mercredi 7 novembre 2012

Twitter / Barack: les médias traditionnels dépassés

4_more_years_.jpg

Très exactement 327 453 tweets liés à l'élection présidentielle par minute, a décompté Twitter, lors de l'annonce de la victoire de Barack Obama, à 23h19 (5h19 à Paris). Un record. Le réseau social avait précisé, avant même l'annonce des résultats, que la présidentielle était devenue dans la soirée l'événement politique le plus tweeté de l'histoire américaine.

Et, fait sans précédent, c'est directement sur Twitter et sur Facebook que le président des Etats-Unis a annoncé sa réélection, en postant cette simple photo où il enlace sa femme, intitulée "Four more years". Et non plus sur une tribune, dans une déclaration diffusée par les chaînes de télé. Preuve que les médias sociaux se sont imposés comme les médias de l'immédiateté, et même de l'instantanéité, devant la télévision et la radio.

Un tweet qui restera probablement dans l'histoire, envoyé par Obama avant même de monter sur scène pour son discours, et bien avant de prononcer son premier discours.

tweets_Barack.jpg

Quelques minutes auparavant, Obama indiquait déjà "This happened because of you. Thank you.", puis signait lui-même, de ses initiales, un deuxième tweet: "We're all in this together. That's how we campaigned, and that's who we are. Thank you. -bo (Nous sommes tous ensemble. C'est comme ça que nous avons fait campagne et c'est ce que nous sommes. Merci)".

La photo date du 17 août 2012, et a été prise lors d'un meeting dans dans le village d'East Davenport (Iowa). Pas grave, elle incarne à la perfection cette émotion par l'image (avec un pathos très américain) que le président veut faire passer. Son tweet de réélection aura été retweeté à près de 460 000 reprises - un record, qui en fait le "tweet" le plus populaire de tous les temps (pour l'instant !) d’après Buzzfeed, un site américain spécialisé. Barack Obama prend ainsi la place d’un message du chanteur Justin Bieber. En tout, plus de 31 millions de tweets concernant l’élection ont été postés. De même, sur Facebook, quelques heures après le post du président, plus de deux millions de personnes l'avaient "liké", en faisant la photo la plus aimée de l'histoire selon Facebook.

Il est vrai que déjà en 2008, la couverture médiatique de la campagne qui vit l’ascension de Barack Obama fut déjà marquée par l’avènement des réseaux sociaux, notamment Twitter, alors jeume média social à peine connu en France. Quatre ans plus tard, il s'est imposé au fil de la campagne, comme caisse de résonnance pour les partisans républicains et démocrates, notamment lors des trois débats télévisés entre les deux rivaux.

Mobilisation sur Reddit, appels à retweets

Les réseaux sociaux seraient-ils en train de supplanter les médias traditionnels comme relais ? Quelques jours auparavant, mardi après-midi, Barack Obama avait choisi le site Internet Reddit, réseau social très en vogue aux États-Unis, pour mobiliser les jeunes pour voter. Et il a appelé ses supporteurs tout au long de la soirée à se mobiliser - sur Twitter, les enjoignant à appeler leurs amis résidant dans des États clés (les fameux swing states) à retweeter son message s’ils font "partie de la @TeamObama".

Voire. Evidemment, les partisans républicains étaient également très actifs sur Twitter. Pourtant, les tendances sur le média social préfiguraient déjà de la victoire de Barack Obama avant même la fermeture des bureaux de vote. Sur les plus de 7 millions de tweets liés à l’élection que Twitter a comptabilisés mardi en milieu d’après-midi, 40 % évoquent Barack Obama, contre seulement 24 % pour Mitt Romney, relevait l'AFP. L’indexation mise en place par Twitter pour jauger la tonalité des messages donne 71 % de tweets positifs au président sortant depuis l’ouverture des bureaux de vote, contre 59 % pour le républicain Mitt Rowney.

Twitter, premier relais pour féliciter Barack Obama

Twitter-Cameron_mainstory1.jpg

Forme de mise en abyme, même pour les traditionnelles et très officielles félicitations au président réélu, plusieurs personnalités politiques ont choisir eux aussi Twitter comme premier relais. Et par la même occasion, plusieurs se permettaient d'emprunter un ton très décontracté, bien plus que dans un classique communiqué compassé.

"Congratulations !", écrivait simplement e premier ministre russe Dmitri Medvedev sur son compte. "Chaleureuses félicitations à mon ami @BarackObama. Impatient de continuer à travailler ensemble", tweetait, très à l'aise, mercredi matin le premier ministre britannique David Cameron. "Heureux de l’élection du président Obama", écrivait en néerlandais puis en français le président du Conseil de l’Union européenne Herman Van Rompuy. Même le secrétaire général de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen, s'est fendu de "chaleureuses félicitations" au président Obama via Twitter.

mardi 23 octobre 2012

Memoto: Big Brother is watching you (toutes les 30 secondes)

macgpic_1351004199_optim.jpg

Un appareil photo de la taille d'un pendentif que l'on peut arborer au cou, et qui prend une photo toutes les 30 secondes. Et génère une sorte de flux visuel continu de votre vie de tous les jours.

L'info est sortie hier dans The Verge, Techcrunch, Tuaw... hier. La crème des sites technos. Avec un ton presque extatique.

C'est une start-up basée à Stockholm, Memoto, qui a développé cet étrange produit. Une sorte de compagnon - Tamagoshi des temps modernes, qui va vous permettre de cataloguer, "ranger", tous les instants de votre vie, image par image.

Elle a lancé une campagne sur la plateforme de crowdsourcing Kickstarter, avec cette injonction, "Remember every moment".

L'appareil, de 5 megapixels, comporte aussi une puce GPS , qui permet de localiser l'endroit où sont prises les photos, et xx horodatages. Dotée d'une batterie rechargeable, elle a 2 jours d'autonomie. Donc, muni de votre caméra, vous serez même traçables en permanence.

Ce mini-appareil photo devrait être vendu à partir de 2013 pour 279 dollars, accompagné d'un abonnement à un service Web pour 199 dollars. Lequel permettra, une fois les images téléchargées, de les classer par ordre chronologique et lieux. Le soir, en branchant son Memento Lifelogging Camera à un ordinateur, les photos sont en effet traitées sur les serveurs de Memoto. Les photos sont regroupées en plusieurs "moments" quotidiens : on peut cliquer sur un moment pour le revivre, ou le partager sur Facebook. Une forme de mémoire photographique, en somme, censée être constituée au fil d'une vie.

Le moteur de recherche de Memoto permet de chercher une date ou un lieu, et de revoir les "moments" associés. L'app mobile iOS ou Android permet aussi d'accéder à ces "moments". Et rassurez-vous, si seule une toute petite partie des photos est organisée en "moments", aucune photo n'est effacée : elles sont toutes stockées et accessibles sur les serveurs de Memoto. Toutes les données sont chiffrées et privées.

Quantified self et "lifelogging"

moments-algorithm.png

Elle surfe ainsi en plein sur la tendance du quantified self, qui consiste à collecter des données personnelles liées à la santé et à les partager, grâce à des appareils électroniques basés sur des capteurs, couplés à des applications mobiles ou services en ligne, comme j'en parlais dans ce billet.

Mais surtout, sur cette habitude que l'on a prise ce dernières années sur les réseaux sociaux, de manière presque additive: partager à tout instant ce que l'on fait, où l'on est, de plus en plus à travers la photo. La tendance du lifelogging, qui consiste à enregistrer et archiver le maximum d'informations autour de votre vie — textes, images, vidéos, interactions sociales

C'est bien pour cela que Facebook, par exemple, a mis l'accent sur l'image, la photo, dans son univers (allant jusqu'à créer une appui mobile idoine). Encore la semaine dernière, la start-up Lightt se lançait avec une promesse similaire : son app mobile "sociale" permet de capturer des instants de vie, par séries de 10 photos, puis de les partager avec ses amis.

Alors que les individus n'ont jamais autant pris en photo - et partagé sur les réseaux sociaux - les instants les plus anodins de leur quotidien. Un sondage Ipsos, commandé à l'occasion du Salon de la photo, révélait aujourd'hui que 55% des Français déclarent posséder au sein de leur foyer au moins un appareil photo numérique. Et parmi les photographes amateurs, 89% possèdent un appareil numérique et 77% un téléphone portable avec prise de vue intégrée.

Ainsi, avec ces étranges appareils, chacun pourra être filmé, même à son insu. Même dans des situations voyeuristes. Car l'appareil de Memoto ne peut jamais s'arrêter, à moins de le masquer.

Le co-fondateur de Memoto, Martin Källström, est conscient comment les médias sociaux ont changé nos comportements. Sa première start-up, Twingly, "faisait une veille sur les blogs, tweets et autres pour traquer ce que les clients disaient de produits de certaines marques", précise Techcrunch.

C'est parce qu'il voulait enregistrer des moments inattendus de sa vie, ces moments où l'on oublie précisément de dégainer son appareil photo, comme les premiers pas de ses enfants, qu'il a eu l'idée de lancer ce nouveau service. Ces moments qui peuvent sembler sans grande importance deviennent bien plus profonds à posteriori... Memoto permet ainsi de retrouver ces moments. Toute l’ambiguïté étant que Memoto ne laisse ainsi plus de place à l'improvisation, ni à l'oubli, ni au secret. Tout sera gravé en images.

mardi 9 octobre 2012

Comment les médias peuvent-ils aspirer l'innovation ?

Teleportd__2_.jpg

Il s'appelle Teleportd. C'est un agrégateur de photos qui scanne toutes les photos géolocalisées sur des applications mobiles "sociales" et les médias sociaux (Tumblr, Twitter, Twitpic, etc), et peut faire remonter, à partir d'un mot-clé, des photos indexées par rapport à leurs métadonnées. Pratique, pour des médias qui veulent enrichir leurs articles de photos, ou qui ont besoin de photos, même prises par des amateurs, pour des articles d'actualité immédiate... Bientôt, un système permettra d'identifier automatiquement l'auteur de la photo.

Teleportd a décroché le prix Startup for News, attribué par le Global Editor network, association qui regroupe des rédacteurs en chefs, et s'était penchée sur une présélection de 13 start-ups.

Il incarne parfaitement cette nouvelle génération de start-ups qui pourraient être complémentaires et indispensables aux médias demain, en leur apportant un service très spécifique, qu'ils n'auraient pas forcément eu l'inventivité de développer en interne. Cela résume toute la question du rapport des médias à l'innovation, et aux start-ups, qui était au cœur d'un (très bon) débat organisé lundi 8 octobre au soir par le Social Media Network, le Social Media Club France, Xperience et Satellinet à La Cantine.

Comment les médias peuvent-ils innover ? Incubateur intégré, simples collaborations avec des jeunes pousses, carrément rachat de start-ups, embauches de nouveaux profils hybrides ?... On en est qu'aux débuts, les grands médias classiques, audiovisuels ou groupes de presse, tâtonnent.

"Incubateur" au Groupe Express Roularta

startup.JPG

Débat StartUpNews à La Cantine - photo Laurent dupin

Il y a eu cette petite bombe, lancée mi-septembre. Le Groupe Express Roularta a annoncé le lancement de L'Express Ventures, "accompagnateur" plutôt qu'incubateur de start-ups, co-fondé avec 4 entrepreneurs issus du Net, dont Stéphane Boukris (Faismesdevoirs.com, Rentabiliweb) et Simon Istolainen (MyMajorCompany). J'en parlais en avant-première en juillet dans Stratégies, cette société, dont le groupe Express détient 58% des parts, accompagnera une dizaine de projets par an. L'horizon est large: start-ups spécialisées dans le marketing digital, le e-commerce, les apps mobiles, les nouveaux médias... "Nous aurons le 'final cut' sur les projets qui seront retenus. Nous assurerons leur promotion, et les entrepreneurs l'accompagnement et l'encadrement. Pour nous, cela permet de faire de la veille, et d'acquérir des compétences", résume Corinne Denis, directeur général adjointe et directrice multimédia du groupe.

Tout est là: si le groupe Express y va avec prudence (il n'investira pas ou très peu dans ces start-ups, prenant au maximum 10% du capital), cela lui permet avant tout de s'offrir une veille technologique sans précédent, et d'aspirer de l'innovation.

Premier "hackathon", appels d'offres auprès de start-ups chez France Télévisions

hackathon-facebook.jpg

Tous les "vieux" médias cherchent de nouvelles recettes dans cette course à l'innovation. Chez France Télévisions aussi. "C'est le défi de toutes les entreprises de médias traditionnelles. La nouveauté d'aujourd'hui, ce n'est pas le lancement de D8, mais l'arrivée de 13 chaînes thématiques YouTube. Or les groupes ne sont pas toujours prêts à intégrer de manière efficace l'innovation", lâche Eric Scherer. Directeur de la prospective et de la stratégie numérique à France Télévisions, il est arrivé précisément il y a deux ans avec cette équipe en charge de l'innovation au sein du mastodonte audiovisuel.

Parmi ces chantiers, il y a eu le lancement du site d'information continue FranceTV.info, une trentaine de recrutements à la clé, dont des nouveaux profils: développeurs, front page editors... Mais pour demain, "des acteurs issus de start-ups vont nous aider", annonce-t-il. "Ce matin, nous examinions les résultats de l'appel d'offres que nous avons lancé, qui porte sur les nouvelles mesures d'audience dans la social TV. Nous avions des start-ups parmi les candidats".

Car des problématiques toutes nouvelles apparaissent pour le groupe audiovisuel. "Nous avons des sujets nouveaux: la social TV, inexistante il y a 18 mois, la programmation de flux... On voit des start-ups nous proposer des services comme enrichir un programme sur un smartphone, ou reconnaître un programme sur un autre terminal", poursuit Eric Scherer.

