitude de nouveaux usages, de nouveaux comportements dans notre quotidien. Il a créé le marché du smartphone, cet appareil sur lequel téléphoner est devenu secondaire: avant tout, on a pris l'habitude de surfer sur Internet, de meubler chaque temps d'attente. On s'occupe les mains et l'esprit, on se donne une attitude, comme avec la clope naguère. Regarder ses mails, surfer sur les sites d'actualités, jouer les stalkers à propos de ses connaissances sur Facebook, prendre le pouls de la vie sur Twitter, jouer bêtement au 2048... tout en écoutant de la musique. L'iPhone a généré une foule de micro-activités, qui permet à chacun de se créer sa bulle perso aussi bien dans la file d'attente de la Sécu que dans le métro.

Il a changé mon quotidien. Quand je me réveille - au son du réveil de mon iPhone, bien sûr - premier réflexe, avant de me lever, je regarde machinalement mes derniers mails, et je prends "un shoot de tweets", comme se moquait mon mec. De fait, comme le révélait une récente étude de l'institut Deloitte, 17% des mobinautes utilisent leur téléphone dès leur réveil, et même 27% dans les 15 minutes qui suivent.

Il a changé ma vie (pour le meilleur?) avec une multitude de petits services révolutionnaires, au gré des apps que j'ai téléchargées, depuis mes débuts avec lui: Google Maps pour me repérer dans la rue avant mes rendez-vous, Shazam pour "shazamer" (identifier) un titre de musique en cours de lecture... J'ai pris l'habitude d'être joignable en permanence par appels vocaux, SMS, mails, tweets et notifications diverses.

Mais depuis que j'ai vu, en début d'année, le brillant exercice d'anticipation de Spike Jonze, "Her", où un écrivain esseulé tombe amoureux de son assistant vocal intelligent, je me rends davantage compte de la manière dont j'utilise mon téléphone.

En petit-déjeunant, en regardant la télé, et même en discutant, ou en prenant un verre, j'en viens à le sortir machinalement, et caresser ce nouveau doudou, au risque de faire preuve d'une nouvelle impolitesse de notre ère numérique, le "phubbing", comme j'en parlais ici (je suis d'ailleurs ravie d'avoir inspiré ma consœur du Nouvel Obs ;). Je suis aussi souvent distraite par les multiples vibrations et pings venus de mon iPhone : la faute aux apps dont j'ai activé les systèmes d'alertes: alertes médias, "pings" de notifications de mon nom dans des posts Facebook ou tweets, sans compter les SMS.

Parfois, je sature. Je sens le besoin urgent de déconnecter, alors qu'être injoignable est devenu un luxe, dont pour la nouvelle caste des "déconnectés volontaires". Le smartphone a créé une nouvelle forme de zapping, où on lit des articles plutôt court (adaptés à l'écran du smartphone), et on passe d'appli en sites différents. Encore plus au gré des liens que l'on butine sur les réseaux sociaux. Depuis que je suis utilisatrice (très) régulière de mon smartphone, spontanément, je ferais moins l'"effort" de lire des articles longs ou des livres d'une traite. La concentration sur un temps long n'est plus habituelle, déjà à cause de Google, comme le soulignait déjà en 2008 Nicholas Carr dans son article Is Google Making Us Stupid?

Comme dans "Her", dans les transports en commun, je vois une multitude de gens seuls avec leur smartphone, dont ils fixent l'écran en le "scrollant" (le faisant défiler) à toute vitesse, ou semblent parler tous seuls d'un ton enjoué: souvent parce qu'ils téléphonent avec le mini-casque audio intégré, parfois parce qu'ils utilisent l'assistant vocal Siri. Comme le démontre le New York Times, le smartphone (et les réseaux sociaux), des outils de communication, ont accentué la solitude de leurs utilisateurs.

dimanche 12 octobre 2014

Faut-il enseigner le code - et les "humanités numériques" - à l'école ?

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Et si on créait une nouvelle filière au lycée, clôturée par un baccalauréat général, baptisé "Humanités numériques" ? C'est La proposition la plus rentre-dedans du Conseil national du numérique (CNN), dans son rapport sur l'école de demain, avec à la clé 40 mesures "pour bâtir une école créative et juste dans un monde numérique", un mois après l'annonce par François Hollande d'un "grand plan numérique pour l'école", qu'il a promis pour la rentrée 2016.

