lundi 17 octobre 2011

Presse papier de luxe; Steve Jobs (bientôt) le bioptic; Apple par Ray Bradbury; Wikipedia.it c'est fini, RIP Göksin

Sélection non exhaustive de liens glanés sur la Toile, sur Twitterland, en nouveaux media, pratiques journalistiques, innovations...

  • Les quotidiens muteront vers Internet et ne garderont une version papier "que certains jours", voire une fois par semaine, pour s'adapter à des lecteurs hyperconnectés qui n'ont "plus le temps de lire un quotidien tous les jours", estime Jean-Marie Charon (JDD), en réaction à l'arrêt de la diffusion papier de France-Soir.
  • En étrange écho, cette annonce aux US, où Condé Nast s'associe à HP pour proposer aux lecteurs d'imprimer leurs magazines sur leur imprimante.
  • Le guide de participation des journalistes AFP aux réseaux sociaux : un précédent qui pose question, réponse "à une demande des journalistes" d'après la directrice adjointe de l'information.
  • Un hommage à Göksin Sipahioglu, fondateur de l'agence photo Sipa, s'est éteint mercredi 5 octobre. Son agence, incarnation du photojournalisme à l'ancienne, était en difficultés depuis un certain temps, dans un secteur en mutation, comme l'a reflété l'édition de Visa pour l'image de cette année.
  • Dans cette interview à L'Expansion, Jean-Louis Gassée, ancien dirigeant d'Apple de 1981 à 1990, raconte que "Steve Jobs" avait demandé à Ray Bradbury d'écrire un poème pour Apple. Je m'en souviens encore. Il se terminait par "Hey, les trouillards, de quoi avez-vous peur ?" . RIP Steve Jobs, mais outre sa biographie autorisée et la vague de fast books attendus, Hollywood devrait sortir son bioptic: Sony a acquis les droits de sa future biographie pour en tirer un film.
  • La loi italienne s'apprête à tuer toute critique exprimée en ligne: l'exemple de Wikipedia.it.
  • Mme vs Mlle. Comment le "Mademoiselle" est devenu ringard aux Etats-Unis et au Québec, décrypte Slate.fr. A contrario, Grazia a réalisé un sondage révélateur, où beaucoup des sondées considèrent le débat sur le Mlle/Mme secondaire.
  • Minority Report & Precrime ? Homeland Security testing FAST, designed to flag criminal intent before a crime happens (Wired).

Les annonceurs (et les diffuseurs) sommés de baisser le son à la télé

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Une victoire pour les antipub ? En tous cas, un coup dur pour les annonceurs. Après trois ans (!) de négociations avec les associations de consommateurs et structures représentant les annonceurs, le CSA vient de publier un avis loin d'être anodin, qui somme les chaînes de télévision de baisser durant les pubs TV. Ou plus exactement, d'aligner leur volume sur celui des programmes TV.

Cela ne vous aura pas échappé, à chaque intermède publicitaire, le volume de votre téléviseur augmente brutalement. Logique, la loi interdisait pourtant aux annonceurs (et aux diffuseurs...) que le volume sonore des pubs dépasse celui des programmes TV. Seulement voilà, les annonceurs avaient tôt fait de contourner cette obligation: "notamment depuis l'avènement du numérique et l'utilisation, par les publicitaires, de la technologie dite de la " compression ". Empruntée à l'industrie musicale, elle permet de gonfler l'intensité sonore sans pour autant augmenter le volume", apprend-t-on dans cet article du Monde.

Là, le CSA a donc décidé de mettre les choses au clair dans cet avis. Bon, pas d'affolement pour les annonceurs, ces mesures prendront effet trèèès progressivement. Les chaînes et annonceurs devront baisser le son à partir du 1er janvier 2012. Ce n'est qu'à partir de 2013 qu'ils seront soumis à cet impératif, que le "son publicitaire" ne dépasse plus celui des autres programmes. Mais mine de rien, d'ici là, les annonceurs devront adapter leurs pubs à cette nouvelle donne, et... réenregistrer les sons de leurs anciens spots.

Au passage, les chaînes sont aussi concernées - même si elles ont semblé se défausser du côté des annonceurs, par leur rôle de diffuseur, elles seront au moins responsables d'un point de vue technique. D'ailleurs, dès le 19 décembre, le son devra être homogène entre les chaînes. Du boulot en perspective pour celles-ci, qui vont devoir reprendre le calibrage sonore de tous les programmes,

dimanche 9 octobre 2011

Dalibor Frioux imagine l'ère de l'après-pétrole

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Les premières pages sont brutes de décoffrage. Dans un long prologue très cinématographique, il plante le décor: une série d'attentats au port de Rotterdam, dans le Golfe, aux héliports de Sao Paulo, aux centres commerciaux de Shanghai. Durant 450 pages, dans un récit dense et complexe, Dalibor Frioux nous raconte une Norvège au milieu du XXIème siècle, et nous dresse le portrait de l'ère de l'après-pétrole. Un livre paru peu après le massacre d’Utoeya, qui remettait en cause l'image de pays de Cocagne de la Norvège. Un contrechoc d'actualité qui n’apportait que plus de gravité au récit de Frioux.

C'est un des romans les plus remarqués en cette rentrée littéraire, en lice pour les Prix Médicis et Renaudot. J'en au la chance de rencontrer récemment son auteur, Dalibor Frioux, 42 ans, discret professeur de philosophie, qui signe là son premier roman, et renouvelle le genre du récit d'anticipation. Lorsque nous le rencontrons avec une collègue, dans un café Place de la Madeleine, au fil de l'interview, on sent que ça turbine: il faut s'accrocher pour prendre des notes à toute vitesse, dans une démonstration avant tout géopolitique et philosophique, mâtinée d'une froide lucidité. C'est là tout l'intérêt de son livre, Brut (ed. Seuil) - et ce qui m'a donné envie d'en parler ici. Dérivé lointain des récits de science-fiction et d'anticipation, genre cinématographique (en quête de renouveau, comme j'en parlais ici), et genre littéraire sur lequel peu de romans ont été remarqués ces derniers mois - il faudrait citer le très bon Google Démocratie (allez lire cette chronique destroy chez Jean-Christophe Féraud) de David Angevin et Laurent Alexandre (ed. Naïve). L'anticipation et la science-fiction ont rarement eu droit de cité dans les romans médiatisés en période de rentrée littéraire.

"Anticipation politique"

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Frioux revendique un "récit d'anticipation politique""tout repose sur le pétrole: la démocratie, le fragile idéal d'égalité sociale". Le récit est radical mais terriblement réaliste. Ici, l'idée n'est pas d'imaginer l'avenir, de raconter ce que sera le futur dans 30 ans, mais bel et bien de parler du présent. Le double attentat meurtrier d'Oslo l'illustrait presque.

Bienvenue donc, dans une Norvège du milieu du XXIe siècle. Elle a exploité au mieux sa situation géopolitique, à l'écart des grands continents minés par la pollution et la violence. Elle est devenue un des deux seuls pays au monde disposant de la précieuse manne, des exploitations pétrolières. Elle pense avoir trouvé la formule du bonheur: démocratie exemplaire, nature grandiose et pétrole de la mer du Nord, le royaume a conçu un fonds éthique où sont placés les milliards de la manne sous-marine.

Un système qui va se gripper par la suite... A quelques mois des élections, l’ex- mannequin Katrin jouit (presque) sans entraves de ce paradis, le constructeur de barrages Kurt Jensen intrigue pour entrer au comité remettant le Nobel de la Paix, tandis que Henryk cherche à concilier argent et vertu. Mais au fil du récit, le système se grippe : des jeunes meurent mystérieusement, les populistes xénophobes dressent un mur au cœur des forêts et promettent de rendre l’argent au peuple.

Un récit d'anticipation politique, donc, qui prend scène en Norvège, pays où l'auteur n'a jamais mis les pieds, mais une démocratie vertueuse, presque utopique, qui semblait un bon terrain pour son récit: "un petit pays aux principes éthiques rigoureux, un des seuls à ne pas être endetté... Mais où l'extrême droite pointe déjà", précise-t-il.

"Société du commentaire" qui l'emporte sur la hiérarchie de l'info par les médias

Cette fiction engagée ne met donc pas en scène un futur imaginaire: une manière de de casser les codes du récit d'anticipation classique. ici, pas de voitures futuristes, ou de fusées, ou de nouveaux écrans mis en scène. La seule fantaisie que s'autorise l'auteur est d'imaginer le successeur de l'iPhone, le M Phone, et cette étrange application qui permet de remplacer les têtes des acteurs par la sienne dans un film - consécration du narcissisme absolu.

Autre digression qu'il s'offre, celle sur la perte de pouvoir des médias. Il imagine ainsi comment sera traité un fait d'actualité, ici l'échec du projet d'agriculture humanitaire SavannahOrg : une information devient LE fait d'actualité une fois qu'elle atteint la tête du classement du site WorldFans.org, "et donc la Une des journaux et les premiers rangs des flashs audio". Sur ce site, les internautes votent du monde entier pour telle ou telle information. Eux, et non plus les journalistes, décident désormais de la hiérarchisation de l'information. Et bien sûr, cette hiérarchie varie selon les heures où les internautes sont réveillé: aux Etats-Unis, Japon, Europe, Inde... WorldFans.org, site coté en Bourse, permet "une évaluation démocratique, directe, dictant les vrais intérêts des internautes à tous les autres médias", explique le narrateur, faussement naïf. Ce qui reflète déjà "une société du commentaire, où chacun est légitime à s'exprimer sur les réseaux sociaux et les blogs", nous explique-t-il. Une anticipation glaçante.

"Ébriété énergétique", fin de l'abondance pour tous

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Car ce roman vise à poser une question (encore) taboue mais qui fait l'unanimité: la fin annoncée de l'or noir. L'auteur a planché sur des manuels d'études pétrolières, sur les techniques de forage offshore. "Il y a un consensus autour de la disparition du pétrole: des assurances, telle la Lloyd's, du ministère américain de la Défense, du groupe de patrons britanniques dirigé par Richard Bronson, Christophe de Margerie l'affirme lui-même dans ses discours en anglais", souligne Dalibor Frioux.

Il imagine donc ce que sera une société sans pétrole. Dans sa fiction, la Norvège est autosuffisante grâce à l’hydroélectricité. "Notre société est basée sur une abondance des ressources énergétiques. Il y a un volet écologique. Mais le sujet est aussi tabou pour des raisons géopolitiques: ce sera la fin d’une promesse politique fondée sur le pétrole, celle de l’abondance pour tous, du voyage pour tous, du pouvoir d’achat. La société fondée sur le suréquipement va s’effondrer. L'égalité ne pourra plus être un idéal concret", prédit Dalibor Frioux. La rareté créera une société des privilèges, l’égalité et la mobilité deviendront un luxe.

dimanche 2 octobre 2011

Ces publireportages qui ne disent pas leur nom

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Quatre semaines d'affilée que le news féminin Grazia publie cet étrange exercice publicitaire: une double page qui met en avant les vertus de la dernière tablette Samsung Galaxy, dans une maquette qui ressemble à celle de pages d'actus. Une discrète mention "Grazia promotion" dans le coin droit nous signale que nous sommes dans un objet rédactionnel un peu particulier. Cette semaine, on voit donc Sarah, journaliste culture au sein de l'hebdo, prendre la pause et vanter les vertus de ladite tablette, dans un "témoignage", un texte trèèès premier degré à l'appui. Côté boulot, explique-t-elle, "Pour commencer du bon pied, je prends un thé vert dès que j'arrive au journal, tout en chattant avec le correspondant à l'étranger du magazine grâce à l'appli Google vidéo chat. C'est pratique, maniable, un vrai plus !. Parce qu'elle est fine et que l'on ne sent pas son poids, à chaque interview, j'emporte ma Galaxy Tab". Une véritable prose publicitaire, où la journaliste explique donc les usages côté boulot et perso qu'elle fait de la tablette.

Màj du 9 octobre: cette semaine, la série publis Samsung se poursuit dans l'hebdo, avec cette fois-ci le témoignage... d'une lectrice.

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La semaine dernière, c'était une rédactrice mode, et il y a 15 jours quelqu'un du service marketing qui se prêtait au jeu. Et pour la première de l'opé, la responsable éditoriale de Grazia.fr. Trois cartes de presse qui font de la pub pour un produit high-tech, pour un annonceur, cela pose tout de même question...