Pour aspirer des nouvelles idées, le groupe a ainsi opté pour l'organisation de son premier "hackathon" les 19 et 21 octobre, ce marathon de la programmation initialement prisé par les hackers, repris par des grosses start-ups comme Facebook ou Criteo. La R&D de France Télévisions espère ainsi repérer et attirer des développeurs et designers porteurs de projets d'apps TV innovantes.

Collaborations avec des start-ups au Monde.fr

LeMonde.fr, quant à lui, a choisi de travailler au coup par coup avec des start-ups, "par exemple pour des coproductions de webdocumentaires ou d'interfaces ludiques", précise Alexis Delcambre, son rédacteur en chef. Et de citer le jeu Primaires à gauche, développé en 2011 par KTM Advance et Florent Maurin. On pense aussi aux collaborations du Monde.fr avec Upian, depuis plusieurs années, sur des webdocumentaires depuis le magnifique Le corps incarcéré en novembre 2009, comme j'en parlais alors.

Pour autant, les médias doivent-ils aller jusqu'à ce doter de Media labs, ces équipes dédiées aux projets innovants ? Au Monde, certes, une équipe, le pôle Nouveaux écrans, dirigé par Edouard Andrieu, planche sur les projets d'applis mobiles et les nouveaux supports (dont Windows 8). Pour autant, si le trio webdesigner + webdevelopper + journaliste, initié par Owni, commence à s'imposer dans certaines rédactions, "avoir un labo dédié implique un risque de déconnexion de l'équipe par rapport aux besoins réels de la rédaction. Nous préférons monter une équipe isolée au sein de la rédaction juste le temps de produire un nouveau format ou projet", explique Alexis Delcambre.

veritometre.jpg

Le Véritomètre Owni/iTélé

La question est moins complexe au sein des nouveaux médias. C'est évident pour Owni, qui a créé ce modèle de collaboration entre développeurs et journalistes, avec ses expérimentations d'avant-garde en data journalism. Les médias traditionnels font même appel à lui, comme une sorte de start-up, sur certains projets: "par exemple, nous avons fourni notre Veritomètre à iTélé. Et nous menons une veille en datajournalism et innovation avec notre rubrique Les data en forme", précise Jean-Marc Manach, journaliste à Owni.

De même pour Rue89 : il a ses développeurs en interne, qui travaillent en binôme avec des journalistes. "Nous servons de labo d'innovation pour le Nouvel Obs (depuis son rachat par le groupe ndlr)", admet Yann Guégan, rédacteur en chef adjoint à Rue89.

Aux Etats-Unis et au Royaume-Uni, plusieurs groupes de médias se sont déjà dotés de leurs incubateurs et media labs : Philadelphia Media Network, éditeur de The Inquirer, avec son incubateur Project Liberty, Turner Broadcasting, maison mère de la chaîne CNN, avec son incubateur le Media Camp, ou encore, l'Irish Times, qui vient d'ouvrir le sien.

A lire aussi:

Les grands groupes médias peuvent-ils encore innover ? Chez Cyrille Franck

Innovation et information : quelles synergies entre startups & groupes médias ? Storify de Mael Inizian

Organisation : ce que les start-up enseignent aux groupes média par Gilles Donada

dimanche 7 octobre 2012

Facebook, 1 milliard d'utilisateurs, lance son premier spot

"Les chaises. Les chaises sont faites pour que les gens s'y assoient et fassent une pause. Chacun peut s'asseoir sur une chaise, et une chaise est assez large pour que l'on s'y assoie à plusieurs. Et échanger des blagues, des histoires. Les chaises sont pour les personnes, et c'est pourquoi les chaises sont comme Facebook. Des sonnettes, des avions, des ponts... Ce sont des choses que les gens utilisent pour être ensemble, s'ouvrir et se connecter. (...)".

"Un formidable pays est quelque chose que les gens fabriquent ensemble, pouvant ainsi avoir un endroit dont ils font partie. L'univers. C'est rapide, et sombre, et nous fait nous demander si nous sommes seuls. Peut-être que la raison pour laquelle nous faisons toutes ce choses est de nous rappeler que nous ne le sommes pas seuls. Facebook".

Ce spot publicitaire dure 1 minute 30 (durée rare pour une pub). Les premières secondes, avec ces images très universelles de personnes de pays différents, (forcément) souriantes et trop contentes d'être là, de chaises, on pense dans un premier temps à une pub Ikea. Une métaphore pour designer un objet, un service censé créer le lien entre des personnes, suivie d'autres (une sonnette d'entrée, un pont), puis de personnes, de groupes qui ont l'air de s'éclater. Le nom de l'annonceur de cette pub tombe à la fin, sans slogan ni commentaire : Facebook.

Le media social s'est donc offert le premier spot publicitaire de son histoire, dévoilé sur YouTube vendredi 5 octobre. Conçu par l'agence américaine Wieden & Kennedy, il sera diffusé en télé dans 13 pays dans le monde (les Etats-Unis, le Royaume-Uni, la France, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, le Mexique, le Brésil, l'Inde, les Philippines, l'Indonésie, le Japon et la Russie) ces prochains jours, et s'affiche en page d'accueil de Facebook depuis samedi.

Un spot qui arrive dans un contexte particulier : Facebook vient d'annoncer avoir franchi le milliard d'utilisateurs actifs. Mais connaît aussi une phase mouvementée, épinglé la semaine dernière pour son - possible - bug, et alors qu'il est en pleine opération séduction auprès des annonceurs.

Il utilise donc l'image, forcément universelle et à priori rassurante, un peu philosophique, d'une "chose" qui nous unit, qui se concrétise par une chaise, un avion, un pont... Premier essai publicitaire donc pour la start-up devenue méta-réseau social depuis sa création en 2004. Un essai périlleux - comment communiquer sur quelque chose de très abstrait - en se posant comme incontournable ?

On a vu Google nous montrer dans ses spots TV que oui, Chrome fonctionne très bien, et qu'il permet même de circuler de par le monde en voiture électrique, avec Xavier et Antonin, les deux ingénieurs qui font le tour du monde en voiture électrique avec l’Odyssée Electrique. Mais chez Facebook, le voir se représenter comme un pays virtuel, voire l'univers, a plutôt quelque chose... d'effrayant.

Mise à jour du 10 octobre: ce spot est destiné uniquement à une diffusion sur le Web, pas de plan média télé prévu, me précise Facebook France. Il sera donc diffusé à partir de cette semaine sur les pages Facebook dans les langues des pays concernés. Il n'empêche, Facebook s'est offert une pointure du cinéma, le réalisateur Alejandro González Iñárritu (réalisateur de 21 grammes, Babel...) pour réaliser cette pub. Pas anodin.

lundi 1 octobre 2012

Y a-t-il de la place pour un Wired en France ?

tumblr_mazk2zIh2q1qbfmbmo1_500.jpg

"Wired" US, octobre 2012

Le projet d'un Wired en version française a bien été dans la balance chez le groupe Conde Nast, face au projet Vanity Fair français jusque juin 2011... Mais le groupe y a renoncé, pour cause de lectorat potentiel insuffisant (20 à 25 000 lecteurs par numéro), selon des études de marché qu'il a réalisées. Voilà ce que nous a confirmé Xavier Romatet, patron de Conde Nast France, croisé samedi à la soirée Glamour. Dommage pour les geeks, même si un Vanity Fair en VF, qui sera chapeauté par Michel Denisot, et Anne Boulay rédactrice en chef, est évidemment un des projets de presse les plus excitants pour l'année 2013.

On savait que le groupe avait hésité entre les deux, avant de trancher, mais pas que cela avait duré aussi longtemps... En tous cas, c'est l'éternel fantasme des geeks, de voir le mythique magazine techno-utopiste débarquer en France, tout comme il a déjà été lancé en Grande-Bretagne en 2009 en Italie en Europe. Cela pose encore une fois la question: y a-t-il (encore) un marché, un lectorat potentiel en France pour un tel magazine ? Car 25 000 lecteurs, c'est peu... J'en avais déjà parlé dans ce billet, plusieurs mooks et magazines ont pris la relève pour couvrir les technologies et l'innovation, de Tank à Usbek & Rica, en passant par WE Demain.

On se souvient des tentatives au début des années 2000, de magazines techno-prospectifs, avec une dose d'utopie, comme Transfert et Futur(e)s, et avec une dose d'éco chez Newbiz. Tous ont finalement mis la clé sous la porte (il y a 10 ans, déjà !), après l'explosion de la bulle de la Net-économie, qui impliquait qu'il y avait moins d'annonceurs pour ce type de journaux... Et moins de lectorat, parce que les technologies avaient perdu l'attrait de la nouveauté. Pourtant, ces journaux ont innové, y compris avec des maquettes bluffantes - souvenez-vous de Newbiz et ses mots-clés surlignés.. Rien que pour le fun, je vous ai remis des extraits de Futur(e)s et Newbiz (avec un article alors signé par ma pomme ;).

IMG_1502.JPG

IMG_1503.JPG

Un peu de presse vintage de 2002...

Des techs et de l’innovation sous forme d'un magazine en France : c'est risqué en effet, alors que les blogs, sites spécialisés et newsletters prolifèrent sur le sujet, et que les mooks et magazines haut de gamme permettent aux éditeurs de s'offrir des maquettes bluffantes sur le sujet... D'autant que ce thème a conquis, au fil des années, les pages éco des news grand public.

Tout juste Conde Nast France avait-il lancé un ballon d'essai l'an dernier en lançant un supplément Wired ajouté au GQ daté de décembre 2011, en print et sur son site Web, comme j'en parlais dans ce billet. Et d'après mes informations, ce serait de nouveau le cas cette année (du moins sur le site Web de GQ)...

telechargement_3778713_1024x1024.jpg

couv.png

Mais c'est surtout au niveau de la presse quotidienne que la mue est la plus intéressante. Lointains successeurs aux cahiers tech du début des années 2000 (rappelez-vous Le Monde Interactif, Les Echos.net, devenu Echos Innovation, pour lequel j'ai longtemps pigé, etc), des pages spécialisées sont réapparues depuis ces derniers mois dans quelques quotidiens: notamment Le Monde, avec son cahier "Sciences et techno" dans son édition du samedi, et dans une certaine mesure, son cahier "Eco & entreprise" du mardi, qui aborde les thèmse de l'innovation. Libération vient aussi lui aussi de remettre le sujet au goût du jour, en publiant le lundi un cahier de 8 pages, intitulé "EcoFutur", qui aborde l'économie de l'innovation : testé en mensuel ce printemps, il est hebdo depuis la rentrée.

dimanche 23 septembre 2012

L'actu des médias, nouvel entertainment pour le grand public ?

Mire_0_Noir_et_blanc.gif

Cinq émissions hebdomadaires rien qu'en télévision, au moins trois en radio... En cette rentrée, on a pu voir une multiplication assez ncroyable des émissions dédiées aux médias, sans parler des rubriques médias récurrentes, et des émissions consacrées à la vie numérique, aux nouveaux médias et aux technologies. L'univers des médias, un nouvel entertainment pour le grand public ?

A première vue, rien de nouveau. Depuis plusieurs années, il y a des émissions consacrées aux médias dans les grilles de programmes en télés et radios, qui disparaissent ou sont remplacées au fil des saisons, sur des chaînes de diverses audiences. Il y a eu, sur France 5, la mythique "Arrêt sur images", qui continue d'être diffusée sur le Net. Canal+ a eu pendant plusieurs années consécutives son émission médias le samedi midi, ou encore "Pop com" dimanche après-midi. Paris Première aussi, avec "Pif paf", animée par Philippe Vandel. Mais en cette rentrée, vous n'y échapperez pas.

Rien qu'en télévision, Jean-Marc Morandini inaugure "Vous êtes en direct" sur NRJ 12, émission certes plus large que sa quotidienne, "Morandini !", elle totalement consacrée aux médias, qu'il tenait sur Direct8. Cyril Hanouna a quitté France 4, embarquant "Touche pas à mon poste" sur Direct8, avec une nouvelle formule attendue pour octobre. La chaîne d'info i>télé a lancé le 2 septembre "L'hebdo des médias", le dimanche à 11h45, animée par Matthias Gurtler, rédacteur en chef de Gala. Sur LCI, Julien Arnaud, qui assure l’interview politique quotidienne le matin, a entamé une nouvelle saison de "La Médiasphère", programmée le vendredi. Enfin, France 5 a entamé il y a 8 jours la cinquième saison de "Médias le mag", le dimanche à 12h35.

En radio, deux des principales radios ont maintenu leurs rendez-vous médias : RTL avec son émission "Les dessous de l'écran", le dimanche à 13 heures, et Europe 1 avec "Le grand direct des médias", animée tous les matins à 9 heures en semaine par Jean-Marc Morandini. Et depuis la rentrée, France Inter a confié à Sonia Devillers, ex-journaliste médias au Figaro, une émission hebdomadaire, "Le grand bain", diffusée tous les samedis à 16 heures.

Les médias et la culture numérique omniprésents dans notre quotidien

En élargissant le spectre, on constate que les médias et nouveaux médias sont devenus une thématique récurrente, nombre d'émissions ont une rubrique dédiée. Logique : cela reflète le fait que les médias, la culture numérique et les technologies sont devenus omniprésents dans notre quotidien. Dans la matinale du samedi, sur France Inter, Alexandra Hakoun a, depuis la rentrée une petite case, "Parlez-moi médias". Dans le nouveau talk-show programmé les samedi et dimanche midi sur Canal+, "Le supplément", animé par Maïtena Biraben, l'actu médias et numérique a aussi largement sa place. La semaine dernière, un sujet (très fouillé) portait sur les déconnectés volontaires, et l'animatrice recevait Julian Brugier, journaliste qui présente occasionnellement le JT sur France 2.