Cela ne vous aura pas échappé : depuis quelques mois, le débat quant à l'enseignement du code informatique dès l'école, entre nouvelle écriture à part entière ou simple élément de culture informatique, fait rage. Même en entreprises, de Orange à La Poste, ou en agences de pub, on commence à monter ateliers et formations pour marketeux, cadres sup', voire membres du ComEx', au moins pour les sensibiliser au code, ce code-source qui est la colonne vertébrale de tout site, logiciel ou appli mobile. Même Frédéric Bardeau, fondateur passionné de Simplon.co, qui "ouvre les chakras numériques" (la formule est de lui ;) à des ComEx de grosses entreprises, a remarqué l'entrée en trombe des cours de code dans les grosses firmes.

Justement, cette semaine, nous y avons consacré une enquête (qui est encore en accès abonnés à l'heure où je publie ce billet) dans le dernier numéro de Stratégies, dans le cadre de laquelle j'avais eu la chance de me plonger en avant-première du fameux rapport du CNN (baptisé "Jules Ferry 3.0", consultable ici), que Sophie Pène, qui a planché dessus depuis plusieurs mois, m'a commenté. Il m'a semblé intéressant d'y revenir plus longuement ici, tant le sujet est passionnant.

Bac "Humanités numériques"

Quelles nouvelles briques apparaîtront dans l'enseignement scolaires ce prochaines années et décennies ? Quels seront les prochains "fondamentaux", les connaissances indispensables dans le futur ? Et donc le CNN propose l'introduction d'un nouveau cursus menant au bac général, baptisé "humanités numériques" (HN), au côté des filières scientifique (S), littéraire (L), et économique et sociale (ES). "Ce nouveau bac s'inscrirait dans son époque (...) au croisement des sciences, lettres, et sciences humaines et sociales, en décloisonnant ces champs du savoir.Il refléterait l'aventure de la jeunesse et revitaliserait les études secondaires avec la création numérique, le design, mais aussi la découverte des big data, de la datavisualisation, des métiers informatiques et créatifs", précise-t-il.

Le CNN propose d'abord une première expérimentation rapide en terminale, qui délivrerait un "double bac", associant la voie HN avec l'une des trois formations classiques, et la création d'"un diplôme national reconnu par tous".

Le sujet épineux des cours de code à l'école et au collège

Autre grand chantier (sensible) qu'il aborde de plein-pied, l'apprentissage de l'informatique, tout au long de la scolarité. Il recommande, pour l'école primaire, d'enseigner "les rudiments de la pensée informatique en mode connecté ou pas, en s’appuyant dans une première phase sur le temps périscolaire". Là, en la matière, comme me l'avait avoué Sophie Pène, le CNN ne se mouille pas trop, après les annonces prématurées et les couacs de l'ex-ministre de l'Education nationale, Benoît Hamon. Encore faudra-t-il trouver les compétences pour initier les enfants au code - notamment sur les temps périscolaires. Pour l'instant, ce sont des parents et développeurs passionnés qui animent, sur leur temps libre, les weekends, les fameux coding gouters, qui font florès totalement hors du circuit scolaire.

Au collège, le CNN propose d'introduire "dans une première phase une année centrée autour de l’apprentissage de la programmation en collège sur le temps alloué à la technologie" (ah, le fameux cours de technos où on passait des heures à monter des circuits électroniques...). Puis au lycée, il propose la généralisation dans toutes les filières de l'option "Informatique et science du numérique", dont seuls les lycéens de la série S ont pour l'instant le privilège.

Question : qui enseignera dans cette nouvelle filière ?Le CNN tranche en proposant carrément la création d'un CAPES et d'une Agrégation d’informatique, car "la condition est la formation d’un corps d’enseignants en informatique".