"Opés spéciales" et publis très intégrés

Cela a de quoi faire bondir, ou on peut que considérer cela comme inévitable pour la presse écrite, en quête de ressources publicitaires. Nul doute que ces "opérations spéciales", des pubs conçues sur mesure, pour un annonceur et un magazine, pour un one shot, rapportent bien plus au média qui les publie qu'une pub classique. Et les agences média et régies pub conçoivent de plus en plus des plan média très personnalisés pour leurs clients...

Certes, on connaît depuis longtemps les traditionnels publireportages, que ce soient les insérés dans Le Monde pour vanter certains pays (plus ou moins démocratiques), ou les dossiers spéciaux flotte automobile dans la presse économique. Mais en quelques années, on a franchi un cap supplémentaire. En plus des régies publicitaires, les agences média, ces agences qui jouent les intermédiaires entre les annonceurs et les médias, et conçoivent des "plans médias", se sont prises au jeu. Tout comme les départements "promotion" dont se dotent depuis quelques années les groupes de presse (Lagardère, Mondadori...) entièrement dédiés aux "opérations spéciales".

Là, en mettant en scène des journalistes de Grazia, son département promotion franchit à l'évidence un cap supplémentaire. Qui pose des questions déontologiques. Même si ces dernières années, on a vu des pubs de plus en plus "intégrées" apparaître dans la presse, notamment dans la presse culturelle branchée et la presse féminine. On en parlait dans Stratégies dès 2007, j'ai eu l'occasion d'y revenir le mois dernier dans cette enquête, publiée dans notre dossier de rentrée sur les agences média.

C'était l'occasion de passer en revue quelques exemples de "plans média" parus récemment, qui montre que certains annonceurs poussent un peu plus loin la logique du publi., que nous avons passés en revue pour certains dans Strats.

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Début septembre, Volkswagen publiait dans Elle et Grazia un publi de 4 pages un peu particulier, qui met en scène sa Golf dans une mise en page proche de mages mode. À mi-chemin entre pages de mode et annonce publicitaire, ces pages scénarisent un week-end bucolique avec un mannequin et... la nouvelle Golf Cabriolet en vedette. Le détail de cette association va jusqu'à indiquer les marques des vêtements portés par le mannequin. Pour la dernière campagne de Volkswagen, Lagardère Publicité, via son département opérations spéciales, a donc recouru à un plan médias encore peu usité. Cette série «mode» sponsorisée a été conçue avec les équipes du magazine féminin, qui se sont fait prêter des vêtements par des créateurs (avertis que ces pages étaient réalisées pour un annonceur). Une opération que l'on retrouvait aussi dans Grazia le 16 septembre et Paris Match le 22.

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Libération daté du 24 mai le numéro est toujours consultable ici avait Orange pour annonceur unique, pour ses éditions on-line et papier. Outre une surcouverture et des inserts publicitaires, des pictogrammes aux couleurs de l'annonceur renvoyaient vers des contenus complémentaires en ligne sur www.orange.liberation.fr. Plusieurs pages étaient par ailleurs ornées d'une barre de navigation Web rappelant l'adresse du site. Point intéressant - qui ouvre des perspectives - l'édition du jour était offerte sur Internet (avec une "édition numérique" à feuilleter), ainsi qu'en version Ipad et Iphone. Bientôt des éditions gratuites et préfinancées entièrement par un annonceur ?

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Quelques semaines plus tard, le 29 juin, l'opérateur de télécoms sera le "sponsor" du dossier high-tech des Inrockuptibles. Annoncé "avec Orange" dès la couverture, l'opérateur s'offrant également une page en ouverture et en clôture dudit dossier de 20 pages, ainsi que des encadrés mais aussi des vidéos sur un site ad hoc... Orange n'est plus un simple annonceur mais un "sponso"» à part entière, dans cette opération montée par Havas Media.

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Le 24 juin 2011, pour le lancement de sa campagne publicitaire autour de ses "formules carrées", SFR fait publier l'édition du 24 mai du quotidien gratuit Direct Matin... en format carré. L'espace publicitaire du numéro est exclusivement consacré à SFR. Une opération publicitaire qui a connu peu de précédents, hormis celui du Figaro le 6 février 2009, qui avait réduit son format à l'occasion du lancement d'une campagne pour Citroën conçue par l'agence H.

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J'en avais alors parlé dans ce billet, fin 2010, Levi's s'offrait plusieurs pages dans Les Inrocks, à la mise en page très mag, avec le fils du batteur des Clash qui repnait la pose.

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Et enfin juste pour le fun, ce rapprochement malheureux (mais sûrement involontaire ;) qui m'avait fait sourire dans Elle en avril 2010. Page de gauche, un petit papier nous vante les vertus d'un sac Chloé arboré par plusieurs people... Et page de droite, ô surprise, une page de pub pour le même sac (sic).

Màj 09 octobre deux ajouts, signalés par des lecteurs attentifs, qui m'ont semblé intéressants à évoquer ici :

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D'abord ce publi-communiqué LG (merci Delphine Soulas pour le repérage) publié dans le supplément L'Express Styles du 5 octobre. Le premier d'une série de 4 semaines, où la marque d’électronique & électroménager annonce "décrypter les tendances des podiums", "dégainer des conseils aux modeuses pour entretenir leurs fashion coups de cœur de la saison". Avec donc un passage en revue de quelques pièces vestimentaires (avec marques et prix) et les conseils d'entretien LG. Et un encadré publicitaire sur le lave-linge LG (on notera au passage le tag 2D qui permet d'accéder à des compléments sur son smartphone). Un format de publi très intégré, très proche d'une page de la rubrique mode, avec un renvoi vers la page Fashion Week du site web de L'Express Styles.

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Enfin, ici, certes nul publi, c'est un article paru dans la première édition de M le Magazine du Monde (24 septembre). Mais comme me le faisait remarquer un twittos (dont je ne retrouve pas le nom), on est proche de la limite. Ici donc, 8 pages pour un papier intitulé "Gucci, une belle histoire de cinéma", signé Marie-Pierre Lannelongue. A l'occasion des 90 ans de la marque de luxe, nous avons droit à un portfolio de photos en noir et blanc so chic, qui nous montre "l'histoire d'une marque intimement liée au 7e art", avec donc Alain Delon, Vanessa Regrave, Liz Taylor... arborant des accessoires Gucci. Les photos semblent issues des archives Gucci.

Enfin, merci à Arrêt sur images pour la reprise de mon billet, même si, étonnamment, ils ne me citent pas nommément dans leur papier...

Et vous, avez-vous vu passer d'autres opérations publicitaires qui vous ont fait tilter ? Ce billet aura vocation à être enrichi par vos contributions...

mardi 20 septembre 2011

Feuilleton, un nouveau mag-book en librairies le 22 septembre

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Et un petit nouveau, qui consacre ce format hybride des livres-magazines. On connaît le joli succès-surprise de la revue trimestrielle XXI (avec une diffusion moyenne de 45 000 exemplaires!), comme j'en parlais dans ce billet. depuis son lancement en janvier 2008 par Laurent Beccaria (des éditions Les Arènes) et plusieurs journalistes, dont Patrick de Saint-Exupéry. Un bel objet, qui entremêle plusieurs formats: enquête, reportage, photojournalisme, récit BD..

D'autres se sont engouffrés dans la brèche, comme l'inventive revue Usbek & Rica, plus orientée vers l'anticipation et l'innovation. Ils ont pour point commun d'être assez chers (15 €), de se passer de pub, et d'avoir inauguré un nouveau réseau de distribution: aux traditionnels kiosques, ils ont préféré les librairies, et accessoirement les kiosques Relay.

Grands reportages traduits et nouvelles inédites

Le dernier en date: la revue trimestrielle Feuilleton, qui sera lancée en librairies le jeudi 22 septembre. J'ai eu la chance de pouvoir la feuilleter (sans mauvais jeu de mots ;) en avant-première. Comme ses cousins, l'objet est agréable: trimestriel de 256 pages, couv' colorée, mais ici pas de photo, seulement des dessins d'illustration. Son format réduit le rapproche plus d'un livre que d'un magazine...

L'absence de rubricage classique et d'édito convenu (remplacé par un "édito d'outre-tombe") peut déstabiliser, mais je trouve ce choix éditorial intéressant: "pas de stratégie de niche" - donc pas de ligne éditoriale - revendiquent les fondateurs, c'est ici du free style, entre journalisme et littérature.

Elle comporte des grands reportages étrangers traduits (issus de Vanity Fair, du New Yorker, etc.) et des nouvelles littéraires inédites. Au menu du premier numéro, des signatures du nouveau journalisme (comme Michael Hastings). L'idée était de "publier les plus grands reportages étrangers, les éditer, les traduire (...), les augmenter (dossier, infographie, bibliographie sélective)", expliquent ses fondateurs dans leur communiqué de presse. Une démarche similaire à celle de XXI. De fait, l'editing est moderne et agréable, entre illustr' colorées et compléments pédagos. J'aime beaucoup cette infographie en fin de revue sur la fin potentielle des abeilles.

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Chaque numéro compte aussi un article exhumé, comme ici un papier prospectif écrit par Michael Lexis en 1989, mais terriblement d'avant-garde, puisqu'il analysait l'impact économique qu'aurait un séisme majeur à Tokyo.

Mais ce book-mag so chic innove par la publication de nouvelles commandées à des auteurs en vue (tel Jonathan Franzen). Malin: la republication d'enquêters déjà parues ailleurs ne doit pas être chère (frais de droits d'exploitation, traduction, editing), ce qui permet à Feuilleton de s'offrir des nouvelles inédites.

Plusieurs fondateurs de ce projet sont loin d'être méconnus de ces nouveaux médias: avec notamment Adrien Bosc, fondateur et directeur de la publication, et Gérard Berréby, rédacteur en chef, par ailleurs patron des éditions Allia. A noter, parmi les actionnaires (la famille d'Adrien Bosc comptant 51% de l'actionnariat), la présence de Pierre Bergé et du journaliste Victor Robert (I-Télé).

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A signaler, dans cette famille de revues exigeantes et innovantes, le trop méconnu Zmâla, magazine bilingue dédié au photojournalisme, qui paraît une fois par an. Là encore, papier glacé et maquette chatoyante, entre portfolios ("Cura locura", superbe travail sur les chamans d'Amazonie), et enquêtes, avec les nouveaux liens entre photojournalisme et Internet, entre webdocus et nouvelles formes de financements (le crowdfunding), qui passe par des start-ups telles que Emphas.is. Et un répertoire des collectifs de photographes qui foisonnent.

dimanche 18 septembre 2011

"Sexe entre amis", "comédie romantique" version 2011 avec néo-yuppies

Une "comédie romantique" en version 2011 avec des néo-yuppies qui baignent dans la technologie - et l'omniprésence des marques : ce pitch de Sexe entre amis, sur les écrans depuis 10 jours, justifiait en soi que je parle ici de ce film, un des succès attendus au box-office.

Au premier degré, il reflète la conception qu'a désormais Hollywood des comédies romantiques. Plus de prince charmant classique ici, ni même de mari rêvé ou d'amant, il est remplacé par le "sex friend" ou "fuck buddie", le bon pote - amant occasionnel dans une situation réaliste assumée et encadrée par les deux parties.

Le prince charmant remplacé par le "sex friend"

Plus tôt dans cette année, Sex Friends mettait en scène Natalie Portman et Ashton Kutcher dans une intrigue similaire, tout comme dans Love & autres drogues ou encore Mes meilleures amies. La question qui taraude le spectateur n'est plus "Vont-il coucher ensemble?", mais "Vont-ils se mettre en couple?". En clair, "Hollywood semble avoir troqué le mythe du prince charmant contre le cliché du “sex friend", comme le résume Diane Lisarelli dans Les Inrocks, qui m'a devancée avec ce papier.

En tous cas, ce film emprunte à outrance certains codes des blockbusters: esprit de compétition des protagonistes, mère de l'héroïne déjantée tendance cougar, patriotisme à peine voilé, sans compter des placements de produits à outrance (j'y reviendrai).

Comédies sentimentales ringardisées

Ce qui est amusant est que ce film bat joyeusement en brèche les "anciennes" comédies sentimentales, reléguées au rang d'antiquités. Au début, à quelques secondes avant sa scène de rupture, un des personnages cite Pretty Woman comme son film-culte: la référence en comédie romantique hollywoodienne des année 90, où une Cendrillon prostituée sera sauvée par un prince charmant milliardaire - ça tombe bien.