Les émissions consacrées à la culture numérique et aux technologies se sont elles aussi multipliées: France Culture a reconduit deux émissions hebdomadaires, l'excellente "Place de la toile", consacrée chaque samedi après-midi aux écrans et "aux différents aspects de la révolution numérique", animée par Xavier de la Porte, et "Soft Power",programmée chaque dimanche à 19h, consacrée "aux industries créatives et aux médias". Le Mouv' a reconduit son rendez-vous hebdomadaire (me semble-t-il) consacrée à la culture numérique et aux technos, dans son 7 à 9 du lundi matin. Et j'en oublie sûrement...

Certes, la presse écrite continue de traiter le sujet. Le Figaro, Les Echos, Libération, L'Express, Le Nouvel Obs, Challenges... ont depuis plusieurs années des pages consacrées à l'actu médias / high-tech (avec une rubrique Indiscrets récurrente dans les hebdos). A cela s'ajoute une série de publications (souvent des newsletters payantes) spécialisées: bien sûr l'hebdo Stratégies (mon employeur), CB News, désormais mensuel, et plusieurs newsletters spécialisées (La Correspondance de la presse, Satellifax, Tarif Media, etc). Pourtant, il faut noter la disparition du mensuel spécialisé Médias, dirigé par Robert Ménard et sa compagne Emmanuelle Duverger, qui a cessé sa parution en juin dernier.

0.jpg

Quand L'Express lance sa web-émission médias

Mais plusieurs journaux cherchent une extension audiovisuelle (sur le Web) de leurs rubriques médias. Le Figaro a lancé, il y a quelques années, une déclinaison "audiovisuelle", avec "Le buzz média", une quotidienne sous forme d'interview vidéo diffusée sur son site, dont certains extraits sont repris dans les pages saumon du quotidien. L'Express a lui aussi monté, en début d'année, Immédias, une web-émission médias animée par Renaud Revel (chef du service médias, qui tient un blog éponyme), diffusée toutes les semaines sur son site.

Attirer les CSP+ et la ménagère de moins de 50 ans

Pourquoi un tel engouement des chaînes de télé et radio - et potentiellement des téléspectateurs et auditeurs - autour de l'univers des médias ? Et pourquoi se déporte-t-il à ce point dans les médias audiovisuels ? Tous ces programmes qui dévoilent les coulisses de la télévision et de de la presse écrite ont pour avantage de brasser plusieurs thèmes: séries du moment, économie des médias, évolution des pratiques journalistiques, voire people (entre animateurs et acteurs de série), et paillettes des soirées...

Et en cette rentrée 2012, l’actualité a rarement été aussi intense : rachat de Direct8 par Canal+, qui en fait une nouvelle chaîne, marché publicitaire en crise, difficultés pour la presse écrite, multiplication des chaînes TNT, incertitudes chez France Télévisions... Cette effervescence se reflète dans les émissions elles-mêmes : certaines sont arrêtées, de nouvelles s’installent et des têtes d’affiche changent de chaîne.

L'occasion de viser aussi bien les CSP+ que la fameuse ménagère de moins de 50 ans. Les CSP+, à l'évidence, soit les cadres, professions libérales et patrons, qui regardent peu la télé et écoutent peu la radio en semaine, mais un peu plus le weekend... Voilà pourquoi presque toutes ces émissions médias sont programmées le weekend. Du coup, les chaînes qui en font un outil d’information, de lobbying, une vitrine, et d'entertainment.

Car d'un côté, les chaînes ont bien compris la possibilité d'attirer ces fameuses CSP+ en parlant de l'économie des médias (coût des émissions, situation économique des journaux, etc). Grâce à ces émissions-vitrines, elles attirent du même coup l’attention des annonceurs et des agences médias susceptibles d’acheter des spots publicitaires. Il ne faut rien négliger... D'un autre côté, en révélant "la face cachée des médias que vous regardez", elles flattent le très grand public (la fameuse ménagère...), en tirant sur le côté people et paillette: avec des images de soirées de lancements, des sujets sur la vie privée d'animateurs télé...

Ainsi, certes, les nouvelles émissions médias des chaînes d'info continue (tout de même, deux d'entre elles en ont, à l’exception notable de BFM - pour l'instant ?), visent ces fameuses CSP+, avec des sujets plutôt orientés business, entre coût des programmes, parts de marché et présentateurs stars. Tout comme, dans une certaine mesure, "Médias le mag", animée par Thomas Hugues: ici, on est cependant plus dans le décryptage, avec parmi les nouveaux chroniqueurs le sociologue Jean-Louis Missika et Anthony Bellanger, ex-Courrier international, et l'analyse pédago et volontiers impertinente des techniques de com' des médias et des entreprises - un bon point en particulier pour la nouvelle rubrique "Coup de com'", qui a passé au crible cette semaine les dessous de la soirée de lancement de Direct8 (avec les fameux "éléments de langage" appris au préalable que les animateurs-stars répétaient devant les caméras ;).

il-faut-sauver-jean-marc-morandini_M92256.jpg

D'autres visent un public plus popu. Ce sera probablement le cas de l'émission de Cyril Hanouna sur Direct8, qui s'était imposé sur France4 avec le ton très LOL / bande de potes de son émission précédente. Jean-Marc Morandini (dont on lira le compte-rendu sardonique chez Samuel Gontier, de Télérama) ne dit pas autre chose, lorsqu'il parle au "Buzz" du Figaro [de sa nouvelle émission |http://www.lefigaro.fr/medias/2012/08/28/20004-20120828ARTFIG00544-jean-marc-morandini-invite-du-buzz-media-orange-le-figaro.php] :

NRJ12 a cette image de chaîne des 15-25 ans, or elle n'est pas que cela. Mon objectif, c'est d'aller chercher la famille, cette fameuse ménagère, les 25-45 ans, sans faire fuir les jeunes. (...) L'audience des ménagères, c'est ce qui intéresse vraiment NRJ12, de même que TF1 et M6. Or avec 2,9% de part de marché sur les ménagères, nous avons gagné plus d'un point sur les premières émissions sur cette case, par rapport au programme précédent.

mercredi 12 septembre 2012

Appareil Photo Facebook, Instagram: comment la photo (vintage) devient centrale sur les media sociaux

mosaiqueinstagram.jpg

Mosaïque Instagram

L'image devient-elle centrale dans les médias sociaux ? Non seulement le partage de photos est en train de devenir un business important dans les médias sociaux, mais l'image devient le type de contenu central, autour duquel s'organisent l'ensemble des contenus. Notamment dans Facebook. Cela faisait un certain temps que je voulais revenir sur ce sujet, alors que la consécration d'Instagram et le retour de Polaroid, cette année, ont marqué ce paradoxe, du grand retour de la photo vintage, à l'ancienne, à l'ère de la photo numérique et dématérialisée, comme je le soulignais déjà dans ce billet. Et la semaine dernière, justement, on m'assurait chez Facebook France que le réseau social souhaitait se renforcer sur la photo et le mobile. C'est donc chose faite.

appareil-photo-facebook-application-ipad.jpg

Souriez, vous êtes sur Facebook... Jeudi 6 septembre, Instagram est devenu très officiellement une filiale de Facebook, et l'application Appareil Photo Facebook, disponible aux Etats-Unis depuis fin mai, a fait son apparition dans l'AppStore Apple français. C'est donc la première fois que Facebook se dote d'une appli destinée uniquement à des usages mobiles, qui esquisse un réseau social mobile (et photo).

Une application qui est donc à la fois un réseau social exclusivement autour des photos, et un ensemble de services, outils et filtres de retouches photo. Une fois l'application téléchargée, en toute logique, on s'y connecte à partir de ses identifiants Facebook - manière de prouver que l'on reste bien dans l'univers du "méta-réseau" Facebook. Première étrange surprise, à l'ouverture, l'application vous demande (et même exige) d'activer la géolocalisation pour accoler un lieu aux photos que vous publierez... Impossible d'intégrer des photos si on ne souhaite pas se géolocaliser - CQFD.

Ensuite, on accède à un newsfeed où défilent uniquement les photos de nos friends Facebook. Avec une ergonomie minimaliste : plus de statuts, liens et vidéos, on voit juste des photos, avec les commentaires et likes. Assurément, l'affichage est optimisé : les photos s'affichetn en plein écran sur notre smartphone (et sans doute sur iPad), on peut parcourir de haut en bas les photos et abums de nos amis sans ouvrir chaque photo en grand format. Par ailleurs, on peut faire défiler les albums à l'horizontale.

Côté outils, on trouve donc quelques services de retouche, auxquels on accède en éditant une photo de notre "pellicule" (les photosdéjà stockées dans notre téléphone), ou sur l'onglet "appareil photo" après avoir pris notre cliché. On peut ainsi augmenter le contraste de l'image, et choisir entre les 13 filtres proposés, pour un résultat qui s'approche de celui des 17 filtres d'Instagram. Autres fonctions de retouche, innovantes puisque l'on ne les trouve pas chez Instagram : la possibilité de recadrer et rogner une photo, et un outil pour faire pivoter les photos jusque 360°.

Prime au cliché sur les media sociaux

Assurément, le visuel, le cliché, la photo "sociale" - et sur smartphone - devient un business en soi. Le rachat hallucinant d'Instagram par Facebook pour 1 milliard de dollars ce printemps a sans doute servi de révélateur à cette fameuse bulle "sociale", mais cela prouve surtout que le partage de photos est devenu sur les mediasociaux est devenu un "big business". Une étude publiée par l'école d'Harvard ce printemps affirmait que 70% des activités de Facebook tournaient autour des images : téléchargées, vues, commentées, likées... Instagram vient de passer le cap des 100 millions d'utilisateurs, a annoncé hier Mark Zuckerberg hier au TechCrunch Disrupt event, à San Francisco. Autre réseau social à succès de cette année : Pinterest, 10 millions de visiteurs uniques par mois, où l'on "épingle" ses instants de vie en images.

Mais l'image s'impose aussi pour le marketing et le personal branding sur les media sociaux. Parce que les images sont faciles à partager, à faire tourner, à commenter. Elle attire l’œil, suscite l'émotion immédiate - et les réactions - bien plus qu'un status écrit. Sur Facebook, Instagram, et plus encore sur Twitter, elle peut résumer une émotion. Ce n'est pas un mystère si, dans sa nouvelle ergonomie - le fameux "journal" individuel, devenu obligatoire pour tous les utilisateurs en France le 2 septembre - Facebook a imposé cette mise en page très visuelle, avec une grande photo ("couverture") qui ouvre notre page perso, et les photos et vidéos qui s'affichent de manière bien plus importante que les textes...

Une étude réalisée par la start-up Pixable en mai 2011, qui a passé au crible les profils de 500 000 utilisateurs Facebook, relevait ainsi que les utilisatrices de Facebook changaient leur photo de profil en moyenne toutes les deux semaines. Au fil du temps, les utilisateurs de Facebook, hommes ou femmes, se sont mis à renouveler leur photo de plus en plus souvent. Depuis 2006, le nombre de photos de profil postées par utilisateur a triplé. Le signe qu'aujourd'hui la présence en ligne, sa représentation virtuelle, représente pour eux une norme à entretenir.

mercredi 5 septembre 2012

Des stylos Bic et des cartes bancaires pour nous, les femmes

Un stylo Bic rose, une carte bancaire elle aussi rose vif... Lundi, jour de rentrée pour beaucoup, j'ai pu constater, rassurée, que les marques avaient pensé à des équipements de rentrée essentiels pour nous, les femmes.

Une nouvelle preuve que le marketing sexué (ou "gender marketing") n'en finit pas de constituer de nouvelles sources d'inspirations pour les marques, promptes à créer de nouveaux types de produits pour de nouvelles cibles marketing, dans des secteurs de plus en plus nombreux. J'en ai déjà parlé à plusieurs reprises ici: ce phénomène connaît une recrudescence inquiétante du côté des jouets pour enfants (même le très neutre Lego s'y est risqué il y a quelques mois, avec sa gamme Lego Friends).

Tout comme certaines marques agroalimentaires ont tenté, il y a quelques années, des produits alimentaires "girly", entre les yaourts Essensis chez Danone (disparus des rayons depuis), la "dermonutririton" étant alors en vogue, et les soft drinks vaguement roses, dont le Coca (déjà ringards).

Stylo Bic "girly"

5658318_sk_lg.jpg

Première surprise donc, le stylo Bic, qui s'est imposé dans notre quotidien depuis notre enfance, est proposé depuis la rentrée en France dans les magasins Office Depôt en version girly. Le Cristal for her (c'est son petit nom), est rose vif (oui, pas surprenant) , mais comporte aussi des qualités intrinsèquement féminines, nous promet la marque sur son site , notamment un "corps coloré (rose, violet, bleu, vert ou orange) plus fin pour une meilleure prise en main des femmes", et est garantie d'une "écriture douce" (??). Ouf, nous voilà donc enfin équipées de notre stylo à nous, qui nous permettra d'écrire désormais en toute facilité - parce que ne sait-on jamais, peut-être qu'avec les traditionnels Bic (pour hommes donc), que nous utilisions par défaut, c'était trop compliqué ;)

Un grand coup de chapeau, donc, aux designers de la marque française, sans doute des hommes (encore que ?), qui ont compris notre incapacité à utiliser des produits de tous les jours qui ne soient mignons, rooose vif (et pourquoi pas de paillettes, ou de fleurs, hein ?) - en un mot, fé-mi-nins. Cela me rappelle vaguement les stylos roses vifs que j'avais étant fillette, mais passons... Bon, le retour e bâton ne s'est pas fait attendre pour Bic, avec de sévères critiques sur la Toile. Il y a une justice.