Les "Humanités numériques" de demain

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Pour quels enseignements ? Quelles seront les "humanités numériques" à maîtriser demain ? Dans la lignée des "humanités", depuis la littérature et les langues anciennes enseignées à la Renaissance, que devait maîtriser l'"honnête homme" au XVIIème siècle, un nouveau corpus de savoirs s'esquisse pour l'avenir. Le CNN en donne quelques pistes :

"Il est ici question d’enseigner la pensée informatique pour mieux comprendre le monde numérique qui nous entoure et être pleinement un citoyen actif dans la société. Il s’agit aussi d’envisager l’enseignement de l’informatique comme une opportunité pour introduire de nouveaux modes d’apprentissage à travers des expériences, en mode projet, par essai-erreur". On imagine ici le potentiel de tels nouveaux modes d'enseignement, pour la vie, comme le mode essai-erreur, où l'on apprend de ses erreurs pour mieux rebondir (y compris dans la vie active, et quand on crée sa boîte, avec l'"art de l'échec entrepreneurial")

Autre recommandation intéressante, "Apprendre et permettre aux élèves de publier (au sens de rendre public sur le Web) et diffuser": ce qui passerait par des expériences de publications, notamment, sur des blogs et des sites Web, mais aussi, encore mieux, de'' "Former les élèves à l’usage des licences ouvertes (de type Creative Commons) et aux décisions éditoriales qu’elles impliquent (réutilisation, partage, circulation) et en regard à réfléchir aux usages de documents sous régime de propriété exclusive"''.

Plus loin, le CNN définit la "littératie numérique", en l’occurrence "des savoirs, des compétences mais aussi des méthodes qui font qu’un individu peut être acteur de sa vie dans une société numérique".

Il s’agit avant tout d’initier à la "pensée informatique" qui est indispensable pour :

• Comprendre de nombreux objets de la vie quotidienne (comme un téléphone, une transaction bancaire, ou la logistique d’un aéropor t) mais aussi toutes sortes de phénomènes des sciences du vivant, de l’économie, de l'urbanisme, du climat...

• Se préparer aux métiers de demain, qu'il s'agisse de ceux des entreprises du numérique ou des secteurs de pointe, ou des autres, même les moins techniques, qui sont ou seront transformés par l'informatique.

• Ne pas subir passivement, en tant qu'utilisateur, usager ou consommateur, les décisions d’un "programme" ou d’un "système informatique" sans être capable de les comprendre, de les contester ou les discuter, voire de les modifier.

• Etre en mesure de décoder, en tant que citoyens, les jeux de pouvoir à l'œuvre dans la société numérique, de préserver sa vie privée et son autonomie, de prendre part à des décisions collectives qui mobiliseront de plus en plus de données et de calculs.

C'est là le cœur du sujet, même si les propositions peuvent sembler théoriques. C'est en sachant lire et écrire le code informatique que l'internaute-citoyen de demain pourra comprendre l'architecture d'un site, d'un jeu vidéo. En allant plus loin, ce qui est esquissé dans la dernière ligne, on pourrait même imaginer pour les ados des ateliers ou réflexions sur l'usage des réseaux sociaux, et comment maîtriser son réputation numérique. Mais est-ce là le rôle du collège ou des parents ? Vaste débat.

mardi 26 août 2014

Hype Cycle 2014: c'est officiel, l'Internet des objets est la technologie la plus "type"

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Une fois n'est pas coutume, je me suis penchée en cette rentrée sur ce qui est devenu un des marronniers de ce blog ;), le Hype cycle pour les technologies émergentes de l'institut Gartner, cette fameuse courbe accompagnée d'une étude en accès libre. Elle a pour avantage de saisir, en un coup d’œil, les innovations de rupture d'aujourd'hui et de demain, et surtout, leur degré d'adoption par le grand public et les industries.

Or c'est une consécration. Cette année, dans la dernière édition de son Hype cycle pour les technologies émergentes, l'institut Gartner distingue l'Internet des objets ("Internet of things") au sommet, de ce qu'il appelle "peak of inflated expectations". Il remplace ainsi le Big data, placé au top dans la courbe de Gartner de l'an dernier, mais rétrogradé cette année au niveau de "trough of disillusionment". En 2012 et en 2013, les analystes de l'Institut pensaient pourtant que l'Internet des objets mettrait plus de 10 ans à atteindre le "plateau of productivity", mais ils lui donnent cette année 5 à 10 ans pour atteindre ce niveau de maturité. Tout comme des innovations distinguées encore l'an dernier, telles la gamification, la réalité augmentée, le Machine-to-Machine, et le NFC, se trouvent dégradées.