Dans Sexe entre amis, Mila Kunis l'affirme, “Je ne crois pas au cliché hollywoodien du grand amour”. Dans une séquence - assez cliché - des deux potes qui regardent une vieille comédie romantique en buvant une bière, Justin Timberlake se moque de la musique de fin de film, "vouée à nous satisfaire avec une happy end censée rattraper la médiocrité du film". Le genre de scène que l'on retrouve souvent dans les séries TV américaines, comme dans "Beverly Hills 90210", où Kelly et Brandon visionnent (en bons potes) Casablanca - la quintessence du drame romantique avec une femme fatale pour héroïne.

Néo-yuppies surconnectés

Autre aspect que j'ai trouvé passionnant, la photographie de notre génération (génération Y ?) qu'il offre, forcément en version plus glamour. Nos deux "sex friends" sont des néo-yuppies des années 2010: ils ont des jobs branchés (lui devient directeur artistique pour le magazine GQ - magnifique placement de produit dans le film au passage ;), des apparts immenses (la crise immobilière ne semble pas exister à New York)...

Surtout, ils sont surconnectés, et donnent l'impression de passer d'écran en écran, entre smartphones, téléviseur, écran de PC et tablette. Ce que reflète le montage du film, très rapide, où l'on a l'impression de zapper d'une séquence à une autre. Justin Timberlake visualise les pages du prochain numéro de GQ sur écran (Sony) ou sur iPad (Apple), réserve expressément des billets d'avions pour son amis (sur smartphone Sony Xperia), elle assure son job de chasseuse de tête en négociant avec ses clients par visioconférences... Sans compter les échanges de SMS sur mobiles. Sony a lui aussi droit à de maaagnifiques placements de produits (toute une galerie). Même le générique de fin se veut un clin d'œil à notre génération surconnectée: il défile de gauche à droite, par glissement des écrans, que des doigts font glisser ou agrandissent, comme sur un iPhone ou un iPad...

lundi 12 septembre 2011

"Aadhaar": 1,2 milliard d'Indiens bientôt scannés

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Photo Jonathan Torgovnik / Wired

Ils sont actuellement 400 millions, les plus pauvres du pays, ils n'ont pas d'identité civile - donc pas de compte en banque, de crédit, d'assurance, d'aides publiques. Un projet national ambitionne de les intégrer au système. En les dotant d'une identité - biométrique.

Un projet aussi pharaonique que paradoxal. Imaginez ! L'un des pays les plus grands du monde, et les plus peuplés, s'est attelé à doter tous ses habitants d'une identité civile, mais avec un système biométrique, à partir de relevés de leurs empreintes de doigts et un scan de leur iris, mais sans carte d'identité. Des villageois de l'Himalaya aux citadins de Bangalore, 1,2 milliard d'Indiens seront dans le système, cette étrange matrice - la plus grande base de données biométrique qui existe sur terre. Nom de code du projet: Unique Identification Project (Hindi: भारतीय विशिष्ट पहचान प्राधिकरण), aussi appelé Aadhaar ("la fondation", en plusieurs langues indiennes). Avec une remarquable enquête, Wired US raconte cette histoire dans son dernier numéro.

Identification dématérialisée

Le sujet m'a semblé passionnant, car des projets recourant à ces technologies d'identification, basées sur des données dématérialisées - mais concentrées sur des cartes d’identité, à la différence du projet indien - concernent désormais bon nombre de pays sur la planète. En France, le projet de carte d'identité biométrique (ex-Ines) est devenu un serpent de mer: le premier projet, dont je parlais dans ''Les Echos'' en 2005, décrié, fut retiré précipitamment. Avant de refaire surface au début de cet été 2011. Sans compter le projet belge (dès 2001), et une multitude de projets biométriques: au Canada, au Royaume-Uni, en Afrique noire (au grand bonheur de certaines boîtes françaises, telles Thales et Safran), en Asie...

Le "Bill Gates de Bangalore" à l'oeuvre

En Inde, le gouvernement espère ainsi remédier à un problème jusque là insoluble pour lui: comment implémenter des systèmes d'identification nationaux, dans un pays immense divisé en régions quasi-autonomes, encore déchiré par un système de castes officieux mais bien existant, et où plus de 300 langues et dialectes sont pratiqués ?

En 2009, le gouvernement Indien s'est plié à recourir à un système d'identification biométrique national, raconte Wired. Et même en allant jusqu'à recourir aux services d'un mécène, en la personne de Nandan Nilekani, surnommé le "Bill Gates de Bangalore", milliardaire devenu héros national depuis la création de la SSII Infosys en 1981. Et désormais à la tête de l'entité ad hoc de ce projet, implantée à Delhi, et qui s'est entouré de stars des start-ups, dont le co-fondateur de Snapfish, et des pointures de Google et Intel. Le projet Aadhaar était lancé en septembre 2010. Plus de 16 millions d'Indiens ont été embauchés, pour scanner et relever des empreintes d'Indiens à tour de bras - 600 millions de personnes devraient figurer sur la base de données en 2014. s'y ajouteront celles de 1 million de personnes de plus par jour (!).

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Les chiffres ont quelque chose de vertigineux: "la base de données comptera environ 2° perabytes de données, soit 2 X 10/16 bytes. Ce qui représentera 128 fois la taille de la plus grosse base de données biométrique au monde, celle du Service de la sécurité intérieure, avec les photos et empreintes de 126 millions de personnes", d'après Wired.

Alors ce projet futuriste, qui n'est pas sans rappeler certains films de science-fiction, soulève nombre de questions techniques et éthiques, pas moins vertigineuses. Quid en cas de duplication de ces bases de données humaines ? Surtout, le recours à ces technologies - à peu près - imparables pour intégrer socialement l'ensemble des Indiens à de quoi faire froid dans le dos. L'objectif est louable. On imagine en quoi cela pourra changer la vie des Indiens les plus pauvres: même s'ils n'ouvrent pas de compte bancaire classique, grâce à ce moyen d'identification, ils pourront déposer de l'argent auprès d'épiciers locaux, qui auront le droit de faire office de banques locales. C'est là l'enjeu social: la mise en place d’un programme de transfert conditionnel d’argent (conditional cash transfers, CCT) - déjà existant au Brésil, au Mexique ou aux Philippines. Un tel programme permettrait de transférer aux familles pauvres une petite allocation mensuelle sur un compte en banque. A terme, il pourrait remplacer l’actuel système public de distribution (mécanisme permettant aux ménages d’avoir accès à des denrées de base à des prix subventionnés).

Privacy

Mais le recours à la biométrie a agité les défenseurs de la vie privée. Parce que Aadhaar reste un projet de business. Son système à l'architecture ouverte autorisera l'implémentation d'applications par des entreprises privées, comme un smartphone. Le numéro d'identifiant pourra permettre d'obtenir un téléphone - voire utilisé pour identifier des passagers d'une compagnie aérienne, des étudiants... La brèche est ouverte. Car sans Aadhaar - dont la possession ne sera pas obligatoire - pas d'accès à ces services...

Sur la question de la privacy, une petite Google search révèle une kyrielle de sites anti-Aadhaar (comme ici), qui ont violemment dénoncé le discours de Nilekani en janvier dernier devant le National institue of advanced studies. Les projets occidentaux "s'inscrivent dans des perspectives de sécurité et de protection", a rétorqué Nilekani - sous-entendu, pas nous... Certes, en Inde, pas de projet de collecter des éléments sur l'ethnie ou la race des Indiens. Mais ces données digitales seront entre les mains du gouvernement.

dimanche 4 septembre 2011

Yuko, "icône" pour la presse du tsunami japonais, sur scène à Visa pour l'image

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crédit photo: Capucine Cousin

Une image forte, émouvante. Un joli coup de Paris-Match. Ou une opération de com' qui peut mettre mal à l'aise. La semaine dernière, j'ai eu la chance d'aller quelques jours à Visa pour l'image (reportage, billets ultérieurs... à paraître) à Perpignan. Un des faits les plus surprenants, symboliques, et même de mise en abyme, fut la présentation lors de la projection de vendredi soir de Yuko, rescapée anonyme devenue bien malgré elle une icône, un symbole de la tragédie qu'a connue la population japonaise lors du tsunami. Le service de presse de Visa nous avait d'ailleurs fortement incités à venir à la projection en vue de cette visite-surprise...

Rappelez-vous, son image a fait le tour du monde. La photo de cette Japonaise enveloppée dans une couverture, prise par Tadashi Ohkubo, a fait la une de 55 journaux (et de plusieurs hebdos et quotidiens français au même moment).

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Yuko Sugimoto était donc à Perpignan, invitée à Visa pour l'Image avec son fils et le photographe Tadashi Ohkubo par Paris-Match. Au moment du cliché, Yuko venait d'apprendre que son fils de 5 ans, Raïto, réfugié sur le toit de son école, était en vie. Elle l'avait cherché pendant deux jours. c'est en France qu'elle s'est rendue compte de l'impact de son image, et a alors déclaré sur scène: "Si ça peut encourager les gens à faire un don pour aider les Japonais, si ça peut aider le Japon, alors c'est un honneur pour moi d'avoir été sur cette photo". La boucle et bouclée, elle admet son statut d'icône.

dimanche 28 août 2011

Démission de Steve Jobs; panurgisme des hebdos; Presse tech en suspens; Nokia; Cartes interactives; Cyril Viguier...

Et hop, retour de ma sélection de liens hebdomadaires (d'autres en proposant, comme Erwan Gaucher ici, et Eric Scherer par là), repérages d'actus technos, old & new médias, innovation, marketing, people...

  • Les hebdos cette semaine: même sujet, mêmes couleurs, même mise en page... Vive l'immobilier ;)

jeudi 25 août 2011

Mauvais "genre"? L'orientation sexuelle dans les manuels scolaires à la rentrée

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Quelques paragraphes dans des manuels de Science et vie de la terre (SVT) pour les lycéens, qui ont déjà mis le feu aux poudres, durant tout l'été. Et la polémique risque fort de se poursuivre en cette rentrée scolaire, s'ajoutant aux débats incessant sur l'évolution des programmes scolaires, et les inquiétants aaambitieux projets de réforme scolaire de Luc Chatel (citons au hasard la suppression de l'enseignement d'histoire en terminale S prévue pour septembre 2012).

Début septembre, donc, les élèves de Première ES et L aborderont un nouveau point de programme: la question du genre et de l'orientation sexuelle, dans un chapitre sobrement intitulé "Devenir homme ou femme". Une partie imposée par la Direction générale de l'enseignement scolaire et annoncée au Bulletin officiel du 30 septembre 2010. Ainsi, dans le manuel Bordas, sur une page (consultable ici en format Scribd), il est expliqué que si l'on naît homme ou femme, l'orientation sexuelle des individus peut varier au cours de la vie, et que si la majorité des personnes sont hétérosexuelles, une partie de la population est homosexuelle ou bi. La question de l'orientation sexuelle appartenant à la "sphère privée".

Mise à jour du 31 août: preuve que le sujet est brûlant, ce mercredi matin, on apprend que 80 députés UMP (!) ont demandé le retrait de manuels scolaires qui en parlent (notamment celui de chez Hachette), adressant un courrier au ministre en ce sens. Leur argument: ils estiment que ces manuels de SVT font référence à "la théorie du genre sexuel", selon eux une "théorie philosophique et sociologique qui n’est pas scientifique".

Interviewé sur le sujet sur France Inter, Bruno Julliard (qui vient de faire son coming-out dans le magazine Têtu), secrétaire national du PS à l'Education, déclarait y voir un "refus de l'avancée de recherches qui démontrent que le genre n'est pas uniquement l'issue d'un contexte génétique, mais aussi la construction culturelle, sociale". Pas de preuves scientifiques avérées (argument des anti-), mais "l'objet de recherches depuis 50 ans, notamment aux Etats-Unis".

Bordas

Réalité sociale & gender studies

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Rien d'extraordinaire, nul militantisme de l'Education Nationale pour la cause gay ou lesbienne. Elle prend juste acte de cette manière d'une réalité, une de ces révolutions silencieuses mais majeures dans la société, qui s'est déjà concrétisée à petits pas: par l'adoption du PACS, ou encore les premiers cas de mariages (à New York le 24 juillet dernier) ou d'adoptions par des homosexuels. Il m'a semblé d'autant plus intéressant et justifié d'aborder ce sujet ici qu'il comporte des enjeux autant sociétaux que scientifiques, et consacre l'importance des théories des genres (gender studies) , qui appartiennent à un courant de pensée né dans les années 1970 dans les milieux féministes américains et la mouvance militante gay.