Carte bancaire "pour elles"

Carte-bancaire-pour-femmes-societe-generale.jpg

Mais quelle ne fut pas ma surprise, également, en cette rentrée, de découvrir une carte bancaire lancée en juin dernier par la Société Générale, elle aussi, pour nous les femmes. Eh oui, une simple Carte bleue classique que nous permet juste de payer, trop banal...

Bon, en octobre 2007, lorsque les banques ont commencé à accepter les cartes bancaires co-brandée (avec donc un habillage un peu particulier), il y a certes eu quelques tentatives hasardeuses. Comme encore, en ce début d'année, la Caisse d'Epargne qui a voulu nous faire cette délicate attention, lors de la Journée de la Femme, en lançant une carte bancaire accompagnée d'un bijou. So cute.

Pour cette rentrée, la Société Générale a eu la lumineuse idée de nous proposer une carte bancaire "pour elles", avec une kyrielle de services. Qui sont à eux seuls une série de clichés parfois quelque peu sexistes. Déjà, la Société Générale nous le promet, cette carte bancaire nous permettra d'être "féminine jusqu'au bout des ongles" (si si, parfois un simple détail suffit...). Grâce entre autres au design des cartes bancaires de cette "collection pour elles" présentée sur son site (admirez le champ lexical, nous ne sommes pas loin d'une collection de mode...).

Mais c'est du côté des services très particuliers que la banque se lâche innove le plus (et que l'irritation de la lectrice attentive grandit) : avec notamment l’assurance "vol de sac à main" : ouf, on peut sortir tranquilles, en cas de vol, la banque garantit le remboursement de votre tout nouveau sac jusqu'à hauteur de 200 euros. La banque ne se donne pas la peine de proposer des services sans doute trop matérialistes, aussi liés au vol de sacs (genre remboursement des frais de renouvellement des papiers, du téléphone portable, de changement des serrures, etc).

Autre perle, les femmes - qui ont forcément du mal avec le bricolage et autres travaux manuels - se voient proposer un service de dépannage à domicile (presque) 24h sur 24, qui vous enverra plombier, vitrier, électricien ou serrurier, pour des prestations de base, pour la modique somme de 24 euros supplémentaires par an. Y compris pour des prestations très basiques (que nous serions, pour beaucoup, évidemment bien incapables d'effectuer nous-mêmes ;) : changement d'un fusible (!), fuite de joints, siphon à changer.. Déception, il n'y a pas de prestations telles que le montage de meubles Ikea ^^

Enfin, lundi soir, j'ai eu la grande surprise de trouver une chute toute trouvée à ce billet dans ma boîte mail, avec donc cette délicate invitation au Salon de l'Automobile, pour un "événement spécial femmes" (l'univers automobile étant par définition intrinsèquement masculin et compliqué pour nous). CQFD.

vendredi 31 août 2012

Hype Cycle 2012: Big data, BYOD, gamification, humain augmenté, commande vocale...

546601_10150995859305855_1217040381_n.jpg

Source: Gartner

Cette année de nouveau, il m'a semblé intéressant de me plier à l'un des exercices attendus de rentrée: le passage en revue de la "Hype cycle" des technologies émergentes, salutaire passage en revue des innovations de rupture d'aujourd'hui et de demain, ou déjà dépassées. que publie chaque année l'institut Gartner, mi-août, comme je l'analysais déjà en 2010 dans ce billet. Le principe est toujours le même, comme expliqué par Gartner sur cette page : cette courbe de l'innovation est découpée en 5 étapes-clés pour le cycle de vie de technologies.

Dans les innovations technologiques attendues pour (après-)demain, à peine émergentes ("technology trigger", où l'on en est à peine à l'étape du prototype), on distingue notamment l'"augmentation humaine": l'humain augmenté de demain, qui se dotera de puces RFID, etc, comme en parlait Cyril Fiévet dans son vertigineux livre Body hacking, que je chroniquais en mai dernier. Décidément, l’immixtion toujours plus importante entre le corps humain et les technologies (le mythe de l'androïde...) est une tendance naissante...

Dans les "expectations", l'institut Gartner évoque aussi, sans surprise, les "véhicules autonomes", alors que l'on a déjà les premières voitures embarquant des dispositifs connectés, voire pilotables à la voix. On retrouve les thèmes omniprésents de l'Internet des objets, ces objets qui communiquent entre eux, le crowdsourcing (qui émergeait en France dès 2007), ou encore les questions-réponses en langage naturel, ce qu'esquissent déjà des services de commande vocale tels que Siri chez Apple, comme je l'évoquais parmi les tendances technos 2012 (rappelez-vous... il y a quelques années s'esquissaient les premiers moteurs de recherche "en langage sémantique") .

Big data, gamification, BYOD pour demain

Du côté des innovations les plus attendues à court terme (au risque d'être surestimées ?), qui parviennent au "pic of inflated expectations", on trouve notamment le big data, dont on va beaucoup reparler ces prochaines semaines (dont ici même...), cette culture de l'algorithme qui s'étend du marketing à la Bourse, la gamification, mot-valise pour désigner la reprise des mécanismes du jeu vidéo dans divers secteurs, comme le monde du travail - un peu comme les serious games). Mais aussi le "BYOD" ("Bring Your Own Device", ou "Apportez votre appareil personnel"), autant injonction que tendance naissante du salarié qui apporte son matériel informatique perso (de la tablette au laptop) dans le cadre professionnel, traduction ambiguë de la disparition de la frontière entre les univers "pro" et "perso". Gartner, précisément, expliquait cela dans une étude par la banalisation de l’équipement informatique (tendance au suréquipement) et par l’arrivée de la génération Y dans les entreprises. Viennent aussi l'impression 3D, et le "social analytics" (soit la mesure, la collecte et l’analyse de données d’usages et de comportements des internautes au sein des médias sociaux, d'après Fred Cavazza).

Appstores, réalité augmentée, paiement par NFC... "Ttrough of disillusionment"

En revanche, pour Gartner, des innovations commencent à attendre l'étape fatidique du "trough of disillusionment"_ (premiers échecs à la suite d'expérimentations, quand bien même quelques investissements se poursuivent) : à savoir le private cloud computing (soit des services de cloud computing en version personnalisée, sécurisée... et payante), les App stores, la réalité augmentée, mais aussi, le paiement par NFC__: logique, les multiples tests menés par des opérateurs et banques commencent à lancer, alors que des solutions de portefeuille électronique et d’applications mobiles vont débarquer en Europe cet automne, telle l'application de m-paiement S-Money, que doit lancer le Groupe Banque Populaire Caisse d'Epargne cet automne, ou encore le futur Apple Passbook, qui sera proposé avec la prochaine version d'iOS.

Etonnamment, Gartner considère comme déjà victimes d'un effet de lassitude les services de cloud computing, mais aussi le contrôle gestuel, et, moins étonnant, les mondes virtuels (remember feu Second Life... Mais viserait-il aussi des mondes virtuels tels que Farmville ?).

La biométrie, le la reconnaissance vocale, les tablettes media mainstream

A l'étape du "Slope of enlightenment" (une seconde ou une troisième génération de produits autour de ces technologies émergent): on trouve, sans surprise, les tablettes media, le paiement mobile OTA ("Over-The-Air", un standard de communication sans-fil, alternatif au NFC), les méthodes d'identification biométrique (qui se multiplient sur les smartphones)...

Enfin, ont atteint le stade mainstream du "Plateau of productivity" (début d'adoption par le grand public), pour le consumer telematics (des services d'assistance automobile à distance comme le GPS ou la localisation de points d'intérêt), la reconnaissance vocale (effet Siri et consorts, qui s'annonçait dès le début de l'année... et s'étend de l'automobile aux téléviseurs).

mardi 28 août 2012

Les Pussy Riot ressuscitent le punk (et bien plus...)

A-Pussy-Riot-protest-perf-010.jpg

Punk is not dead ? Au choix, on peut estimer que le punk est mort en 1979, ou en 1994, lorsque des poignets cloutés sont apparus comme accessoires pour les jeunes modeuses, ou ces toutes dernières années, récupéré recyclé par la publicité, ou avec habileté par certaines marques, telle la culte Fred Perry, qui fête ses 60 ans.

Les Pussy Riot, melting-pot culturel punk

Mais ces derniers mois, le punk est ressuscité, accolé à un groupe de jeunes femmes Russes de caractère, qui se sont baptisées les Pussy Riot. Le nom aide : il fait référence en lui-même à un melting-pot culturel, entre argot sexy, féminisme et références musicales, renvoyant au groupe punk Riot grrrl et sa leader Susie Bright. Et à une forme d'appropriation par les femmes de leur pouvoir sexuel (entre autres). Même Madonna a imprimé le nom Pussy Riot sur sa peau nue, comme forme d'affichage de sa propre rébellion - qu'elle sait parfaitement exploiter, dans son sens inné du marketing ;).

Le groupe ds Pussy Riot, donc, fut lancé en septembre 2011, émanation d'un collectif artistique d'hommes, Voïna, avec à sa tête le mari de l'une d'entre elles. Elles sont devenues en quelques semaines plus qu'un groupe de jeunes punkettes, mais une cause célèbre pour les artistes et activistes en Occident, un contre-pouvoir non négligeable dans une Russie en train de devenir une "démocrature". Elles se veulent féministes: "Nous voulons être le fouet féministe qui réveille la Russie", expliquait l'une d'entre elles cet été à The Observer Et la lame de fond est en train de monter.

Activisme féministe 2.0

Logique, les médias sociaux relaient à leur tour le phénomène. Comme nombre de révolutions, ils ont contribué à médiatiser bien au-delà de la Russie les Pussy Riot, comme avec cette vidéo de leur fameux happening sous forme de prière punk, "Punk prayer", qui compte plus d'1 million de vues sur YouTube. Tout comme d'autres vidéos de happenings circulent... Car elles ont imposé une nouvelle forme d'activisme en mode 2.0, "girls band" à guitare" avec cagoules, collants flashy, et des happenings mis en ligne aussitôt sur Youtube, avec une certaine dérision, qui n'est pas sans rappeler celle du collectif La Barbe en France.

Un lointain écho, aussi, aux Femen, ces féministes ukrainiennes aux seins nus qui se sont illustrées en coupant à la tronçonneuse une crois orthodoxe. Une nouvelle forme d'illustration d'un revigorant renouveau du féminisme un peu partout dans le Monde, dopé par les media sociaux, de l'Europe aux Révolution arabes, en passant par la France, comme je l'abordais dans cette enquête. Et désormais, peut-être, la Russie. __ "Punk prayer"__

Le 17 août dernier, trois de leurs membres, Maria Alyokhina Yekaterina Samutsevich et Nadezhda Tolokonnikova étaient condamnées à 2 ans de camp pour avoir mené un happening de protestation contre Vladimir Poutine, en février dernier, dans la cathédrale orthodoxe de Moscou, devenue un des points de ralliement pour les activistes. Une condamnation à deux ans de camp de travail (!) qui a indigné dans le monde entier, les images du "procès" circulant dans les médias à cette occasion ayant révélé trois jeunes femmes graciles, âgées de 22 à 29 ans, qui sont photographe, poète et philosophe dans la "vraie vie".

Le révélateur de la mécanique implacable d'un pouvoir russe absurde, cruel, effrayant et machiste à souhait. Un simple titre de musique est devenu bien plus, brisant (un peu plus) aux yeux du monde le mythe d'une Russie moderne et démocratique. Elles sont devenues les renégates du moment pour le pouvoir russe. Car leur musique permet de cristalliser plusieurs points de critiques : corruption du pouvoir, inégalité économique et social, évidemment les droits de la femme...

Et maintenant ? Lors de leur arrestation, le Palais de Tokyo à Paris monte une expo collective, Madonna et Björk leur dédicacent des titres. Le collectif Osez le féminisme! organisait à Partis le jour du verdict une manifestation avec femmes sont venues encagoulées. Et bonne nouvelle, les artistes français réagissent enfin à leur tour: Gilles Médioni signalait ce matin sur son blog ce titre que vient de publier Jeanne Cherhal:pour les Pussy Riot. Faites tourner...

mercredi 25 juillet 2012

A la recherche du nouveau tube de l'été

lambada_.jpg

En pleine torpeur estivale (cette lapalissade est enfin de mise au vu des températures de ces derniers jours), il m'a semblé adéquat d'aborder un sujet crucial. J'ai déjà eu l'occasion de parler ici du single dédié à Noël, soit les Christmas songs, grande tradition pour les majors américaines. A contrario, et si son "genre" inverse, le tube de l'été, était un genre (marketing) en voie de disparition ?

Rappelez-vous, jusqu'au début des années 2000, c'était un concept marketing autant qu'un genre musical mâtiné de cette légèreté estivale : un single donc, très souvent l’œuvre d'un groupe ou d'un artiste parfaitement inconnu, néanmoins calibré pour être multidiffusé sur les radios et les pistes des boîtes de nuit (et des campings), avec une dose de latino (ou musique africaine éventuellement), des jolies filles légèrement vêtues qui se tortillent dansent en collé-serré sur la plage, et une chorégraphie minimaliste (ie facile à reproduire en boîte) dans le clip. Un single le plus souvent coproduit par un trio maison de disque - chaîne de télé - marque. Ou à l'inverse, le slow douceâtre parfait pour emballer.

Jusqu'au début des années 2000 donc, ce fut un des terrains de bataille estivaux des principales chaînes hertziennes. Avec ce coup magistral réalisé par TF1 durant l'été 1989. En plein bicentenaire de la Révolution déboulait sur les écrans "La Lambada", mega hit du groupe Kaoma, son rythme latino, sa mélodie lancinante, sa chorégraphie... Et le soutien plus qu'appuyé du sponsor Orangina (ah, le jaune vif très prédominant dans le clip...) qui s'offrait là un placement de produit grandeur nature: en revisionnant le clip, amusez-vous à trouver le placement de produit (qui sera interdit par la suite)...