Pour mémoire, Gartner a adopté une méthodologie où sa courbe de l'innovation est découpée en 5 étapes-clés, par niveaux d'attente : cela va des technologies naissantes ("technology trigger") à la phase d'industrialisation et d'adoption par le grand public ("Plateau of productivity" ), en passant par le trou d'air inévitable ("Trough of disillusionment"). A partir de l'analyse de services, technologies et disciplines qui ont le plus changé entre 2013 et 2014, Gartner les a positionnés sur le Hype cycle.

Pas vraiment surprenant que Gartner distingue l'Internet des objets, ainsi que cette nouvelle génération d'objets connectés greffés au corps ("Wereable user interfaces"), eux aussi placés au sommet, tant les objets connectés se sont imposés de manière accélérée: chez les constructeurs, de Samsung à Apple, des start-ups en vue telles que Withings, l'industrie du sport (de Nike à Adidas). Cela fait plus d'un an que l'on parle des segments de marché conquis par les objets connectés, entre la santé, la domotique, le sport... Pour preuve, les ambitions déployées en la matière par Samsung, Apple et Google, plus encore ces derniers mois: ils commencent à développer des écosystèmes dédiés, voire des nouvelles générations d'Appstores. D'ailleurs, Gartner cite le ''quantified self'' parmi les technologies naissantes. A coup sûr, cela va changer notre quotidien, où l'électronique, le quantified self (cette automesure constante de soi) seront omniprésents, comme je le racontais dans ce récit d'anticipation.

Machines autonomes

Dans les innovations de demain, en phase "Innovation trigger", Gartner distingue les assistants virtuels personnels (à leurs tous débuts), les technologies de questions-réponses en langage naturel ("Natural-language question answering"), ou encore les services de "speech to speech translation", soit des nouveaux logiciels de reconnaissance de la voix, de traduction et de conversion du texte au discours (en plusieurs langues). Un ensemble de services qui font partie d'un même écosystème, à mon avis, basé sur des assistants vocaux intelligents: une nouvelle génération d'OS mobiles, déjà incarné par Siri sur l'iPhone, que Spike Jonze a très bien cerné dans son film d'anticipation Her, comme j'en parlais ici.. Gartner rattache cela à une étape ultime de l'innovation, encore plus passionnante et vertigineuse, celle de technologies autonomes, définies par "la capacité d'une entreprise à développer ses technologies pour qu'elles fournissent des capacités se rapprochant de celles de l'homme". Il cite aussi en ce sens les Biochips, les Smart robots, ou encore l'humain augmenté.

Certaines des innovations qui ont atteint l'étape Plateau of productivity (phase d'industrialisation et début d'adoption par le grand public) sont dans la même veine : le pilotage des machines par le geste (gesture control), qui permet de zapper d’une chaîne à l’autre ou faire glisser un contenu de son smartphone à son téléviseur d’un geste, et la reconnaissance par une machine de la voix (speech recognition).

jeudi 31 juillet 2014

Tokyo / Kyoto / Koya-San / Osaka : Choses vues au Japon

Quand la tradition côtoie la modernité: femme en kimono dans les rues de Tokyo / Crédits photos: Miscellanees.net

Alors voilà, je ne suis pas coutumière d'offrir sur ce blog d'offrir mes récits de voyage. Mais quand même. Je suis allée ce printemps au Japon, (évidemment) grand choc culturel, avec ce pays où l'ultra modernité côtoie la tradition, l'intemporel. Ce que l'on voie avec cette photo prise dans le centre-ville de Tokyo, un dimanche midi, sous une chaleur déjà étouffante, avec cette femme en kimono traditionnel et en soques, qui se mêlait dans la foule.