Sans nier les différences biologiques, la théorie des genres distingue le sexe biologique du "sexe social". Inspirées de philosophes français comme Deleuze, Foucault ou Derrida, les "gender studies" se sont développées aux Etats-Unis. Elles cherchent à démontrer que c'est l'éducation au sens large, dans le contexte historique et social, qui construit le "genre" de l'individu. L’objectif de ces théories est de rejeter le déterminisme biologique de la notion de sexe ou de différence sexuelle pour remettre en question les rôles assignés aux hommes et aux femmes dans la société. Ce qui rejoint les combats féministes sur les modes d'éducation, qui prédisposent les enfants. En 1993, La Barbie Liberation Organisation militait dans cette vidéo contre les valeurs transmises par les GI Joe et les Barbie.

En France, de telles études sont quasi inexistantes. Les débats affleurent dans la société française avec la parité en politique ou les débats sur les quotas. Ou encore des réalités imposées comme 80% de filles dans les filières littéraires au lycée (parce "qu'elles ont un esprit littéraire" - c'est du vécu ;). Même si le sujet s'impose lentement dans le champ de la recherche: Rue Saint Guillaume, à Sciences Po, les questions sur le genre ou sexe social vont faire l'objet d'un enseignement obligatoire, assurée à partir de cette rentrée 2011 par la philosophe Geneviève Fraisse. Quelques femmes d'influence s'intéressent aussi de près à la place des femmes à la tête des entreprises. Telle Natalie Rastoin, patronne de l'agence de pub Ogilvy France, qui m'avait remis l'an dernier une étude McKinsey intitulée "La place des femmes à la tête des sociétés: comment rendre cela possible" (téléchargeable ici en format PDF). Une étude publiée par le cabinet de conseil outre-Atlantique depuis 2007, qui met en avant des projets de recherche démontrant comment les femmes dirigeantes - encore trop sous-représentées - contribuent à améliorer les performances des entreprises. La France est tout de même en quatrième position en 2010 avec 15% de femmes au sein des boards d'entreprises en du CACA 40 en 2010, loinnn derrière la Norvège (32%) et la Suède (27%), mais à égalité avec les US. C'est déjà ça.

Le gender est d'ailleurs au centre du dernier film de Pedro Almodovar, La piel que habito ("La peau que j'habite"), polar froid et technologique qui pose la question de l'identité sexuelle et du changement de sexe. Un sujet déjà abordé plus tôt cet été avec subtilité par Céline Sciamma dans Tomboy ("Garçon manqué"), où Laure, dix ans, cheveux blonds courts et physique androgyne, à la faveur d'un déménagement et d'un quiproquo, se fera passer, le temps d'un été, pour un garçon. Peu ou pas de psychologie, dans ce film. Ce garçon qu’elle devient ne cherche pas à expliquer le pourquoi. Il est. Il ressent, Laure n’a pas de raison pratique ou extérieure pour devenir Mickaël. C’est là sans doute que réside la subversion délicate du film.

La question de l'homosexualité

Nos chères petites têtes blondes seront-elles donc sensibilisées à la liberté de choix sexuel ? Evidemment, cette pilule ne passe pas auprès d'une partie de la droite catho. L'enseignement catholique, des associations familiales ou encore des politiques multiplient les communiqués, e-mails, pétitions et menaces de boycott des livres pour que cette partie du programme soit retirée. Car le fond du problème est sans doute là. Les milieux qui protestent ne veulent pas que l'on parle d'homosexualité. Avec un argument-clé: en parler remettrait en question "la liberté de conscience" que ces associations réclament.

Le 28 juillet, l'Association Familles de France a adressé un nouveau texte à l'Elysée, expliquant : "Vous connaissez parfaitement la théorie du genre. Cette idée philosophique, contestable s'il en est, nous revient des milieux féministes d'outre Atlantique", et ajoutant : "Les familles ont parfaitement compris les objectifs des concepteurs : orienter les jeunes vers des expériences sexuelles diverses, considérant que le sexe social est plus important que le sexe biologique". Elizabeth Montfort, porte-parole de l'association pour la Fondation de Service politique et ancienne député européenne du Rassemblement pour la France de De Villiers, confiait ainsi à ''Libération'' que "ce sujet touche à l'anthropologie de l'homme et de la femme, à la condition humaine et finalement engage l'avenir de notre civilisation".

Sans grande surprise, Christine Boutin est partie elle aussi en croisade contre ces enseignements "contre-nature". Pas surprenant, et pas neutre: la candidate à la présidence de la République entend placer cette question (les gender studies et la place des homos dans la société) "au cœur de son programme", a-t-elle annoncé mercredi 24 août sur Europe 1, dans l'émission "Des clics et des claques", où nous l'avions interrogée (merci Twitter) sur son positionnement sur le sujet. Sans exprimer nettement son opposition, la réponse qu'elle nous a apportée était joyeusement floue - en résumé "la différence physique entre les hommes et les femmes est le fondement de toute société . Le gender parle de distinctions culturelles et sociales". Avant de reconnaître, en fin de séquence, cette phrase - qui flirte avec l'homophobie - qu'on lui prête : "Les civilisations qui ont reconnu l'homosexualité ont connu la décadence".

A côté de cela, plus de 2000 personnes - chercheurs en tête - ont ainsi signé la pétition "contre une censure archaïque" mise en ligne par l'Institut Émilie du Châtelet (IEC), qui vise à promouvoir et à diffuser les recherches sur "les femmes, le sexe et le genre" et insiste sur le danger qu'il y aurait à laisser politiques et religieux "juger de la scientificité des objets, des méthodes ou des théories". "

Enseignement public vs enseignement catho ?

Cette réforme éducative a réactivé la ligne de fracture entre établissements publics (laïcs) et privées (cathos). Le 8 juin dernier, le Snes (principal syndicat des enseignants du second degré) estimait dans ce communiqué qu'avec cette réforme, "des questions au centre de la construction de l’individu sont abordées à l’Ecole, sans tabou, mais aussi sans idéologie et dans le respect des sensibilités de chacun". Et s'inquiétait du danger des "esprits chagrins réactionnaires qui luttèrent et continuent de lutter contre la contraception et l’avortement, instrumentalisent aujourd’hui l’école pour médiatiser leur croisade contre l’homosexualité". Deux jours après, L’Unsa éducation dénonçait un "retour à l’ordre moral", suivi par le Le Groupe national information et éducation sexuelle (Gnies, qui inclut plu­sieurs syn­di­cats d’enseignants, le mou­ve­ment fran­çais du plan­ning fami­lial, le conseil natio­nal des asso­cia­tions fami­liales laïques...) estime de son côté que "l’école a pour mission d’instruire et d’éduquer, dans le respect des sensibilités", alors que dans les établissements scolaires, "l’ensemble des personnels est confronté au désarroi de jeunes en difficulté avec leur orientation sexuelle".

Reste à voir comment les profs de SVT appliqueront (ou pas) ce changement au programme. Sur le fond, ils seront libres de l'enseigner ou pas en cours: "Certains collègues ne sont déjà parfois pas à l'aise avec le fait d'enseigner la reproduction en 4ème et certains du lycée sont très coincés là-dessus", me disait récemment Sophie, prof de biologie (et qui reprécise cela en commentaire ci-dessous). Un tel cours sera sans doute utile à des lycéens qui cherchent parfois leur identité. Mais il est peut-être trop théorique, issu de réflexions sociologiques très pointues et dans l'air du temps (certain soupçonnent d'ailleurs un phénomène de mode autour de son enseignement en lycées), pas forcément à portée de tous En tous cas, les manuels de SVT des Première L et ES ont choisi des angles parfois très différents. Surprenant de lire ainsi chez Bordas que "si, dans un groupe social, il existe une forte valorisation du couple hétérosexuel et une forte homophobie, la probabilité est grande que la majorité des jeunes apprennent des scénarios homosexuels". Une phrase qui est en fait un raccourci d’études certainement sérieuses mais qu’il est hasardeux de vouloir présenter en deux lignes. La polémique est loin d'être enterrée...

Chez Bordas:

"L'identité sexuelle est le fait de se sentir totalement homme ou femme. Cette identité dépend, d'une part, du genre conféré à la naissance, d'autre part, du conditionnement social".

"L'identité sexuelle se réfère au genre sous lequel une personne est socialement reconnue".

"L'orientation sexuelle se révèle le plus souvent au moment de l'adolescence et elle relève totalement de l'intimité des personnes".

"Si dans un groupe social, il existe une très forte valorisation du couple hétérosexuel et une forte homophobie, la probabilité est grande que la majorité des jeunes apprennent des scénarios hétérosexuels".

Chez Hachette:

"L'identité sexuelle est la perception subjective que l'on a de son propre sexe et de son orientation sexuelle".

"Seul le sexe biologique nous identifie mâle ou femelle, mais ce n'est pas pour autant que nous pouvons nous qualifier de masculin ou féminin".

"L'orientation sexuelle doit être clairement distinguée du sexe biologique de la personne".

"Le mineur de 15 à 18ans est libre d'entretenir des relations sexuelles à condition qu'il soit consentant et que ce ne soit pas avec une personne ayant autorité sur lui".

"Le mineur est libre de ses orientations sexuelles, c'est-à-dire qu'il peut avoir des relations sexuelles soit avec un homme soit avec une femme".

"Durant cette période de fragilité psychologique et affective (l'adolescence), il est souvent difficile de faire face à une orientation sexuelle différente de la norme hétérosexuelle".

Chez Hatier:

"En sociologie, l'identité sexuelle se réfère au genre par lequel une personne est socialement reconnue".

"Montrez que d'autres facteurs peuvent intervenir pour définir l'identité sexuelle d'une personne". (Enoncé d'un exercice).

dimanche 21 août 2011

Julian Casablancas, du rock à l'icône publicitaire (parfumée)

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Eh oui, j'ai (lâchement) déserté les pages virtuelles de ce blog durant un mois (un record, en un peu plus de 4 ans d’existence !) pour d'autres activités autrement plus concrètes et essentielles, à la faveur de la trêve estivale. Pour renouer en douceur avec mon clavier, il me fallait un sujet qui reste empreint d'une certaine légèreté estivale (je vous rassure, le prochain billet sera plus charpenté ;). Cette petite actu, qui mêle marketing et actu musicale - et qui concerne un de mes groupes préférés depuis 10 ans, arrivait à point nommé. Dans quelques jours, à la faveur de la rentrée (ça y est, j'ai lâché le mot maudit ;), vous n'y échapperez pas: pub en presse écrite, en affichage, dans les parfumeries, et sur Internet... avec même un clip dédié.

Pour lancer son nouveau jus pour hommes, Decibel (Db), Loris Azzaro s'est en effet offert une égérie de choix, le chanteur des Strokes, Julian Casablancas. Le design du flacon, en forme de micro, est à l'avenant. Rien de tel qu'un leader du revival rock, jeune mais pas trop, pour incarner la rébellion, la liberté etc. , et donc ce parfum censé incarner ces valeurs. Un casting d'autant plus habile que les Strokes, qui viennent de sortir leur 4ème album (le subtil et inégal "Angles"), symbolisent à la perfection le retour en grâce d'un rock sexy, post-punk, avec jeunes mecs en jeans cigarette, perfectos en cuir et cheveux mi-longs. Rappelez-vous, il y a dix ans, l'album "This is it", fesse recouverte d'une main gantée en latex sur la couv', faisait une arrivée fracassante en tête des charts. Et inauguraient le retour en grâce du rock, avec un son léché, que les médias avaient tôt fait d'opposer aux salles gosses des Libertines. Une identité rock reprise par la suite par des groupes (The Klaxons, The Wombats), parfois disparus depuis (the White Stripes).

Loin du parfum au message outrancièrement bling-bling One Million de Paco Rabanne, Azzaro cible donc non plus les minets et play-boys avec cette nouvelle fragrance, mais les djeuns imprégnés de l'esprit rock (ou qui espèrent l'être ;). Outre la campagne publicitaire annuelle, le jus d'Azzaro fera l'objet d'une chanson inédite dédiée, attendue pour début septembre, conçu par Julian Casablancas, d'après ce papier de Paris-Match (où Casablancas semble ne pas trop l'assumer). On sera rarement allés aussi loin en termes de marketing musical...