Jackpot : le single s'écoule à 1,735 million d'exemplaires. A le réécouter aujourd'hui, le mélomane moyen constatera tout de même que ce single était sacrément bien conçu, au point de sembler presque intemporel (le fait que nous l'ayions écouté du haut de nos 12 ans à l'époque apporte certes une certaine subjectivité ;) - quand bien même "She Drives Me Crazy", tube estival US des Fines Young Cannibals, se situe nettement au-dessus à mon sens.

Certes, les années précédentes, il y avait souvent eu des tubes estivaux, imposés par les maisons de disques ou, par hasard, au gré de l'air du temps : égrenons "L'été indien" de Joe Dassin en 1975, "Hotel California" des Eagles en 1977 (en catégorie slows donc), "We will rock you" de Queen en 1978, "Born to be alive" de Patrick Hernandez en 1979, "L'aventurier" d'Indochine en 1983, "Still living you" (re-slow) de Scorpions en 1984, "Girls just want to have fun" (un des rares manifestes estivaux "à peu près" féministes) de Cindy Lauper le même été, "Les Démons de Minuit" (Images), "En rouge et noir" (Jeanne Mas) en 1986, "Joe le taxi" (Vanessa Paradis), "Yaka Dansé" (si, si) de Raft, "Voyage Voyage" (Desireless) - et le mythique "I want your sex" de George Michael, qui sauvait notre été 1987...

TF1 + Orangina + Sony BMG

Mais là, en cet été 1989, c'était une des premières fois qu'une mécanique musicale et marketing était calibrée à ce point pour imposer un tube sur la période estivale, avec la chaîne coproductrice, et un sponsor. Lequel tube était bombardé par la chaîne entre deux publicités (quitte à l'intercaler avec des pubs pour Orangina, dans un étrange effet de pub interstitielle). Les grands débuts du marketing musical, et un véritable cas d'école.

"La Lambada", c'était donc une multitude de clichés concentrés dans un clip de 2 minutes, avec une dose d'exotisme, de sensualité de danses endiablées sur le sable de Copacabana, les couleurs des favelas d'Amérique du Sud où les plus jeunes et démunis vivent dans l'instant présent... Un exotisme cheap formaté qui donnait le coup d'envoi à l'inévitable tube de l'été, concept marketing avec le même cahier des charges. Car Orangina est alors le premier annonceur à sponsoriser une musique et la danse qui l'accompagne. En 1990, il y aura même une pauvre tentative de produit dérivé long-métrage (il faut lire ce compte-rendu mordant).

Les étés suivants, les chaînes ont repris la même recette. Dès l'été 1990, TF1 remportait à nouveau le morceau avec "Soca Dance" (avec un peu plus de cul dans le clip) , avec là encore une musique latino, des jolies filles sur la place, et une chorégraphie parfaite pour les novices. Mais ensuite, peu à peu, la mécanique s'est enrayée, avec un effondrement des ventes, et une déformation du concept. Certes, il y a eu en 1991 la "Saga Africa" d'un joueur de tennis (assez habilement) reconverti , "Didi" de Khaled qui réinstaurait le raï en 1992, la dance habile "Dirladada" de G.O. Culture en 1993, une tentative de musique zen en 1994 par TF1 avec "Indian's Sacred Spirit" (Yeha Noha)...

En 1996, M6 remporte le morceau avec "La Macarena", single assez bien mené par un Espagnol qui avait déjà fait ses preuves, Los del Rio. Alors qu'elle est face aux blockbusters musicaux "Tic Tic Tac" (Carrapicho, autre groupe brésilien pratiquant la boï bumba), premier coup d'essai de prod' musicale de France 2, avec la marque Cap Tea, et "Sambolera mayi son" (Khadja Nin) de TF1.

Le dernier "tube de l'été" conforme au cahier des charges marketing est "Sereje" de Las Ketchup, vendu en été 2002 à 1,7 millions d'exemplaires. Suivront "Hips don't lie" de Shakira (2006), "Umbrella" de Rihanna (2007) "Mignon Mignon" de René la taupe (101 000 ex.), tandis que "Waka Waka (This Time For Africa)", de Shakira (90 100 ex.) en 2010, galvaudait lui aussi le concept (le tube était en fait le single officiel du Mondial de football)...

Depuis, le phénomène est démodé, mais aussi compliqué à monter pour les chaînes et les maisons de disque. La faute, notamment, comme relaté chez Slate.fr, à une décision du Conseil supérieur de l'Audiovisuel, en 1999, de fixer la durée minimale de diffusion des clips à 1 minute 30. Difficile, dès lors, pour TF1 et M6 notamment, de tricher un peu en bombardant toutes les heures des extraits de moins de 30 secondes. La faute aussi, en vrac, à la crise de l'industrie musicale, au concept même de single tombé en désuétude (ou du moins, on l'achète sous forme dématérialisée ou on le télécharge), tout comme du clip qu'on regarde à la télé (on les regarde directement sur YouTube), ou encore aux coûts de production élevés des clips...

dimanche 8 juillet 2012

Magnum, résistante de 65 ans, Getty à vendre... Quel avenir pour les agences photo ?

Magnum owners

Les 89 photographes en activité et ayants droit, tous patrons de Magnum, à Arles.

Deux actualités qui se télescopent, alors que la ville d'Arles est l'épicentre de la photo mondiale pour quelques semaines, avec les Rencontres photo qui ouvraient lundi dernier. D'un côté, l'agence Magnum Photos qui, à 65 ans, fait de la résistance. De l'autre, la prestigieuse agence Getty Images qui est officiellement à vendre pour 4 milliards de dollars.

Dans la petite ville d'Arles, qui a encore des airs d'antique cité romaine baignée de soleil, l'agence photo Magnum tenait pour la première fois son assemblée générale annuelle, mercredi dernier, qui se greffait ainsi aux premiers jours des Rencontres d'Arles - on peut d'ailleurs y voir la patte de François Hébel (voir son interview), directeur des Rencontres depuis 2001, qui fut lui-même directeur de l'agence Magnum pendant 10 ans, qu'il a contribué à redresser...

La prestigieuse agence Magnum Photos, qui fête ses 65 ans, est ainsi une des dernières survivantes de ces agences porteuses du photojournalisme à l'ancienne, qui montre sa capacité à survivre en dépit de la crise du photojournalisme dans un monde abreuvé d'images. Mieux, depuis sa création en 1947 par Robert Capa et Henri Cartier-Bresson entre autres, basée à Paris, New York, Londres et Tokyo, elle est restée indépendante, et a un statut à part de coopérative détenue par ses 60 photographes. Le photographe touche en moyenne 50% des revenus générés par son travail, l'autre moitié allant à la coopérative. Outre le passage en revue des comptes annuels, l'AG de Magnum a aussi sélectionné les postulants qui pourront l'intégrer (Magnum a des nommés, associés et membres).

kudelka.jpg

Josej Koudelka, lors du festival de musique gypsy.

Cette année, elle a ainsi intégré le photographe français Jérôme Sessini. Qui rejoint des membres aussi prestigieux que Elliott Erwitt, Raymond Depardon (qui a réalisé dernièrement la photo officielle de François Hollande) Martin Parr, et Josef Koudelka, dont le magnifique travail sur les Roumains est exposé pour la première fois cette année.

Mais quel avenir pour une telle agence au XXIe siècle, alors que le métier de photojournaliste même évolue à l'ère du numérique ? Le sujet faisait débat au Festival de Perpignan en septembre dernier, comme je l'évoquais dans cette enquête. "Magnum est tellement anachronique que cela devient sa chance", indiquait à l'AFP Lorenza Bravetta, directrice pour l'Europe continentale chez Magnum Photos. Déjà, sa structure de coopérative permet aux photographes de garder le contrôle sur les droits de leurs photos. Par ailleurs, elle est une des dernières à privilégier le reportage au long court, alors que les agences (surtout filaires) privilégient la photo d'actu immédiate ou la photo d'illustration. Le photographe de Magnum est rarement sur place le jour où survient un événement. Il arrive le lendemain ou quelques mois après pour saisir les incidences sur le pays. Ou bien il anticipe comme le Belge Carl De Keyser qui travaille sur les zones à risque d'inondation en Europe.

Les archives numérisées, trésor de guerre

Mais comme pour beaucoup d'agences, son trésor de guerre du futur repose sur se archives numérisées. Lorsqu'elle a connu des difficultés à la fin des années 90, l'agence a vendu près de 200000 clichés originaux au fonds d'investissement privé de Michael Dell, fondateur du groupe Dell.

Le nerf de la guerre. Autre prestigieuse agence photo sous les feux de l'actualité, Getty Images, de facto valorisée en tant que plus importante banque d'images au monde. Elle ainsi officiellement à vendre depuis quelques jours par son propriétaire, le fonds Hellman & Friedman, pour 4 milliards de dollars, d'après le ''Wall Street Journal''. S'il se concrétise, le montant du rachat serait un un des plus importants de l'année pour une société non cotée. E Plusieurs fonds, dont KKR et TPG, seraient candidats au rachat de Getty Images.

Fondée en 1995 à Seattle, initialement banque d'images pour agences publicitaires, Getty s'est diversifiée dans la photo d'actualité et la banque d'images à coups d'acquisitions, devenant premier fournisseur d'images (photos et vidéos) pour les agences publicitaires et groupes média. Pour contrer la concurrence d'Internet, elle acquiert en 2006 le site de vente de photos à bas prix iStockphoto, banque d'images bon marché mais de moins bonne qualité. L'agence a aussi revu ses tarifs à la baisse et proposé des ristournes sur ses photos en offrant par exemple ses photos basse résolution à seulement 49 dollars. De fait, Getty Images ou Corbis sont concurrencées par des platesformes d'images en ligne comme Fotolia ou Shutterstock, qui mettent directement en lien les photographes avec les professionnels et proposent des images à bas prix, contournant ainsi le modèle de Getty Images. Des modèles qui ont le vent en poupe : en mai, Fotolia, créé par des Français et basé à New York, a levé 150 millions de dollars auprès du fonds d'investissement américain KKR.

jeudi 28 juin 2012

Le "body hacking", les prémisses de l'humain "augmenté" ?

transhu.jpeg

Une étrange discipline, à la croisée du hacking et du transhumanisme, qui consiste à transformer le corps humain en faisant appel à la technologie, en implantant dans le corps des composants artificiels: puce RFID, puce magnétique, caméra dans l'oeil... Bienvenue dans l'univers du "body hacking", où une poignée d'individus poussent la logique de liberté individuelle jusqu'à entreprendre sur leur corps des modifications physiques parfois radicales. Passant outre, du même coup, l'intermédiaire classique, l'autorité scientifique, qui cherche depuis quelques années à tirer parti du numérique, de l'électronique et de la robotique pour améliorer le quotidien de patients souffrant de pathologies sévères.

Le livre de Cyril Fiévet, journaliste et auteur (li fut entre autres de l'aventure de l'éphémère revue Pointblog au début des années 2000, pour ceux qui se souviennent...) , Body hacking (ed. FYP, 20 €), qui tient en 158 pages, est un condensé de cette tendance (culture?) naissante, où des individus "pirates du corps humain" mènent des expérimentations radicales (parfois dangereuses), dans une nouvelle forme de déclinaison du hacking et de transhumanisme, sur lequel j'ai écrit à plusieurs reprises ici (comme dans ce billet). Les divers témoignages de "body hackers" recueillis par l'auteur à travers leurs blogs et forums de discussion donnent un ensemble passionnant, sur plusieurs types d'expérimentations menées.

Couv-BodyHacking-201x300.gif

Il ne s'agit nullement, ici, de présenter un récit de science-fiction : le livre nous laisse juste entrevoir des pratiques futures, de manières dont des individus pourront "augmenter" leurs corps de nouvelles fonctionnalités, avec des implants artificiels. Pour développer de nouveaux sens, augmenter les capacités humaines, parer à des handicaps ou déficiences (de la vue par exemple).... Et donc améliorer l'homme en en dépassant les limites fixées par la nature. Avec le spectre, pour les plus radicaux (ie les transhumanistes) de prolonger la durée de la vie. Vertigineux.... Le tout à l'aide rarement de la recherche scientifique traditionnelle ou des médecins, mais - c'est là une des ruptures induites par Internet - souvent par des "bidouillages" par des individus ayant eux-mêmes une expertise technologique plus ou moins importante, mais qui échangent avec d'autres individus qui ont le même centre d'intérêt.

Bien vu, Cyril Fiévet commence son ouvrage en citant les formes les plus répandues de "body hacking" - que beaucoup pratiquent ainsi déjà sans le savoir - le tatouage, le piercing, les scarifications, voire la chirurgie esthétique, qui ont pour point commun de s'être popularisées ces dernières années. Où l'on apprend que 40% des Américains de 26 à 40 ans sont tatoués, et 20% des Français sur la même tranche d'âge...Cette "génération Y" (l'auteur les qualifie de "Millennials") qui a grandi avec les ordinateurs, les jeux vidéos, les réseaux sociaux et Internet, où "tatouages et piercings feraient partie de leur culture décomplexée, où chacun affiche et revendique des signes distinctifs". Précisément, une génération "fin de siècle" qui a baigné dans les comics de super héros, la littérature cyberpunk et manga, les jeux vidéos, les films de science-fiction peuplés de cyborgs... Et n'est donc pas totalement insensible à cette idée d'"augmentation" par la technologie.

LA nouveauté, c'est donc que le hacking - cet art du bidouillage et du partage d'expériences né chez des informaticiens débrouillards et rebelles, comme évoqué dans ce billet - se transpose dans le domaine des sciences et de la biologie. Avec les débuts du DIY Biology ou body hacking , avec ses premières communautés, comme DIYbio.org, l'espace libre et non-lucratif Genspace, ou encore Biocurious, un "hackerspace dédié aux biotechnologies".