Les technologies et la tradition s'entremêlent, alors que le Japon fut, à l'orée des années 80, un des principaux rivaux des Etats-Unis les fondus de SciFi penseront comme moi à Blade Runner, tourné en grand partie à Tokyo, Osaka et Los Angeles.. Alors qu'en 1984, le Japon était vu comme un concurrent des US, avec des géants émergents tels que Sony et Panasonic). Le Japon est intrinsèquement lié à l'innovation technologique, il a donc toute sa place sur ce blog ;) Et ce billet trouvera sa place dans l'évasion estivale du moment... Bel été et bonnes vacances si vous en prenez !



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Et il devient parfaitement naturel de voir de jeunes couples en tenue traditionnelle dans les temples de Kyoto.



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De l'omniprésence des écrans au Japon: écrans publicitaires dans le métro de Tokyo.



Le grouillant quartier de Shimbashi (Tokyo) la nuit - un petit air de Times Square new-yorkais



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...Et le bohème quartier d'Osaka.



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Tokyo pratique les wagons de métros "Women only", réservés aux femmes pendant les heures de pointe.



Vu dans un centre commercial à Tokyo, des vêtements pour petites filles - de l'influence des mangas...



La licence My little pony, lancée par Hasbro, fonctionne encore à plein.



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Une de ces salles d'arcade, où beaucoup d'employés et lycéens viennent jouer à des jeux vidéos des heures durant...



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Vue dans une galerie marchande de Tokyo, une déclinaison inattendue de la licence Lego... Dans l'univers de ces cours du soir (Afterschool programs) où les petits Japonais sont envoyés dès leur plus jeune âge, pour intégrer les meilleures universités.



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Au cœur de Tokyo, un des premiers Elle Café du monde, où on trouve livres de recettes et accessoires de cuisine (brandés Elle, bien sûr) en attendant le prochain à Paris. au Japon, tout ce qui est (même vaguement) estampillé français est so chic.



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Un aperçu de la presse girly pour ados (où j'ai aperçu le Grazia japonais), avec même des cours de "maintien" pour marcher avec des talons !



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Vu dans un cimetière de l'Oku-no-in, près de l'ensemble monastique sacré du Koya-San, une sépulture familiale sponsorisée par Panasonic. Etonnant, non? Dans ce pays où les pratiques religieuses bouddhistes et shinto imprégnées d'un fort animisme demeurent omniprésentes, certaines marques s'invitent donc parfois dans les cimetières, et sponsorisent des sépultures.

lundi 21 juillet 2014

Bientôt une clause "réseaux sociaux" dans les contrats de mariage ?

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Imaginez, une clause "réseaux sociaux" stipulée noir sur blanc dans votre contrat de mariage, qui nous rappelle que oui, la vie numérique fait désormais bien partie de notre vie tout court. Donc, nos usages des réseaux sociaux pourraient bientôt être encadrés juridiquement - et votre cher(e) et tendre pourrait bientôt avoir son mot à dire en la matière. Ce qui donne, au passage, un joli coup de vieux au mythique film Quatre mariages et un enterrement (20 ans, déjà...), qui se devait pourtant d'illustrer ce billet nuptial.

Même durant les moments les plus romantiques ou personnels, les smartphones sont devenus omniprésents, pour capter, filmer, photographier, puis partager en temps réel des "moments" (c'est ainsi que l'iPhone qualifie désormais, par défaut, vos albums photos). On rit, on se moque, on s'indigne, en quelques clics et effleurements d'écran. Rien de plus facile. Au risque de partager un peu trop vite des moments intimes sur la Toile. Ou de les utiliser à mauvais escient, dans la douleur d'une rupture.

"Social media prenuptial agreement"

Même dans ce domaine, la judiciarisation se développe. Aux Etats-Unis, on voit ainsi apparaître les premières clauses "réseau social" dans les contrats de mariages, soulignait récemment ABCNews. Une clause très carrée, juridique, destinée à encadrer les différents aléas liés au divorce, aux côtés des volets séparation des biens, infidélité, ou garde partagée des enfants. Le “social media prenup” , un document écrit ou une simple conversation, fixe donc ce qui est acceptable de partager en ligne à propos de l'un et l'autre. Ann-Margaret Carrozza, une avocate new-yorkaise citée par ABC News, a ainsi vu ce type de clause apparaître ces derniers mois, et affirme en rédiger cinq par semaine.