Mise à jour 04/09 : donc voici la fameuse vidéo, sur les écrans depuis le 1er septembre... Seule la version courte est disponible en ligne, il me semble que spot TV est plus long (30 secondes). Visuellement, le clip est bien ficelé: noir et blanc élégant, on mise sur le côté rock-star iconique de Casablancas, et la musique des Strokes parfaitement identifiable. On l'y voit donc chanter d’abord face à la caméra avant de se jeter dans la foule. A cette occasion, il a composé une nouvelle chanson intitulée I Like the Night.

La conversion de Julian Casablancas, le temps d'une campagne, en égérie d'un parfum, est d'autant plus savoureuse que ce rebelle version papier glacée est le fils du fondateur de l'agence de mannequin Elite. La boucle est bouclée... L'histoire veut qu'il a rencontré les autres membres des Strokes dans un très chic pensionnat en Suisse. Mmmm, pas très rebelle tout ça ;) Sans sombrer dans quelque couplet moralisateur, nul doute que l'appât financier n'est pas étranger ce choix de Julian Casablancas. Même si, certes, les Strokes avaient déjà cédé à plusieurs reprises à l'appât publicitaire, avec la reprise de certains de leurs morceaux dans des campagnes de pub (comme The end has no end reprise dans une pub EDF).

Passage forcé par la case publicité pour les rockers ?

Certes, il y a eu de nombreux précédents, où des chanteurs et starlettes ont cédé à l'appel de marques de luxe, et négocié leur notoriété : Justin Timberlake pour Play de Givenchy, Keith Richards dans une campagne de Vuitton, sans compter des starlettes, telles Rihanna et Jennifer Lopez, qui ont lancé leur propre jus, stratégies de produits dérivés oblige, ou encore Lady Gaga, elle-même devenue une marque, qui a consacré l'industrialisation musicale (voir cette enquête que nous avons publiée dans Stratégies en juillet dernier).

A voir les derniers précédents, parfois surprenants, on se prend à penser que les ventes de disques et les tournées ne suffisent plus aux chanteurs, contraints un jour ou l'autre de passer par la case publicité. Tel Jamie Hince, leader de The Kills (et Mr Kate Moss en voie de peopolisation accélérée), qui posait l'an dernier pour la nouvelle campagne pub automne 2010 de Zadig & Voltaire, ou "dessinent" des lignes de vêtements pour une marque (et leur apportent ainsi leur propre empreinte rock), tels (feue) Amy Winehouse pour la marque (un temps emblème des mods et des punks) Fred Perry, et Pete Doherty, qui a conçu une collection-capsule pour The Kooples pour cet automne...

mercredi 20 juillet 2011

Arnaud Lagardère, le "making of" de son shooting photo, un plan média surréaliste

Un shooting photo qu'ils ont accepté "pour assumer notre relation, pour montrer aux gens qui sont intéressés à la voir que c'est du sérieux": "ça fait 5 mois, bientôt 6!", une rencontre qui a eu lieu "dans un cadre parisien, dans mon bureau, elle était venue me voir parce qu'elle avait un travail à faire (sic). Après, on s'est revus à Londres...", "Nous, quand on pense à nous, on se donne pas de limites"...

Durant 2 minutes 55, elle minaude, il la darde de regards amoureux, ils s'échangent des bisous... La séquence, diffusée sur YouTube depuis ce 19 juillet, n'en finit pas de faire jaser - et susciter l'incrédulité sur Twitter et Facebook. C'est le patron d'un des plus importants groupes de médias en France, Arnaud Lagardère, qui se prête à ce surprenant jeu. "Jade Foret et Arnaud Lagardère posent pour "Le Soir magazine", nous est-il annoncé au début de la vidéo : c'est donc le "making of" du sujet qui fait la Une (eh oui, rien que ça), de l'hebdomadaire belge Le Soir magazine. On est en pleine romaaance: l'attaque du reportage (si, si) sur ce "shooting sexy" (re-sic) est à l'avenant: "Pour la première fois, l’homme accepte d’ouvrir les portes de sa propriété à Rambouillet) à des journalistes pour un shooting photo en compagnie de son grand amour".

Le making of ? Vous savez, ce format web ou télé très à la mode (les coulisses ou plans inédits de tournage d'une série / un clip ou autre...), rééxploité depuis quelques temps par les agences de pub pour montrer les dessous du tournage de leur dernière campagne (comme Orange avec sa campagne corporate en novembre dernier)... Une manière d'ajouter une touche d'authenticité à un plan média classique.

Après la séquence "interview" (gentille hein), on voit les deux stars d'un jour se préparer pour leur séance photo, puis enchaîner les pauses sexy (avec la petite musique quelque peu easy listening qui va bien...) sous l’œil du photographe : dans le canapé, devant la maison, sur la terrasse... Au visionnage, on balance entre amusement, incrédulité et soupçons de mise en scène devant ces séquences surréalistes. Où on découvre du même coup la top model belge Jade Foret, déjà entraperçue aux côtés du patron du groupe Lagardère dans une photo publiée par Paris-Match (publication dudit groupe...) lors du dernier tournoi de Roland Garros, ce printemps. Quelques articles de presse égratignent la vie privée passée de la jeune femme, ex- d'un footballeur belge.

Alors oui, je sais, vous allez penser que j'ai cédé à la tentation people pour ce billet, bien moins sérieux que les précédents ;) Mais c'est la stratégie de com' du patron d'un groupe media coté au CAC 40 qui m'intéresse ici, tellement j'étais interloquée en visionnant cette vidéo, qui suscite des réactions amusées sur Twitter (où Arnaud Lagardère et Jade Foret ont atteint, durant quelques heures, les trending topics !), et dans la presse, en ce (morne) mercredi après-midi, où le flux de l'actu commence à se ralentir...

Une vidéo à la mise en scène érotique kitsch, destinée à montrer que la relation est installée. Et à trancher avec les rumeurs récurrentes à propos de la vie privée d'Arnaud Largardère, obligé de se justifier à ce sujet sur le plateau du ''Grand Journal'' de Canal + en décembre 2009. Où il révélait ses talents de communicant pour enterrer, du même coup, la polémique d'alors, l'enquête de l'AMF pour délit d'initié dans le dossier EADS.

Mais cette vidéo est d'autant plus surprenante que le patron Arnaud Lagardère s'exprime rarement peu dans la presse, de préférence pour commenter ses actualités professionnelles. Là, il parle de sa vie personnelle. L'impudeur et la spontanéité (trop recherchée ?) du ton tranchent d'autant plus. A se demander si elle a bien été visionnée par son staff qui l'aide dans sa com': ce matin, Libération titre sur cette "étrange vidéo qui provoque la gêne au sein de son empire". Dans le très petit milieu des stars du CAC, ce shooting sexy va assurément faire du bruit. Alors que le patron (dont on dit parfois qu'il s'ennuie à la tête de l'empire paternel) est régulièrement attaqué par la presse pour son manque de sérieux dans le business, et que sa stratégie - revendre certains titres de presse internationale pour privilégier le sport business - pose question.

màj: merci à 20minutes.fr (oui, cela peut sembler surprenant...) pour la reprise.

dimanche 3 juillet 2011

L'agence Sipa en difficulté, dernier fleuron d'un photojournalisme qui périclite ?

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Goksin Sipahioglu – Paris, France – 10 et 11 Mai 1968

Tout un symbole. L'annonce a été officialisée cette semaine: l'agence photo Sipa Press est sur le point d'être vendue à une agence allemande, DAPD, au prix de 34 licenciements sur les 92 salariés, dont 16 des 24 photographes, d'après Le Monde. Une véritable saignée à blanc, où l'activité de photojournalisme d'une des dernières prestigieuses agences survivantes est sacrifiée. A terme, toujours d'après le quotidien, l'agence DAPD (deuxième agence de presse outre-Rhin), contrôlée par un fonds d'investissement, vise à transformer Sipa en agence filaire généraliste, donc en concurrence directe avec l'AFP et autres Reuters.

L'annonce est loin d'être anecdotique, et révèle une fois encore l'évolution (la disparition annoncée ?) dans la douleur des fleurons du photojournalisme, en déconfiture depuis une dizaine d'années, pêle-mêle face au média Internet, la montée en puissance des agences filaires, la crise de la presse, et la dégringolade des prix de la photo. Alors que la plupart des titres de presse magazine mettent fin peu à peu à leurs services photo internes.

Une annonce de mauvais augure, à la veille de l'ouverture de deux des rendez-vous photo les plus cotés pou la profession, les Rencontres de la photo d'Arles - ouvertes demain le 4 juillet, elles porteront sur la photo au Mexique et la guerre d'Espagne vue par Robert Capa- et le Festival Visa pour l'image de Perpignan, qui ouvrira fin août.

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La dégringolade pour Sipa Presse avait commencé en 2001. Son légendaire fondateur, le volcanique photographe Gökşin Sipahioğlu, qui l'avait fondée en 1973 (allez lire cet entretien de folie réalisé en 2005 par Frédéric Joignot sur son blog), s'est alors résolu à la revendre à Sud Communications (groupe Pierre Fabre). Malgré ses 25 photographes, ses 600 correspondants, ses 500 reportages photo vendus chaque mois dans plus de 40 pays, elle affiche 2 millions d'euros de pertes en 2010.

Les 3 "A" rachetées, le photojournalisme périclite

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Concurrencées par les agences d’informations généralistes (dites agences filaires) comme l’AFP et AP, lâchées par une presse mag qui consacre davantage de couv' vendeuses aux people (ou politiques peopolisés) qu’au photoreportage, les trois "A" ont toutes perdu leur indépendance, avant de déposer les objectifs photo. Quant au photojournalisme, il périclite.

Les autres agences-stars des années 70, Sygma et Gamma, se sont en voie d'extinction. Sygma, fondée en 1973 par Hubert Henrotte après un conflit avec l'agence Gamma, rachetée en 1999 par le groupe américain Corbis (propriété personnelle de Bill Gates), était en cours de reconversion en avril 2001. En agence qui ne produirait plus de reportages photos, pour se concentrer sur la diffusion de ses fonds numériques.

Comme je l'écrivais alors dans cette enquête pour Les Echos: forte des fonds de 65 millions d'images issus des collections Bettmann ( photos historiques, dont celles de l'agence United Press International), de la National Gallery de Londres, du photographe Yann Arthus Bertrand, et des agences Sygma (actualité),TempSport (sport) ou Stopmarket (photos d'illustration), elle ambitionnait alors de vendre sur Internet ses prestigieuses archives une fois numérisées. Avec une facture déjà douloureuse: 90 personnes, dont 42 photographes, avaient été licenciés dans le cadre d'un plan social. Las, elle a déposé le bilan en 2010, suite à un contentieux avec un de ses ex-photographes.

Gamma-Rapho sera elle aussi emportée dans le sillage de la mise en liquidation du groupe Eyedea Presse, en 2010. Créée en 1966 par des photographes dont Raymond Depardon et Jean Lattès.où le groupe de presse Hachette Filipacchi Médias (HFM) prenait 75% de participation en 1999, en misant sur la vente de ses fonds numérisés, et sur un e-commerce BtoB, elle était rachetée par le photographe François Lochon en avril 2010, et concentrée sur la seule vente d'archives.

Tentatives de virages numériques

Il y a bien eu des tentatives pour renouveler le photojournalisme indépendant à l'ère du numérique. En 1999, Floris de Bonneville _ un des cofondateurs de Gamma _ lance GlobalPhoto, qui propose alors aux agences et aux photographes indépendants de gérer la vente de leurs images, surtout dans le secteur de la presse magazine. Une manière de trouver la parade pour maintenir l'indépendance des agences, alors que Floris de Bonneville avait proposé _ en vain _ à Gamma, Sygma et Sipa de s'unir sur Internet. Un an après, GlobalPhoto est rachetée par PR Direct, spécialisée dans la photo d'illustration. Le projet ne semble pas avoir survécu.

En décembre 2002, même le National Geographic inaugure une stratégie de commerce en ligne et tente de se placer sur le même créneau que les agences photo, en lançant en partenariat avec IBM, un site Web baptisé Ngsimages.com, dédié à la vente en ligne de son catalogue de photographies.