Voilà pour les initiatives "officielles". Mais l'auteur se penche surtout sur des initiatives individuelles, nées de chercheurs ou de particuliers (très) radicaux. Il revient ainsi sur les premiers exemples - souvent assez connus - d'implants corporels de puces RFID, comme par Kevin Warvick, professeur de cybernétique (avec des visées scientifiques), ou encore un entrepreneur américain, Amal Graafstra, avec des visées plus pratiques (ie être reconnu par la porte de son domicile, sa moto ou sa voiture !).

Mais il y a des démarches de body hacking plus radicales. Comme les implants magnétiques, ces pièces de métal introduites sous la chair relayée par le magazine BMEZine, dont l'implantation vise clairement à acquérir de nouvelles sensations, un "sixième sens", du fait que l'implant magnétique (qui est un aimant) réagit aux ondes et aux champs électromagnétiques, émises par divers objets (réveil, téléphone portable, chargeur électrique...). Et permet donc de percevoir physiquement des ondes invisibles, même au toucher, comme le montrent les témoignages assez fascinants. Certains imaginent même des dispositifs permettant de faire ressentir à celui qui le porte la direction du nord électromagnétique, comme dans le projet North Paw.

aimee.jpeg

On est bien là dans cette perspective de l'humain "augmenté", qui acquiert de nouveaux sens, de nouvelles capacités, par des composants artificiels. Ce qui passe aussi par des projets impliquant des caméras ou webcams ajoutées au corps humain, parois avec des visées scientifiques (comme dans le projet 3rdi), ou encore l'ajout de ^prothèses, souvent pour combler un handicap physique, mais qui devient très bien assumé par son porteur (comme pour la top model / égérie de L'Oréal / sportive Aimee Mullins).

Pour les fans de Terminator et de Mission impossible 3 (avec la fameuse lentille de contact qui offre une vision "augmentée"...), la société Innovega a dévoilé le prototype de iOptic, où un projecteur associé à des lentilles de contact offre un effet de vision en "réalité augmentée" à son porteur.

Expérimentations de quelques doux dingues? Oui, mais cette idée d'interfaces hommes-machines, de produits destinés au grand public qui visent à interagir étroitement avec le corps humain, apparaissent déjà. Et l'auteur d'évoquer le casque audio MindWave de Neurosky, qui lit les "états mentaux" de son porteur, un appareil commercialisé par la société Emotiv, qui , porté sur la tête, permet de décoder les influx électriques du cerveau,et même des applications qui permettent de déchiffrer l'état émotionnel de l'utilisateur ! Ou encore iBrain de NeuroVirgil, qui réalise un encéphalogramme complet durant le sommeil...

Ce sont là les prémisses du quantified self (voir ce papier du Figaro), un business naissant porté par des joujoux appareils électroniques ((basés sur des capteurs) destinés à mesurer et influer sur le fonctionnement du corps humain, couplés à des applications mobiles ou services en ligne. Une forme de body hacking donc, là encore sans les intermédiaires traditionnels (médecins, cliniques, etc), même s'il n'y a pas l'idée ici de modification corporelle.

feature-81-Prsthetics-1.jpg

Car pour les body hackers, l'idée-clé est bien celle de modifier son corps pour dépasser les limites de l'humain, comme Cyril Fievet l'a relevé à longueur de témoignages sur le forum Biohack.me, qui rassemble "une bonne part de la branche "dure" des body hackers", ou encore avec le témoignage de la transhumaniste Lepht Anonym sur son blog. Reste une question vertigineuse esquissée dans cet article de Fast Company, et à la fin de livre : et si, à l'avenir, certains étaient tentés d’abandonner leurs membres et organes biologiques au profit de machines sophistiquées, plus performantes ?

dimanche 17 juin 2012

Tank, Geek le mag, Usbek & Rica, WE Demain... L'éternel mythe d'un Wired à la française

tank__480x640_.jpg

Cela faisait un certain temps que je voulais me pencher sur ce thème, le dernier-né dans la galaxie des magazines technos à la maquette très léchée m'en donne enfin le prétexte.

Il y a quinzaine de jours, le premier numéro de la revue Tank était lancé en librairies et certains kiosques (14 euros, 150 pages). La "revue de toutes les communications" d'après son sous-titre, qui "fait jaillir une multitude de perspectives et de regards sur la société, la communication, les médias et les cultures numériques".

Au feuilletage, le contenu et à la hauteur de ce que ce claim laisse promettre: sélection de bouquins, certes plus ou moins heureuse, entre la très réussie Encyclopédie de la web culture de Diane Lisarelli, et le (tout-à-fait oubliante à mon sens) dernier opus Dominique Wolton, Indiscipline, un dossier très nourri (près de 40 pages) sur le jeu vidéo, entre points de vue sociologiques, philosophiques, business & conso (focus intéressants sur le social gaming, ou encore une start-up prometteuse dans le sillage de Rovio), un portfolio chronologique (Ah, Pacman, Tetris et Mario)...

S'ensuivent un focus sur le boycott à l'ère numérique, avec interview de Marc Drillech, auteur d'une somme sur le sujet (nous nous étions penché dessus il y a quelques mois), une enquête (assez attendue) sur le thème vertigineux "L'homme est-il soluble dans la technologie ?" (mythe du cyborg etc), un focus sur le thème "Cerveau, nouvelles technologies et publicité" (mais qui contourne pudiquement le sujet brûlant du neuromarketing... dommage), et in fine un focus sur le parcours de Tim Burton, avec un joli portfolio.

Un premier numéro prometteur donc, avec une maquette élégante, entre nombreuses illustr, quelques infographies, et de rares photos. Il faut préciser que l'équipe des fondateurs-investisseurs est un peu particulière: on retrouve derrière ce projet de gros pontes de l'univers de la publicité et de la communication. A savoir Sébastien Danet (président de Vivaki/Publicis Groupe) Olivier Covo (Brandy Sound), Bruno Fuchs (Image & Stratégie), Laurence Houdeville (Réputation VIP), Philippe Lentschener (McCann France), Bruno Paillet (Conseil & Annonceurs Associés) et Thierry Wellhoff (Wellcom).

C'est par ailleurs l'agence-conseil en communication éditoriale All Contents qui en est l'initiatrice. D'où la difficulté à qualifier cet objet: est-ce vraiment un média ? Il est en fait entre la publication professionnelle pour communicants et le mag grand public. Contrairement à XXI et autres Usbek & Rica qui ont été fondés par des journalistes, c'est ici une agence de com' éditoriale qui est derrière. Quand bien même on trouve quelques journalistes parmi les contributeurs, l'immense majorité sont philosophes, sociologues, directeur d'études en institut de sondages...

Au passage, ce mook est à ma connaissance le seul à être aussi clairement ouvert à la publicité: avec 15 pages de pub sur 150 pages, et des annonceurs essentiellement issus de l'univers de la com' (régies publicitaires, agences médias, presse écrite,, audiovisuel...), plusieurs étant proches des fondateurs ;)

IMG_1383.JPG

Le dernier-né, donc, dans le genre très en vogue des mooks (comprenez mag books), genre initié il y a quelques années avec brio par la revue XXI (j'en parlais ici lorsqu'elle a décroché son premier prix Albert Londres), ces livres-magazines en papier glacé et maquette très travaillée, qui ont créé un nouveau réseau de distribution : les librairies, mais auxquelles plusieurs, malins, commencent à ajouter les Relay et certains gros points presse (en fait, les kiosques disposant d'un rayon livres) - s'offrant ainsi un double réseau de distribution.

Plusieurs qui ont opté pour le format mook ont lancé des revues dédiées à l'anticipation, l'innovation, les sciences, la culture geek, les produits tech. Peut-être parce que le format du mook, avec un tarif assez élevé mais des possibilités de maquette bien plus larges qu'en presse mag classique (portfolios, infographies, dessins, superposition de photos...) est particulièrement adapté au traitement de ces thèmes. A la réserve près que ce genre très en vogue du mook a ses fragilités, dont au niveau économique (ie il inclut très de publicité): un des derniers, le mook sportif Hobo a ainsi été interrompu sur ordre du groupe Amaury, avant même la parution du numéro 2. Mais mooks, magazines diffusés en kiosques, tous ont toujours ce Graal, cet idéal, sortir enfin LE Wired à la française, magazine qui répercute depuis les années 90 les préoccupations des accros du Web et des technologies. Ce qu'ont déjà tenté, il y a une dizaine d'années, Transfert, Futur(e)s, Newbiz, Minotaure, Blast, Influx (petit aperçu dans mes archives perso)... Alors que la maison-mère, le groupe Conde Nast, non content d'avoir lancé des Wired locaux en Italie, UK... renâcle toujours à le lancer en VF.

couv.jpg

Un peu dans la même veine que Tank, Influencia, à la base newsletter lancée par Isabelle Musnik (ex-journaliste de CB News) a ainsi été décliné pour la première fois en luxueux mook (co-brandé par Le Figaro), vendu en librairies pour 20 euros.

Autre petit nouveau en la matière, le mook WE Demain, fondé par les frères Siegel, qui ont dirigé VSD pendant 30 ans. Sorti en librairies et en partie en kiosques en avril dernier,comme je le détaillais alors dans cet article, il se présente comme "une revue pour changer d’époque", et "accompagner l'émergence d'un nouveau monde". Après VSD qui a incarné la civilisation de l'entertainment... De quoi sera fait l’avenir… Avec donc, au menu, l’émergence de nouveaux métiers (euthanalogue, cultivateur vertical, manipulateur de climat, créateur de membres humains, courtier en pollution…), la 3e révolution vue par Jérémy Rifkin,..

On notera au passage qu'il est en train de développer un modèle publicitaire original, comme je l'évoquais dans mon article : il passera surtout par des partenariats de marque et du parrainage. Le numéro 2 de la revue, qui sortira le 11 octobre, aura ainsi un supplément, un magazine de 80 pages, We Demain Initiatives, ouvert aux marques, aux entreprises et aux institutionnels "qui partagent les mêmes valeurs que la revue", dixit ses fondateurs. Lesquelles marques pourront donc parrainer une des 8 sections de la revue (une page en ouverture de section pour expliquer ses engagements) ou acheter des espaces publicitaires réservés (2ème, 3ème et 4ème de couverture).

La revue Usbek & Rica avait déjà anticipé cette tendance, en se lançant sous forme de mook (voir mon billet à l'époque). Mais - autre preuve de la fragilité économique du modèle du mook ? - après une parenthèse au second semestre 2011, elle set revenue cette année sous forme de magazine trimestriel, vendu en kiosques pour 5 euros. Au menu pour le n°2 du magazine qui explore le futur": actu, infographie, enquête de fond (ici sur le sujet plutôt attendu de la "génération hacker"), et beaucoup d'anticipation: entre un chouette scénario futuriste ("La Seine Saint Denis en 2072"), tendance naissante ("le jour où un robot gagnera un prix Pulitzer", allusion au robot journalism), un sujet vertigineux (en rubrique Utopie) sur les débuts de la géo-ingénierie, le sportif génétiquement modifié...

Autre acteur de ce secteur de la presse à la Wired, Geek le mag. Là aussi, j'aime bien l'effort sur la maquette, les infographies et les enchaînements de photos, même si le magazine se disperse peut-être un petit peu: après l’enquête éco sur Ubisoft, les sujets d'acte (les sites de rencontres, Aca), le dossier TV connectée, les gadgets high tech, quelques pages de chroniques culture (ciné, DVD, jeux vidéos)... Puis il se clôture en beauté sur une publication exclusive d'une version comics de Batman.

Des parutions qui restent souvent limitées, relativement confidentielles (10 à 15 000 exemplaires en moyenne chacune, d'après mes informations, exceptées pour Tank et Influencia, pour lesquelles les chiffres ne sont pas encore disponibles). Elles font pourtant la différence avec la multitude de sites d'information dédiés à la high-tech côté conso et culture numérique (de 01net à Les Numériques) avec des maquettes qui tuent, et un traitement fouillé, plus proche de l'anticipation et de la prospective. Pas assez mainstream peut-être...

lundi 11 juin 2012

L'open data, nouveau bien commun

sources-open-data-lrg.jpg

Sources of open data, September 2010 (CC-BY-SA) - View fullsize image

L'open data, nouveau bien commun ou point de départ de nouveaux services ? Car elles reposent sur les datas, ces nouvelles données brutes open source, lointain héritage des logiciels open source... Le sujet était abordé ce soir lors de la dernière édition de la Mobile Monday, une des grand-messe pour les start-ups mobiles. L'open data, ce sont ces données publiques en accès libre et ouvert, que tout citoyen peut consulter à tout moment  : des chiffres, statistiques, et des informations brutes rendues accessibles par obligation légale , qui le sont désormais sur la Toile. Avant Internet, il fallait demander ces données (aux collectivités locales, etc). et attendre leur bon vouloir. Désormais, elles sont accessibles en quelques clics et à toute heure, mises en formes en tableaux, graphiques...

Retour aux sources : chez Wikipedia, l'open data est définie comme une information publique brute qui a vocation à être librement accessible et réutilisable (comme les logiciels libres...). Avec une libre disponibilité pour tous et chacun, sans restriction de copyright, de brevet ou d'autres mécanismes de contrôle. Yves Gravier, de la start-up Neosesame, y préférait une définition d'informaticien: "une information structurée publique ou privée et généralement non utilisable par un humain mais interprétable par une machine".

lemonde_.jpg.jpg

Si l'open data a été consacré comme un outil démocratique aux Etats-Unis par Barak Obama, les débuts de l'open data à la française sont encore frileux. Certes, on plusieurs secteurs tentent timidement de s'en emparer, des pouvoirs publics - avec le programme Data Connexions d'Etalab, programme de soutien aux données ouvertes - aux médias, avec les débuts du datajournalism, par exemple chez Owni, comme j'en parlais il y a quelques temps dans cet article, ou encore ce billet. Ce qui a d'ailleurs donné une seconde vie ausx infographies - même Le Monde n'hésite pas en publier en Une...