L’ambiguïté étant que ces clauses prévoient à priori tout ce qui est susceptible de nuire à la réputation professionnelle du conjoint, de l'embarrasser, de salir son e-réputation, et donc faire l'objet de poursuites. Une sorte de principe de précaution appliqué aux réseaux sociaux, alors même qu'une séparation n'est nullement envisagée.

Après tout, la judiciarisation commence à toucher aussi le "revenge porn" ces photos compromettantes pour se venger, aux US, et même en France, où la première condamnation a eu lieu.

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Didido, théorie des jeux amoureux sur Facebook

L'idée ? Protéger la e-réputation des conjoints : photos peu avantageuses, détails croustillants sur la vie commune passée, post vengeur ou même simples manifestations de désespoir et autres émotions ne pourront être partagées sur Facebook et Tswitter. Seul le "No comment" sera autorisé. Une notion politiquement correcte très américaine, à l'image du très marketé neutre statut de «conscious uncoupling» partagé en ligne par l'actrice Gwyneth Paltrow et Chris Martin lors de leur divorce, ce printemps.

Lors du divorce, «chaque partie accepte de ne pas poster, tweeter ou d’aucune manière partager sur les réseaux sociaux des images ou tout contenu positif, négatif, insultant, embarrassant ou flatteur sur l’autre» . Bref, les photos, posts et vidéos des enfants et d'une vie familiale idéalisée quand tout va bien sont autorisés (quand bien même ils sont parfois bien impudiques...), mais pas question de régler ses comptes par des insultes et photos compromettantes en public. Car les réseaux sociaux (Facebook en premier lieu, qui compte au moins 26 millions d'utilisateurs actifs en France, mais aussi Twitter, Instagram, voire les blogs, etc) sont devenus le nouvel espace public virtuel, la nouvelle place du village.

Si l'un des deux craque, l’amende prévue peut aller jusqu’à «50 000 dollars (par post ou par tweet) si l’on poste une photo peu flatteuse de son épouse», précise Ann-Margaret Carrozza. Alors que des études démontrent - ça tombe bien - un lien entre procédures de divorce et utilisation de Facebook. Une étude britannique démontrait ainsi récemment que 33% des procédures comportaient le terme "Facebook". Du grain à moudre à venir pour les avocats spécialisés en divorce.

jeudi 19 juin 2014

Et maintenant, voici la Barbie entrepreneur

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Elle a toujours cette chevelure blonde, ces yeux bleus un peu démesurés, ses mensurations irréelles, et une robe rose fuchsia (forcément). Mais aussi une mallette de travail avec son insigne, un smartphone qui ressemble furieusement à un iPhone, et une tablette. Voici donc Barbie Entrepreneur, en vente sur Amazon.com à partir d'aujourd'hui, et dans les magasins de jouets à partir de cet été, comme le rapportait ''Wired'' hier. En cet été 2014, quelques décennies après la création de sa première mythique poupée blonde (en 1959 très exactement), Mattel a donc eu la brillante idée de sortir la première Barbie créatrice d'entreprise - et même de start-up. Un métier aspirationnel de demain pour les petites filles ?

Il était temps. Après les multiples Barbies - stéréotypes qui étaient censés faire rêver les petites filles (danseuses, infirmières, coiffeuses, mannequins, hôtesses de l'air, et j'en passe), Mattel met enfin en scène Barbie dans un des univers glamours de demain, the place to be, la Silicon Valley. Ne soyons pas injustes: petite, ma première Barbie fut une Barbie business woman - grâce à la sagacité de ma mère.

Ces dernières années, il y a eu, heureusement, déjà des évolutions: avec les premières Barbie paléontologue, ingénieur en informatique (j'en parlais déjà dans ce billet - sur ce blog que j'avais ouvert - en février 2010), et même candidate aux Présidentielles.