Alors, quel avenir pour les agences photo, face aux agences filaires géantes, telles l'AFP et Reuters, spécialisées dans la seule photo d'actualité (quitte à tirer vers le people) ? Un des seuls recours semble être la photo d'illustration. Seules les agences de photo d'illustration tirent encore leur épingle du jeu: des banques d'images en ligne gratuites ou à moins d'un dollar telles que Stock.XCHNG, ou encore Shutterstock, les magazines et autres journaux ont à disposition des photos d'amateurs ou de professionnels à des prix défiant toute concurrence.

L'agence Getty Images a tôt choisi ce virage. Fondée en 1995 à Seattle, initialement banque d'images pour agences publicitaires, elle s'est diversifiée dans la photo d'actualité à coup d'acquisitions, devenant premier fournisseur d'images (photos et vidéos) pour les agences publicitaires et groupes média. Pour contrer la concurrence d'Internet, elle acquiert en 2006 le site de vente de photos à bas prix iStockphoto, banque d'images bon marché mais de moins bonne qualité. L'agence a aussi revu ses tarifs à la baisse et proposé des ristournes sur ses photos en offrant par exemple ses photos basse résolution à seulement 49 dollars.

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Je connais quelques photographes qui œuvrent en agence filaire, et s'en tirent plutôt bien (mais se contentent de faire des photos d'actu, sans trop se poser de questions, plus de reportages...), d'autres qui galèrent. Même des signatures, comme Reza, qui semble faire moins de reportages qu'avant faute de budget alloué par les magazines.

Restent quelques initiatives notables, telle l'agence britannique VII (lire " Seven"), lancée en septembre 2001 lors du Festival Visa pour l'image de Perpignan en septembre 2001. Mais un projet porté par sept pointures du photojournalisme, transfuges d'agences traditionnelles _ que ce soit le président de VII Gary Knight (ex-Saba), James Nachtwey (ex-Magnum), ou la Française Alexandra Boulat (ex-Sipa - décédée depuis). Dotée d'une structure légère, l'agence opère uniquement sur Internet et mise sur une valeur ajoutée technologique. Disséminés dans différentes villes du monde, les photographes-fondateurs numérisent les sélections de leurs photos, ce qui permet de réduire les frais de gestion et d'archivage. Sans doute un des derniers vrais projets d'agence à l'ancienne, encore active, menée par des stars du photojournalisme.

On trouve aussi des collectifs désormais installés comme Tendance Floue (L'Oeil Public a fermé l'an dernier me signale un lecteur), et une fédération de pigistes comme Fede Photo. Mais pour tous, le renouveau doit inclure des activités rémunératrices -comme la publicité ou le "corporate“ pour financer les reportages. Et une patte, une personnalité face au ton photographique toujours plus standardisé des grandes agences.

mercredi 29 juin 2011

La pub entre entertainment, brand content et prime à l'innovation

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Comme évoqué dans mon billet précédent, je me devais de revenir sur le Festival de la Créativité de Cannes (l'équivalent du festival de Cannes du cinéma, en presque aussi glamour ;) grand-messe annuelle du petit milieu des agences de pub qui se tenait à Cannes la semaine dernière. Laquelle tient aussi bien de la compilation de séminaires et tables rondes avec leurs stars (d'Ariana Huffington qui a confirmé le lancement prochain en France du Huffington Post à Robert Redford - sic) que du marché de la pub, networking à la clé. Mais également, une série de prix (les Lions). Cela faisait longtemps que je n'avais pas parlé publicité ici, mais cela permet de donner un coup de sonde sur les tendances publicitaires, aussi bien en termes de créativité que de plan média. Et donc comment celle-ci s'insère de manière inédite dans les media.

M-commerce + tags 2D dans le métro: prime à l'innovation technologique

Cette année, on y a donc vu l'avènement des Microsoft, Google et autres Yahoo! aux côtés des Publicis, Ogilvy et autres agences de pub. Une nouvelle toute-puissance symbolisée par leurs éphémères "plages" personnalisées sur la Croisette. Mais également de la montée en puissance des innovations technologiques dans les plans de communication. Pour preuve, dans la catégorie Media, l’agence Tesco a raflé le Grand Prix grâce à une campagne déployée par l'agence Cheil Worldwide qui proposait aux consommateurs sud-coréens de faire leurs courses en ligne en scannant, avec leurs smartphones via des tags 2D, des affiches semblables à des rayonnages sur les quais de métro. Bien sûr, cela se passe en Corée du Sud, pays ultra-précurseur comme le Japon, où les utilisateurs font tout ou presque avec leur smartphone. Mais ces usages pourraient débarquer, un jour, en France...

Musique, entre pub et entertainment

Cette année fut aussi la consécration de l'advertainement (rappelez-vous, on en parlais pour les jeux vidéos il y a une dizaine d'années... On peut le remplacer aujourd'hui par le mot-valise plus branché "brand content"), ou comment les marques cherchent à produire des contenus de plus en plus éditorialisés - qui restent de la publicité. Ce qui leur permet de glisser de plus en plus vers l'entertainment, à la faveur du développement des médias sociaux et du digital.

Un exemple ? On a vu l'association de plus en plus rapprochée entre la musique et la publicité. Comme avec ce clip d'Arcade Fire, "The wilderness downtown". Visuellement, c'est magnifique, et musicalement envoûtant. En utilisant le navigateur Google Chrome, une fois son adresse postale entrée, l'internaute se rend sur la page dédiée où s'affiche le clip personnalisé. Les fenêtres multiples s'ouvrent et se ferment en rythme avec la musique et (certainement la partie la plus belle de la démonstration), votre navigateur incorpore des images Street View la ville choisie. Ces multiples images de vues aériennes et de paysages urbains apportent une certaine grâce à la ville. Seulement voilà: est-ce un clip ou une pub ?

Autre fait significatif, l'organisatrice de soirées Cathy Guetta (très bonne incarnation de l'avènement de l'industrialisation de la musique par ailleurs) lançait à Cannes, avec Raphaël Aflalo, un ancien du groupe d'achat médias OMG (Omnicom), une structure de conseil dans les contenus musicaux pour les marques, Be my guest, qui a déjà signé avec HP et Renault.

Court-métrage publicitaire

Autre tendance, celle du court-métrage publicitaire, où l'on oublie presque la marque, le produit, au profit des valeurs, d'un univers que cette dernière est censée incarner. C'était le cas avec le pharamineux spot de Nike "Write the Future", diffusé dans une trentaine de pays, d'un budget évalué à 20 millions de dollars, qui a décroché le Grand Prix dans la catégorie-star, celle des Films. Une pub-clip de trois minutes d'inspiration cinématographique, très écrite, et un montage serré, où alternent scènes grandioses de matchs et de liesse dans les stades, les bars, les foyers, avec même une séquence des Simpson. La marque est à peine citée, un simple swoosh clôt la pub.

Lequel Nike diffuse d'ailleurs dans les salles du réseau MK2 une longue publicité-clip de plusieurs minutes autour de l'univers de la glisse et du skate, qui promeut les valeurs qui vont avec - liberté, créativité, absence de craintes... Une pub co-produite par MK2.

Crowdfunding et webdocus pour les ONG

Les ONG s'efforcent quant à elles d'être avant-gardistes. Greenpeace a été primé avec son bateau virtuel en 3D, avec une opération de collecte d'un nouveau type par crowdfunding, en acquérant sur un site dédié (fermé depuis, je vous mets le lien juste par conscience professionnelle ;) des pièces d'un bateau virtuel (dont on pouvant consulter en ligne les plans et une représentation en 3D), en vue de la construction - bien réelle, elle - du futur bateau Rainbow Warrior III.

Mais de manière plus générale, même si des campagnes de ce type n'étaient étonnamment pas présentées à Cannes, plusieurs agences s'essaient au webdocumentaire pour le compte d'ONG clientes, comme j'en parlais dans cette enquête.

Publis d'un nouveau genre

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De manière immanente, au vu de divers projets dans les cartons dont j'ai entendu parler la semaine dernière, une nouvelle génération de publis et autres "contenus éditoriaux" devrait voir le jour en presse écrite. Le virage est déjà amorcé. Ce printemps, pour le lancement de la console 3DS de Nintendo, l'agence media avait prévu en presse mag *uniquement* des publis-communiqués en presse mag. Ou la charte graphique était parfois bien peu éloignée des pages d'articles...

Dans un autre genre, on a vu dernièrement Libération aux couleurs de Jean-Paul Gauthier, opération certes sympathique où la rédac était sapée en JPG version papier journal... Et où ledit couturier était presque le seul annonceur. Quelques semaines avant, Libé avait pour seul annonceur Orange. Et encore un pas a été franchi avec la publication, ce 24 juin, du gratuit Direct Matin en format carré, littéralement au format et aux couleurs de la campagne des "forfaits carrés" de SFR ! (seul annonceur dans ce numéro, cela va sans dire). Cela pose de nouvelles questions, autant sur le modèle économique des médias, les nouveaux formats publicitaires que les limites déontologiques. La brèche est ouverte...

lundi 27 juin 2011

J. K. Rowling lance son Pottermore.com: bye bye les libraires old school ?

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Encore un peu de Harry Potter ?... Welcome in Pottermore.com (jeu de mots facile, j'en conviens ;). Et voilà, J. K. Rowling, devenue auteure à succès avec sa gentille série fantasy pour ados (et grands enfants) Harry Potter nous en propose un peu plus, avec le lancement du site Pottermore.com, dévoilé à la presse à Londres jeudi dernier. J'y reviens un petit peu tardivement (reportage à Cannes oblige, à l'occasion de la grand-messe annuelle de nos pubeux - j'y reviendrai dans un billet ultérieur), mais l'initiative est importante, car elle ouvre une (grande) brèche dans l'univers du livre. Et préfigure peut-être nos modes de lecture futurs.

Les aventures d'Harry Potter, c'est donc fini, alors que le septième tome, Harry Potter et les Reliques de la Mort, scellait ses aventures de petit sorcier. Pourtant, la série revient déjà sous forme d'e-book. de fait, le site interactif commercialisera aussi les 7 volumes d'Harry Potter sous format d'e-books, alors qu'ils n'étaient disponibles jusqu'à présent qu'en versions papier et audio. "Je voulais apporter quelques chose de plus aux fans qui ont suivi Harry à travers les années, et le rendre accessible aux nouveaux digital natives", a résumé en substance J. K. Rowling, citée par le New York Times.

Le plus, ce sont bien sûr les nouvelles expériences de lecture qu'offriront ces e-books: son auteure le promet, ils comporteront des illustrations et des éléments interactifs. Le site regroupera aussi un réseau social, une aventure à découvrir et lire, tout en interagissant. De fait, il proposera de redécouvrir l'ensemble de l'aventure Potter, en incarnant un personnage, sous la forme d'un avatar, qui aura pour mission de rentrer dans l'une des maisons de l'école Poudlard.

Auteur du futur: tes droits numériques tu ne cèderas jamais

Maligne, au fil de la publication de ses blockbusters, elle a pris soin de ne jamais céder ses droits numériques à son éditeur, malgré ses demandes répétées en vue d'éditer ses livres en format numérique, comme on peut l'imaginer. Elle a fait bien mieux: alors que les ventes électroniques des livres populaires ont explosé ces dernières années, à la faveur des premiers eReaders disponibles (comme le Kindle d'Amazon), puis des tablettes comme l'iPad, elle proposera les siens sur sa propre boutique en ligne à partir d'octobre, intégrée au sein de Pottermore.com.

Réseau de distribution virtuel exclusif, les libraires enterrés

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Mieux, elle se réserve l'exclusivité de la vente en ligne de ses e-books, en plusieurs langues. Les vendeurs en ligne Amazon et Barnes & Noble ne disposeront pas des droits de vente en ligne. Ces deux géants, tout comme les vendeurs indépendants, responsables en partie de l'essor de Potter - dont ils ont assuré la promo, au prix de lancements nocturnes - Harry Potter, sont ainsi de facto exclus de ce nouveau réseau de distribution, la vente en ligne. Tss, quel cynisme... Dont J. K. Rowling s'assure l'exclusivité - une première pour une auteure. Seuls ses éditeurs, Scholastic et Bloomsbury, percevront une part des revenus (d'un montant non-dévoilé). Elle devient de facto la seule gestionnaire en ligne de la marque Harry Potter.