En attendant, ce sont les créateurs d'applications mobiles qui exploitent les données ouvertes, en les transformant en services… souvent payants. De l'idéal des données ouvertes accessibles à tous à de nouveaux services qui y sont greffés, il n'y a qu'un pas. Car le business est prometteur: "l'impact économique de l'open data serait de 140 milliards d'euros par an d'après l'Union européenne", cite Marc Ribes, futurologue dans le secteur publique chez Orange. Avant de nuancer aussitôt : "il y a des apps sympathiques, qui ont souvent une forte valeur sociales, comme celle de la Ville de Paris. Mais il y a souvent un décalage entre les partisans d'un écosystème ouvert, et les open data qui sont insuffisantes pour les développeurs", poursuit-il.

Il faut tout de même citer des initiatives de collectivités locales avant-gardistes, comme la ville de Rennes, dont le portail Open Data a par exemple abouti à l'ouverture de l'application pour téléphones mobiles Transports Renne, qui offre elle en temps réel l'intégralité des horaires des transports publics, ou encore Montpellier, en tête des collectivités françaises pour son site de données publiques, ouvert en février. Car l'ouverture des données de Montpellier Agglomération, prévue pour septembre, inclut notamment celles concernant les transports. Avec à la clé là encore le lancement d'une application mobile rendant compte du trafic en temps réel.

Précisément, ce marché naissant de la donnée, des start-ups le développent et y greffent des services innovants. Un marché naissant dont s'est emparée Data Publica, la cinquième (!) start-up de François Bancilhon, que j'avais déjà eu l'occasion de croiser il y a quelques années autour de Mandrake.

Pour cela, elles se basent sur des secteurs où les données brute en accès libre foisonnent, ou sont faciles à mettre en forme - un peu dans la même logique que dans le robot journalism. C'est par exemple le cas dans le secteur immobilier, où des données - adresses, prix au m2 par quartiers, appartements ou maisons à vendre, points d'intérêt à proximité... - greffées à de la géolocalisation peuvent aboutir à une multitude de nouveaux services. "Une quarantaine de start-ups parisiennes sont en train de développer des services autour de ces data. Elles ont bien compris qu'elles pouvaient lancer un business innovants, à partir des mêmes données dont elles disposent", explique François Bancilhon.

Et de citer Smoovup, Sensopia, SeLoger, LogicImmo, GeoImmo, Emulis, Home'n go, CocoonHome, Moobz, KelQuartier....

Yves Gravier, fondateur de Neosesame, qui propose des solutions pour publier des contenus sur n'importe quel support mobile, cite pour sa part l'exemple de Bay Area Rapide Transport (l'équivalent de la RATP du côté de la Silicon Valley - ça sonne tout de suite plus sexy... ;) : "depuis 10 ans, ils ont mis en accès ouvert les statistiques sur les accidents, horaires etc, en temps réel", explique-t-il. Tout développeur est ainsi libre de développer des apps à partir de celles-ci...

Des premiers sites référençant toutes les bases et sources open data existent, heureusement. La référence étant Programmable Web ("beaucoup de données américaines, quelques-unes d'Allemagne, très peu de France", regrette Yves Gravier), suivie par Alcatel Lucent US, Mashape, ou encore The easy API.

Côté infographies, j'y ajouterais Knoema.com, un nouveau moteur de recherche d'infographies et de cartes, qui permet de découvrir et exporter sur son site ou blog des représentations graphiques sur n'importe quel sujet, en effectuant des recherches par catégorie ou par mot-clé.

mercredi 30 mai 2012

Prometheus: SF métaphysique, multiplication des écrans

C'était un des films de science-fiction les plus attendus de l'année, réalisé par un des maîtres du genre, Ridley Scott, pour lequel c'était le premier retour à la SF depuis 1982 (année de sortie de Blade Runner), et son coup d'essai en 3D. Film d'autant plus attendu que la culture SF semblait muséifiée, en recul au cinéma ces dernières années, comme j'en parlais dans ce billet l'an dernier (repris chez Owni). Ridley Scott est donc revenu à la SF avec Prometheus, prologue (ou prequel) à la série (saga?) culte des Alien. Un film - blockbuster à gros budget, avec une véritable machine de guerre marketing, décryptée ici-20120529--14358774@207149190-20120529203749] par L'Expansion.

Un prequel - genèse, avec les premières minutes du film une genèse de la créature, de l'existence de l'homme sur Terre, qui aborde des thèmes métaphysiques classiques en science-fiction, les origines de l'homme et l'évolution de la condition humaine, autour du mythe de Prométhée, rebelle chassé de l'Olympe et condamné à se faire dévorer quotidiennement le foie par un aigle, après avoir volé le feu aux dieux au profit des humains.

Pour résumer l'histoire donc, elle se déroule dans les années 2090, soit avant l'action des Alien (le premier se passe en 2122) - donc on connaît déjà la suite, la substance. Suite à la découverte de pictogrammes formant une carte spatiale, avec un astre inconnu, un vaisseau (Prometheus) se lance à sa recherche. Avec à bord, notamment, des scientifiques idéalistes, Meredith Vickers, la blonde glacée qui pilote l'expédition (Charlize Theron), un vieil homme en quête d’immortalité (Guy Pearce), ou encore David, un majordome-androïde ambigü à souhait (Michael Fassbender). Ils vont découvrir les vestiges d’une civilisation éteinte de géants - référence au mythe de Golem - dans un univers qui n'est pas sans rappeler celui d'Enki Bilal. De fil en aiguille, Ridley Scott raccorde plutôt habilement son récit à la suite annoncée des Alien.

Je passe sur l'accueil mitigé qu'a reçu ce film, tant à cause des faiblesses du scénario que le côté trop "blockbuster" du film, et des personnages trop peu épais, bien loin de la subtilité dont Ridley Scott a fait preuve dans ses films précédents, comme Blade Runner.

Robot teinté d'humanité

Pourtant, le film accomplit presque sa mission, en effleurant les classiques propres à la science-fiction, entre métaphysique, questionnements sur le genre humain et sur ses excès. Son personnage le plus intéressant est sans doute le robot androïde, complexe, trouble, qui a des soupçons d'humanité: il use de la ruse, du double jeu (on découvrira plus tard dans le film qui est son véritable commanditaire), et de l'ambiguïté sur son statut. Lorsqu’il dit à la scientifique (Naomi Rapace) "Parfois, on aimerait tuer son créateur" et qu'il aura sans doute "sa liberté" suite à l'expédition, toute l'ambiguïté est là. Il semble presque vouloir ressembler à ses créateurs. Il cherche même à négocier, à la fin du film, pour de ruse dans le film pour sauver sa peau (comme le ferait un humain...), demandant par exemple à l'une des protagonistes de la secourir, en lui promettant en échange de lui trouver un vaisseau sur la planète. Troublante aussi, cette scène, ou David se regarde dans un miroir et se recoiffe - comme le ferait machinalement un humain...

Un véritable personnage qui aurait un caractère presque... humain, lointain cousin du non moins complexe Répliquant Roy de Blade Runner (séquence piquée dans ce billet chez Jean-Christophe Féraud).

Foisonnement d'écrans, mise en abyme de l'image

ecrans3.jpg

Dans des décors époustouflants créés par l'artiste suisse H.R. Giger (il a déjà travaillé sur Alien), qui encore une fois, me rappellent l'univers visuel d'Enki Bilal, un de mes auteurs préférés de BD de science-fiction, on est dans des paysages lunaires, aux couleurs sombres et froides, et quelques éléments lumineux, tels cette multitude d'écrans et d'hologrammes.

Surtout, Ridley Scott s'essaie donc à la 3D. Il en use avec parcimonie, sans abuser des effets de relief à répétition sur les premiers plans. La 3D est utilisée de manière naturelle et discrète, tout pour juste pour quelques effets de relief en avant-plan de certaines scènes, ou pour ces fascinantes séquences de fantômes entourés d'une bruine, qui semble nous arriver sur le visage durant le film.

Et, dans un vertigineux exercice de mise en abîme, le cinéaste met en scène les écrans du futur. Comme dans tout film d'anticipation, il part de nouvelles formes d'usage pour imaginer comment les technologies se seront installées dans notre quotidien. Et il s'amuse donc à mettre en scène un foisonnement d'écrans, omniprésents dans chaque plan : on retrouve bien sûr les hologrammes, des classiques de la SF depuis La guerre des étoiles... Des hologrammes qui lui permettent de mettre en scène des écosystèmes complexes de planètes en 4D, ou encore des hologrammes que les personnages peuvent activer instantanément, par exemple à partir d'une tablette tactile, ou encore d'un surprenant Rubik's cube futuriste.

On y voit aussi les personnages utiliser des tablettes tactiles basées sur des supports translucides, ou encore afficher des écrans virtuels grand format. Même la très "robotique" Meredith Vickers a un écran virtuel géant au fond de son appartement, sur lequel elle alterne différents "fonds d'écrans", comme un champ de blé. Une mise en abyme aussi, lorsque David, dont on découvrira ensuite qu'il est androïde, fait défiler les images de la mémoire d'un personnage "endormi" en cryogénisation - des images aux couleurs passées, qui semblent s'afficher sur un vieux téléviseur.

mardi 22 mai 2012

Robot-journalisme: y a-t-il un humain derrière cet article ?

METROPOLIS--robot-008.jpg

Des prévisions de résultats de plusieurs sociétés, sur l'actualité boursière d'Abercrombie & Fitch, Limited Brands ou encore Saks, publiés sur Forbes.com, dans un style très factuel, que n'auraient pas dénié les agences AP ou Reuters, signés... par un certain Narrative Science. Et écrits par un robot, ou plus exactement par un algorithme complexe. Bienvenue dans l'ère du journalisme du futur ?

En tous cas, ces prémisses en ont fait frémir plus d'un, alors que l'annonce, la semaine dernière, a fait bruisser la Toile, bien plus que les médias traditionnels - pas vraiment surprenant, on y reviendra. Car oh Gosh, le vénérable Forbes a lancé une petite bombe en recourant le premier à cette étrange signature, comme le relevait le Guardian. Narrative Science, c'est donc le nom d'une start-up basée au nord de Chicago, fondée en 2010 par Larry Barnbaum et Kris Hammond, spécialistes en intelligence artificielle ET journalistes - leur double spécialité n'a absolument rien d'anodin.

Forbes.jpg

Concrètement, cet algorithme met en forme des données - puisées dans des résultats sportifs, rapports financiers de sociétés... - "enrobées" avec un corpus de mots, de tournures de phrases et d'expressions fréquemment employés par des journalistes. En clair, ce logiciel "transforme des données en article, de telle sorte que le résultat soit indiscernable d'un article écrit par un journaliste", résume la société sur son site Internet.

Certes, l'activité de Narrative Science n'est pas tout à fait nouvelle : la start-up, née en 2010, commencé ses activités sous le nom Stat Monkeys, avec un robot qui reprend les scores de matchs sportifs pour en faire des dépêches, de manière très élaborée, comme le décrivait alors Le Monde:

Pour déclencher Stats Monkey, il suffit qu'un humain lui indique quel match il doit couvrir. Une fois lancé, il travaille automatiquement de A à Z. Il commence par télécharger les tableaux chiffrés publiés par les sites Web des ligues de base-ball, et collecte les données brutes : score minute par minute, actions individuelles, stratégies collectives, incidents... Puis il classe cette masse d'informations et reconstruit le déroulé du match en langage informatique. Ensuite, il va puiser son vocabulaire dans une base de données contenant une liste de phrases, d'expressions toutes faites, de figures de style et de mots-clés revenant fréquemment dans la presse sportive. Il va alors rédiger un article.

Les choses ont évolué depuis. D'après le New York Times, Narrative Science compterait une vingtaine de clients, mais dont peu osent encore révéler leur identité, exceptée, par exemple, la chaîne de télévision sportive américaine The Big Ten Network, qui y recourt pour couvrir davantage de compétitions locales.Elle compte aussi une grand société de fast food, pour "réadapter" en rapports mensuels les résultats des franchises.

Et ce n'est pas fini: d'après cette passionnante enquête de Wired, la start-up, qui compte une trentaine de salariés, a son appli iPhone, GameChanger, qui convertit automatiquement sur l'iPhone du client les résultats d'un jeu sportif en article. Mieux, Narrative Science permet à ses clients de personnaliser le ton, l'angle de leurs articles. Brrr...

Journalisme Web

Rien de bien surprenant que ce soit l'univers du Web et des media sociaux qui se soient intéressés le plus près, la semaine dernière, à cette initiative de Forbes. Car après tout, le journalisme Web est le premier concerné par cette mutation potentielle. Dans les rédactions Web, on apprend déjà (Google dispense des formations en la matière..) comment écrire des articles adaptés au référencement par les moteurs de recherche (et une bonne audience) : placement des mots-clés en tête d'article, utilisation d'outils tels que Insights for search pour voir quels mots-clés ressortent le plus dans les moteurs de recherches par périodes, de Keyworld Tool pour mesurer l'impact potentiel d'une thématique...

Dans la foulée, un peu comme les data journalistes, de nouveaux métiers émergent, les "meta writers", des "journalistes confirmés qui ont conçu un ensemble de templates, et travaillent avec des ingénieurs pour identifier des "angles" variés à partir des data", d'après Wired.