Working girl tech, campagne 2.0

Là, ce qui est nouveau, pour ces Working girls version tech, est que Mattel a travaillé sur ce projet avec 8 femmes entrepreneurs, les "Barbie CIOs" (Chief Inspirational Officers), dont Reshma Saujani, fondatrice de Girls Who Code, comme l'explique Wired. Leur objectif: casser auprès des petites filles l'image des hommes développeurs et codeurs, et casser les stéréotypes de genres beaucoup trop marqués dans les jouets pour enfants, qui semblent prédéterminer quels métiers - et quels jeux - conviennent à tel ou tel sexe. Ces working girls contemporaines sont même déclinées en plusieurs ethnies.

Il y a même ce slogan sur mesure, un peu slogan "de la gagne" version années 2010,"If you can dream it, you can be it". Ces 8 entrepreneuses font aussi du mentoring, proposant des astuces aux petites filles sur un portail en ligne. Un débat a été lancé sur Twitter, à partir du hashtag #BarbieChat. La campagne pour ces poupées tellement modernes est relayée sur LinkedIn, et sur un billboard à Times Square, avec pour hashtag #unapologetic ("Sans excuses").

Les "gender messages", et tout le débat sur le mode d'éducation des petites filles, s'est intensifié ces dernières années. L'an dernier encore avec le débat - orchestré par des ultras réacs - dans le milieu scolaire, avec pour point de départ la diffusion dans des écoles de l'excellent film Tomboy de Céline Sciamma. Mais aussi dans l'industrie des jouets pour enfants, où les frontières de genres semblent se brouiller plus qu'avant.

Legos astronautes, chimistes...

Autre initiative qui prouve que les choses bougent dans les jouets pour petites filles, début juin, Lego lançait lui aussi quelques figurines de femmes scientifiques. A savoir une femme astronaute avec un téléscope, une chimiste dans son laboratoire, ou encore une paléontologiste avec son squelette de dinosaure, comme le révélait Mashable.

Le Dr. Ellen Kooiljman avait soumis son idée sur le site Lego Ideas mi-2013, où elle a rapidement attiré 10 000 supporters. Sur cette plateforme, les fans peuvent soumettre lerus idées de Lego, qui auront une chance d'être produits, l'inventeur du set recevant ensuite 1% des royalties des ventes réalisées. "Bien que Lego ait commencé récemment à designer et ajouter des figures féminines dans ses sets, elle sont toujours minoritaires. J'ai conçu des figurines de femmes professionnelles qui peuvent aussi montrer que les femmes peuvent devenir ce qu'elles veulent être, dont astronaute et paléontologue", écrit-elle.

Pour mémoire, en janvier 2012, Lego avait été au centre d'une polémique sur les jouets pour enfants trop stéréotypés, lorsqu’il avait lancé sa gamme pour petites filles Lego Friends. Lego, jusque là comme Playmobil une des marques emblématiques de jouets non-genrés (en clair, mixtes), ouvrait alors une brèche. En montrant des figurines dans des épiceries, bars à jus de fruits et salons d'esthétique.

lundi 9 juin 2014

"Stop phubbing", nouvelle règle de vie sociale avec son smartphone

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Après la "nomophobie", le ''"phubbing"''. Alors que le téléphone portable, puis plus encore le smartphone, est devenu central dans nos vies ultra connectées, de nouveaux comportements apparaissent. Et un nouveau champ lexical pour les cerner. Logique. Commençons ce billet par une petite lapalissade : alors qu'au moins la moitié des Français possèdent un smartphone, celui-ci est devenu à la fois doudou, couteau suisse, objet transactionnel, et parfait passe-temps durant le moindre temps d'attente, d'ennui ou de pause.

Voici donc le phubbing, contraction de "snubbing" (ignorer, snober) et "phone" (téléphone). Le phubbing désigne ce nouveau type d'attitude crispant de tout quidam qui a un smartphone en main, qui consiste à ignorer (pas forcément sciemment) son interlocuteur, trop occupé à tapoter sur l'écran de son téléphone portable. Pour mettre à jour son statut Facebook poster un tweet, envoyer un SMS, quitte à vous lâcher un pauvre "Je dois envoyer ce mail urgent". Sans compter bien sûr, au resto, celui qui dégaine son iPhone devant son plat à portée de fourchette pour immortaliser le dîner tant attendu, prend sa photo, la aussitôt sur Instagram. Et en profite pour "checker" au passage les "likes" de son post précédent.