Du même coup, J. K. Rowling a réservé un petit uppercut au géant Amazon, en contournant sa politique commerciale. Les fichiers numériques des livres seront commercialisés en EPUB et pour le lecteur Kindle d'Amazon (certes peu vendu en France, mais qui jouit d'un joli succès outre-Atlantique). Sans, bien sûr, qu'Amazon ne touche de commission sur la vente, puisque l'on ne passera pas du tout par sa boutique en ligne. Mais Jeff Bezos pourra difficilement interdire de lire les fichiers sur son appareil...

Elle enterre avec le sourire les libraires, qui ont conscience. "Nous sommes déçus que, ayant été des facteurs-clefs dans la croissance du phénomène Harry Potter depuis la publication du premier livre, le marché soit effectivement exclu de la commercialisation de l'édition tant attendue des versions numériques", lâchait ait un porte-parole de la chaîne Waterstone, cité par Actualitté.com.

En se réservant le monopole du circuit de distribution numérique de ses livres, l'auteure espère aussi donner un coup de frein au piratage de ses livres, parmi les plus téléchargés sur des sites de partage de contenus. Elle les proposera en format EPub, tatoués numériquement (watermarking) afin de lier l'identité d'un acheteur à la copie d'un e-book. Cela n'empêchera nullement le partage illicite des ouvrages numérisés, mais cela aura le mérite de faciliter le traçage des copies.

Reste à voir si l'auteure, forte de son succès hollywoodien (400 millions d’exemplaires vendus !) ouvre réellement une brèche dans l'univers impitoyable de l'édition, et si elle sera suivie par d'autres...

lundi 13 juin 2011

L'"écriture" Twitter, nouvelle source d'inspiration pour la presse écrite

Tweets-chroniques, tweets du jour (ou de la semaine / du mois, au choix), et même tweet-interview.. C'est incroyable à quel point Twitter est devenu une source d'inspiration pour la presse écrite depuis quelques semaines. Bon bien sûr il y a eu une floraison d'articles pratiques ("On vous donne les clés" sur Europe1.fr, "Mode d'emploi - Le tweet c'est chic" dans Elle il y a 15 jours...) sur ce formidaaable outil qu'est Twitter, plateforme de micro-blogging qu'ont découvert nombre de journalistes lors de l'affaire DSK, qui a consacré Twitter comme canal d'information immédiate. Ou à propos de son impact sur les pratiques journalistiques.

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Mais aussi, des formats de rubriques commencent à fleurir dans la presse écrite, qui s'imprègne inévitablement des pratiques issues du Web. Gadgets éditoriaux (ou de maquette) ou simple tendance de la presse écrite à s'approprier un des phénomènes de mode web du moment ?

Il y a quelques semaines, j'ai tilté en découvrant le "tweet du jour" en der des Echos, où sont aussi présentés quelques papiers et billets à lire sur son site Web. Ou comment résumer en un tweet une actu qui a fait du bruit sur la Twittosphère. La démarche a du sens: c'est à l'occasion du reliftage de la maquette du quotidien qu'a été créée cette mini-rubrique. Sur cette dernière page, très lue (avec notamment un Crible éco et un portrait brossé chaque jour), "je me suis dit qu'on ne pouvait pas seulement mettre en avant l'actu du site, comme c'était déjà le cas avant, mais aussi ce qui se passait sur Internet. Après tout on fait bien une revue de presse étrangère, pourquoi pas le web, les blogs, etc?). Bref j'y ai mis une info par jour sur un bon sujet repéré ailleurs et j'ai cherché un autre type d'info, + originale, d'où cette idée d'un tweet sélectionné chaque jour", m'explique François Bourboulon, rédacteur en chef des Echos.fr.

Des reprises de tweets qui alternent annonces, infos factuelles et petites phrases très Lol, émis alternativement par des twittos pas ou peu connus et des "people" de la Twittosphère ou du Web (bon, j'aurais tendance à voir une certaine surreprésentation de ces derniers ;). Avec pour principe de retenir "des tweets se suffisant à eux-mêmes, c'est à dire ne nécessitant pas de cliquer sur un lien pour les comprendre (sur le print, ce serait un peu compliqué)", explique François Bourboulon. Extraits: "La mort de Ben Laden a généré 1.694.000 réactions en ligne contre 1.203000 pour le #RoyalWedding" (@Kriisiis, 6 mai 2011), "#frenchrevolution à la Bastille : 60 manifestants selon la police, 1.000 tweets selon les organisateurs" (@pascalriche, 26 mai), "The British Goverment want us to move LeWeb to London next year for the Olympics should we do it ?" (@loic, 8 juin), "Plus fort que le tweetclash : pour gagner 250 followers en 24h, change de travail" (@ronez, 9 juin - on apprenait alors sur Twitter son passage de Arte.tv à Radio France)...

De fil en aiguille, via un hashtag dédié, #tweetdujour, la rubrique a pris vie sur Internet, étant relayée par la community manager des Echos sur Twitter, et même, depuis début mai, sur le site des Echos via un blog dédié, qui les répertorie. " Le + sympa, c'est quand le twitto scanne la rubrique du print et rebalance l'image dans Twitter", pour François Bourboulon. La boucle est bouclée...

Un peu dans le même genre, à l'occasion de sa nouvelle formule, L'Express s'est aussi offert un "Tweet express" (avec heure et date précises) en bas de sa page d'indiscrets médias gérée par Renaud Revel. Donc là, on publie sur papier un tweet maison chaque semaine.

Tweet-chronique chez "Be", tweet-interview chez "CB News"

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Repéré via @vincentglad

Twitter, c'est branché. Pour tenter d'"en être" à sa manière, l'hebdo féminin Be (que l'on apprécie ou pas - vous connaissez mon point de vue depuis ce billet ;) a lancé récemment une nouvelle rubrique sur une demi-page, sobrement intitulée "Les 10 tweets de la semaine - Le best-of de notre chroniqueur 2.0 en 140 caractères". De fait, chaque semaine, le féminin publie une sélection de tweets (et le "twitpic hebdo" - photo prise chaque semaine avec un people) de Mouloud Achour @mouloudachour), chroniqueur comique qui officie par ailleurs chaque soir dans "Le Grand Journal" de Canal + (interviews résolument Lol, parfois drôles). Pratique: on connaissait les chroniques tenues dans la presse mag par des journalistes ou people de la télé... Ledit titre s'offrant ainsi une signature connue. Là, on voit apparaître le concept de chronique-express qui ne nécessite même pas un travail éditorial : Mouloud Achour a juste à reprendre certains de ses tweets pour en faire une "chronique" papier. CQFD.

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Et comme Twitter c'est décidément très in, on a même vu apparaître la première... Tweet-interview, dans la nouvelle formule de CB News (désormais publié sous forme de mensuel), avec pour invité - original et inattendu sur ces sujets ;) - Loïc Le Meur."Les meilleures réponses sont les plus courtes", résume le chapô de cette interveiw un peu particulière. Le concept: 15 questions et des réponses qui tiennent en 140 signes. Résultat: une interview un peu zapping qui balaie tour à tour Seesmic, le Web '11, Hadopi, l'antienne des "blogueurs influents", la vie à LA...

jeudi 9 juin 2011

Cyborgs, eugénisme génétique... Un homme presque (trop) parfait ?

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Elle est grande et élancée, à l'élégance classique, actrice, ex-athlète hors pair (demi-finaliste aux Jeux paralympiques d'Atlanta en 1996), mannequin pour Alexander McQueen depuis 1999, et une des ambassadrice de L'Oréal Paris depuis le dernier festival de Cannes, et thésarde. Au détour d'un article du ''Monde'' du 21 mai, elle avoue être "fan des escarpins", elle en a une centaine "pour aller avec mes quinze paires de prothèses de jambes". Aimee Mullins, Américaine de 34 ans, née sans péronés, revendique son port de prothèses.

Son discours est troublant, et militant. Il illustre ce passage étonnant du handicap à la "cosmétique augmentée", avec un discours radical. Après tout, "Nous avons déjà nos prothèses: nos portables, ordinateurs... Pamela Anderson a sans doute plus de prothèses (des implants issus de la chirurgie esthétique, ndcc) dans son corps que moi. Un jour, nous aurons des membres sous garantie avec option ,des prothèses au choix dans nos armoires", assure-t-elle. On sourit à l’évocation de la série L’Homme qui valait 3 milliards avec Lee Majors, où le héros se voyait poser des membres bioniques décuplant ses forces. Sûr, les robots ne nous remplaceront pas.

"Un homme diminué devient un homme augmenté". "Bienvenue dans un monde où votre corps sera réinventé"... Malgré des assertions qui flirtaient parfois avec les slogans accrocheurs, le docu diffusé jeudi soir sur France 2 était passionnant, nous poussant dans nos retranchements. "Un homme presque parfait" esquissait l'homme augmenté du futur, alors que la robotique, l'intelligence artificielle, la sélection génétique et la bionique débarquent dans les labos. Et suscitent nombre de fantasmes sur l'"humain augmenté" du futur, où le hasard n'aura plus sa place. Ce documentaire de Cécile Denjean nous plonge progressivement dans le trash technologinique du futur, ou comment améliorer les performances du corps humain par la technologie. Au détail près que l'on n'est plus seulement dans une univers à la George Orwell : le futur, c’est - presque - déjà maintenant. En le voyant, mes vieux démons sur la science-fiction et l'homme bionique du futur auquel rêvent les transhumanistes les plus fous m'ont rattrapée.

Hommes bioniques "implantés"

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Bienvenue donc dans un monde du futur où tous vos gènes sont sous contrôle et soigneusement réinventés, et où le hasard n'a plus sa place. Dans cette enquête très documentée, Cécile Denjean est allée dans plusieurs labos en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis, pour voir des chercheurs passionnés de cybernétique, ou qui flirtent avec l'euphorie eugéniste.

Premier exemple: cet Allemand, le "premier homme bionique d'Europe" : amputé des deux bras suite à une décharge électrique de 20 000 volts, il a accepté de se faire greffer une prothèse inédite. Grâce à une puce, son cerveau contrôle un bras artificiel avec des capteurs ultra-sensibles. Le premier pas vers le cyborg... Il cite d'ailleurs Schwarzenegger en mode Terminator comme modèle. De fait, il a participé à un programme, Revolutionize prosthetics. Oh, étrangement, un programme initié aux Etats-Unis par la DARPA( Defense Advanced Research Projects Agency (DARPA) au début des années 2000: destiné aux militaires qui rentraient amputés du front d'Irak, vante l'organisme sur sa page d’accueil. Mais cela esquisse aussi le soldat bionique du futur. Flippant.

Au fil du documentaire, on nous égrène ces exemples de particuliers qui acceptent de tester ces innovations scientifiques. Nathalie, qui "a été implantée il y a un an" (notez le nouveau vocable qui émerge) : ses électrodes à la clavicule et au cerveau sont destinées à mettre fin à des troubles obsessionnels compulsifs sévères. Elle se sent "normale, pas du tout bionique". Aux Etats-Unis, à Huston, des chercheurs ont implanté 100 électrodes dans le cortex moteur d'un paraplégique. Il peut ainsi faire des gestes virtuellement qui s'affichent sur un écran.

Castes technologiques

Mais par petites touches, la technologie réparatrice vire vers une technologie de tri. "Une science de plus en plus invasive pénètre au coeur de l'humain", avertit Cécile Denjean. La limite entre ceux qui soignent et ceux qui augment , transforment, remodèlent, est de plus en plus floue. Dans un univers où les publicités, affiches et icônes de papier glacé qui nous susurrent à l'oreille la nécessité d'avoir un corps svelte, jeune, non-soumis au vieillissement, parfait.

Eh oui, Bienvenue à Gatacca: ce film de où l'on distingue des "élus" à partir de leur patrimoine génétique, consciencieusement trié, préfigure une réalité qui n'est déjà plus vraiment de la science-fiction. Vous vous souvenez sans doute de cette séquence-culte où le généticien annonce aux futurs parents qu'il s'est "permis" d'éliminer quelques "gènes" supplémentaires. Promis, "c'est le meilleur de vous-même" qui a été retenue...

A Los Angeles et à Hollywood, temple de la chirurgie esthétique, vous avez déjà le choix : mères porteuses sur catalogue, incubateurs d'embryons, et même possibilité de choisir le sexe - et plus - de son enfant. De fait, quelques labos très privés proposent un diagnostic préimplantatoire à partir d'une biopsie sur les embryons. Le circuit est parfaitement organisé pour les couples en quête de l'enfant parfait, avec même... un service financier pour monter un emprunt sur mesure, montre le documentaire. Car la "facture" est salée: 18 490 dollars pour le diagnostic préimplantatoire pour choisir le sexe de l'enfant, et jusque 30 000 dollars pour choisir la couleurs des yeux ou des cheveux. "C'est le bien de consommation ultime, que nous aurons pour toujours", lâche un futur père dans le docu, avec une inconscience absolue. Brrr. La brèche est déjà ouverte: en Angleterre, des médecins ont accepté d'enlever des embryons qui auraient risqué de faire loucher l'enfant.