Assurément, l'utilisation au grand jour de Narrative Science par Forbes vaut caution. Et ouvre une brèche. On imagine les perspectives vertigineuses... Déjà, parce que Narrative Science entend s'intéresser à d'autres secteurs, qui reposent sur de solides bases statistiques: le sport, mais aussi la finance, l'immobilier... Ensuite, cet algorithme est d'une efficacité diabolique: il lui faut moins de deux minutes pour produire - j'écris bien produire - un article. Sans compter bien sûr, le coût modique (10 $ les 500 mots dans les chiffres cités). Bref, les robots travaillent beaucoup plus vite, moins cher... et sans revendications, forcément.

D'autres start-ups proposent des services similaires: MarketBrief convertit automatiquement des données boursières en articles, Stat Sheets, rebaptisée Automated Insights, est aussi spécialisée dans le sport. En France, la société Opta , spécialiste des statistiques sportives, a conçu pour RTL un "générateur" de flux automatiques de commentaires pour suivre les matchs de Ligue 1, comme le dévoilait Stratégies en début d'année dans cet article, sous la plume de ma collègue Delphine Soulas.

Tout cela au détriment, évidemment, de certaines bases journalistiques: vérification et recoupement de l'information, caractère exclusif de celle-ci, mise en scène attractive du sujet...

Bien sûr, on joue en quelque sorte à se faire peur. Ce sera un peu compliqué pour ces algorithmes de générer des interviews, mais Frankel prétend déjà que Narrative Science peut produire 20% du contenu des journaux, alors que "de plus en plus de data sont disponibles. S'il y a des data, on peut raconter une histoire", affirmait-il à Wired. Il compte d'ailleurs sur les communautés de fans - geeks pour enrichir ces bases de statistiques. Et pourquoi pas décrocher un jour le Pulitzer, provoque-t-il.

Mais peut-être que cela ouvre d'autant plus la voie à une scission entre un journalisme à deux voies, entre d'une part une offre abondante et gratuite d'articles très factuels, et d'autre part une offre premium, voire luxueuse, de reportages et d'enquêtes fouillés, très écrits, dans la lignée du journalisme à l'état sauvage que revendiquent les héritiers de Hunter S. Thompson.

dimanche 20 mai 2012

Qui sera le photographe "officiel" du couple Hollande-Trierweiler ?

20072305Montagepresidents.jpg

Quel photographe sera retenu par l'Elysée comme photographe officiel ? Pour tout Président de la République, le choix du photographe officiel est éminemment politique. Il réalisera la fameuse photo officielle du Président placardée dans les lieux publics et politiques.

Parmi les favoris, on entend les noms de Raymond Depardon, connu pour son travail humaniste, et récemment exposé au siège de campagne du PS, à l'initiative de Valérie Trierweiler, d'après Europe1, Marc Chaumeil, auteur d'un recueil de clichés, François Hollande, Président élu, ou encore le photographe Stéphane Ruet, qui a été retenu comme conseiller «image» couple Hollande-Trierweiler, à en croire Renaud Revel.

Il rejoindrait ainsi le staff de "communicants" qui entourent le nouveau Président, entre Christian Gravel, qui s’est occupé de la communication pendant la campagne aux côtés de Manuel Valls (dont il était directeur de cabinet), qui reste chargé de relations presse à l'Elysée, Patrick Biancone, ex-éditorialiste et journaliste politique à RFI, qui accompagnera plus particulièrement Valérie Trierweiler à l’Elysée, ou encore David Kessler, jusque là DG des Inrockuptibles et du Huffington Post, qui intègre le cabinet de François Hollande en tant que conseiller à la culture et à la communication.

Précisément, Stéphane Ruet, publiera le 21 juin prochain François Hollande, Président, là encore un beau livre, alors qu'il a suivi de manière presque exclusive le candidat pendant 400 jours, de sa déclaration à l’investiture le 31 mars 2011 jusqu’au soir du second tour de l’élection présidentielle. Comme le révélait Livres Hebdo, François Hollande en signera la préface, tandis que tous les clichés seront commentés par Valérie Trierweiler - sous son étiquette de journaliste politique.

L'ex-photojournaliste de l'agence Sygma, devenu indépendant en 2001, qui a travaillé un temps pour la société de production Story Box ("Dimanche +"), avait déjà eu l'occasion de travailler de manière privilégiée avec un candidat socialiste: en 2002, il a couvert de près la campagne de Lionel Jospin, pour publier un livre, Les 60 jours de Jospin (éd. de La Martinière), rappelle Polka Magazine,

Une manière aussi d'imprimer sa personnalité, et de donner le ton de sa communication: en 2007, Nicolas Sarkozy retenait pour sa photo officielle Philippe Warrin, photographe people de Sipa, alors que son prédécesseur Jacques Chirac avait retenu Bettina Rheims, On avait d'ailleurs droit à un petit choc visuel: certes, Nicolas Sarkozy reprenait la tradition - rompue par Jacques Chirac - de poser dans la bibliothèque, mais avec un filtre légèrement jaune à l'image, et en délaissant la queue de pie, le grand cordon (et la raideur...) de De Gaulle et Pompidou.

Dans son sillage, Carla Bruni choisissait elle aussi son propre photographe officiel, Claude Gassian, connu pour ses clichés rock, des Rolling Stones à Miossec), qui expose justement, depuis quelques jours, à la Galerie A. D'ailleurs, on se demande si Valérie Trierweiler choisira son photographe attitré, formalisant du même coup sa "fonction" de Première Dame.

L'autre question sera de voir quels photojournalistes suivront de manière privilégiée François Hollande, alors qu'il est classique chez les dirigeants politiques d'être "suivis" par d'un nombre très réduit de photographes en lesquels ils ont confiance, telle Elodie Grégoire, qui a suivi de nombreuses années Nicolas Sarkozy.

Hollande.jpg

Mise à jour lundi 4 juin: et voilà, cela avait été officialisé mardi dernier, c'est finalement Raymond Depardon qui a réalisé la photo officielle mardi dernier, dans les jardins de l'Elysée... Un cliché qui se veut "normal", forcément. Photo repérée ce lundi via @jeromegodefroy.

vendredi 11 mai 2012

Le téléphone sert-il (encore) à téléphoner ?

phone.jpg

Est-ce que le téléphone portable sert encore (beaucoup) à téléphoner ? Les Free Mobile, Sosh et autres B&You ont consacré une tendance déjà émergente chez certains opérateurs (notamment les MVNO), avec des forfaits dits "tout illimité" (ou presque - le sujet a déjà largement fait polémique il y a quelques mois, voir par exemple par ici). Et à prix réduits: avec à la clé SMS, MMS illimités, navigation sur Internet mobile à haute dose (au pire limitée à 500 méga-octets ou 1 giga-octet). Et un forfait "voix" (pour des appels téléphoniques) réduit à 1 à 4 heures.

Des forfaits sur mesure pour les ados et les jeunes adultes, addicts à l'envoi en masse de SMS, au "chat mobile", mais beaucoup moins aux longues conversations sur leur portable. Dans la lignée du Millenium, le premier forfait apparu il y a 12 ans, déjà destiné aux ados addicts à leur portable.

Parce qu'après tout, le (jeune) utilisateur de portable a-t-il vraiment besoin de téléphoner beaucoup. Prenez Adam (notre stagiaire maison à Stratégies), 20 ans, doté d'un iPhone depuis 3 ans... Certes, il téléphone souvent, mais envoie en moyenne "10 à 50 SMS par jour". Car aussi paradoxal que cela puisse paraître, les Français sont peu nombreux à téléphoner beaucoup depuis leur téléphone portable - cela reste un usage réservé au téléphone fixe. Un sondage commandé récemment par l'opérateur indépendant Prixel à Ipsos révélait que 40% du panel téléphonait moins d'une heure par mois, 37% de 1 à 3 heures par mois, seuls 10,3% dépassant les 3 heures par mois.

De plus en plus, le téléphone sert à envoyer des SMS, et surfer sur Internet et les réseaux sociaux - surtout chez les jeunes donc, soit les générations de demain. Ce qui s'accentue certes avec la généralisation des smartphones - "couteaux suisses" dotés d'une multitude de fonctions. Car si 70% des sondés par Prixel ont un accès à l'Internet mobile, les 16-24 ans sont les plus connectés: 57% d'entre eux surfent tous les jours. Et notre "jeune" post-ado envoie beaaaucoup de SMS: plus de 500 par mois pour 67%, tandis que 64% du panel en envoie moins de 100.

contact-cary-grant.jpg

Donc, le téléphone sert-il encore à téléphoner ? L’essayiste Tom Vanderbilt, relayé par ce papier de Xavier de la Porte, développe aussi cette idée dans The Wilson Quaterly: serait-ce "la fin du téléphone, en tant que transmission d’informations par la voix" ? Il relève que le temps de la communication vocale est en forte baisse, la conversation est remplacé par le coup de fil très minimaliste : 1 minute et 47 secondes en 2010 pour un coup de fil, contre 3 minutes en moyenne en 2003.

Pourtant, les prémices du marketing télécoms étaient bien parvenus à rendre le téléphone indispensable, à se débuts, comme le rappelle Vanderbilt, cité par Xavier de la Porte:

Il a fait son entrée sur la scène de l’Histoire en 1876, sans répondre en rien à un désir clair des masses. Il était pourtant porteur d’un changement radical : pour la première fois, les gens pouvaient se parler à distance. Certes, mais pour quoi faire ? Et l’auteur de rappeler à quel point les hommes d’affaires, pourtant les plus prompts à utiliser le courrier et les télégrammes pour transmettre des informations importantes, étaient sceptiques quant à l’apport de cette nouvelle technologie. Ils n’y voyaient au mieux qu’une version parlante du télégramme. C’est ensuite la société Bell qui a réussi à créer le besoin de téléphone grâce à un gros travail marketing. D’abord dans les entreprises, puis dans les foyers, pour les conversations intimes, dans le but de garder contact avec ses proches.

Pour Vanderbilt, cela est lié par essence au modèle économique des forfaits, dans lesquels envoyer des textos est moins cher que de téléphoner. Mais aussi des "raisons de convenance", où il semble moins intrusif d'envoyer un SMS que d'appeler son interlocuteur.

Mais même la conversation téléphonique, autant norme sociale qu'outil d'échange à distance, certes une des premières formes d’échanges virtuel, mais qui laisse une trace, s'ancre dans la mémoire, pourrait s'effacer, au profit des chats et autres visioconférences, qu'Apple par exemple tente d'installer avec son outil FaceTime.

jeudi 10 mai 2012

Iggy Pop sur Vente Privée

IggyPop_VPrivee.jpg

Iggy Pop qui nous invite d'une voix posée à découvrir son nouvel album, Après, composé de reprises de classiques français et anglo-saxons, "en exclusivité et en avant-première" sur Vente-Privée.com à partir du mercredi 9 mai 19 heures, avec sa voix qui susurre en bruit de fond "La vie en rose" avec un délicieux accent... J'ai failli en tomber de ma chaise en voyant cela : Iggy Pop, l'icône punk, réduit à promouvoir son dernier album - un événement musical en soi - sur le site leader des ventes privées en ligne ! On retrouve ainsi son dernier album dans la longue timeline des ventes privées, entre des ventes Techwook, Oxbow, Sebago et des vins de Bourgogne ! Il est d'ailleurs proposé à prix cassé, pour 7 euros. Tout se perd, tristesse...

IggyPop.JPG

D'ailleurs, le site de ventes événementielles en a profité pour s'offrir une promo d'enfer, en rebondissant sur cette exclu musicale pour en faire un outil de recrutement de nouveaux abonnés dès sa page d'accueil.

Alors oui, on savait que l'Iguane, cheveux longs et torse musclé, a un rapport désormais assez décomplexé avec l'univers de la publicité. Comme je le raconte dans cette enquête pour Stratégies, il s'est commis récemment dans des publicités pour le dernier parfum de Paco Rabanne, les Galeries Lafayette, ou encore il y a quelques années pour l'assureur britannique Swiftcover.com ou pour SFR. Sans pour autant abîmer son image. Le coup de trop ?

C'est peut-être surtout révélateur des nouveaux circuits de promotion et de distribution musicale qui émergent. Certes, il y a eu Patricia Kaas qui a utilisé à plusieurs reprises Vente Privée comme canal exclusif de vente, comme j'en parlais dans ce billet - mais sa notoriété est loin d'être la même que celle de l'Iguane.

Depuis hier, Iggy Pop, en pleine promo, a exprimé son ressentiment envers les maisons de disques, se disant "humilié" par celles-ci. D'après l'AFP, "Iggy Pop a expliqué s'être d'abord tourné, comme il y était obligé par contrat, vers son ancienne maison de disques, la major EMI, pour la distribution du disque. "Mais, ils n'en ont pas voulu. Ils pensaient qu'ils ne feraient pas d'argent avec, que mes fans ne l'aimeraient pas. Une attitude très sensée, venant de personnes très sensées, des personnes différentes de ce que, moi, je suis", a-t-il expliqué".

Résultat, il a choisi le canal de distribution Internet pour son nouvel album, qu'il a autoproduit, dont il a donc confié la distribution à Vente-Privée.com et à Believe Recordings. Il est ainsi disponible en CD sur Vente-Privée.com, et en version numérique sur les plateformes de téléchargement, où il est distribué par Believe Recordings. Une vente en magasins est prévue ultérieurement.

Au passage, on apprend par 'AFP que Vente-privée.com souhaite distribuer davantage d'artistes et se lancer dans la production de spectacles, éventuellement "en possédant des salles", a confié son fondateur Jacques-Antoine Granjon. Le site lance ce jeudi une application pour téléphone mobile qui permettra de réserver des billets de concerts à la dernière minute à prix cassés.Sans commentaires.

- page 8 de 39 -