Le terme désigne donc un nouveau type de comportement "qui dénote une mauvaise éducation et un manque de respect", souligne à juste titre ce billet. D'ailleurs, le phubbing a son monument, immortalisé dans le bronze par le sculpteur Paul Day à la gare Saint-Pancras, à Londres. Et un site, Stopphubbing.com, est consacré à la lutte contre le phubbing : il a été créé par Alex Haugh, un Australien de 23 ans qui a lancé une véritable campagne : nulle technophobie de sa part, mais il y dénonce des comportements grossiers de prisonniers de la technologie. Une manière de créer et formaliser de nouvelles règles de vie sociale, de nouveaux comportements de politesse - à défaut de pouvoir effacer le smartphone de notre quotidien.

No phubbing, no Instagram

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Récemment, un ado me racontait une pratique en vogue chez les lycéens : au bistrot, chacun met ostensiblement son portable au centre de la table. Le premier qui craque paye la facture pour tous. Un jeu autant qu'une nouvelle règle de vie sociale : la trêve des tweets et SMS le temps de partager un verre IRL..

D’ailleurs, la marque de bières Guinness a su rebondir sur le phénomène, en fournissant cette affiche publicitaire aux patrons d’établissements publics, qui annonce : "Profitez de manière responsable. Éteignez vos portables, s’il vous plaît".

Toujours dans ces nouvelles règles de politesse - instants de déconnexion imposés donc - certains restaurateurs, tel le chef étoilé étoilé Alexandre Gauthier, commencent à apposer des affiches avec un mobile barré, interdisant d'"instagrammer" (c'est joli, hein ;) leurs plats.

Le phubbing s'inscrit dans la lignée de la notion de nomophonie, une véritable pathologie, une phobie propre à l'ère numérique, la peur absolue d'être séparé de son téléphone mobile. Qui n'a pas fait demi-tour le matin, quitte à se mettre en retard en allant au boulot, parce qu'il avait oublié son portable chez lui ? Le mot, bricolé à partir de la contraction d'une expression anglaise ("no mobile-phone phobia") a en fait été inventé en 2008, lors d'une étude menée par la UK Post Office qui accrédita YouGov, une organisation de recherche basée au Royaume-Uni, pour observer les angoisses subies par les utilisateurs de téléphones mobiles. Mais l'expression a commencé à faire florès en France il y a 2-3 ans, au moment où ces comportements étaient devenus réalité.

Etre connecté en permanence, la norme

Ce que l'on peut associer avec le Fomo ("Fear of missing out"), cette "peur de louper quelque chose", inhérente au smartphone, où l'on a pris l'habitude de consulter plusieurs fois par jour Twitter et Facebook. Ou plus précisément notre "timeline" Facebook et notre "fil" Twitter - là encore un nouveau vocable, qui montre que ces réseaux sociaux se sont imposés - plus encore avec Twitter - comme de véritables fils d’informations, nourris en contenu par les commentaires, photos, et autres contenus, postés au fil du temps.

Alors que paradoxalement nos sommes pieds et poings liés à nos smartphones, nous téléphonons pourtant de moins en moins. Certes, les jeunes sont précurseurs, mais les adultes ont suivi : le smartphone sert plus à tchater, envoyer des SMS, qu'à... téléphoner. Une étude TNS Sofres sur les adolescents et l’usage du téléphone mobile, citée par Slate, révèle ainsi que ces derniers étaient près des deux tiers en 2009 à textoter tous les jours, mais seulement 39% à appeler tous les jours.

En fait, la déconnexion volontaire est un luxe, comme l'ont relevé certaines études : seuls certains professions et CSP peuvent s'autoriser à être déconnectées, injoignables par leur employeur. Mais dans la vie sociale - et la vie tout court - être connecté en permanence est devenu une telle norme que l'on voit donc émerger de nouveaux codes sociaux, des rituels, des règles de politesse imposant des instants sans connexion. C'est déjà le cas avec les smartphones. Imaginez ce que ce sera par la suite avec les objets connectés toujours plus omniprésents, entre smartwatches et Google glasses.

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