Il faut voir là d'inquiétantes prémices à un eugénisme génétique, qui posent de vertigineuses questions éthiques. Si on élimine la fin et le hasard, on élimine le sens de la vie, et donc de la mort.

Et cela est déjà en route: des chercheurs ont réussi à concevoir un utérus artificiel, telle le professeur Hung-Ching Liu de l’université Cornell à New-York, qui annonce en 2002 qu’elle a réussit à implanter un embryon humain sur un utérus artificiel qu’elle avait préalablement créé. Le chercheur Thomas H Shaffer a mis au point un liquide amniotique artificiel permettant de sauver les bébés prématurés. Pour vérifier la viabilité de cet utérus artificiel, la scientifique y a implanté des embryons obtenus par Fécondation In Vitro (FIV). Ils ont bien accroché et ont commencé à se développer. La législation actuelle n’autorisant pas l’expérimentation sur l’embryon au delà de 6 jours, ceux-ci ont finalement été détruits. La polémique a été énorme. Mais la boîte de Pandore est ouverte: elle a ouvert la brèche à l’ectogenèse qu'avait imaginé Aldous Huxley: on sait que cela est faisable. Même si Valérie Pécresse, dans un rapport pour l’ information sur la famille et les droits des enfants, a clairement montré qu’elle était contre l’ectogenèse, la comparant au clonage.

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En Grande-Bretagne, Kevin Warwick, professeur de cybernétique à l'Université de Reading près de Londres, est devenu le premier cyborg après s’être implanté une puce dans le bras pour mieux comprendre les liens que pourraient à l’avenir tisser l’homme et la machine. Il s'est fait implanter une puce RFID dans son bras gauche pour s'identifier et commander la domotique de son labo, puis une seconde puce dans son bras, doté d'une main artificielle, qui est connectée à son système nerveux.

Après 6 semaines d’entrainement, pour que son cerveau et ses muscles apprennent à maîtriser le système, il a réussi à détecter des objets les yeux fermés quand ceux-ci étaient capables d’envoyer des informations à son capteur, à faire bouger une main robotique mimant les mouvements de la sienne à l’autre bout du monde, via l’internet, et à développer de nouvelles manières de communiquer, notamment avec sa femme, relate InternetActu.

Des dingues radicaux en rêvent déjà : les transhumanistes, qui croient dur comme fer en la capacité des technologies à améliorer l'être humain. Ils ont déjà leurs "centres de recherches", comme à la Singularity university, sur le campus de la Nasa dans la Silicon Valley. Alors qu'il y a une longue frontière - à ne pas franchir - entre science-fiction et science au service du business...

dimanche 5 juin 2011

Chromebook; Usbek & Rica; datajournalism; Glipfix; Creative Commons; Ramzy Khiroun; neuromarketing...

Une fois n'est pas coutume, une sélection de liens glanés via Twitter, mes revues de presse et de blogs, en innovation, (nouveaux) médias, pub, marketing, pratique journalistiques...

  • C'est @guybirenbaum qui l'a souligné, très surprenant "reportage" sur BFM TV hier, où l'on voyait Arnaud Dassier (communicant, qui a notamment colalboré à l'UMP, fondateur de la société de communication L'Enchanteur des médias, co-fondateur du site d'informations Atlantico entre autres), en vacances à New York, à NY qui photographie la maison de DSK puis fait la leçon. Je vous laisse apprécier cela en vidéo...
  • Le Chromebook, "nouveau pas vers la domination pour Google" ? C'est en tous cas ce que croit The Guardian, article repéré par @latrive, à propos de ces netbooks animés par son système d’exploitation Chrome OS.
  • Here we are. World Health Organization classifies cell phone use as "possibly carcinogenic to humans." I'm waiting to see the reply of telcos.
  • Usbek & Rica, magazine d'un nouveau genre que j'évoquais dans ce billet, dans la même veine que XXI, a un an. Comme ses fondateurs l'annoncent sur leur page Facebook, le n°5 sortira finalement le jeudi 1er décembre, dans une nouvelle formule. S'y ajoutent d'autres projets : un magazine qui devrait sortir à l'automne, et deux collections de livres pour 2012.
  • Avec Internet, l'article journalistique a-t-il encore un sens ou est-ce un genre voué au déclin? Bon résumé par Laurent Mauriac (Rue89) du débat suscité par Jeff Jarvis.
  • Je publiais la semaine dernière cette enquête (accès abonnés sorry) sur le datajournalism, qui engendre de nouvelles pratiques journalistiques - et des premières formations en écoles. Preuve que la pratique intéresse les media classiques, Le Guardian invite des développeurs externes à venir tous les mardis pour discuter data-journalisme
  • A voir le dernier commentaire de mon article d'octobre dernier sur Glipfix (où les internautes peuvent co-financer un projet de reportage), je me demande si ce service est encore actif .

Atlantico, les otages et France Télévisions: Atlantico aurait-il publié des infos trop rapidement à propos des otages ? A lire chez ElectronLibre.

  • Le propriétaire du New York Times annonce la nomination de Jill Abramson à la rédaction. Enfin une femme! Quand est-ce que cela en soi ne sera plus un événement ?
  • YouTube va permettre de placer les vidéos sous licence Creative Commons (YouTube introduces Creative Commons option for uploaders, remixers) : une manière de protéger ses oeuvres postées sur YouTube avec une alternative au copyright...
  • Une première, révélée par Le Point. Ramzy Khiroun, communicant de DSK , lance 5 plaintes contre journaux et sites internet: L'Union, Electron Libre, Atlantico, Challenges, et... @arnauddassier à propos d'un de ses tweets.
  • Ruez-vous sur ce papier de Wired, qui nous explique les vices cachés du neuromarkting, ou comment la publicité fabrique de faux souvenirs. Passionnant et flippant.

dimanche 29 mai 2011

Lady Gaga, icône numérique

Cela ne vous aura pas échappé : lundi 23 mai, Lady Gaga, consacrée en deux ans nouvelle icône de la pop, sortait son nouvel album, Born this way. Contrairement à Bruxelles, les Parisiens auront été épargnés par la sonorisation des lignes de métro, avec la diffusion en boucle dudit album. Mais sûrement par par l'intense campagne promotionnelle. Reflet peut-être de l'industrialisation accélérée de la musique pop mainstream, jamais une star ne sera allée aussi loin dans l’utilisation de recettes marketing. Recettes classiques pour certaines: faire de chaque sortie de single ou clip un événement, se distinguer par un look improbable, s'approprier des références cultures (de Madonna, référence revendiquée, à David Bowie, en passant par... Andy Warhol et sa Factory,; bien sûr pratiquer le placement de produits à outrance dans ses clips... en prétextant dénoncer la société de consommation bien sûr ;)

Des recettes appliquées avec une efficacité diabolique sur la Toile : Lady Gaga est probablement une des premières stars de la pop à être devenue aussi une icône numérique, présente sur une multitude de réseaux sociaux. Ses apparitions sont rarissimes dans la vraie vie et sur les plateaux télé, mais elle semble presque s'être dédoublée sur la Toile, en une sorte d'avatar, d'icône dématérialisée. Une sorte de star bionique, image étrange appuyée par ses looks fantasques, futuristes (et parfois flippants)... Un cas d’école, que j'avais envie d'aborder depuis longtemps, sans juger ici la qualité musicale de ses albums (perso ce n'est pas ma tasse de thé ;) je vous renvoie pour cela entre autres à ce papier du Monde, qui n'est guère tendre avec elle).

Relation-client sur réseaux sociaux

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A 26 ans, sans avoir d'un quelconque MBA en marketing, elle manie déjà à la perfection les ficelles du marketing classique : un apparat de circonstance depuis ses débuts en avril 2009, des références culturelles qu'elle s'approprie, créer l’événement autour de la sortie du moindre single et clip... Mais sur la Toile, elle gère en direct, depuis ses débuts, sa relation avec ses fans sur les réseaux sociaux - comme une marque qui gèrerait sa relation-client en ligne. Imaginez: elle vient de franchir le cap de 10 millions de fans sur sa page Twitter. Outre sa page web officielle, s'y ajoutent sa page Facebook (10 millions de fans, 36 millions de Likes pour son dernier album), sa page MySpace...

Loin de s'entourer d'une équipe de community managers, si son entourage gère sa page Web officielle, elle envoie ses tweets elle-même, directement depuis son téléphone portable: elle y alterne autopromo, annonce de son agenda, et réponses à ses fans. D'où une harmonie dans le ton et les contenus, qui n'ont pas trompé ses fans.

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Le 23 mai, elle a franchi un cap supplémentaire, avec de multiples partenariats destinés à asseoir sa présence numérique : Samsung a diffusé en avant-première, du 17 au 23 mai, l'album sur sa page Facebook en streaming continu, et a cofinancé une campagne de pub télévisée - une première (et de fait, j'ai eu droit à plusieurs relances de leur agence de RP sur cette opé...).

Pour asseoir son circuit de distribution physique et numérique, non contente d'avoir trusté les premières places de sites de téléchargement avec plusieurs singles lancés avant la sortie officielle de l'album, elle a bénéficié d'une vaste opération de com' par Amazon.com, qui son album... à 0,99 dollar durant deux jours. Amazon y a sacrifié ses profits (et contribué à dévaloriser le prix de la musique, soit dit en passant), comme le relate Mac Plus, quand sur l’iTunes Store le même disque est vendu 11,99$. L’opération a donc coûté en tout 3,18 millions de dollars à Amazon, (presque) à perte… Pas grave: Amazon a foulé des pieds de modèle économique de la musique en ligne, mais s'est offert un coup de pub pour sa boutique de MP3. En une semaine

Crowdsourcing et co-création oblige, pour mettre à contribution les internautes, l'agence Vanksen a monté une opération en ligne: un jeu-concours, "French this way", où les internautes sont invités à concevoir un clip sur YouTube sur la chanson-titre de l’album, avec à la clé 30 places pour un showcase à Paris à gagner. Rien que pour le plaisir, la vidéo où la star s'adresse à ses ouailles...

Autre relais indispensable: les social games, cette nouvelle génération de mini-jeux vidéos sur Facebook et petits univers virtuels, lointains héritiers de Second Life. Qu'à cela ne tienne: Lady Gaga s'est associée à la start-up à succès Zynga, pour concevoir un social game à son effigie... Gagaville, où les fans pourront évoluer dans un univers à son image (motos, licornes....), et où des extraits de son album Born This Way étaient diffusés en avant-première, du 16 au 19 mai.

Avec le géant du caffè latte indutrialisé, Starbucks, Lady Gaga a lancé un jeu bâti sur mesure: une chasse au trésor dans les cafés Starbucks, où les indices sont cachés dans les codes QR des ardoises et des affiches présentes dans les magasins, que les clients peuvent scanner avec leur portable. Et, pour être sûr que vous n'y échappiez pas, la musique de Lady Gaga est diffusée dans les magasins et sur le site web de Starbucks - une première dans l’histoire de la marque - où l'album est en vente.

D'étranges co-brandings donc, où comment la marque Lady Gaga s'insère dans de multiples univers. Quitte à provoquer une certaine saturation...

Màj du 31 mai : merci aux Inrocks pour la petite mention :)

dimanche 22 mai 2011

Le buzz du Web (LCI) - L'affaire DSK & le Web, Twitter, entre hyper-réactivité et approximations

Eh oui, cela ne vous aura pas échappé, le traitement par les médias de l'affaire DSK (et notamment le rôle de Twitter, comme relais d'information immédiate, parfois repris par les médias audiovisuels, dont j'ai parlé dans ce billet, notamment lors des audiences, a fait débat dans le microcosme journalistique. Autant sur le traitement de l'info, les erreurs et détournements observés, que la nouvelle notoriété de Twitter... Benoît Gallerey de LCI a eu la gentillesse de m'inviter pour en débattre vendredi après-midi avec Aude Baron (Le Plus du Nouvel Obs) et Christophe Carron (Voici.fr). Enjoy !

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